Le poids des mots, le choc des photos, c’est vrai aussi pour la musique ?

Pour le poids des mots, voyez la publicité de l’Iphigénie en Tauride, version Minkowski : « Tempête baroque ». Va pour la tempête – qui ponctue l’ouverture – mais pourquoi « baroque » ? A cause de Minkowski ? on ne va tout de même pas qualifier de baroque toute oeuvre enregistrée par notre cher baroqueur ! A cause d’Iphigénie ? Baroque, cet opéra représenté en 1779, écrit par le »premier et dernier représentant du classicisme antique » ? Si l’Iphigénie est baroque, où s’arrête donc le baroque ? C’est une question à laquelle il devient de plus en plus difficile de répondre. Comme Philippe Beaussant le rappelait dans « Vous avez dit baroque ? », « La première utilisation musicale du mot baroque a été faite à propos d’une oeuvre de Rameau, c’est à dire du parfait modèle de ce que d’autres appelaient « classique ». C’était en …1740. Certains – les Allemands, notamment – arrêtent, par principe, le baroque à 1750. D’autres à 1764, la mort de Rameau. Grâce à Archiv Producktion, on a gagné 15 ans ! Encore un petit effort, et le XIXe siècle va lui aussi devenir baroque.

Pour le choc des photos, voyez les nouvelles jaquettes de Naïve. On a commencé par des photos de betteraves pour vendre des sonates en trio de Jean-Sébastien Bach, ça a continué avec celle d’un homme marchant sur une plage déserte pour vendre Il Sogno di Scipione. On en est actuellement aux papillons exotiques pour vendre les quatuors de Mozart. Pourquoi pas ! A partir du moment où c’est n’importe quoi, pourquoi pas des papillons ? Curieusement, aucune revue musicale ne s’est penchée sur cette tentative – heureusement restée isolée – d’adapter au disque le style « moderne décalé ». Dommage, on aimerait bien une interview du directeur « artistique » de Naïve. Il est sûrement très content de lui, il a bien raison si ça fait vendre ! En attendant, on a le droit de préférer les jaquettes de Glossa ou de CPO.

Jean-Claude Brenac – Juin 2001