Non, il ne faut pas oublier madame Cavalli !

Le 7 janvier 1630, Francesco Cavalli se marie. Il a vingt-huit ans quand il joint sa destinée à celle de Maria Sosomeno, une veuve plus âgée que lui de plusieurs années.

De même que Cavalli n’était pas le nom de naissance de Francesco, Sosomeno n’était pas celui de son épouse. Elle était en effet la fille de Giulia del Canal et de Domenico Loredani. Ce dernier mourut alors que Maria était encore jeune. Giulia del Canal se désintéressa-t-elle de sa fille ? On serait porté à le croire car, si elle se remaria deux fois, l’éducation de sa fille se retrouva confiée à son oncle, Claudio Sosomeno, évêque de Pula. C’était une chance pour la jeune fille, car ce dernier sut se montrer généreux en fournissant la dot de son premier mariage, en 1617, avec un certain Alvise Schiavina. Et plus encore en lui léguant tous ses biens avant de mourir en 1622. On comprend qu’elle ait pris le nom de son généreux parent qui l’avait aimée come figlia.

L’arrivée de Maria Sosomeno dans la vie de Francesco Cavalli fut source de bienfaits pour le futur compositeur. La sécurité financière était peut-être le plus urgent, car le jeune homme, qui n’était encore que ténor à la Cappella San Marco, avait, plusieur années auparavant, accumulé des dettes de jeu dont on pense qu’elles avaient été épongées par son protecteur Federico Cavalli. Maria Sosomeno était ce qu’on peut appeler une veuve riche. À l’héritage venu de Claudio Sosomeno était en effet venu s’ajouter celui laissé par son premier mari, mort en juin 1629, qui avait acheté, quelues années auparavant, un grand domaine à Gambarare, à proximité de Venise, sur la route de Padoue. Sa fortune devait encore s’accroître à la mort de sa mère, en 1644, d’une propriété à Venise.

En contrepartie de la sécurité financière que lui apportait son mariage, Cavalli semble s’être investi dans la gestion de la fortune de son épouse. On a pu parler de passion pour la façon dont il s’occupa du domaine de Gambarare, qu’il contribua à agrandir de façon importante par l’acquisition de nouvelles terres dans les années 1665/66, puis de 1671 à 1675.

C’est dans un autre registre, sentimental et familial, que le mariage se révèlera source de richesse. Francesco Cavalli et Maria Sosomeno semblent avoir constitué un couple uni et heureux. Et Cavalli s’attacha à prendre soin de la famille de son épouse, et notamment de ses deux enfants, l’un, Pietro, devenu moine en 1637, l’autre, Claudia, mariée en 1643.

Mais Maria Sosomeno devait aussi apporter à son époux une assistance inattendue dans le domaine musical. On a ainsi pu en effet reconnaître sa main dans une partie de la partition de La Calisto, appartenant au legs de la famille Contarini, aujourd’hui détenu à la Biblioteca Marciana de Venise. Elle se chargea notamment des parties chantées et de la basse continue.

La Calisto - manuscrit - début de l'acte II
1644 ouvre une période sombre pour Maria Sosomeno. Elle perd d’abord sa mère, en octobre, puis, dans les deux années qui suivent, sa fille Claudia, qui venait de se marier, et la fille de cette dernière, Bianca. Affectée, ou peut-être malade, elle rédige un testament en juillet 1647, qu’elle renouvellera en mars 1651, faisant de son carissimo consorte l’assoluto patrone de toutes ses possessions. Mario Sosomeno meurt peu après, en septembre 1652.

Francesco Cavalli n’a alors que cinquante ans. Il va lui survivre quatorze années. A sa mort, en janvier 1676, le caveau construit par Claudio Sosomeno, l’évêque de Pula, réunit à nouveau les deux époux.

Jean-Claude Brenac – décembre 2010

(d’après Cavalli – Jane Glover)