Il est né le 14 février 1602, il y a exactement 400 ans.
On sait peu de chose de sa vie, si ce n’est qu’il a régné presque sans partage sur l’opéra vénitien, de 1641 à 1662, date à laquelle, revenant de France après un séjour sans gloire, il décide de renoncer au théâtre.
A peine le grand Claudio Monteverdi, épuisé d’avoir donné le meilleur de lui même en composant l’Incoronazione di Poppea, tire-t-il sa révérence, que paraît un nouvel astre au firmament des théâtres vénitiens.
Déployant une énergie infatigable, laissant courir une inspiration mélodique jamais en défaut, se préoccupant peu de la pertinence des livrets, il compose au moins un opéra par an, mais parfois deux, voire trois la même année.
Egréner les titres des opéras de Cavalli – car c’est de lui, bien sûr, qu’il s’agit – c’est comme écrire un livret baroque. On passe sans transition de la joie aux larmes. Joie de disposer d’enregistrements impérissables, la Calisto évidemment, l’opéra de tous les érotismes, la Didone, Giasone, Xerxes, Ercole amante. Larmes à voir disparaître certains enregistrements du catalogue, ainsi L’Ormindo. Lamentations de constater que des occasions ont été perdues de garder le souvenir de redécouvertes telles que la recréation récente d’I Strali d’amore au festival de Beaune, ou de la Didone, au Théâtre de Lausanne et à l’Opéra de Montpellier.
Cavalli est déjà sorti trois fois du purgatoire.
Une première fois en 1931. Pourquoi cette date ? Parce qu’elle est celle de la parution d’un ouvrage d’Henry Prunières, « Cavalli et l’opéra vénitien ». Une occasion de rendre hommage à ce musicologue, également auteur d’ouvrages sur Monteverdi et Lully.
Une seconde fois dans les années 1970, grâce à Raymond Leppard. C’est lui, ne l’oublions pas, qui a fait connaître Cavalli, en montant La Calisto au Festival de Glyndebourne en 1970, L’Egisto en 1973 – qui passe actuellement sur Muzzik ; à vos magnétoscopes ! – , L’Ormindo, Orione… Tout cela ne suscite aujourd’hui que les sarcasmes des baroqueux : honteux tripatouillages du livret, violons sirupeux à en coller aux doigts…
Une troisième fois, dans les années 1980/90, grâce cette fois à René Jacobs. C’est d’abord Xerse en 1985, Giasone en 1988, et La Calisto en 1993. Se souvient-on que la création de la Calisto au Théâtre de la Monnaie, sur une lumineuse mise en scène de Herbert Wernicke, fut une véritable évènement , un coup de tonnere dans le monde baroque, comme l’avait été la création d’Atys en 1987 par William Christie et Jean-Marie Villégier ?
Qui sera le promoteur d’une nouvelle redécouverte ? Faudra-t-il attendre qu’une Cecilia Bartoli nous offre un « Airs de Cavalli », comme il y eut les « Airs de Vivaldi », puis les « Airs de Glück ». On a beau scruter le programme des réjouissances de 2002, moins de Verdi, c’est sûr (ouf !), mais, à part une reprise de La Didone à Montpellier et d’I Strali d’amore à Metz, pas de Cavalli à l’horizon. Rien qui redonne à ce prince de l’opéra vénitien la place qui lui revient. Mais le pire n’est jamais certain, n’est-ce pas, cher Prêtre roux, revenu tout à coup sur le devant de la scène ?
Bon anniversaire, monsieur Cavalli, que 2002 vous soit propice !
Jean-Claude Brenac – Février 2002