COMPOSITEUR | Claudio MONTEVERDI |
LIBRETTISTE | Giovanni Francesco Busenello |
ORCHESTRE | Ensemble Monteverdi de l’Opéra de Zürich |
CHOEUR | |
DIRECTION | Nikolaus Harnoncourt |
MISE EN SCENE | Jean-Pierre Ponnelle |
DECORS | Jean-Pierre Ponnelle |
COSTUMES | Pet Halmen |
Amore | Klaus Brettschneider | |
Fortuna | Renate Lenhart | |
Virtu | Helrun Gardow | |
Poppea | Rachel Yakar | |
Nerone | Eric Tappy | |
Ottavia | Trudeliese Schmidt | |
Seneca | Matti Salminen | |
Ottone | Paul Esswood | |
Drusilla | Janet Perry | |
Arnalta | Alexander Oliver | |
Nutrice | Maria Minetto | |
Lucano | Philippe Huttenlocher | |
Valletto, Familieri di Seneca | Peter Keller | |
Damigella | Suzanne Calabro | |
Familieri di Seneca | Francisco Araiza | |
Werner Gröschel | ||
Liberto | Rudolf A. Hartmann | |
Soldati | Peter Straka | |
Fritz Peter |
DATE D’ENREGISTREMENT | 1979 |
LIEU D’ENREGISTREMENT | Opéra de Zürich |
ENREGISTREMENT EN CONCERT | non |
EDITEUR | Deutsche Grammophon |
DISTRIBUTION | Universal |
DATE DE PRODUCTION | 1er février 2007 |
NOMBRE DE DISQUES | 2 |
FORMAT | NTSC – Format 4/3 – Stéréo: PCM / Surround : DTS 5.1 |
DISPONIBILITE | Région 2 |
SOUS-TITRES EN FRANCAIS | oui |
Edité aussi en coffret de 5 DVD avec L’Orfeo et Il Ritorno d’Ulisse
Critique de cet enregistrement dans :
Le Monde de la Musique – février 2007 – appréciation 3 / 5
« Après avoir décapé, reconstitué, réinventé au disque la « Trilogie » de Monteverdi, Nikolaus Harnoncourt, à la fin des années 1970 à l’Opéra de Zurich, s’est associé avec le metteur en scène Jean-Pierre Ponnelle pour soumettre son travail à l’épreuve de la scène. Il en est résulté trois spectacles vite devenus « cultes » et filmés dans la foulée. Sans renier son style — qui nous parait aujourd’hui un peu raide — il s’est adapté aux exigences du théâtre en pratiquant des coupures dans LeRetourd’Ulysse et dans Le Couronnement de Poppée et en choisissant par exemple un ténor, et non plus une soprano, pour chanter Néron.
Composés beaucoup plus tard, en 1640 et 1642, Le Retour d’Ulysse et Le Couronnement de Poppée ne relèvent plus du spectacle de cour, mais Ponnelle parvient presque à nous persuader qu’ils procèdent de la même esthétique. Dans les deux ouvrages, les comiques sont traités comme des bouffons shakespeariens — ce qui se conçoit — mais les héros eux-mêmes adoptent des mimiques de cinéma muet. Ce grossissement du trait devient exaspérant dans Le Couronnement de Poppée, en dépit de la présence, dans les deux rôles principaux, des excellents Rachel Yakar et Eric Tappy. »
Classica – février 2007 – appréciation Recommandé 10
« On dit bien les Monteverdi de Ponnelle. Car Harnoncourt en avait déjà fait, pour le disque et même la scène, et en refera, plus orthodoxes certes, mais moins ivres de sonorité caressante et jubilante, jamais aussi instrumentaux. Tout cela est convivial, festif, jubilant, bouleversant quand il faut et pour tout dire irrecommençable. C’est en quoi Ponnelle est maître d’oeuvre. Pour lui c’est une première et une dernière. Seul il supplée à une plantation de base, unique, pour les trois oeuvres telles que Zurich les a mises en scène, reconstituée à Vienne en studio pour les besoins des films quelques mois plus tard car c’est de films qu’il s’agit, utilisant aussi souvent que possible des approches, zooms et cadrages dont Brian Large (encore balbutiant à l’époque) n’aurait jamais eu la notion. Et le film, y ajoutant ses capacités propres, reporte et même accentue une urgence théâtrale, une présence, une wlnérabilité, une passion scéniques des personnages comme sans doute personne à l’époque (ni fait en sorte depuis, qu’on sache) n’imaginait que Monteverdi les supporte, et en vérité les appelle. Depuis on a fait du sage, du savant, de l’esthète; et certes du délirant. Mais du shakespearien et moliéresque à la fois, retrouvant des poses d’Arioste et d’Antiquité romaine (revue par Corneille ici, Racine là), dans un débridé mais très contrôlé mélange des genres, anticipant génialement sur la confusion du seria et du buffa l’un et l’autre encore à venir, pour ça il n’y a eu que Ponnelle, son inépuisable culture, nourricière de sa fantaisie. Les trois films, avec leurs limitations, le montrent parfaitement. On a dit limitation : une est là, criante, d’une injustice noire. Ponnelle est venu juste un peu trop tôt pour être libéré du play back, servitude et muselière que ses personnages engagés, passionnés, expressifs à 100% sont les derniers à mériter. Même quand les lèvres font de leur mieux (et en général elles font bien) pour imiter, le son, lui, audiblement vient d’ailleurs. Capté à Zurich, il a été reporté sur le filmage de studio à Vienne.
Le même dispositif sert pour i’Incoronazione, avec statues et médaillons représentant diversement Néron héros de comédie, Néron empereur et histrion, dans sa gloriole, sa sensualité, ses extases lyre en main. Pas de favola ici, mais le dramma, c’est clair. Ni effets de toge, ni pathos — même pour les adieux d’Ottavia, une Schmidt simplement correcte. Elle est éclipsée il est vrai par de l’extraordinaire le Seneca d’un tout jeune Salminen, génialement changé en vieille barbe sentencieuse, et chantant surnaturellement; l’Othon célestement chanté d’Esswood, modèle intouchable de plasticité verbale et sonore expressive; deux Nourrices, différemment grandioses; et surtout le couple star, Tappy et Yakar en voix splendide, phrasant et disant comme des demi-dieux, incarnation en outre idéale de quelques péchés capitaux, ambition, orgueil, luxure. Pour le seul geste de main (et le drapé de manche qui va avec) que Poppée met en travers de Néron qui s’en va, plus d’un metteur en scène vendrait son âme au diable. Un vrai théâtre, des personnages de chair vive, mais d’épiderme, aussi, et de sang. Monteverdi méritait qu’on lui donne une fois cela, sans en rien brader la magnificence du détail, sa pertinence. »
… Tout est filmé avec une imagination, une vérité musicale jamais en défaut. L’image porte plus d’une fois (surtout dans Poppea) des traces de flou mais les couleurs sont restées franches (les rouges et les roux de Poppea, toujours). Quant au son, il est uniformément excellent. Harnoncourt avait instrumenté et réalisé le texte de Monteverdi selon les besoins très précis de la scène. On trouvera plus musicologique ailleurs, plus prétentieux aussi, nulle part aussi divinement et diversement sonore, ni servant et commentant de plus près une action théâtrale. Un Beckmesser trouverait cent peccadilles sur lesquelles faire crisser sa craie, dans une entreprise aussi colossale et aussi risquée, le 10 proposé ne sanctionne pas une impeccabilité, Dieu merci. Il salue, avec gratitude, une vitalité triomphante, et une entreprise comme on n’est pas près d’en recommencer et que la technique, pour une fois au rendez vous de l’Histoire, a su nous conserver, play back ou pas. »
Diapason – février 2007 – appréciation Diapason d’or
« Voici enfin en DVD le monument fondateur de la filmographie monteverdienne ! Pour de nombreux mélomanes des années 1970 à 1990, la découverte de la trilogie réalisée à l’Opéra de Zurich entre 1975 et 1978 par Nikolaus Hamoncourt et Jean-Pierre Ponnelle constitua une véritable expérience initiatique (les trois films furent diffusés pour la première fois à la télévision française en 1982, puis commercialisés sous la forme éphémère du Laserdisc). Elle incarna, dans le domaine de l’opéra baroque européen, ce que la production d’Atys serait dix ans plus tard pour le baroque français : une renaissance et un éblouissement. Attention ! Il ne s’agit pas ici d’opéras filmés, mais de véritables films d’opéra. Ils furent tournés en studio à Vienne, dans les décors zurichois, avec moult effets de montage (et quelques imperfections de synchronisation), de cadrage et d’image qui trahissent l’esthétique cinématographique des années 1970 (zooms à la Visconti pour mieux plonger au coeur de l’émotion, très gros plans sur les regards…).
Trente ans plus tard, il convient encore de saluer la mise en scène de Ponnelle, prodigieuse d’intelligence, multipliant les références historiques, esthétiques et culturelles, tendue vers un seul but : rendre lisible pour nos contemporains ces chefs-d’oeuvre d’un passé perdu. Ainsi, les magnifiques costumes de Pet Halmen se veulent historicisants, mais le jeu des acteurs et la lecture de Ponnelle sont résolument modernes. Par ce subtil alliage, le metteur en scène/décorateur et le costumier ont créé une imagerie somptueuse et édifiante, dont l’impact demeure aujourd’hui inaltéré. De plus, un principe scénographique commun unifie la mise en scène des trois opéras. Les décors proposent diverses déclinaisons d’un dispositif unique, inspiré de l’architecture palladienne. Différents espaces sont associés à certaines catégories de personnages (divinités, héros et aristocrates, paysans et serviteurs) et communiquent entre eux. De même, l’orchestre devient un lieu de représentation et de passage, le chef et les instrumentistes sont abondamment filmés, jusqu’à devenir parfois de véritables acteurs participant à l’action.
Dans cet écrin somptueux, Harnoncourt distille avec art sa lecture visionnaire de trois partitions énigmatiques, dont il semble avoir pénétré tous les arcanes. Certes, les puristes renâcleront en voyant réunis dans l’ensemble orchestral des instrumentistes modernes de l’Opéra de Zurich et les habituels comparses du Concentus Musicus. Mais jamais l’émotion et l’intelligence ne se sont si lumineusement mariées dans une interprétation monteverdienne.
… Dans Poppea, les divinités sont supplantées par les allégories des passions humaines, et l’action, trépidante, est placée sous le regard et la domination des trois personnages du prologue la Vertu vacillante, la Fortune changeante et l’Amour cynique, offrant une prodigieuse analyse des tréfonds de la nature humaine.
Enfin, quelle équipe d’interprètes fabuleux ! Nul ne peut oublier la Poppée sensuelle de Rachel Yakar, le Néron névrotique d’Eric Tappy, le Sénèque magistral de Matti Salminen, et surtout la bouleversante Octavie de Trudeliese Schmidt, cette magnifique tragédienne disparue en 2004.
Il est donc temps pour chacun de (re)découvrir ces chefs-d’oeuvre absolus, vieux de presque trente ans, et qui n’ont pourtant rien perdu de leur puissance dramatique et émotionnelle. »