DVD L’Incoronazione di Poppea

COMPOSITEUR Claudio MONTEVERDI
LIBRETTISTE Giovanni Francesco Busenello

 

ORCHESTRE Le Concert d’Astrée
CHOEUR
DIRECTION Emmanuelle Haïm
MISE EN SCÈNE Jean-François Sivadier
DÉCORS Alexandre de Dardel
COSTUMES Virginie Gervaise
LUMIÈRES Philippe Berthomé

 

Poppea Sonya Yoncheva
Nero Max Emmanuel Cencic
Ottavia Ann Hallenberg
Seneca Paul Whelan
Ottone Tim Mead
Drusilla Amel Brahim-Djelloul

 

DATE D’ENREGISTREMENT Opéra de Lille
LIEU D’ENREGISTREMENT mars 2012

 

EDITEUR Virgin Classics
DISTRIBUTION EMI
DATE DE PRODUCTION 30 juillet 2013
NOMBRE DE DISQUES 3
FORMAT Pal – Dolby Digital 5.1
DISPONIBILITE toutes zones
SOUS-TITRES EN FRANCAIS oui

 

 

Critique de cet enregistrement dans :

Forum Opéra – Le rouge et le blanc

« Le DVD de cette Incoronazzione di Poppea remarquée lors des représentations dijonnaises et lilloises, vient s’ajouter aux multiples propositions déjà existantes. Entre la version revue, corrigée, amputée de Raymond Leppard à Glyndebourne, dont on ne retiendra que la Poppée de Maria Ewing, et cette dernière, on doit en compter une bonne demi-douzaine. L’œuvre paraît incontournable, et presque tous les grands baroqueux (dont René Jacobs, Minkowski, Christie) s’y sont frottés.
Nous ne connaissons pas la partition originale : deux sources sensiblement différentes, Venise et Naples, proposent deux réductions – à 3 et à 4 parties – à partir de laquelle l’instrumentation et la réalisation de la basse continue sont des hypothèses. De surcroît, les incertitudes nombreuses sur l’authenticité de tel ou tel passage autorisent bien des variantes, des coupures éventuelles en fonction des conceptions esthétiques et dramatiques. Même si la belle édition d’Alan Curtis semble faire autorité depuis 1989, Emmanuelle Haïm et ses collaborateurs se sont fondés sur les sources anciennes et ont réalisé leur propre version.
La directrice musicale du Concert d’Astrée est vraiment dans son emploi et déploie ici ses rares qualités : impossible d’émettre la moindre réserve quant à ses options, différentes de celles qu’elles avait retenues pour Glyndebourne (ouverture de Naples, par exemple), ni à sa réalisation, ni à sa direction. Il sera difficile de mieux faire.
Un Concert d’Astrée en pleine forme : dynamique ou infiniment retenu, le discours est exemplaire. Les ritournelles sont de petits bijoux, où les cordes s’en donnent à cœur joie et où étincellent les flûtes ou le cornet. Le continuo, habilement coloré, souligne le fil dramatique. Les bruitages s’imposaient-ils ? Les vagues introduisant la mort de Seneca, peut-être… Leur utilité sinon reste douteuse. Quant au plateau, on retrouve avec un grand bonheur une Sonya Yoncheva en Poppea, sensuelle à souhait, à la voix ample, charnue, un Nerone en adéquation (Max Emanuel Cencic) dont le chant est un modèle de style, malgré une émission parfois tendue. On apprécie particulièrement Ann Hallenberg qui campe une émouvante Ottavia. Ottone (Tim Mead) et Drusilla (Amel Brahim-Djelloul, pathétique) méritent tous nos suffrages. Quant à Seneca, qui requiert des moyens peu communs – ainsi qu’un ambitus très large – Paul Whelan l’incarne avec justesse et grandeur naturelle. La noblesse de son chant et l’humilité de son jeu emportent l’adhésion.
La mise en scène de Jean-François Sivadier appelle en revanche de multiples réserves. Le prologue est desservi par une gesticulation gratuite des acteurs, sans relation aucune à l’action. Chercher des accessoires, boire, prendre la salle à témoin paraît déplacé, sinon ridicule. Le même procédé, en moins long, est repris pour l’acte II. Certainement une concession à un procédé d’une mode récente, maintenant éculée. L’outrance du duo d’amour de Nerone et Poppea est prosaïque et vulgaire. Pourquoi cette trivialité fréquente que le livret n’appelle pas ? C’est kitsch et exhibitionniste. Effet de mode, encore une fois ? Nerone n’est pas ce pantin lubrique et dévoyé que la mise en scène impose. Cette outrance est regrettable. Nerone, disciple de Seneca, est aussi le souverain généreux accordant sa grâce à Ottone et Drusilla. La subtilité, l’ambiguïté disparaissent au profit d’un parti-pris trop souvent grand-guignolesque. Vraiment dommage.
Car le spectacle réserve aux moins deux moments parfaitement réussis et inoubliables. La mort de Seneca, dans une lumière et des décors blancs, est conduite avec un ton juste. L’émotion contenue est permanente et l’auditeur fasciné oublie la longueur de la scène. L’autre moment est le finale, notammment le célèbre duo « Pur ti miro », qui, s’il n’ est pas de Monteverdi, n’en est pas moins une page magnifique. Après une intervention d’un narrateur qui rappelle les péripéties de l’histoire romaine, Nerone et Poppea s’avancent du fond de scène vers la salle, avec une grandeur proprement impériale. Leur chant ne l’est pas moins. »

Diapason – juillet/août 2013 – appréciation 5 / 5

« Sur le plateau de l’Opéra de Lille, suffisamment dénudé pour exposer l’envers du décor, une troupe – chanteurs, musiciens, chef, et metteur en scène – attend le début d’une représentaation du Couronnement de Poppée de Monteeverdi. Ce théâtre en train de se faire ressemble à s’y méprendre à celui qui accompagnait les Ouvertures de La Traviata à Aix-en-Provence et de Carmen, déjà à Lille, précédentes prooductions de Jean-François Sivadier parues en DVD. Il s’impose, en tout cas, par un sens de l’animation dont l’évidence va croissant. Cette Rome antique, forcément décadente, vue à travers le prisme de la Venise du Seicento se ressource aux excès felliniens de Satyricon, et de la moiteur de ces corps qui se dévoilent. Prodige des micros, la tendance d’Emmanuelle Haïm à tirer le dramma in musica du XVIIe (transitions fluides entre recitar cantando et cantar recitando) vers l’opera seria du siècle suivant (alternance récitatifs/airs) s’estompe au profit des galbes d’un continuo profus, à peine lesté des élans pseudo-ethniques d’une batterie de percussions.
A cet hédonisme instrumental répond la vibrante opulence de la distribution vocale. Si le Seneca de Paul Whelan est un rien univoque, l’Ottone de Tim Mead révèle à l’écran un relief qu’il n’avait pas sur scène. Par son timbre ambigu, et jusqu’à l’âpreté d’un aigu sur le fil de l’hystérie, Max Emanuel Cencic est Nerone, poète priapique et prince capricieux. Avec quelle noblesse blessée, et soudain fulminante, Ann Hallenberg fend le marbre d’Ottavia, immense chanteuse autant que tragédienne. Enfin, cette Poppea qui sans une once d’apprêt épouse trait pour trait, lèvre contre lèvre les vers de Busenello, a pour nom Sonya Yoncheva, fantasme fait voix et chair. »

Classica – juillet/août 2013

« On peut certes se demander si c’est un style ou un tic. Chaque mise en scène de Jean-François Sivadier, y compris son récent Barbier de Séville en ce même opéra de Lille d’où vient ce Monteverdi, visite le théâtre dans le théâtre. Aussi la représentation semble-t-elle avoir déjà commencé quand le spectateur s’installe dans la salle. Comme à chaque fois, les décors manquent, les costumes se choisissent dans la garde-robe des siècles et l’ensemble relève plus du bric-à-brac que du « beau spectacle ». Sivadier ne construit pas son théâtre dans l’environnement scénique mais dans le jeu des acteurs. Du premier au dernier plan, rien n’échappe à son œil, personne ne soustrait à son emprise, du protagoniste au figurant. Aussi ce Couronnement, qui évite pourtant de plonger dans le gore ou la débauche sans pour autant les ignorer, exprime-t-il avec une rare intensité et humour les conflits et les enjeux de cette guerre éternelle entre sexe (amour ?) et pouvoir. Il bénéficie pour ce faire d’une distribution impeccable où chaque personnage est parfaitement caractérisé. Cencic laisse apparaître les tensions internes de Néron, Sonya Yoncheva, impériale, incarne une Poppée voluptueuse, aux rondeurs avantageuses. Seconds rôles de premier choix, direction attentive et dynamique d’Emmanuelle Haïm, captation habile: voilà une des meilleures versions d’un des opéras baroques les plus filmés. »