Giulio Cesare (William Christie)

 

COMPOSITEUR Georg Friedrich HAENDEL
LIBRETTISTE Nicola Haym

 

ORCHESTRE Orchestra of the Age of Enlightenment
CHOEUR The Glyndebourne Chorus
DIRECTION William Christie
MISE EN SCÈNE David McVicar
DÉCORS Robert Jones
COSTUMES Brigitte Reiffenstuel
LUMIÈRES Paule Constable
Giulio Cesare Sarah Connolly mezzo-soprano
Cleopatra Danielle de Niese soprano
Tolomeo Christophe Dumaux contre-ténor
Achilla Christopher Maltman baryton
Nireno Rachid Benabdeslam contre-ténor
Cornelia Patricia Bardon mezzo-soprano
Curio Alexander Ashworth
Sesto Angelika Kirchschlager mezzo-soprano
DATE D’ENREGISTREMENT juillet/août 2005
LIEU D’ENREGISTREMENT Festival de Glyndebourne
EDITEUR BBC Opus Arte
DISTRIBUTION Codaex
DATE DE PRODUCTION avril 2005
NOMBRE DE DISQUES 3
FORMAT Image NTSC – Format 16/9 – Son DTS Surround / LPCM Stereo
DISPONIBILITE Toutes zones
SOUS-TITRES EN FRANCAIS oui

Également disponible en Blue-ray (1er mars 2009) Critique de cet enregistrement dans :

  • Opéra Magazine – juillet/août 2006 – appréciation 5 / 5

« Entertainrnent is not a dirty word» : tel est le titre de l’un des reportages offerts en bonus dans ce coffret de trois DVD dont la parution est une excellente occasion de développer quelques réflexions sur la mise en scène d’opera seria. Il n’y a rien de honteux, en effet, à vouloir divertir. Mais le metteur en scène David McVicar prononce cette phrase en parlant des danses et des gags qu’il a inclus dans ce spectacle pour le rendre accessible au public contemporain, en soulignant à gros traits les moments où l’on peut s’amuser.En anglais comme en français, la notion de divertissement est intimement liée à celle de plaisir, de « plaisir honneste » dirait le Dictionnaire de lAcadémie française dans son édition de 1718. Mais divertir peut aussi vouloir dire détourner, et l’on peut se demander quand cesseront enfin tous les malentendus affectant l’opera seria, et celui de Haendel en particulier. Le public a-t-il vraiment besoin de ces surlignages pour saisir la grandeur de la musique ? Pour divertir, faut-il systématiquement provoquer des rires un peu gras ? L’humour déjà présent dans ces opéras n’est-il pas perceptible ? L’absence de gag est-elle synonyme d’ennui ? Pour qui se penche sur ces partitions en abandonnant tous les préjugés hérités de la musicographie du XIXe siècle, la réponse est non, mille fois non.L’opera seria est construit sur des contrastes dramatiques et musicaux d’une immense richesse et avec un esprit qui ne l’est pas moins. Il est divertissant par nature, et de manière universelle, puisque que son action, essentiellement psychologique et sentimentale, n’est pas emprisonnée dans un lieu ou un temps donnés. C’est pour cette raison qu’il supporte plutôt bien les transpositions spatio-temporelles — le choix de la période coloniale de l’Empire britannique fonctionne très bien dans ce Giulio Cesare capté à Glyndeboume en 2005 — et qu’il touche le coeur des spectateurs. Cette nature universelle est à double tranchant. Puisqu’il résiste à tout, ou presque, l’opera seria subit tous les outrages qu’on n’ose pas — ou peu — infliger à d’autres genres lyriques.Nous ne plaidons en aucun cas pour des mises en scène forcément historicisantes. Le coeur du problème reste le respect d’une dramaturgie forte, qui peut passer par de nombreuses formes et n’implique pas le rejet de toute(s) modernité(s). Alors que faut-il faire avec les opéras de notre cher Saxon, trop souvent réduits à leur superbe musique ? Que faut-il faire de cette musique, et de cette dramaturgie ? Probablement commencer par moins parler de la grandeur de celle-là et arrêter de se tenir à distance respectable de celle-ci. Moins d’admiration, plus de confiance.Avec ce Giulio Cesare, nous sommes très près de tenir l’une des productions haendéliennes les plus abouties jamais publiées en DVD. Mais nous sommes hélas encore assez éloignés des « metteurs en scène préférant appliquer à la lettre les méthodes théâtrales du maître, plutôt que de réécrire ou de couper des passages a priori injouables » dont parle George Hall dans le texte de présentation. David McVicar place en particulier un entracte après le sublime lamento de Cleopatra « Se pietà », repoussant ainsi la fin du deuxième acte sur le troisième DVD, après avoir coupé le grand air de Sesto qui lui apporte normalement sa conclusion. D’autres coupures ont été pratiquées dans les récitatifs et les airs — y compris pour Cleopatra —, et un air a été ajouté pour Nireno (il fut composé pour une reprise de l’ouvrage en 1725, mais pour une Nirena et pas un Nireno !).Quant aux rythmes de danses, fréquents dans la musique baroque, ils n’impliquent pas qu’il faille danser sur la musique ! Les quelques chorégraphies ajoutées à Glyndebourne s’insèrent dès lors avec plus ou moins de bonheur. La manière dont les personnages se tournent autour durant le fameux air de chasse de Cesare « Va tacito e nascosto » est d’une pertinence absolue. On est en revanche moins convaincu par les danses traitées dans le style bollywoodien. Le cinéma indien possède sa propre dramaturgie qui, partiellement transposée ici, ne fonctionne pas, basculant dans le ridicule et la caricature. Comme le souligne le metteur en scène, la musique n’en sort pas rabaissée ; mais le procédé en atténue l’impact émotionnel et retire de la richesse aux personnages. On sourit, on rit même, on admire les talents de danseuse de Danielle de Niese, mais on oublie ce qui se passe, ce qu’elle dit, ce qu’elle ressent.Autre point délicat et très souvent négligé : les changements de décors. Si ces derniers ont évidemment une fonction illustrative qui peut sans aucun problème être adaptée aux techniques d’aujourd’hui, ils ne sont pas que cela. Dans l’opera seria, le décor accompagne et structure l’action psychologique, ses transformations épousant souvent l’évolution des affects, enjouant notamment sur le contraste entre lieux extérieurs et intérieurs, ouverts et fermés. Dans cette production, on suit plutôt bien le rythme de ces changements mais le dispositif de base, une jolie perspective de colonnes carrées, reste identique et les éléments naturels (campagne,jardins…) disparaissent presque complètement. Bien que souvent compensée par les très belles lumières de Paule Constable, cette sobriété paraît excessive, surtout que McVicar ne sait pas toujours comment occuper le vaste espace vide du plateau.Dommage car cette production est souvent splendide. Dans son compte-rendu, Paolo di Felice écrivait : « McVicar signe un spectacle d’une cohérence dramatique et d’une finesse psychologique étonnantes ». Il avait raison. Même si les personnages égyptiens souffrent un peu de leur traitement bollywoodien, le metteur en scène a parfaitement saisi la dimension politique et manipulatrice de Cleopatra. La violence et l’ambiguïté de ses rapports avec son frère Tolomeo sont parfaitement soulignées. Cesare, Cornelia et Sesto sont également bien dessinés, la distribution atteignant un rare niveau d’excellence.La très bonne prestation d’Angelika Kirchschlager en Sesto fait presque pâle figure aux côtés de celles de Sarah Connolly (Cesare d’un parfait équilibre), Danielle de Niese (Cleopatra étonnante, que l’on n’attendait pas forcément à ce niveau de qualité vocale), Patricia Bardon (Cornelia jeune et belle, d’une remarquable classe vocale et scénique) et Christophe Dumaux (Tolomeo idéal). Sous la baguette de William Christie, l’Orchestra o fthe Age ofEnlightenment se montre, une fois encore, magnifique de couleurs et d’intelligence dramatique.Par-delà les réserves, un DVD fascinant, àconnaître absolument et qui, par la qualité de l’interprétation, se place au sommet de la discographie de l’ouvrage. »

  • Le Monde de la Musique – juillet/août 2006 – appréciation 4 / 5

« En transposant Giulio Cesare à l’époque du colonialisme britannique, à la charnière des XIXet XXe siècle, piquée d’une incursiosn dans une cour d’Egypte hollywoodienne où Claudette Colbert en Cléopâtre aurait batifolé comme un poisson dans l’eau. David McVicar a signé pour le festival de Glyndebourne un spectacle mémorable, servi par une magnifique direction d’acteurs et des décors élégants. S’appuyant sur une gestuelle élaborée, les chanteurs brossent des personnages hauts en couleur : Angelika Kirchschlager en adolescent tourmenté ; Chrlstophe Dumaux en enfant gâté (enfin un contre-ténor dont les notes de poitrine ne détonnent pas !) ; Rachid Ben Abdeslam hilarant dans un air où il esquisse une chorégraphie à la manière de Sheila. Tous sont dominés par la radieuse Cléopâtre de Danielle de Niese, digne de voler la vedette à Monica Bellucci : yeux de braise, bouche pulpeuse et plastique de rêve. César est interprété par une mezzo (ce qui, vocalement, est préférable) et la crédibilité visuellle de Sarah Connolly en travesti est indiscutable. L’oeuvre est dirigée avec beaucoup d’inventivité et de lyrisme par William Christie, et l’Orchestra of the Age of Enlightment sonne plus brillant que Les Arts florissants. »

  • Diapason – juillet/août 2006 – appréciation 4 / 5

« Impossible, hélas, de répéter ici tout le bien se nous écrivions l’été dernier de la nouvelle production de Glyndebourne. Ce n’est pas seulement que les caméras de Robin Lough nous la présentent sous un angle nouveau, c’est que leur « langage » nous semble incompatible avec la mise on scène, et certaines scènes méconnaissables : mieux vaut attendre l’arrivée du spectacle à Lille, en mai prochain.« Va Tacito » résume la question. David McVicar y règle un exaltant ballet diplomatique entre César, Ptolémée et leurs troupes, figurants et danseurs d’un Bollywood miniature ; la caméra isole l’empereur et suit ses déplacements, masquant à la fois le message de l’air (en substance « mieux vaut se faire discret pour surprendre l’ennemi ») et la construction de la scène. Autre forme de « contrepoint scénique » pour le dernier air de Cornelia, heureuse car enfin vengée par son fils. McVicar le place à côté d’elle, les mains sang, terrifié par l’acte qu’il a commis : pourquoi des plans alternés, qui opposent à un rythme artificiel ce que rapprochent la scène et la musique, l’horreur et la tendresse ? Absurde aussi, la captation de ce « Da tempeste» virtuosissime, dansé par Cléôpatre et deux « claudettes », un pas àgauche, deux à droite, quatre devant, et la caméra les suit, un pas à gauche… On pourrait multiplier sans fin les exemples : disons simplement que le spectacle est filmé comme si McVicar ne savait pas jouer avec le cadre de scène et prendre possession tout l’espace. Il a compris, comme peu de collègues, l’importance des situations dans le théâtre baroque, il a trouvé une façon très habile de les donner à voir et de les articuler, et le voilà ramené aux plans « psychologisants » d’une captation académique. Pour les voix, ajoutons seulement au compte-rendu précédent que Kirchschlager était en petite forme les deux soirs filmés (dommage pour le duo de la fin du I, profondément senti par McVicar mais faux du début à la fin).Deux bonus, enfin. Un documentaire assez bien fait avec les témoignages des musiciens et du metteur en scène : rien d’extraordinaire, mais des idées claires et pleines de bon sens — quand, par exemple, McVicar nous rappelle ce que l’on oublie trop souvent « entertainment is not a dirty word ». Et un portrait savoureux de Danielle de Niese, façon The Real life dans le Sussex. Avec toutes les précisions attendues sur le maquillage et sur le risque majeur de chute de perruque dans les scènes chorégraphiées. Quel métier « !

  • Classica – juin 2006 – appréciation Recommandé – 10

« Des lauriers pour Cesare – William Christie dirige d’une main de maître, les décors et les costumes sont superbes, les ballets magnifiques… Un must! – Spectacle star du Festival de Glynde­boume 2005, Giulio Cesare retrouve l’énergie et la maîtrise d’un William Christie déjà bouleversant dans la Theodora conçue par Peter Sellars (Glyndebourne 1996). Sous sa houlette, The Orchestra of theAge of Enlightenment est sidérant de justesse et de puissance, balançant entre un continuo délicat et la belle sûreté de ses instruments (les cors dans le « Va Tacito »). David MacVicar opte pour l’Égypte ottomane en conflagration avec la Rome britannique. Le baroque subsiste dans les rouleaux d’une mer en carton et les stricts entablements latéraux. La descente ou la remontée de persiennes ouvre sur des intérieurs moites ou des paysages lunaires. Les costumes, somptueux mais stricts, donnent aux Ptolémaïdes l’allure de principions perclus de vices orientaux. Vocalement somptueuse, Sarah Connolly campe un César fatigué de médailles, chef vieilli que Cléopâtre n’aura pas de difficulté à retourner. L’esprit Bollywood tissé autour de la jeune princesse sied à ravir à Danielle de Niese. Cette orchidée métisse a encore mûri sa voix brillante, bien timbrée, sensuelle sans être minaudière. Actrice hors pair, danseuse piquante puis femme touchante, elle forme un couple détonnant avec leTolomeo sadique et bien en voix de Christophe Dumaux. Les perdants de cette farce tragique, Cornelia et Sesto, sont distribués avec luxe. Patricia Bardon offre des traits justement tirés à cette autre Lucrèce, et Angelika Kirchschlager est impeccable en héros juvénile que les épreuves mûrissent. La suite des Egyptiens est d’une même qualité, qu’il s’agisse du très beau Christopher Maltman, ou du Nireno de Rachid Ben Abdeslam, parfait en eunuque de cour, folle mais point trop.La caméra de Robin Lough excelle en cadrages magnifiques (duo « Son nata a lagrimar ») respectant les éclairages subtils de Paule Constable. Cette maîtrise visuelle ne peut qu’immortaliser la nouvelle vision de MacVicar dont le théâtre a acquis une profondeur et un humour supplémentaires, loin de l’illustratif hyper référencé dont il a parfois abusé. Plus contestables sont les bonus, filmés façon Star Academy dans la gentry. »

  • Crescendo – été 2006 – appréciation Joker

« Le Giulio Cesare de René Jacobs a révolutionné la discographie des opéras de Haendel, il faudra désormais compter avec ce DVD. Peut-etre faudrait-il aussi rebaptiser l’ouvrage, tant Cléopâtre semble ravir la vedette au général romain. Ce n’est pas que ce dernier manque de consistance, loin s’en faut, mais l’opéra exalte le physique avantageux de Danielle De Niese, dont le soprano capiteux et les danses lascives achèvent de conquérir le public de Glyndeboume. N’allez pourtant pas croire que la chanteuse n’est qu’une belle plante ou un joli rossignol : c’est une véritable bête de scène, un caméléon, sexe-symbole aguichant César, vierge candide implorant dieu, garçonne farouche défiant son frère, reine comblée…, elle change de profil comme d’équipage, plurielle, insaisssable. C’est là que réside justement toute la force de cette production : David Mc Vicar prend au sérieux les personnages tous d’une vérité et d’une densité exceptionnelles ; il les aime et les magnifie, y compris les rôles secondaires : l’Achille brutal, mais râblé, de Christopher Maltman, et le cruel, excentrique mais séduisant ptolémée de Christophe Dumaux. Une telle direction d’acteurs nous change des concerts avec costumes et décors ou des revues de cabaret truffées de gags et clichés pseudo subversifs qui tiennent trop souvent lieu de mises en scène. N’en déplaise à ses détracteurs, Mac Vicar ne verse pas toujours dans la surenchère, il a de l’esprit et sait éclairer avec finesse l’enjeu d’un air : quelques pas de danses suffisent à sufférer le jeu de dupes auquel se livrent César et Ptolémée (“Va tacito e nascosto”), mais il n’élude pas non plus la violence dont la veuve de Pompée et son fils sont les victimes. Sarah Connolly domine un plateau habité et sans faille par la richesse d’un chant qui ravit et surprend, évoquant ainsi l’âge d’or du bel canto : dans un Se in fiorito ameno prato inventif, raffiné, le mezzo joue avec sa voix, murmure, siffle même, avec une classe folle! Après sas fabuleuse Theodora William Christie retrouve avec un bonheur égal le luxuriant Orchestra of the Age of Enlightenment et s’affirme une fois encore comme l’un des meilleurs chefs haendéliens. Un mot encore : pour saluer la qualité de la prise de son, mais aussi de la photographie, loin des éclairages crus et du flou qui gâchent tant de films d’opéra. »

  • Concertclassic

« Le spectacle est fantastique, mais c’est un peu Brigadoon ! McVicar entraîne l’expédition d’Egypte de Jules César au temps de l’occupation britannique, et lit tout l’opéra du coté de la vis comica : interprétation limitée, frauduleuse même, mais qui autorise un show perpétuel souvent ébouriffant. Dans ce registre (mais on la sent capable d’en prendre à chaque instant le contre-pied) la Cléopâtre de Danielle de Niese atteint à la perfection, autant par sa plastique et ses jeux de scène désopilants que par la pure beauté de sa voix aussi virtuose qu’expressive. Pour la vaillance Sarah Connolly en remontrerait à toute les contre-ténors qui ont abordé César, à tous sauf un, Jeffrey Gall, dont les rossignolades de « Se in fiorito ameno prato » montraient d’autres ailes que celles, alourdies, de la mezzo. On aimera moyennement l’Achille rogue de Christopher Maltman. Inutile de dire que les personnages tragiques sont sacrifiés, mais inégalement : McVicar ne laisse aucune chance à Cornelia (campée terne par une Patricia Bardon parfois fâchée avec la justesse, toujours musicienne cependant) mais rédime Sesto, en lui faisant endosser les culottes de Chérubin. Une formidable Angelika Kirschlager tente et réussit le pari d’un adolescent ivre de vengeance. Simplement saisissant. On tressera aussi des lauriers à Christophe Dumaux, Ptolémée comique que l’on peine à croire dangereux, mais qui éblouit par sa virtuosité et son incarnation follasse (ah le grand moment lorsqu’il endosse la robe très mille et une nuits de sa sœur !). Et il faudra surveiller Rachid Ben Adbesalam, joli « contre-ténorino » qui réussit en finesse le plus attachant Nireno qu’on ait jamais connu. William Christie fait briller de tous ses feux un Orchestre de l’Age des Lumières de très grande venue. L’option de McVicar le soulage de tenter l’émotion, la folie, les coups de théâtre dramatique qui abondent durant ces quatre heures de musique, et du coup il atteint dans cette optique à une performance rayonnante mais un peu niaise. Un documentaire, assez saoûlant et convenu, sur Danielle de Niese, un autre plus fouillé, sur la genèse du spectacle complètent ce fort album de trois DVD qui bénéficie d’une édition remarquable, la loi du genre chez Opus Arte. En voyant le rideau tomber, on ne pouvait pourtant s’empêcher de repenser à la production de Peter Sellars, qui lui aussi sollicitait la veine comique, mais pas seulement. Fut-elle seulement captée ? « 

  • Forum Opéra – Mc Vicar conquérant

« Amis mélomanes qui restez réfractaires à l’opéra baroque, qui jugez ses situations dramatiques et ses caractères stéréotypés et surannés, qui mourrez d’ennui aux redondances de ses da capo, jetez un œil à ce Giulio Cesare enregistré en 2005 à Glyndebourne et il se pourrait bien que toutes vos réserves s’effacent… Voilà en effet un des spectacles récents les plus vivants, les plus réjouissants, les plus équilibrés qu’il nous ait été donné de voir. A tout seigneur tout honneur, le mérite en revient d’abord à Haendel, dont il s’agit incontestablement d’un des opéras les plus réussis, dramatiquement et musicalement, aidé par un livret pour une fois crédible et authentiquement théâtral de Nicola Francesco Haym. Le mérite en revient aussi, de la fosse d’orchestre à la scène, à un vrai travail d’équipe, dont chaque élément joue le jeu et s’investit à 200% dans le projet commun et dont la réussite d’ensemble vaut bien plus que la somme algébrique des qualités de chacun. Le maître d’œuvre de ce petit bijou reste incontestablement le metteur en scène David Mc Vicar. Après une Agrippina du même Haendel à La Monnaie de Bruxelles déjà anthologique, puis une Semele, à notre goût moins réussie, au Théâtre des Champs Elysées, il confirme son adéquation avec le genre de l’opéra baroque et ses codes, dont il nous propose une relecture actualisée et revivifiée sans trahir ce qui en fait l’essence. Dans un décor unique d’enfilade de colonnes d’un parfait classicisme, à géométrie variable, l’action est transposée à l’époque de l’occupation de l’Egypte par l’Angleterre victorienne, à la fin du XIXème siècle. Les rouleaux mécaniques de la mer en fond de scène, sillonnée par des bateaux de bois, les costumes somptueux sont bien sûr un clin d’œil aux machineries et au style de l’époque baroque. Aidé par d’authentiques chanteurs-acteurs et par une direction d’une précision sidérante, David Mc Vicar nous offre un spectacle sans aucun temps mort, chorégraphie les airs en s’inspirant du cinéma musical indien, fait vivre scéniquement les da capo, ose des gags hilarants mais sait aussi ménager des plages de suspension pour les moments de pure émotion, le tout dans un respect constant des situations dramatiques et des personnages ainsi que de leur évolution. Au final, ces presque quatre heures de musique passent comme un enchantement, sans une seule seconde d’ennui. En tête de la distribution, rouée, intrigante, usant de ses charmes incontestables pour flouer tous les hommes, la Cleopatra de Danielle de Niese brûle les planches et, en formidable meneuse de revue, embrase le public de Glyndebourne. Un tel abattage fait oublier les limitations du grave, les acidités et la justesse approximative de certains aigus, les minauderies stylistiquement contestables qui avaient déjà entaché ses prestations parisiennes de 2002 dans ce rôle et qui sont, ici, nettement moins apparentes. Elle réussit notamment un déchirant « Se pieta di me non senti» qui conclut la première partie du spectacle (et le second DVD du coffret). Dans le rôle de Giulio Cesare, Sarah Connolly réussit un travestissement troublant et crédible. En dépit d’une fatigue perceptible au 3ème acte, l’égalité des registres, la précision et la variété des ornements, la vélocité emportent l’adhésion, comme, par exemple, dans son formidable numéro avec violon « Se in fiorito ameno prato » du second acte. Dans le rôle de Sesto, Angelika Kirchschlager, peu habituée à ce répertoire, parvient néanmoins à une composition convaincante du fils torturé par le devoir et l’image du père défunt. Son legato et ses capacités de coloration font merveille dans les airs lents de nostalgie ou de douleur (un « Cara speme » en apesanteur) mais elle paraît moins à son aise dans les vocalises des airs rapides ou de fureur. Patricia Bardon, de son beau timbre émouvant de contralto, au vibrato un peu marqué, campe une Cornelia d’une grande noblesse et d’un tragique antique. Christophe Dumaux incarne magnifiquement un Tolomeo dégénéré, tyrannique, veule et pitoyable. Sa voix flexible et agile domine la tessiture du rôle et les redoutables écarts de « Domero la tua fierezza ». Rachid Ben Aslam est Nireno, le second contre-ténor. On saura gré à William Christie d’avoir conservé son air « Chi perde un momento » et de nous permettre ainsi d’apprécier ses grandes qualités de danseur autant que de chanteur. Le beau et menaçant Christopher Maltman propose un Achilla impressionnant, sadique et violent, tourmentant et tentant même de violer la pauvre Cornelia. Sur le strict plan vocal, avec son registre grave éteint, son émission brutalisée et sa ligne malmenée, il apparaît en-deçà du reste de la distribution. A la baguette, William Christie prend visiblement autant de plaisir que ses chanteurs. Il trouve les pulsations justes et dansantes des airs vifs mais obtient aussi, d’un Orchestra of the Age of Enlightenment parfait en tous ses pupitres, des couleurs et des sonorités d’une grande poésie pour les moments d’introspection. En bonus, une très intéressante compilation d’interviews des principaux artisans de ce spectacle, fort éclairante sur leurs motivations et leur approche de Haendel (Christie et Mc Vicar en particulier) et un portrait de Danielle de Niese beaucoup plus dispensable, à moins que vous ne souhaitiez tout savoir sur son art de cultiver les herbes aromatiques ou préparer les pâtes au gruyère… Ce Giulio Cesare constitue donc une contribution majeure à la vidéographie des opéras de Haendel et un must absolu de toute vidéothèque équilibrée. »