COMPOSITEUR | Francesco CAVALLI |
LIBRETTISTE | Giovanni Faustini |
Dramma musicale en un prologue et trois actes, sur un livret de Giovanni Faustini (vers 1615 – 1651), représenté au teatro San Cassiano (et/ou au teatro Novissimo ?), en 1645.
Le livret, dédicacé au noble vénitien Mauritio Tirelli, fut imprimé par Francesco Miloco en 1645, à Venise.
Le manuscrit est déposé à la Biblioteca Marciana de Venise (Collection Contarini), avec un accompagnement orchestral à cinq parties.
Argument
Artaban, arrière-petit-fils de cet Arsace qui constitua l’empire des Parthes, si redoutable pour la grandeur romaine, désireux d’égaler la gloire de ses ancêtres en repoussant les bornes de ce vaste domaine grâce à de nouvelles conquêtes, après avoir imposé son joug aux peuples de Bactriane et aux Sogdiens riverains de l’Oxus et de l’Iaxarte, dirigea ses armées victorieuses et fortunées contre Tigrane, roi d’Arménie. Celui-ci, battu plusieurs fois par le belliqueux Artaban, et ayant perdu Tigranocerte, sa capitale, se trouva, tel Antée, plus fort par sa chute, et fit connaître au Parthe que ses flèches n’étaient pas capables d’épouvanter un c’ur qui ne craignait pas celles de l’implacable Fortune ; ayant fini par rassembler ce qui restait de ses troupes après ses défaites, il fit jeter un pont sur l’Araxe et alla attaquer l’ennemi jusque dans ses retranchements. Artaban était appliqué à assiéger Artaxates, ville qui, restée opiniâtrement fidèle à son seigneur, avait, seule de toutes les cités d’Arménie, méprisé les victoires du Parthe et refusé de lui payer tribut. Les deux armées combattirent avec acharnement dans les plaines de l’Araxe, sous les yeux des assiégés, l’une pour la gloire, l’autre pour la liberté de l’Arménie ; mais après diverses péripéties où Mars se montrait tantôt favorable, tantôt hostile, le généreux autant qu’infortuné Tigrane rencontra dans cette journée des destinées identiques aux précédentes ; il fut mis en déroute, et pendant que les restes de son armée se dispersaient, il s’enfuit, suivi d’une poignée de fidèles, devant la fortune du vainqueur.
Doriclée, née de sang royal dans le Pont, qui avait toujours voulu prendre sa part du triste destin de son cher époux, et parmi les armées, et dans les mêlées, circuler en armes et combattre pour sa vie, accomplit en ce jour, sans qu’on la connût, des exploits inouïs. Telle la foudre, elle fendit la ligne de front des Parthes, et, abattant quiconque tentait de s’opposer à son courage, elle parvint au centre de l’armée ennemie, et là, en dépit de mille lames, elle blessa Artaban ; mais, ayant vu l’audace arménienne abandonnée de celui qui dirige les choses humaines, son cheval tombé sous elle, blessée par plusieurs flèches dans les parties les plus sensibles des pieds, elle accompagne, bien que handicapée pour courir, la fuite de son cher Tigrane.
La déroute de l’armée arménienne et la fuite de Tigrane et Doriclée sont le point de départ de l’action.
Personnages : l’Ambition, l’Ignorance, la Vertu, la Gloire (Prologue) ; Doriclée (Doriclea), femme de Tigrane ; Tigrane (Tigrane), roi d’Arménie ; Oronte (Oronte), soldat arménien ; chœur de Soldats arméniens ; Suréna (Surena), capitaine des Parthes ; Artaban (Artabano), roi des Parthes ; Clitodore (Clitodoro), médecin du roi ; Eurinde (Eurinda), sœur du roi ; Melloé (Melloe), dame de compagnie d’Eurinde ; Pharnace (Farnace), prince d’Hibérie (*) ; Sabaris (Sabari), Maure, écuyer de Pharnace ; Vénus (Venere) ; chœur d’Amours ; Mercure (Mercurio) ; chœur d’habitants d’Artaxates [capitale de l’Arménie] ; Orindos (Orindo), nain, page de Pharnace ; la Colère ; la Fureur ; la Discorde, toutes trois au service de Mars ; Mars (Marte) ; un Messager ; la Paix
Personnages muets : chœur de soldats de Suréna, chœur de soldats prétoriens parthes, chœur de suivantes d’Eurinde.
Une partie de l’histoire se déroule sur les rives de l’Araxe, une partie dans la ville d’Artaxates.
(*) l’Hibérie ou Ibérie n’est pas la péninsule ibérique, mais une région homonyme riveraine de la mer Noire, à l’emplacement de l’actuelle Géorgie ; il en est également question dans l’Oristeo et le Giasone.
Synopsis (*)
Prologue
L’Ignorance et l’Ambition gravissent péniblement le mont de la Vertu. Elles dépouillent la Vertu de ses vêtements pour s’introduire dans le temple de la Gloire, puis prennent leur vol ; mais la Gloire veille et les précipite.
Acte I
Sc. 1-2 : Tigrane, roi d’Arménie, est défait en bataille par Artaban, roi des Parthes ; son épouse Doriclée, qui se bat à son côté, vêtue en homme, est blessée et ne peut fuir avec lui ; Tigrane refuse de l’abandonner, puis, sur les instances d’Oronte, se résigne à fuir ; Doriclée l’implore de la tuer pour lui épargner la honte de l’esclavage. Pendant qu’il délibère, les Parthes surviennent et il échappe de justesse.
Sc. 3 : Suréna, général des Parthes, s’aperçoit que Doriclée est vivante ; il la fait prisonnier/nière.
Sc. 4 : Artaban s’interroge sur le guerrier inconnu qui l’a blessé, et s’apprête à prendre la ville d’Artaxates, restée fidèle à Tigrane.
Sc. 5 à 7 : Eurinde, sœur d’Artaban, s’enquiert du sort de Pharnace, qui, ami d’enfance de Tigrane, est passé dans le camp parthe pour ses beaux yeux. Suréna lui confie Doriclée. Elle veut le/la tuer, mais tombe sous son charme.
Sc. 8 à 10 : Pharnace reconnaît Doriclée, la présente à Eurinde comme Cyrus et se le/la fait confier. Doriclée lui apprend que Tigrane cherche à gagner l’Assyrie ; mais Pharnace l’avertit : le roi assyrien le livrera aux Parthes. Il confie Doriclée aux soins de son médecin arabe Sabaris.
Sc. 11 – 12 : Vénus part en guerre en faveur de Tigrane, car les Arméniens sont ses fidèles adorateurs. Il lui faut d’abord punir Mars. Mercure se moque de sa troupe d’Amours ployant sous les armes, puis accepte d’aller prévenir Tigrane contre le perfide Assyrien.
Acte II
Sc. 1 : les citoyens d’Artaxates, croyant Tigrane perdu, capitulent. Artaban se déclare impressionné par le guerrier inconnu qui l’a blessé.
Sc. 2 à 4 : dans le désert, Tigrane, qui croit avoir tué Doriclée, envisage le suicide, puis décide de vivre. Il est rejoint par Pharnace et Mercure, ce dernier déguisé en Arménien. Pharnace propose à Tigrane de lui donner asile en Hibérie et lui apprend que Doriclée est vivante. Mercure s’esquive pour aller recevoir les baisers promis par Vénus, et chante l’empire des femmes.
Sc. 5 à 9 : le pseudo-Cyrus se voit rendre hommage par Artaban. Eurinde est de plus en plus séduite. Melloé lui reproched’oublier Pharnace, mais accepte de servir d’intermédiaire. Le nain Orindos, esclave de Pharnace, est indigné, d’où un air misogyne. Sabaris, lui, trouve le changement normal ; il s’avoue enflammé pour Doriclée, et, bien que noir, veut tenter sa chance.
Sc. 10 à 12 : Vénus et sa troupe d’Amours attaquent le palais de Mars, défendu par la Colère, la Fureur et la Discorde ; Mars, à qui Vénus reproche d’avoir favorisé les Parthes, rejette la faute sur le Destin, mais s’engage à soutenir les Arméniens : il va provoquer une invasion des Scythes pour faire diversion.
Acte III
Sc. 1 à 3 : Doriclée s’inquiète du sort de son époux, et de la folie amoureuse d’Eurinde, puis s’endort. Sabaris veut profiter de son sommeil pour l’embrasser ; elle se réveille, il lui déclare son amour, elle est outrée et insultante ; il veut se venger.
Sc. 4 à 6 : Melloé aimerait goûter elle aussi aux joies de l’amour, que dénigre Orindos. Ce dernier, indigné qu’Eurinde trahisse Pharnace, veut dénoncer Eurinde et «Cyrus» à Artaban.
Sc. 7 à 9 : Pharnace et Tigrane, déguisés en Parthes, ont réussi à s’introduire dans Artaxates. Tigrane se fait connaître de Sabaris, qui voit là un moyen de se venger et annonce à Tigrane que Doriclée passe ses nuits avec Artaban. À peine Tigrane est-il sorti furieux que Sabaris a des remords.
Sc. 10 à 16 : Melloé a réuni Doriclée et Eurinde. Doriclée continuant à jouer le jeu, les deux se livrent à une séance de baisers ; elles sont surprises par Artaban sur dénonciation d’Orindos, puis par Tigrane ; Artaban stigmatise la lubricité de sa soeur, Tigrane l’adultère de Doriclée, dont la vraie identité est révélée. Artaban fait arrêter Tigrane. Eurinde revient à de plus justes sentiments et se réconcilie avec Pharnace.
Sc. 17 à 22 : on annonce l’invasion des Scythes. Artaban se demande comment aller lutter tout en préservant l’Arménie qu’il vient de conquérir. Solution : il la rend à Tigrane. Réconciliation générale, on pardonne même à Sabaris. Vénus et les Amours règnent à nouveau sur l’Arménie.
(*) par Alain Duc
Livret en français disponible sur livretsbaroques.fr
Livret original
http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0004/bsb00047983/images/index.html?id=00047983&fip=qrsfsdrxdsydeayayztsewqxdsydxdsydxdsyd&no=5&seite=7 (Rome – Istituto Storico Germanico)
http://www.urfm.braidense.it/rd/02981.pdf (Milan – Biblioteca Nazionale Braidense)
Livret (en italien)
http://amsdottorato.cib.unibo.it/226/1/I_drammi_musicali_di_Giovanni_Faustini_per_Francesco_Cavalli.pdf (page 187)
Livret (en italien et en anglais)
Partition : Christopher J. Mossey. A-R Editions Inc., janvier 2004 – disponible en ligne
Représentations :
New York, Manhattan School of Music – Senior Opera Theater, Ades Performance Space – 26, 27, 28, 29 mars 2014 – dir. Jorge Parodi – mise en scène Dona D. Vaughn – lumières Kate Ashton – costumes Summer Lee Jack – avec Juan del Bosco (Artabano), Caroline Braga (Eurinda), Lyndon England (Orindo), Hannah Dishman (Melloe), Michael Anderson (Tigrane), Christine Price (Doriclea), Justin Austin (Sabari), Nicholas Smith (Surena), Megan Mikailovna Samarin (Farnace), Margaret Woolums (Ambition), Sara Hope Ptachik (Virtue), Marina Lombardi (Ignorance), Sheila Houlahan (Glory), Amanda Grafton (Venus), Mark Zhaoming Seah (Mercury), Cameron Johnson (Mars)
New York – Juilliard School Studio – 25, 26, 28 février 2008 – dir. Kenneth Marrill – avec Celine Mogielnicki (Eurinda)