Merci, Monsieur Philidor !

Il semble que dès les premières années de son règne, soit le début des années 1660, Louis XIV ait confié à François Fossard, membre des Petits-Violons et musicien de la Chapelle, le soin de rassembler les musiques des ballets exécutés à la Cour depuis le règne de Henri III. Vers la même époque, en 1666, la Bibliothèque royale, dont l’origine remonte à Charles V, s’installe rue Vivienne.

Au début des années 1680, Fossard se voit adjoindre un associé, en la personne d’André Danican Philidor, dit Philidor l’Aîné (1), musicien de la Grande Écurie. Tous deux ont le titre de gardiens de la bibliothèque de Sa Majesté. Ils fondent un atelier de copistes qui rassemblent de quoi nourrir plusieurs dizaines de volumes. Au total, la bibliothèque musicale de Louis XIV réunissait plus de mille volumes à la fin du XVIIe siècle.

Le plus ancien manuscrit – un recueil de ballets – conservé date de 1681. Vers 1690, sont constitués les premiers volumes des anciens ballets exécutés pendant la jeunesse de Louis XIV, et les ballets et comédies-ballets de Lully.

Fossard meurt en 1702, et Philidor s’arroge la garde de la bibliothèque royale. Il va jusqu’à apposer, sur l’ensemble des volumes de la bibliothèque royale, un « ex libris » visant notamment à faire disparaître la mémoire de son prédécesseur. Il travaille également pour des collectionneurs privés, notamment le comte de Toulouse, dernier enfant de Louis XIV et de la marquise de Montespan, né en 1678.

Tout au long du XVIIIe siècle, la Bibliothèque de Musique du roi à Versailles s’enrichit de nombreux manuscrits.

Pendant la Révolution, le Bibliothèque royale est partagée entre Versailles et Paris. Plusieurs dizaines de volumes sont transportés à Paris pour doter la bibliothèque du Conservatoire de Paris, créé par la Convention en août 1795. Soixante volumes furent ainsi répertoriés sous le nom de « collection Philidor » par le bibliothécaire, l’abbé Roze (2). Mais grâce à Jean-Louis Bêche, ancien page à la Chapelle royale, qui créée en 1796 une École de musique à Versailles, une partie importante de la Bibliothèque royale, enrichie de celle de Maison de Saint-Louis à Saint-Cyr, et de celles confisqués au émigrés ou condamnés, reste à Versailles. Cette collection passe ensuite au département musique de la Bibliothèque nationale. Elle rassemble les ballets joués à la cour, de François Ier à la jeunesse de Louis XIV, les premiers ballets de Jean-Baptiste Lully ainsi que ses comédies-ballets composées en collaboration avec Molière. On trouve aussi des ballets, mascarades, concerts, simphonies d’autres compositeurs, notamment, Michel-Richard de Lalande et… Philidor lui-même. Les volumes ajoutés à la collection initiale comprennent la musique religieuse et les tragédies lyriques de Lully et des compositeurs de la cour ou proches de la cour : Marin Marais, Marc-Antoine Charpentier, et de la musique vocale de compositeurs italiens comme Giacomo Carissimi.

De même la BNF acquiert en 1978 la collection du comte de Toulouse, forte de quatre-vingt partitions. La Collection Toulouse-Philidor réunit des ballets et des tragédies lyriques de Lully, André Campra, Henri Desmarest, André Cardinal Destouches, ainsi que la musique religieuse composée pour la Chapelle du roi : motets de Lalande, Campra, etc.

La Collection Philidor est numérisée et versée dans Gallica (2002-2004).

Quant à la collection restée à Versailles, soit 55 volumes, elle rejoint la Bibliothèque municipale de Versailles, entre 1815 et 1830. Elle comprend à la fois de la musique théâtrale et de la musique religieuse, avec par exemple les tragédies en musique de Lully et les grands motets de Lalande. Elle est ausssi numérisée et mise en ligne sur Internet de 2003 à 2005.

(1) Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver dans la famille Philidor :

Le premier connu est Jean, joueur de cromorne à la Grande Écurie. Il eut plusieurs fils : André dit l’Aîné (vers 1652 – 1730), Jacques, dit le Cadet (1657 – 1708), Alexandre, tous membres de la Grande Écurie.

André dit l’Aîné eut également plusieurs fils : Anne (1681 – 1728), qui créa le Concert spirituel en 1725, François, attaché à la Chambre et à la Grande Écurie, et François-André (1726 – 1795), connu comme joueur d’échecs avant de composer des opéras-comiques.

(2) Nicolas Roze, né à Bourgneuf en 1745 et mort à Saint-Mandé en 1819, compositeur de musique religieuse, bibliothécaire du Conservatoire de 1807 à sa mort.

Jean-Claude Brenac – août 2008