COMPOSITEUR | Francesco CAVALLI |
LIBRETTISTE | Bortolo Castoreo |
Dramma per musica, sur un livret en un prologue et trois actes de Bortolo Castoreo, représenté au teatro San Cassiano, le 20 janvier 1651.
Le livret dédié All’Illustriss. & Eccellentiss. Sig. Gio. Francesco Zorzi, Fù dell’Illustriss. & Eccell. Sig Gerolimo, édité à Venise par Giacomo Bati.
L’Armidoro fut le dernier opéra représenté au Teatro San Cassiano avant une période – de 1652 à 1657 – pendant laquelle aucun spectacle en musique n’y fut donné.
Leone Allacci, Cristofo Ivanovich et Livio Niso Galvani, et la plupart des musicologues après eux (Clément et Larousse, Prunières, etc.) attribuent l’œuvre à Cavalli. Pourtant, cette attribution à Cavalli est discutée, et l’ouvrage est aujourd’hui plutôt attribué à Gasparo Sartorio (1625 – 1680).
Le livret, dédié All’Illustriss. & Eccellentiss. Sig. Gio: Francesco Zorzi, Fù dell’Illustriss. & Eccell. Sig Gerolimo, fut publié en 1651 par Giacomo Batti, Libraro in Frezzaria.
La dédicace est suivie d’Avis au lecteur, d’un Argomento, et de la liste des Interlocutori.
La musique est perdue.
Personnages : Armidore (Armidoro), de son vrai nom Ordauro, amoureux d’Érinda ; Érinda (Erinda), fille du roi, amoureuse d’Armidoro ; Darius (Dario), roi de Chypre ; Ersilla (Ersilla), sa nièce, amoureuse d’Argaste ; Argaste (Argasto), frère d’Armidore, épris d’Ersilla ; Gorgino (Gorgino), bouffon du roi ; Celino (Celino), page d’Armidore ; Amour (Amore) ; Diane (Diana) ; Mercure (Mercurio) ; Vénus (Venere) ; Ch’ur de pages du roi ; Ch’ur de soldats.
La scène se passe à Chypre.
Structure du livret et décors
Prologue
Poesia, Amore
Acte I
Sc. 1 – un bord de mer avec des vestiges d’édifices ruinés – Armidoro, Erinda dormant
Sc. 2 – Celino, Erinda, Armidoro
Sc. 3 – Celino seul
Sc. 4 – Gorgino, Celino
Sc. 5 – Armidoro, Erinda, Gorgino
Sc. 6 – Celino, Gorgino, Armidoro, Erinda et des Soldats muets
Sc. 7 – Celino seul
Sc. 8 – Armidoro, Celino
Sc. 9 – Bosco – Amore, ailes et mains liées
Sc. 10 – Diana, Amore, Mercurio
Sc. 11 – Mercurio seul
Acte II
Sc. 1 – le Palais royal – Argasto seul
Sc. 2 – Gorgino seul
Sc. 3 – Erinda entravée, conduite par des Soldats du Roi
Sc. 4 – Dario, Erinda, et Soldats
Sc. 5 – Dario, Soldats et Gorgino muet
Sc. 6 – Gorgino seul
Sc. 7 – Armidoro, Celino
Sc. 8 – Ersilla seule
Sc. 9 – Argasto, Ersilla
Sc. 10 – un bosquet – Venere, Mercurio
Sc. 11 – Venere, Amore
Acte III
Sc. 1 – un jardin avec des galeries couvertes – Ersilla seule
Sc. 2 – Argasto, Ersilla
Sc. 3 – Gorgino, Argasto, Ersilla
Sc. 4 – Dario, Gorgino, Ersilla, Argasto se sauvant
Sc. 5 – une cour – Armidoro seul
Sc. 6 – Celino, Armidoro
Sc. 7 – Dario, des Soldats
Sc. 8 – Celino, Dario
Sc. 9 – Argasto, Celino, Dario
Sc. 10 – Celino, Dario, Argasto, Ersilla
Sc. 11 – Erinda, Armidoro, Dario, Argasto, Ersilla
NB. on notera la forte proportion de scènes où le personnage est seul : 8, sur un total de 33.
L’Armidoro, drame pour la musique, de Bortolo Castoreo, à l’ill. et Exc. sign. Gio. Francesco Zorzi
Épître dédicatoire
Illustrissime et excellentissime seigneur,
Avec plus de dévouement empressé que d’assurance, je viens, trop hardiment, vous dédier ce mien chétif enfant, comme une avance sur les grandes choses que ma plume écrira peut-être un jour à votre gloire.
Ce prince inconnu, qui aspire à se rendre éternel dans le temple de la Renommée, ne se risque pas à affronter le périlleux océan des jugements et des médisances des autres, si votre protection révérée ne lui sert pas d’escorte. Que Votre Excellence daigne donc l’assister jusqu’à ce qu’il parvienne à ce but si désiré, qui lui fait espérer d’être jugé un prince fortuné ; sur quoi, je lui baise respectueusement les mains.Venise, le 20 janvier 1651.
Au lecteur
Armidore arrive ; les instances des amis l’ont libéré de la prison d’encre et de papier à laquelle il était condamné.Le voici donc, timidement exposé par moi à cette épreuve dont je crains que les flammes, bien loin de l’affiner avec bonté, ne le brûlent et détruisent. Je me rassure cependant avec le dicton : Qui ne risque rien n’a rien.
Je mettrai donc courageusement à l’épreuve ma fortune ; de ceux qui aujourd’hui composent des ouvrages, tous ne sont pas poètes ou versificateurs ; et pourtant ils en tirent quelque louange. Je me déclare tel, car composer n’est pas ma profession, mais un plaisant loisir. Qui ne professe pas, ne brigue rien. Pour moi, je ne désire ni louange, ni blâme. On a l’habitude de dire en commun proverbe : Qui ne peut dire le bien, ne dise pas le mal.
Ainsi, les doctes esprits me traiteront avec indulgence ; et les ignorants ne verront pas aussi facilement mes erreurs ; de la sorte, tout sera passé sous silence. Et moi, en récompense de mes fatigues, je pourrai espérer quelque louange modérée, et le théâtre quelque gain.
C’est de quoi je te prie, et sur quoi je finis. Vis heureux.
Argument
Ordauro, premier né du roi des Tunisiens, est persécuté par son frère cadet Argaste, qui veut sa mort pour usurper sa primogéniture et pour d’autres motifs plus futiles. Voulant fuir les pièges tendus par son frère, il passe incognito à la cour du roi de Chypre, où en peu de temps il s’enflamme des souveraines beautés d’Érinda, fille unique de ce roi ; celle-ci répondant à sa flamme, il prend plaisir à rester quelque temps incognito à cette cour, sous le nom d’Armidore, plongé dans les entretiens amoureux.
Ceci parvient aux oreilles de son frère Argaste, qui revêt les armes et s’envole vers la même cour. À peine y a-t-il vu la très belle princesse Ersilla, nièce du roi, qu’il s’embrase d’amoureuses flammes, auxquelles il est pleinement répondu ; et ces préoccupations amoureuses lui font oublier sa haine pour son frère, qui avait causé sa venue à la dite cour.
Ordauro apprenant la présence de son frère, et connaissant sa haine, craint de voir troubler ses paisibles amours et prend le parti de s’enfuir avec son aimée Érinda. Il obtient son accord et quitte le palais pour s’embarquer ; mais si ardent que soit leur désir de partir, le temps défavorable à la navigation fait qu’ils conviennent de rester la nuit suivante dans un lieu escarpé au bord de la mer, ce qui cause les péripéties qui suivent dans l’ouvrage.
Décors
Bord de mer avec vestiges d’édifices en ruine.Bosquet.Palais.
Jardin avec galeries couvertes.
Cour.
L’auteur
Afin que les mots Ciel, Dieu, dieux, Fatum, destin, et autres semblables, n’aillent pas causer quelque scandale chez les mal-comprenants, je leur déclare qu’il s’agit de fictions et d’ornements de la poésie, qui doivent être compris comme tels, en protestant que je suis chrétien, et que cela suffise.
Prologue
La Poésie, Amour
La Poésie
Bien que je me dirige aujourd’hui sur un cygne immaculé
Vers les fameuses plages de Chypre,
Je n’aspire pas au nom de Cyprine ;
Je suis née mendiante, et l’Hippocrène m’a nourrie.Je suis la Poésie, qui, rarement,
De moi-même ici en haut apporte les palmes,
Puisque parfois mes grandeurs, à tort,
Restent piétinées, et finalement ensevelies.Aujourd’hui, fastueuse, sur cette scène
(En dépit de l’Ignorance, ma concurrente)
Je circulerai pleine de toute vertu.
L’Harmonie sera mon hôtesse et mon escorte,
Et, traversant la scène honorée,
Je recueillerai les palmes de mon prestige.
Amour
Amie, me voici, moi Amour,
Qui ai quitté la fameuse Lemnos
Pour avoir le plaisir de t’entendre.
Demande, demande à ta volonté,
J’exécuterai ce que tu voudras :
Qui commande à Amour, se voit exaucé.
La Poésie
Je demande et désire, garçonnet ailé,
Dieu des merveilles,
Qu’Erinda aujourd’hui devienne
(Après divers événements)
Reine et épouse de son fidèle amant ;
Et je souhaite et désire également voir
Ersilla unie à Argaste.
Amour
De bon cœur, ô belle :
Ce que tu désires, je le recherche aussi,
Nos vouloirs vont de pair :
Dans le palais de Chypre
(Grâce à mes traits),
Les amants triompheront,
En liesse au milieu des caresses.
La Poésie
Avec quel éclat
On attendra ta promesse !
Par les champs azuréens,
De toi, preux guerrier,
Je sèmerai avec dévotion
Les gloires et les lauriers.
Amour
Je te le jure, je le ferai.
La Poésie
Et je t’en récompenserai.
Amour
Quelle récompense me donneras-tu ?
La Poésie
Un baiser, tu auras un baiser.
Amour
Je ne te crois pas, non,
Tu es une menteuse.
La Poésie
Il n’est pas permis de manquer à un dieu ;
Tu auras ce que je promets.Attelle-toi à ton entreprise,
Exécute mon projet, et sois assuré :
Voici ma main droite en gage.
Amour
Avec joie, ma belle,
Pour satisfaire tes vœux,
Je prends mon essor vers la terre.
La Poésie
Va avec bonheur, et que le grand Moteur te guide ;
Pendant ce temps, au milieu des nuées,
J’irai à la recherche du Destin,
Pour le disposer en ma faveur,
Afin que tes coups, enfant,
Frappent avec plus de réussite,
Car sans le Destin, même Amour ne peut rien.
Acte I (début)
Scène I – Bord de mer.
Armidore, Érinda endormie.
Air
Armidore
Mon cœur en fête
Jouit dans ma poitrine,
Et il n’abrite plus
De peine d’amour,
Mon cœur en fête.
Amour avec ses traits
M’a rendu heureux ;
Il a éradiqué
Peines et malheurs,
Il m’a rendu heureux.
Récitatif
Armidore
Amoureux, le cœur en fête,
Je viens ici pour retrouver le soleil que j’adore ;
Et je ne vois pas d’autre soleil,
Qui, courtois, veille sur moi
Sinon celui qui, de la mer, resplendit joyeux.
Viens, mon amour, de grâce, viens,
Presse le pas, ô chère,
Et avec tes rayons,
Aimable belle,
Jumelle tes rayons avec le soleil du ciel.
Mais que vois-je, ô cieux ?
Voici justement ici,
Sous des vêtements d’emprunt,
(Avant-courrière de mes joies)
Mon beau soleil déjà a vaincu à l’égal du jour.
Il faut désormais qu’elle se réveille :
Il n’est plus temps que le sommeil immobile,
[Ou] les heures véloces de la jouissance, m’arrêtent.
Livret original (Rome – Istituto Storico Germanico)