Quand Farinelli inspirait Eugène Scribe

Nous sommes à Grenade, et nous faisons connaissance de deux soeurs : Juanita, comtesse de Popoli, riche, belle, mais veuve et malade de la poitrine. Et Isabelle, sa cadette, fiancée à Fernand, jeune et joli cavalier, fils du duc de Carvajal, puissant noble de la province.

Ce dernier a donné son accord à condition que Juanita ne se remarie pas, et qu’à sa mort tous ses biens reviendraient à sa soeur. Isabelle et Fernand ont refusé de se marier à ces conditions. Mais Juanita les rassure : ces conditions ne lui coûtent guère. En effet, elle a juré de ne pas se remarier. Quant à ses biens, elle n’est pas certaine de pouvoir en disposer.

Juanita se lance alors dans un long récit, et raconte comment elle et sa soeur sont nées dans le royaume de Naples, alors province espagnole. Orphelines, elles sont recueillies par un grand-oncle, le duc d’Arcos qui ne leur laisse guère de liberté. Juanita a toutefois un professeur de musique, Gherardo Broschi, père d’un petit Carlo. Un jour Gherardo part pour la Russie, et Juanita obtient du duc de garder Carlo, qui devient son page et son protégé. Elle a aussi comme précepteur un jeune secrétaire, Theobaldo Cecchi, qui use ses forces à s’instruire en histoire et en théologie.

Tout trois se lient d’une indéfectible amitié qui se renforce dans les épreuves. Ainsi lorsqu’à l’âge de quinze ans, Juanita commence à être convoitée par les jeunes nobles de la province, et notamment par Odoard, chasseur vantard et violent, et que Carlo est blessé en la défendant contre ses avances. Puis quand Juanita tombe malade de la petite vérole, et que, seuls, Carlo et Theobaldo restent auprès d’elle à la soigner. Et qu’à son tour Theobaldo tombe malade, et que Carlo, encore lui, l’entoure de soins qui permettent sa guérison.

Puis l’amitié entre Juanita et Carlo semble laisser la place à des sentiments plus tendres. C’est alors que Theobaldo, marqué par sa maladie, annonce sa décision de se faire religieux. Carlo prend alors sa place comme secrétaire du duc.

Un jour, ce dernier annonce à Juanita qu’il a décidé de la marier au fils d’un riche voisin, le comte de Popoli. Désespérée, Juanita découvre qu’il n’est autre qu’Odoard. Carlo tente d’empêcher le mariage en provoquant Odoard. Il est chassé par le duc. Le soir précédant le mariage, Theobaldo annonce à Juanita que Carlo veut se tuer par amour pour elle, et lui propose de les marier secrètement. Rendez-vous est pris pour minuit. Hélas Carlo n’est pas au rendez-vous. On l’a vu discuter avec un étranger, et le secret de sa disparition reste entier car il ne reparaît plus.

Il ne reste plus à Juanita qu’à épouser Odoard, et devenir comtesse de Popoli. Trois ans passent, pendant lesquelles le duc d’Arcos meurt, laissant sa fortune à Juanita. Bientôt, le comte de Popoli, s’estimant injustement traité, complote avec des gentilshommes des environs. Un jour, Theobaldo est prévenu par un étranger – qu’il croit être Carlo – que Juanita et lui doivent fuir au plus vite. Ils n’en font rien, et sont arrêtés le soir même, ainsi que le comte de Popoli, au nom du roi, pour trahison au profit des Impériaux. Alors qu’ils allaient être condamnés, leur libération miraculeuse survient sous la forme d’un ordre du roi Ferdinand cédant à une promesse faite à Carlo Broschi. Le comte et la comtesse sont libres, mais dépossédés de leurs biens et bannis à vie du royaume de Naples. Ils s’exilent en Angleterre, où une somme d’argent leur parvient de façon inattendue, leur permettant de s’installer.

Le comte de Popoli souhaiterait s’engager au service de l’Angleterre, mais sa demande est refusée. Juanita tente une démarche auprès de la reine, et a la suprise de rencontrer au palais Carlo en compagnie de Georges II. Carlo vient lui-même annoncer à Juanita et au comte de Popoli qu’un emploi est accordé à ce dernier dans l’armée anglaise. Carlo devient le familier de la maison, mais Carlo refuse de révéler le secret qui l’a fait manquer le rendez-vous.

Un jour, Juanita reçoit un vieil homme qui lui parle de Carlo. Mais ce dernier survient et chasse avec violence celui qu’il avoue n’être autre que son père, et celui-là même que Carlo rencontra avant son départ inexpliqué.

C’est alors que survient Theobaldo, devenu évêque de Nola. Il vient chercher Carlo : le roi est au plus mal et le réclame. Carlo est tiraillé entre son amour pour Juanita et son sens du devoir. Juanita qui a entendu leur conversation, avoue à Carlo qu’elle l’aime. Aussi est-ce dans une attitude équivoque que les surprend la comte de Popoli. Un duel s’ensuit, au terme duquel le comte est tué par Carlo. Mais avant de mourir le comte innocente Carlo.

Theobaldo et Carlo partis, Juanita reste seule, et tombe malade. Un jour, elle reçoit une lettre de Carlo l’invitant à revenir en Italie. Un décret royal l’a rétablie dans ses droits. Elle quqitte l’Angleterre, et vient s’installer à Sorrente, où elle retrouve Carlo. Ils attendent la fin de la période de deuil pour se marier. Mais un jour, Carlo disparaît à nouveau, sans en préciser la raison.

Juanita décide d’aller à la cour d’Espagne, à Séville. A Carthagène, elle aperçoit une procession emmenée par le cardinal Bibbiena : ce n’est autre que Theobaldo. Puis à Séville, elle aperçoit avec stupeur Carlo en proche compagnie de la reine. Juanita revient en Italie, malheureuse. Mais Carlo revient. Il proteste de son amour, arguant qu’il a préféré revenir auprès d’elle que répondre à la demande de la reine. Theobaldo les rejoint. Juanita lui demande de les marier, mais il refuse, Carlo ayant tué le comte de Popoli.

Carlo devient de plus en plus exalté. Un jour, son père arrive pour le voir. Malade, Carlo manque de le tuer. Le lendemain, il a disparu, laissant un testament dans lequel il lègue sa fortune à Juanita. Celle-ci le croit mort.

Le récit de Juanita prend fin. On comprend ainsi pourquoi elle a consenti à s’engager à ne pas se marier, rendant ainsi possible le mariage d’Isabelle et Fernand. Mais Juanita tombe malade, et le mariage est repoussé.

Un jour, Gherardo, le père de Carlo, réapparaît. Il finit par révéler un secret : Carlo n’est pas mort. Il a appris la maladie de Juanita et souhaite la revoir. Carlo effectivement, est là. Theobaldo les marie. Juanita meurt peu après.

A la mort de sa soeur, Isabelle, tombée subitement amoureuse de Carlo, décide de rentrer au couvent. Fernand est d’autant plus désespéré que son père s’oppose maintenant à son mariage, les conditions exigées n’étant pas remplies. Fernand recherche un appui auprès de Theobaldo qui lui promet son aide. Isabelle est conduite à Madrid, où le duc de Carvajal reçoit à son tour l’ordre de se rendre.

Vient une longue scène se situant dans une taverne madrilène où le duc de Carvajal est venu dîner. Des nobles se plaignent de la faveur royale dont jouit le chanteur italien Farinelli, décoré de l’ordre de Calatrava, et ayant ses entrées auprès du roi. Un autre Italien prend sa défense, en la personne de Caffarelli, qui raconte comment le père de Farinelli avait cru faire son bonheur en le faisant castrer, mais que Farinelli, en apprenant, seulement à dix-huit ans, qu’il possédait une voix exceptionnelle, avait failli tuer son père. Puis il avait quitté Naples pour chanter, et avait séduit toutes les cours d’Europe. Puis c’est au tour d’un homme, barbier du roi d’Espagne, de raconter comment le roi était atteint d’une mélancolie inguérissable, qui le faisait rester renfermé dans sa chambre, refusant de se laver et de changer de linge. Un jour, il avait entendu la voix de Farinelli et était tombé à genoux, pleurant, et demandant à ce dernier. A la demande de Farinelli, le roi avait accepté de se laisser raser et de changer de vêtements. Farinelli était un homme sage et modeste, et sa faveur n’avait fait que croître. Le duc de Carvajal demande à Caffarelli de lui ménager un entretien avec Farinelli, et peu après, il est invité, avec son fils, à le rencontrer dans le cabinet particulier de la reine. Là, ils rencontrent Isabelle, puis la reine, accompagnée du cardinal Bibbiena. La reine annonce au duc de Carvajal qu’à l’occasion du mariage d’Isabelle et de Fernand, on lui restitue ses titres et le gouvernement de Grenade. Puis Farinelli arrive, et on découvre qu’il n’est autre que Carlo Broschi. Le mariage d’Isabelle et Fernand est célébré le lendemain à la cathédrale de Madrid. La bénédiction leur est donnée par le cardinal Bibbiena, et on entend descendre du ciel la voix de Farinelli. La cadinal Bibbiena le réconforte et avoue à son ami : lui aussi a aimé Juanita. Mais l’amitié et la religion lui ont donné la force de conserver son secret.

Jean-Claude Brenac – Décembre 2007

d’après « Carlo Broschi » – Eugène Scribe – 1840