DVD L’Incoronazione di Poppea

COMPOSITEUR Claudio MONTEVERDI
LIBRETTISTE Giovanni Francesco Busenello

 

ORCHESTRE Orchestre de l’Opéra National de Norvège
CHOEUR
DIRECTION Alessandro Di Marchi
MISE EN SCÈNE Ole Anders Tandberg
DÉCORS Erlend Birkeland
COSTUMES Maria Geber
LUMIÈRES Pal Daffinrud

 

Poppea Birgitte Christensen
Nero Jacek Laszczkowski
Ottone Tim Mead
Virtu, Drusilla Marita Sølberg
Ottavia Patricia Bardon
Amore Amelie Aldenheim
Fortuna Ina Kringlebotn
Nutrice Tone Kruse
Seneca Giovanni Battista Parodi
Arnalta Emiliano Gonzalez-Toro
Valetto David Fielder
Lucano Magnus Staveland

 

DATE D’ENREGISTREMENT mai-juin 2010
LIEU D’ENREGISTREMENT Oslo – Den Norske Opera

 

EDITEUR Euroarts
DISTRIBUTION
DATE DE PRODUCTION 27 février 2012
NOMBRE DE DISQUES 1
FORMAT Image : 1080i Full HD – 16:9 – Son : PCM Stereo, Dolby Digital 5.1, DTS 5.1
DISPONIBILITE Toutes zones
SOUS-TITRES EN FRANCAIS oui

 

 

Critique de cet enregistrement dans :

Forum Opéra – Âmes sensibles s’abstenir !

« Cet Incoronazione di Poppea produit par l’Opéra National de Norvège en 2010 reçut un accueil extrêmement controversé. On comprend aisément pourquoi, tant certaines scènes sont à la limite du tolérable !
Le DVD qui paraît ce mois-ci n’en est pas la simple captation vidéo mais intègre un retravail sur les images.
Ici, sang et sexe sont omniprésents dans leurs occurrences les plus crues, les plus scabreuses ; certains passages sont à la limite du regardable et pourraient dignement figurer dans un film gore ou classé X. Surenchère, vulgarité gratuite menacent à plusieurs reprises mais la cohérence de l’ensemble s’impose finalement car ce parti-pris respecte la violence réelle du propos… même si celle-ci est habituellement moins explicite.
Dès le prologue, Fortune et Vertu se disputent la primauté sur les humains, elles s’inclineront finalement toutes deux devant la suprématie de l’Amour. Ce dernier soutient Poppée qui veut devenir impératrice ; plus que l’amour, c’est l’ambition qui est glorifiée ici. Dans le monde noir d’un Monteverdi de 75 ans, l’amour ne s’embarrasse donc pas de morale. Si le philosophe Sénèque est présent sur scène, c’est surtout la pensée de Machiavel, contemporain de l’œuvre, qui s’illustre ici. La fin justifie les moyens et tous les protagonistes de l’histoire aspirent au pouvoir. Peu sont vraiment sympathiques, les criminels sont sincères dans leur tendresse et les victimes plutôt antipathiques.
Le chant bien entendu, accentue cette caractérisation des protagonistes. Amelie Aldenheim (Amour) et Marita Sølberg (Drusilla) possèdent un soprano lumineux et chaud adapté à leurs rôles. Birgitte Christensen offre un beau contraste entre une voix sensuelle, équilibrée, et la noirceur de l’arriviste Poppée. Patricia Bardon est un peu moins convaincante en Octavie, impératrice bientôt déchue. Le Sénèque de Giovanni Battista Parodi pèche par son vibrato un peu large, une voix peut-être trop grande pour le rôle et une interprétation monolithique qu’on lui pardonne car le personnage possède cette raideur dogmatique.
Les deux contre-ténors Tim Mead (Othon) et Jacek Laszczkowski (Neron) ont le même défaut : une voix quelque peu instable et tendue dans les aigus. Tim Mead prend de la puissance et de l’assurance dans plusieurs interventions alors qu’ailleurs certaines parties sont clairement trop perchées pour lui. Jacek Laszczkowski termine la représentation avec de l’air dans la voix et un larynx monté par la fatigue. Toutefois on ne peut que saluer sa performance scénique : le délire sensuel et sanguinaire s’empare peu à peu de lui et son jeu se dérègle subtilement au fil de l’action.
Les personnages principaux exposent leurs excès de façon tellement violente que les figures traditionnellement les plus outrés, comme Arnalta la nourrice de Poppée, en deviennent touchantes et bien plus « normales » que leurs maîtres. Un homme travesti interprète toujours ce personnage, soulignant ainsi combien Poppée est une femme contre-nature, puisque nourrie au sein d’un homme. Emiliano Gonzalez-Toro est doté d’un timbre particulièrement suave, et chacune de de ses interventions ravit, notamment la berceuse de l’acte II, tendre et délicate. Tone Kruse, enfin, est une Nourrice à l’alto rare.
L’orchestre d’Alessandro Di Marchifait montre d’une belle énergie, en particulier dans les passages de danse mais manque parfois de nuances. La mort de Sénèque, par exemple, aurait pu être bien plus poignante. Certains passages rompent franchement avec l’orchestration originale pour des incursions dans le jazz ou la musique folklorique. Était-ce bien nécessaire ?
L’opéra s’achève habituellement sur l’extase des amants assassins, même si le spectateur sait que la véritable Poppée succomba finalement sous les coups de son Néron. Ici on dépasse la fin de convention ; le couple monstrueux interprète le sublime « Pur ti Miro » en assassinant, le sourire au lèvre, l’ensemble des protagonistes encore en vie. Si la lettre du livret n’est pas parfaitement respectée, force est de constater que l’esprit de l’œuvre est là. D’ailleurs on ne s’ennuie pas au cours de ces trois heures de spectacle, ce qui n’est pas le cas de toutes les versions scéniques du L’Incoronazione di Poppea. Les outrances de la mise en scène sont discutables, certes, mais le cinéma nous offrent régulièrement bien d’autres excès de ce type, sans servir une musique aussi sublime.Ce mois-ci, l’équipe d’Ole Anders Tandberg propose au public d’Oslo une nouvelle incursion chez Monteverdi avec Il Ritorno d’Ulisse in patria. Voilà qui pique la curiosité. »

Classica – juillet/août 2012 – appréciation CHOC du mois

« D’emblée, signalons qu’il ne s’agit pas d’une production enregistrée « live », mais d’une réalisation d’après le spectacle. Ce qui permet de jouir de gros plans, de la coloorisation (visages blêmes, bouches et langues rougies), d’effets de nimbes et autres ralentis. Cette postproduction n’altère pas le jeu scénique installé sur une scène concave évoquant le fameux camembert du Neues Bayreuth. L’esthétique est actuelle et le jeu du couple impérial celui de deux êtres que le pouvoir affole. Et qui ne laissera, in fine, aucun témoin de son ascension sanglante. Le suicide de Néron à coups de rasoir dans une mare de sang, les ébats sexuels de Nerone et Lucano presque nus dans ce liquide vital, les bains intimes de Poppée : rien ne nous est épargné. Mais il n’y a aucune gratuité dans cette vision. Au contraire, le livret brille de tout son cynisme et sa violence résonne comme on ne se s’attendait plus à la découuvrir. L’opéra est porté de bout en bout par une direction percutante qui tend parfois vers l’improvisation mooderne. Alessandro de Marchi se fait ici le frère des travaux de Claudio Cavina. Le cast est superbe, au physique comme au vocal, que ce soit l’Ottone explosif de Tim Mead, la Poppée dérangée de Birgitte Christensen, la nourrice terrrible d’Emiliano GonzalezToro ou l’Ottavia ravagée de Patricia Bardon. Même Jacek Laszczkowski, souvent décevant pour cause de voix trop étroite, irradie un empereur joyeusement féroce. Sur le plateau immaculé qui aspire le sang et les ténèbres tel un trou noir, on suit, bousculé et ravi, la vision féroce et parfaiitement aboutie de Tandberg. Son Monteverdi paraît destiné aux cinéphiles amateurs de Drive, de Shame, de Michael Fassenbender et de Haneke. Il nous livre un DVD d’opéra hors des sentiers battus : un pur régal sonore, visuel et cérébral. »