IL RITORNO D’ULISSE |
COMPOSITEUR |
Claudio MONTEVERDI |
LIBRETTISTE |
Giacomo Badoaro |
ORCHESTRE | The London Philarmonic Orchester |
CHOEUR | The Glyndebourne Chorus |
DIRECTION | Raymond Leppard |
MISE EN SCÈNE | Peter Hall |
COSTUMES | John Bury |
DÉCORS | John Bury |
LUMIÈRES |
Ulisse | Benjamin Luxon | |
Penelope | Janet Baker | |
Telemaco | Ian Caley | |
Eumete | Richard Lewis | |
Il Tempo, Antinoo | Ugo Trama | |
La Fortuna | Patricia Greig | |
Amore | Laureen Livingstone | |
Giove | Brian Burrows | |
Nettuno | Robert Lloyd | |
Minerva | Anne Howells | |
Giunone | Rae Woodland | |
Pisandro | J. Fryatt | |
Anfinome | Bernard Dickerson | |
Eurimaco | John Wakefield | |
Melanto | Janet Hugues | |
Iro | Alexander Oliver | |
Ericlea | Virgina Popova | |
L’humana fragilita | Annabel Hunt |
DATE D’ENREGISTREMENT | 1973 |
LIEU D’ENREGISTREMENT | Festival de Glyndebourne |
EDITEUR | Arthaus |
DISTRIBUTION | Integral |
DATE DE PRODUCTION | novembre 2005 |
NOMBRE DE DISQUES | 1 |
FORMAT | Image NTSC 4 / 3 – Son PCM Stéréo |
DISPONIBILITE | Toutes zones |
SOUS-TITRES EN FRANCAIS | oui |
Critique cet enregistrement dans :
Opéra Magazine – mars 2006 – appréciation 3 / 5
« En 1972 et 1973 (année où elle est captée par les caméras), le Festival de Glyndebourne propose une production d’Il ritorno d’Ulisse in patria qui fait date, avec Benjamin Luxon etJanet Baker en tête d’affiche (Richard Stilwell et Frederica von Stade leur succèderont en 1979, avec un enregistrement de studio à la clé pour CBS). Même si son esthétique est marquée par le kitsch des péplums cinématographiques (le costume d’Ulisse en berger est ridicule) et si sa direction d’acteurs est d’un statisme gênant, ce spectacle offre certains aspects fondateurs que nombre de mises en scène ultérieures prorogeront : un vocabulaire iconographique inspiré de la Grèce antique; une Humana fragilità nue (voir la récente production aixoise d’Adrian Noble) ; un Ira monstrueusement shakespearien (Alexander Oliver déjà, vingt-cinq ans avant les représentations d’Amsterdam) ; et une Penelope anticipant la Dido purcellienne (Janet Baker n’y est pas pour rien !). En son visage théâtral, cette production continue à nous concerner.
Musicalement, il n’en va pas de même. On ny entend pas la partition originelle mais sa « réécriture » massive par Raymond Leppard qui, considérant Il ritorno comme imparfait, ose se substituer au Crémonais. Il crée un orchestre là où Monteverdi l’avait refusé ; orchestrant le continua, il tue le récit montéverdien. Il procède ensuite à des coupures considérables et supprime des rôles. Il transpose enfin les tessitures (Ulisse devient baryton-basse). Quant à l’exécution, elle est victime des intrusions de Leppard dans le texte musical : l’hyper-dramatisation vocale empêche de déclamer ductilement le libretto et elle est contredite par le kitsch qui préside à la représentation des dieux. Ces réserves faites, Benjamin Luxon est un noble Ulisse, tandis que Janet Baker campe une inflexible figure de reine. Le reste de la distribution répond aux standards de l’époque et a bien vieilli, hormis une fraîche Anne Howells en Minerva. »
Diapason – mars 2006 – appréciation 2 / 5
« En 1962, le Festival de Glyndebourne créait avec retentissement la mouture controversée de L’Incoronazione di Poppea signée par Raymond Leppard. Onze ans plus tard, le même arrangeur infligeait un traitement comparable au Ritorno d’Ulisse : amputations nombreuses, ajouts de compositions originales au style douteux, orchestration symphonique empesée, réalisation de basse continue bavarde et anachronique. Cet arrangement était surtout connu grâce à l’enregistrement de la reprise de 1979, avec la Pénélope de Frederica von Stade.
Ce DVD permet d’entendre la création de 1973. La mise en scène de Peter Hall avait alors marqué les esprits : il faut dire qu’elle s’ouvre (comme la récente version Christie-Noble) par la nudité intégrale de la fragilité humaine (en l’occurrence, la rachitique Annabel Hunt). A l’époque, cette hardiesse faisait écho aux scandales du Living Theatre. En 2006., tout dans cette production paraît daté et effroyablement laid. La direction d’acteurs est réduite à sa plus simple expression. Les personnages sont hiératiques et ne connaissent aucune évolution, comme en témoigne la Pénélope marmoréenne et insensible de Janet Baker. Enfin, le style vocal est inapproprié. Janet Baker ioue les tragédiennes en chantant systématiquement fort, et en abusant d’un rubato insupportable dans son aria conclusive. Benjamin Luxon confère un peu plus d’humanité et de souplesse à son personnage, tandis que les petits rôles paraissent terriblement falots. Un souvenir bien peu attachant d’une époque qu’il faut souhaiter à iamais révolue. »
Res Musica
Filmé en 1973 au Festival lyrique de Glyndebourne, le Retour d’Ulysse dans sa patrie de Monteverdi dans la version Raymond Leppard/Peter Hall fut, à l’époque, un très grand succès, mais ce n’est qu’en 1991 – dix ans après la version Nikolaus Harnoncourt/Jean-Pierre Ponnelle – que fut commercialisée la bande vidéo, après la disparition de Janet Baker incarnant le rôle de Pénélope. Sa sortie, cette année en DVD témoigne de l’état des recherches musicologiques des années 70 quant à l’interprétation de la musique ancienne mais ne peut en aucun cas soutenir la comparaison avec les versions plus récentes comme celle d’Harnoncourt (1981) ou de Glenn Wilson (2005) et encore moins avec le chef d’oeuvre inégalé – sur instruments anciens et avec le gage d’authenticité du spécialiste – né de la collaboration William Christie/Adrian Noble que présentait le Festival d’Aix en Provence au théâtre du Jeu de Paume en juillet 2000.
Pour ce dramma per musica – littéralement action en musique – écrit par Claudio Monteverdi, sur un livret de Giacomo Badoaro, en 1641 à Venise – juste avant le Couronnement de Poppée – Raymond Leppard et Peter Hall gardent encore le cadre conventionnel du grand opéra classique auquel sont familiers la plupart des chanteurs de ce plateau comme l’éblouissante Janet Baker. L’ampleur de sa voix et l’épaisseur dramatique de son timbre sont à louer mais ne vont hélas pas dans le sens du recitar cantando monteverdien, ce « parler-chanter » qui doit, sans emphase, souplement épouser l’accentuation de la langue italienne sans jamais verser dans le « bel canto ». Les tournures ornementales de la ligne vocale restent encore très figées et l’on ne sent pas, dans le recitativo cette part de liberté et d’improvisation accordée aux interprètes pour exprimer « la vérité en musique » que le compositeur crémonais appelait de ses v’ux. Les instruments modernes, l’empâtement des lignes et le legato des cordes de l’Orchestre Philharmonique de Londres, l’usage presque exclusif du clavecin et de la harpe pour la basse continue frustrent également nos oreilles habituées désormais aux couleurs diversifiées et subtiles du continuo des Arts florissants.
Comme le feront beaucoup de chefs à son époque, Raymond Leppard réalise les parties de basse continue en sollicitant souvent les cordes et parfois « recompose » certaines scènes manquantes dans un style rappelant davantage Vivaldi – voire même Respighi – qui tranche avec le reste de la partition ! Des cinq actes du drame, il n’en reste plus que deux dans cette version qui sous-entend beaucoup de coupures ‘ celle du monologue d’Irus par exemple ‘ et une refonte très personnelle de l’articulation dramatique.
La version du Glyndebourne Festval Opéra n’en est pas moins somptueuse à plus d’un égard : à travers des décors restituant les fastes du Merveilleux, faisant appel aux « machines » pour faire apparaître les allégories du Prologue et les Dieux de la Mythologie et restituant les riches costumes de la Renaissance italienne. Si Janet Baker incarne une Pénélope un peu rigide et monolithique dans son rôle d’épouse fidèle alliant la noblesse à une obstination terrible et même brutale, le baryton Benjamin Luxon détaille toutes les facettes du personnage d’Ulysse et trouve des accents très poignants dans le duo avec son fils Télémaque – prodigieux Ian Caley – lors des retrouvailles du premier acte. La cohorte des Dieux participe au côté spectaculaire – parfois grand-guignolesque – de la mise en scène et des décors qui, pour honorer Neptune et Jupiter, déploient des merveilles de fantaisie et d’invention. La basse profonde au vibrato peu maîtrisé de Robert Llyod – un Neptune aux verts attributs – est en résonance directe avec l’aspect monumental de la deuxième scène située sur le rivage d’Ithaque. Il faut saluer l’élégance et l’aisance virtuose de Minerve – Anne Howles – guidant Ulysse vers Pénélope. On aurait souhaité plus de naturel chez Eumée – R. Lewis – dont le timbre évoque davantage un Bartolo mozartien qu’un berger d’Arcadie ; Euryclée, la nourrice et Mélanto, la suivante, forment un duo touchant et tendre aux côtés de l’imperturbable Pénélope ; les trois prétendants – U. Trama, J. Fryatt et B. Dickerson – dans leurs collants et barboteuses, jouent un théâtre un peu daté et sont par trop ridicules autant dans leurs attitudes empruntées que dans leur vocalité outrancière et peu stylée.
S’il faut bien admettre que l’interprétation a vieilli et que l’on approche tout différemment aujourd’hui le chef d’oeuvre monteverdien, il faut cependant rappeler que l’on doit à Raymond Leppard d’avoir imposé Monteverdi et Cavalli sur les scènes lyriques et d’avoir, sans doute, suscité l’intérêt d’autres talents – les Harnoncourt, Wilson et Christie – qui, à leur tour, ont interrogé la partition pour en donner une vision personnelle, inventive et toujours plus fidèle à l’esprit d’une époque. »
Le Monde de la Musique – février 2006 – appréciation 2 / 5
« On n’oserait plus monter un opéra de Monteverdi de cette manière. Il s’agit d’une version profondément remaniée par Raymond Leppard (parue en audio plus tard, en 1980, avec Frederica von Stade et Richard Stillwell). La sonorité de l’orchestre, épaisse et grasse, saturée de violons, va à l’encontre de tout ce que l’esthétique baroqueuse a bouleversé depuis lors. La direction est guindée et Leppard n’hésite pas à ajouter des éléments de son cru. Il y a ensuite de grandes voix d’opéra, peu promptes aux ornementations. Pourtant, le charme de ce célèbre spectacle du Festival de Glyndebourne a assez bien résisté au temps. La mise en scène sobre de Peter Hall, avec sa gestuelle épurée et ses décors symboliques, faisant appel à une machinerie légère pour faire se mouvoir les dieux, reste impeccablement suggestive d’une Grèce classique, héritée des canons du XVIIIe siècle.
Et puis il y a Janet Baker! Dès son entrée en scène, on est fasciné par le hiératisme de son allure et son chant droit, incandescent et dense. Chaque mot, chaque inflexion, chaque regard est lourd de sens, puisé au plus profond de la musique. Elle est une Pénélope grandiose, tragédienne absolue qui transcende cette mouture démodée. »
Concertclassic
« …un autre Retour d’Ulysse paraît en même temps, ou plutôt est tiré des limbes de Glyndebourne : 1973, toute la cour de Pénélope en costume renaissance, version Leppard qui a fait longtemps de l’usage, paraîtra aux puristes incongrue mais suffira à qui veut avant tout un opéra dans tout son impact dramatique. Et le cast fait rêver : Baker elle même en Pénélope, à son plus radieux (Von Stade lui succédera dans cette même production signée Peter Hall), l’Ulysse mâle et meurtri de Benjamin Luxon simplement idéal de voix et de jeu, Lloyd en Nettuno, tonitruant à souhait, et le Telemaco de Ian Caley. Une étape importante dans la longue réévaluation du plus méconnu des jalons de la Trilogie, qui vous fera patienter jusqu’à la réédition du cycle zurichois de Ponnelle et Harnoncourt. »