COMPOSITEUR | Claudio MONTEVERDI |
LIBRETTISTE | Alessandro Striggio |
ORCHESTRE | Tragicomedia – Concerto Palatino |
CHŒUR | |
DIRECTION | Stephen Stubbs |
MISE EN SCÈNE | Pierre Audi |
DÉCORS | |
LUMIÈRES |
Orfeo | John Mark Ainsley | |
Euridice | Juanita Lascarro | |
Messagiera | Brigitte Balleys | |
Speranza | Michael Chance | |
La Musica | David Cordier | |
Caronte | Mario Luperi | |
Proserpina | Bernarda Fink | |
Apollo, Pastore, Spirito | Russell Smythe | |
Plutone, Pastore | Dean Robinson | |
Pastore, Spirito | Jean-Paul Fouchécourt | |
Ninfa | Suzie Le Blanc | |
Spirito | Douglas Nasrawi |
DATE D’ENREGISTREMENT | Het Musiktheater Amsterdam |
LIEU D’ENREGISTREMENT | juillet 1997 |
ÉDITEUR |
Opus Arte |
DISTRIBUTION | Codaex |
DATE DE PRODUCTION | 1er octobre 2005 |
NOMBRE DE DISQUES | 2 |
FORMAT | NTSC – 16 / 9 – Son PCM Stéréo/Dolby Digital 5.1 / DTS 5.1 |
DISPONIBILITÉ | Toutes zones |
SOUS-TITRES EN FRANCAIS | oui |
Également édité en avril 2007 dans un coffret de 7 disques Pierre Audi Amsterdam, regroupant L’Orfeo, Il Ritorno d’Ulisse, L’Incoronazione di Poppea, ainsi que Il Combattimento di Tancredi e Clorinda
Critique de cet enregistrement dans :
Crescendo – avril 2006 – appréciation Joker Crescendo
« Entre 1994 et 1998, l’Opéra d’Amsterdam confiait à son directeur artistique, Pierre Audi, la mise en scène des trois opéras de Monteverdi. Plus de dix ans après le début de cette entreprise, les spectacles nous parviennent, enfin, dans des films d’excellente facture. Si quelques noms reviennent au fil des distributions (Balleys, Chance, Fouchécourt), les chefs se succèdent et la réalisation oscille du meilleur… au plus contestable. Le dépouillement et la beauté du dispositif (quelques troncs en cercle, un muret de briques, un plan d’eau circulaire que traverse le héros pour passer d’un monde à l’autre), des éclairages bleutés, servent idéalement l’intemporalité du mythe. Pierre Audi réussit à concilier les différents niveaux de lecture de cet ouvrage touffù et irréductible, à la fois pastoral et allégorique, opéra pour les uns, oratorio pour les autres. Tout en développant une symbolique lisible et accessible – Orphée et la Musique partagent la même allure : crâne rasé, tunique ample et sombre, échancrée sur la poitrine – et en confiant les rôles abstraits de la Musique et de l’Espérance à des voix plutôt désincarnées, la mise en scène, loin de se focaliser sur Orphée, éclaire, exalte même les affects des autres protagonistes : la douleur des amis d’Orphée (trop fourni, le choeur des Pastori y gagne pourtant en expressivité), le drame personnel de Silvia, la Messagère, non pas dea ex machina, mais amie d’Eurydice, désespérée et “odieuse à elle-même”, qui se retire du monde (saisissante composition de Brigitte Balleys), la libido en berne du couple infernal, qu’Orphée réveille, suscitant le désir de Proserpine dont l’émoi, à son tour, ravive “la blessure d’amour” de Pluton. Les rutilants Concerto Palatino et Tragicomedia sont à l’écoute d’un plateau superlatif : tous mériteraient une mention, du Caronte enivrant de noirceur de Mario Luperi à l’Orphée solaire de John Mark Ainsley. Une réussite magistrale et sans conteste le meilleur Orfeo disponible en DVD. »
Codaex – présentation
« Un simple muret de pierres coupera la scène en deux dans sa largeur, avec à l’avant les champs où s’ébattent les compagnons d’Orphée, et de l’autre côté une étendue d’eau symbolisant les enfers, lieu calme et paisible qu’Orphée devra traverser pour arracher sa bien aimée à la mort.L’Orfeo met à l’honneur le sublime ténor John Mark Ainsley, dans le rôle titre. La voix est égale sur toute l’étendue de la tessiture, et quel superbe comédien. Ecoutez, les affetti qu’il adresse à Caron, ils feraient pleurer des pierres. Si Orfeo avait ce chant là on comprend le pouvoir qu’il exerçait sur les animaux et les Dieux. L’Eurydice de Juanita Lascarro, n’est pas en reste, avec une voix souple : elle est le pendant de son tendre amant. Mention spéciale pour la Sperenza de Michael Chance, quel superbe contre-ténor.Stephen Stubbs à la tête de Tragicomedia et du Concerto Palatino, illustre à merveille cette Favola in Musica. Le continuo sait se faire discret, l’orchestre soutient à merveille les chanteurs, et la Toccata d’ouverture rend à merveille les fastes de la cour de Mantoue. »
Opéra Magazine – février 2006 – appréciataion 3 / 5
« Pour sa production du Nederlandse Opera (Amsterdam, 1997), Pierre Audi a souhaité, dans une perspective radicalement différente, situer l’ouvrage dans un temps historique éloigné, afin de mieux rechercher les archétypes sociaux de l’être humain. Il a conçu un espace scénique nu, juste occupé, au sol, par la firme archétypale — le cercle — en trois états : au fond, un bassin empli d’eau et à fonction purificatrice; plus au devant, la charpente en bois d’une sorte de tipi ; et enfin, le tracé d’un cercle crayeux où s’effectuent des opérations rituelles. Ne cherchant pas à scander l’alternance diurne et nocturne, l’éclairage rasant plonge le plateau dans une atmosphère sombre et austère de laquelle la Nature, même originelle, est expulsée.Cet univers est beau mais il impressionne, et il réduit chaque personnage à sa minuscule fragilité face à tant d’infinie gravité. Dans sa démarche archétypale, Pierre Audi n’a pas inséré le personnage d’Orfeo en ses chaleurs humaines, au milieu des disciples dont il est le chef. Il s’est plutôt attaché à mettre en scène un récit totalement épuré du mythe d’Orphée. Là se trouve la limite de ses options, pourtant cohérentes : Alessandro Striggio et Claudio Monteverdi ne se sont pas contentés de cette épure et l’ont disséminée dans un tout chatoyant où s’entrelacent des éléments appartenant non pas à des temps immémoriaux, mais à leur propre époque. Et c’est ce feuilletage de temps historiques que Pierre Audi a écarté. En conséquence, l’acte I — solaire, arcadien et gonflé de danses enjouées — et l’acte V— apollinien et séraphique — lui échappent totalement. Bancale, la favola in musica claudique.Stephen Stubbs ne ressentant de son côté aucune théâtralité — contaminé par ce sophisme, propre à nombre de continuistes, selon lequel, pour être compris, un texte doit être déclamé lentement —,le spectateur est gagné par une irrésistible torpeur. Seule Brigitte Balleys, campant une oraculaire Messaggiera (presque une Erda), parvient à l’en tirer. Pourtant, la distribution, de haute tenue, laisse entrevoir les merveilles qu’elle aurait offertes si elle n’avait été ainsi cadenassée, à commencer parJohn Mark Ainsley dans le rôle-titre et Bernarda Fink, stupéfiante Proserpina. »
Diapason – février 2006 – appréciation Diapason d’or
« Ce troisième volet de la trilogie Monteverdi réalisée par Pierre Audi à l’Opéra d’Amsterdam confirme la cohérence absolue du propos du metteur en scène. Dans les trois opéras, les décors géométriques et les costumes hybrides (mêlant influences ethniques et classicisme renaissant) soulignent l’intemporalité et l’universalité du message monteverdïen. Ici, toute la mise an scène s’articule autour d’un plan d’eau circulaire dont les traversées illustrent les passages d’un monde à l’autre. Cette surface translucide peut évoquer le lac Averne et les fleuves infernaux, ou encore les miroirs traversables de l’Orphée de Cocteau. Par ailleurs, la direction d’acteurs très soignée, la précision des gestes et des expressions témoignent de l’humanité des personnages et rendent pleinement sensible une vaste palette d’émotions. Les magnifiques éclairages participent de cette grande réussite visuelle et soulignent l’action, comme l’éclair de lumière qui surgit lors du regard fatal d’Orphée. De même, la conclusion de l’oeuvre, ambiguë selon les sources, demeure ouverte Pierre Audi offre une nouvelle alternative aux traditionnelles hésitations entre bacchanale funeste et apothéose apollinienne. Ne serait-ce que pour cette mise an scène admirable d’intelligence dramatique et de beauté visuelle, cet Orfeo est sans conteste la version la plus recommandable aujourd’hui an DVD. Par ailleurs, il faut saluer la direction musicale attentive de Stephen Stubbs et l’intelligence de la plupart de ses partis pris. Si le choeur peut paraître musicalement trop nombreux, il est néanmoins indispensable aux visées de la mise an scène. Les instrumentistes de Tragicomedia et les cuivres de Concerto Palatino sont éblouissants. La réalisation de la basse continue est impeccable de style et d’efficacité. La distribution vocale est homogène et de grande tenue. Les castrats originellement employés par Monteverdi sont évoqués par l’attribution des personnages allégoriques à des contre-ténors. Si David Cordier incarne une Musica au chant quelque peu agressif, Michael Chance offre une merveilleuse apparition de l’Espérance « mise an lambeaux ». Brigitte Balleys est une Messagère tragique et intense, qui contraste avec l’extrême intériorité d’Orphée. John Mark Ainsley est l’un des chanteurs les plus convaincants qu’il soit possible d’entendre dans ce rôle émouvant et digne au début de la fable, mais succombant peu à peu à ses passions destructrices, il livre un formidable « Possente Spirto » où l’agilité des passagi ne cède en rien à la vigueur de l’expression. Enfin, les personnages secondaires (bergers, nymphes, esprits) sont supérieurement tenus, on relèvera la présence judicieuse de Jean-Paul Fouchécourt dans les rôles d’alto de Berger et d’Esprit, ou encore le Charon abyssal de Marie Luperi, et surtout la somptueuse et sensuelle Proserpine de Bernarda Fink. Dans l’attente de la réédition de la trilogie fondatrice de Ponnelle-Harnoncourt, les trois productions amstellodamoises font désormais référence dans la vidéographie monteverdienne. »
Concertclassic
« Pierre Audi a transporté les trois opéras de Monteverdi hors du temps. On aime son univers stylisé, ses lumières étranges, son goût des symboles et la cohérence de son propos éclate avec un certain génie dans le Couronnement – une sphère unique tout au long du spectacle – comme dans Orfeo où rayonnent quelques incarnations majeures : Mark-Ainsley assure la relève d’un Eric Tappy. Il faut se laisser envoûter puis déchirer par son « Possente spirto », quelle intensité ! Et toujours dans Orfeo, un peu trop joliment dirigé par Stubbs, attardez vous devant la Proserpine de Bernarda Fink. »
Classica / Répertoire – février 2006 – appréciation 7 / 10
« L’esthétique de Pierre Audi est stylisée : divinités identifiables par un animal ou un symbole, humains fagotés entre passé et présent…L’Orfeo est le plus abouti, la symbolique et l’obscurité aqueuses seyant bien à la sombre fable. Le dépouillement del’acte infernal impressionne, de même que la couleur dionysiaque du final. »
Le Monde de la Musique – janvier 2006 – appréciation 4 / 5
« En imposant un dépouillement zen aux trois ouvrages scéniques de Monteverdi, le metteur en scène Pierre Audi, à l’opéra d’Amsterdam, a aseptisé Le Retour d’Ulysse dans sa patrie et Le Couronnement de Poppée, mais a plutôt réussi l’Orfeo. Un bassin circulaire, une muraille éboulée, une forêt en forme d’immense bûcher suffisent à situer le cérémonial de renoncement et d’accession à la lumière que subit Orphée, au sein duquel les joyeux bergers comme les créatures des Enfers trouvent naturellement leur place. Sous la direction souple et équilibrée mais assez peu contrastée de Stephen Stubbs, la troupe est très cohérente, dominée par la contralto Bernarda Fink, superbe Proserpine, la mezzo Brigitte Balleys, sobre Messagère de malheur, et surtout par le ténor John Mark Ainsley, Orphée véhément et émouvant, capable de dominer les passages de grande virtuosité. »
Goldberg – décembre 2005 – appréciation 4 / 5
« L’Orfeo de Monteverdi, comme parabole de l’artiste, atteint son point culminant à l’exact centre de l’oeuvre, dans les redoutables vocalises de « Possente spirto »: là, et là seulement, s’exprime tout l’art de John Mark Ainsley, son naturel de chanteur. Car ailleurs, où Orfeo n’est qu’homme, le ténor britannique, présence fascinante, compense par l’affectation ses difficultés à couvrir la tessiture. C’est que Pierre Audi a voulu son Orfèo d’une beauté élémentaire, vaste espace stylisé qui exprime l’homme face à la nature, et dans un parcours initiatique qui dit, néoplatonicien, le renoncement à l’apparence, à l’éphémère terrestre. Ainsi, chants, danses ne sont que de courte durée ; dans le regard de cet Orfeo si imparfait se lit dès « Ecco pur ch’a voi ritorno » comme une crainte, un accablement, une absence. Et des flammes de l’Enfer, cette lecture, presque apologie de l’ombre, s’éclaire, dans le regard éperdu de désir de Proserpina, qui, à l’égal d’Orfeo trouve le renoncement en réponse à sa prière. Bernarda Fink y est simplement bouleversante de frémissement, suprême luxe d’une distribution souvent éblouissante — Messagiera intensément tragique de Brigitte Balleys, Caronte enfin profond, enfïn latin de Mario Luperi, et Euridice gorgée de sève de Juanita Lascarro. La réalisation musicale de Stephen Stubbs, malheureusement, nivelle la fable, sans ombre ni lumière, sans rythme ni couleur, de la constante platitude d’un ensemble trop lointain, qui ne saurait détourner, pourtant, de l’extrême qualité du chant, et de la saisissante beauté des images. »
Forum Opéra
« Avant toute autre considération, admirons le travail de captation de ce DVD (1997 !), sa qualité technique et sonore (assez réverbérée), et espérons qu’Opus Arte continue à nous livrer les trésors enregistrés du Muziektheater d’Amsterdam.Pierre Audi choisit de situer Orfeo dans une Méditerranée indéfinie, les costumes faisant référence à la fois à la Grèce ethnique et à sa version Renaissance. Cela, et plus encore la portée symbolique des décors, qui trace sur le sol dénudé une géométrie presque métaphysique – triangle des troncs rassemblés comme un tipi matriciel (troncs qui deviendront à l’acte 3 chemin vers Euridice), griffure du mur de pierres sèches s’enfonçant dans le sol pour tracer le passage vers les profondeurs de l’Enfer, et surtout ces cercles initiatiques dont nous parlerons plus loin – ancre la narration dans une intemporalité qui rend le propos encore plus universel et percutant. D’autant que le metteur en scène a pris soin d’équilibrer cette esthétique épurée par une direction dramatique pointilleuse, donnant un sens à chaque inflexion musicale. Il y a à la fois une intention chorégraphique de tous les mouvements de groupes (bergers, esprits infernaux), et une attention permanente aux gestes individuels (intrigues secondaires suggérées entre bergers, enroulements de tendresse, cassure d’Orfeo à l’annonce de la mort d’Euridice, attirance de Proserpine pour Orfeo), traduction gestuelle des affects qui est admirablement accompagnée par les costumes et les éclairages. Il y a encore des idées géniales, comme ce bref mouvement agressif d’Orfeo contre la Messagiera sur le célèbre « Oime », cette offrande solennelle du corps d’Euridice, cet Orfeo tétanisé par son erreur et qui se penche sur Euridice une dernière fois. Et tant d’autres… comme la façon dont les Enfers rendent à la terre dorée Orfeo. Et ces cercles dont nous parlions : cercle symbolique de l’eau purificatrice et médiatrice permettant le passage d’un monde à l’autre, eau baptismale devenant celle du Styx ; cercle de sable que l’on contourne inconsciemment ou que l’on pénètre sciemment et qui est tour à tour lien entre les vivants (les bergers s’y rassemblent pour les commentaires choraux) et frontière entre le réel et l’imaginaire. Une conception intelligente, efficace et, qui plus est, d’une beauté à couper le souffle, à la fois onirique et sensuelle, tant dans la pastorale aux tons dorés que dans les actes infernaux baignés d’un bleu glacé.Musicalement, les choses commencent pourtant plutôt mal. Le tempo assez lent et surtout le son droit et agressif de la Musica (David Cordier) fait craindre la suite. Et c’est vrai qu’il faut un temps d’adaptation pour sinon admettre ce timbre (impossible…) mais du moins comprendre ce choix de tactus. Ce n’est pas lenteur, mais temps donné pour laisser au drame sa respiration, aux chanteurs leur incarnation, et aux instrumentistes l’ornementation. Cette volonté de poser le discours doit se comprendre comme élément fondateur d’une musique qui se veut ici cérémonie. Et l’on comprend alors que ce qui est l’une des clés de cette réussite, c’est cette identité d’intentions totale entre le metteur en scène, Pierre Audi, et le directeur musical, Stephen Stubbs. Pour en finir avec l’orchestre, signalons aussi la beauté opulente des cuivres et la pertinence de la réalisation du continuo.Le plateau est le résultat d’un casting pertinent, hormis notre réserve sur David Cordier. A lire la distribution, on s’en doutait, mais le résultat dépasse les espérances. En tête, un trio qui cloue littéralement sur son siège : Orfeo, la Messagiera, Caronte. L’Orfeo de John Mark Ainsley rejoint au panthéon du rôle Eric Tappy. Où est cette « épure cadenassée » qui a pu être décrite ailleurs à propos de sa prestation ? Incompréhensible… Nous avons vu un homme déchiré de douleur, qui tente l’impossible, beau comme le demi-dieu qu’il est, d’une justesse dramatique magnifique (pour exemple le soupçon de crainte dont se teinte le « Ecco pur … » ou son regard éperdu aux côtés de la Messagiera), offrant un « Tu sei morta » à pleurer, un troisième acte bouleversant, exploitant avec une facilité et une beauté de timbre chavirantes la palette du chant monteverdien, notamment le passagiatto du « Possente spirto », suivi par un continuo d’une attention exceptionnelle. Là encore, l’allure hiératique choisie par Stubbs peut être incomprise, mais nous y avons une fois de plus vu un corollaire indispensable de la vision quasi sacrificielle, universelle, de l’œuvre. Brigitte Balleys est une Messagiera juste, sobre, profondément tragique et humaine. Mario Luperi enfin clôt ce trio de tête, avec un Caronte enfin réellement abyssal. Mais les autres rôles nous mettent aussi à la fête, Jean-Paul Fouchécourt berger puis esprit, la sensuelle Juanita Lascarro, la pétillante Ninfa de Suzie LeBlanc, sans parler des luxes suprêmes : Bernarda Fink en Proserpina frémissante, Michael Chance en Speranza.Un Orfeo indispensable qui se clôt sur une intéressante alternative à bien des « montées au ciel » de l’histoire scénographique, et qui reste ouverte à moult interrogations. Mais n’est-ce pas justement ce que souhaitaient Striggio et Monteverdi ? »
La Scena musicale
« Une des raisons du succès de l’Orfeo vient de ce que Monteverdi y allie le faste des intermèdes de la Renaissance à la puissance évocatrice de la déclamation tragique. De ce premier chef d’œuvre de l’histoire de l’opéra, l’éditeur Opus Arte avait déjà proposé, en 2002, une version DVD sous la direction de Jordi Savall ; la mise en scène rendait justice aux actes les plus festifs, mais devenait vite ennuyeuse dans les moments tragiques, handicapée par le jeu figé des acteurs. Cette nouvelle version est radicalement à l’opposé : très dépouillée, misant essentiellement sur des effets d’éclairage, elle gomme une partie de la magie de l’œuvre. Le prologue, hymne au pouvoir de la musique, devient inutilement lugubre, et la fête des bergers d’Arcadie souffre de l’absence de chorégraphies. Mais dès l’arrivée de la messagère venue annoncer la mort d’Eurydice, le travail du metteur en scène Pierre Audi gagne en efficacité. Jusqu’à la fin, on se prend d’intérêt pour le sort d’Orphée, qu’incarne magistralement John Mark Ainsley. Point de décor peint pour les Enfers, mais les eaux noires du Styx sont là, les flammes aussi, autour desquelles se regroupent les choristes, tandis que Pluton dicte ses ordres d’une voix terrible. Ainsi les passages qui peuvent sembler un peu arides au disque deviennent-ils captivants au DVD, médium idéal à présent pour découvrir ce répertoire. »