CD Callirho

CALLIRHOÉ

version livre-disqueversion CD

COMPOSITEUR

André Cardinal DESTOUCHES

LIBRETTISTE

Pierre-Charles Roy

 

ORCHESTRE Le Concert Spirituel
CHOEUR Le Concert Spirituel
DIRECTION Hervé Niquet

Callirhoé Stéphanie d’Oustrac bas-dessus
Agénor Cyril Auvity haute-contre
Corésus Joao Fernandes basse
La Reine Ingrid Perruche dessus
Le Ministre Renaud Delaigue basse
Une Princesse de Calydon, une Bergère Stéphanie Révidat dessus

DATE D’ENREGISTREMENT février 2006
LIEU D’ENREGISTREMENT Grande salle de l’Arsenal de Metz
ENREGISTREMENT EN CONCERT

EDITEUR Glossa
DISTRIBUTION Harmonia Mundi
DATE DE PRODUCTION janvier 2007 (Livre-disque) – 29 mai 2007 (CD)
NOMBRE DE DISQUES 2 – Livre-disque de 112 pages en édition de luxe limitée à 3 100 exemplaires numérotés de 0 à 3 099 ou CD
CATEGORIE DDD

Partition de 1743 restituée par Françoise Escande en collaboration avec le Centre de Musique Baroque de Versailles.

Critique de cet enregistrement dans :

 Diapason – mars 2007 – appréciation Diapason Découverte – technique 6,5 / 10

« …on pourra trouver mille défauts à la façon dont Niquet dirige cette Callirhoé, tragédie lyrique inédite du très méconnu Destouches (surintendant de la musique du roi, maître de musique de la chambre et directeur de l’opéra, tout de même !), mais l’essentiel est ailleurs : quand le disque s’achève, comme quand le rideau tombait à Montpellier, chacun est certain d’avoir découvert un chef-d’oeuvre. Peut-être irrité parla frénésie du chef, mais convaincu par ce qu’il a défendu. Et sous le choc du dénouement, totalement inattendu, suicide généreux du « méchant» devant son rivai et celle qu’il aime: « Vous pleurez, se peut-il que ce coeur s’attendrisse? Approchez : en mourant que ma main vous unisse. Souvenez-vous de Corésus. » Alexandrin suspendu, horreur et satisfaction entrelacées. L’essence de la tragédie.

En studio comme à la scène, Niquet a élagué quelques pages (d’une partition déjà considérablement élaguée pour la reprise de 1743) et supprimé le prologue (économie fréquente dès les années 1740, faite en 1772 pour l’opéra de Destouches). La plainte de Callirhoé s’enchaîne alors à l’Ouverture martiale (!?) et le récit s’élance pied au plancher, pour ne jamais le lever ‘ cinq actes, une heure quarante ! Niquet veut nous communiquer toute la densité émotionnelle de l’oeuvre, ce n’est pas nous qui le lui reprocherons. Mais pourquoi négliger les vertus dramatiques de la respiration, pourquoi ne pas lâcher ici ou là du lest pour tendre ensuite le récit?

Comme tout maître de la tragédie lyrique, Destouches a organisé ce relief. Niquet l’aplanit. Un exemple? La transition du drame au divertissement dans le I. Le drame proprement dit prend fin sur la noble résignation de la princesse (« Je sais ce que je dois / A la Reine, à l’empire, à Corésus, à moy »), récitatif auquel répondent un air léger de Corésus et un choeur de réjouissance, puis une première danse, un menuet chanté, etc. Sans guère se soucier de fondu-enchaîné, Niquet matraque le « Chantez, peuples, chantez » à trois temps de Corésus, traverse au pas de charge le choeur « Régnez à jamais sur nos âmes… » et ses vocalises. A côté de cela, la première danse sera parfaite, vive et légère, tout comme le menuet, tendre et non attendri. On pourrait ainsi détailler sans fin les actes, partagés entre l’efficacité farouche de Niquet et ses aveuglements. Même chose pour les trois protagonistes, jeunes et ardents. Fouettés par les clavecins, ils se donnent sans compter, mais un peu présivibles dans leur véhémence, et avares d’abandon ‘ qu’il « coule > peu, ce « Coulez mes pleurs », plainte abattue de la princesse au début du IV. On regrette, et cependant, on rend bien volontiers les armes. Devant ces dialogues d’amants et d’ennemis qui se travaillent au corps, devant la scène de furie du II, devant « Troubles secrets », l’air sublime de Corésus (Joao Fernandes, parfait). Devant ce chef-d’oeuvre retrouvé qui nous parle d’amour éperdu, et cette équipe qui y croit. »

Classica – mars 2007 – appréciation 8 / 10

De Callirhoé, l’une des tragédies lyriques de l’étonnant Destouches, nous avions pressenti la beauté par un disque d’extraits orchestraux, dû à Jean-Michel Hasler et l’Ensemble baroque de Limoges en 1993 (Adès). Depuis, peu de choses concernant le compositeur autodidacte tour à tour missionnaire et mousquetaire du roi, jusqu à la redécouverte de Callirhoé dans sa version intégrale par Hervé Niquet voilà quelques années. Cette oeuvre méritait non seulement d’être exhumée mais aussi, pour l’auditeur d’aujourd’hui, d’être scrupuleusement remise en perspective. C’est désormais chose faite avec ce passionnant livre-disque où des exposés détaillés et accessibles (quoique « pointus », bien sûr) viennent éclairer sur presque cent pages ce témoin d’une période longtemps négligée, entre Lully et Rameau. Dans ce drame mêlant jalousie, amour, pouvoir et sens du sacrifice, Niquet prend bien sûr un plaisir évident. La battue est vigoureuse, la dramaturgie resserrée par une direction qui ne laisse aucune place au tâtonnement, et peut-être, moins heureusement, àla respiration de l’auditeur. L’ouverture, que Hasler avait fait entendre plus large et souveraine que nerveuse, pose ici le ton de l’enregistrement et entraîne ‘ sans la transition du Prologue ‘ dans le vif du sujet. La pâte orchestrale est de bout en bout colorée, ciselée, parfaitement équilibrée entre des violons d’une rare élégance et des basses très amples (très beau Premier air pour les Faunes, ou magistrale Bourrée du quatrième acte, pour ne citer qu’eux). Infailliblement rigoureux jusque dans les tempos hâtifs qu’adopte parfois Niquet (telle l’Ouverture, par trop bousculée), le Concert Spirituel se révèle rapidement le grand atout de l’enregistrement. Acteur à part entière, il porte le drame à lui seul et dialogue avec ses protagonistes dans un équilibre foisonnant d’intentions et d’expressivité.

Hélas, les solistes ne se montrent pas entiérement dignes d’un tel écrin.Question de goût, peut-être. Le mezzo-soprano de Stéphanie d’Oustrac en Callirhoé, quoique doté de couleurs ingrates dans les graves (acte III, scène 2), s’avère intelligent, engagé, infiniment attentif au texte mais souvent larmoyant, et à force d’implication, paradoxalement inexpressif. Libérée d’un zèle un peu artificiel, d’Oustrac signe à l’inverse quelques moments bouleversants tel le bel air « Objet infortuné de mes désirs secrets » à l’acte II, ou la profonde première scène de l’acte IV. Egal au vaillant Corésus de Joâo Fernandez, l’Agénor de Cyril Auvity est de bonne tenue, parfois émouvant (touchant dialogue avec Callirohé acte 1, scène 4), en dépit d’un timbre un peu serré et d’une couleur globalement assez limitée. Les interventions du choeur du Concert Spirituel, timbres somptueux, d’une infaillible énergie, servent au mieux l’entreprise. Posé, mesuré sans rien perdre de cette flamme propre à son chef, le choeur marque, notamment dans la scène 3 de l’acte IV, autant de séduisantes respirations dans le flux d’une action très (trop?) dense. Regrettons peut-être juste que Niquet n’ait pas appliqué à l’ensemble de l’enregistrement cet équilibre qui fait merveille, une belle réussite malgré quelques réserves. »

Classique.news

« Ampleur et sensualisme de l’orchestre, choeurs et solistes d’une indéniable cohérence, le Concert Spirituel renouvelle la réussite de son précédent disque consacré à Charpentier. C’est un compositeur de génie, suiveur original de Lully, qui nous est restitué, ajoutant à la valeur de l’approche : Destouche est un immense auteur lyrique. Une révélation.

Heureux détenteurs de ce livre-disque comprenant, l’opéra en deux cds ainsi qu’une abondante documentation (112 pages – cinq articles) sur la partition, son auteur, leur contexte: vous pourrez à loisir, vous délectez d’un opéra aussi méconnu que superbe, dernier avatar de la tragédie lyrique, du vivant de celui pour qui elle fut créée par Lully, Louis XIV.

Créée le 27 décembre 1712, Callirohé subjugue aujourd’hui par la tendresse et le sensualisme de sa musique, son dramatisme serré et dense, efficace et direct, son orchestre fourni, l’équilibre des ingrédients qui composent après Lully, la réussite et l’attrait d’une tragédie lyrique : un prologue qui flatte le souverain, « le plus grand des héros », puis, pas moins de cinq actes, où les héros passionnés s’affrontent, jouets dérisoires des dieux tyranniques.

Dans un cadre réputé difficile et contraignant, voire guindé, portant la marque de la solennité versaillaise, les équipes d’Hervé Niquet réenchantent le drame, dans sa version connue de 1743, qu’il s’agisse des grands tableaux héroïques, ou des divertissements, qui dans chaque acte, mêle selon la tradition de l’opéra français, la magie de la danse à l’effusion poétique de la musique. Mais ce qui frapperaet convaincra l’auditeur, c’est la liberté du geste interprétatif partagé par tous les protagonistes : aucun chanteur ne démérite tant l’articulation et la musicalité rétablissent la dignité agissante du texte. De son côté, les instrumentistes du Concert Spirituel déploient une palette de couleurs et d’accents somptueux (bourrées de l’Acte IV), révélant en Destouches, un coloriste palpitant, maître de la tension et des effets progressifs, jusqu’au suicide du prêtre Corésus, sauvant de ce fait, son aimée la belle Callirhoé, condamnée à un trop injuste sacrifice. Le génie du compositeur trouve ici de puissants ambassadeurs. A l’heure où chacun s’interroge sur l’avenir du cd en « dur », quand d’autres appellent à une valorisation accrue de « l’objet cd », gageons que cette édition complète, contenant un corpus documentaire de première qualité et le livret intégral de la tragédie lyrique de Destouches comme accompagnement d’une lecture superlative, indique un type de réalisation qui s’impose comme modèle. »

 Le Monde de la Musique – avril 2007 – appréciation 4 / 5

« La princesse Callirhoé s’apprête à épouser contre son gré le grand­prêtre Corésus à qui elle préfère le prince Agénor. Cet argument classique a inspiré à Pierre-Charles Roy un livret original par sa densité, et ses personnages peu nombreux mais caractéristiques. Applaudie en 1712, cette tragédie lyrique évoluera au gré de ses reprises jusqu’à cette version de 1743 que propose Hervé Niquet. Au traditionnel dénouement heureux, aux inévitables divertissements chorégraphiques, le librettiste et le compositeur ont préféré une accélération du cours des événements vers une conclusion aussi lapidaire qu’inattendue: le cinquième acte n’atteint pas les dix minutes. A la recherche d’une « épure violente », Hervé Niquet a même décidé de priver son enregistrement du prologue, ce qu’on lui pardonne difficilement. Pourquoi ne pas profiter d’une première discographique pour dévoiler l’oeuvre intégrale ?

Cela dit, l’opéra de Destouches, révélé au Festival de Beaune en juillet 2005, présenté sur scène à Montpellier en février 2006 puis enregistré, méritait d’être redécouvert. Si les récitatifs dominent, ils prennent des formes distinctes (belles basses obstinées) et définissent finement les trois personnages centraux : Callirhoé, ballottée entre ses sentiments et son devoir, Agénor passionné et Corésus, furieux d’avoir surpris les amants, exigeant un sacrifice pour apaiser la colère divine. Si Destouches sacrifie aux règles du genre en acceptant quelques intermèdes, il évite qu’ils ne viennent parasiter le drame. Ancien mousquetaire, Destouches sait aller à l’essentiel.

Stéphanie d’Oustrac incarne une Callirhoé aussi noble que frémissante, Cyril Auvity prête sa superbe voix de haute-contre à la française à Agénor tandis que Joào Fernandes laisse apparaître l’humanité de Corésus derrière sa jalousie. A la tête d’un Concert spirituel aussi discipliné que stylé. Hervé Niquet mène l’action jusqu’à la catastrophe finale. Quelques virgules et respirations n’auraient pourtant pas été inutiles.

Il faut louer enfin le superbe travail éditorial entrepris par Glossa. Un véritable livre de format 13 x 19 cm accompagne les deux disques et réunit, en plus du texte de Pierre-Charles Roy, cinq études remarquables sur Caflirhoé. Le téléchargement ne peut offrir un tel luxe. »

 Opéra Magazine – avril 2007 – appréciation Le Diamant d’Opéra

« Nouvelle venue dans le sérail des grandes tragédies lyriques baroques au disque, cette vibrante Callirhoé créée le 27décembre 1712 sur la scène de l’Académie Royale de Musique et enregistrée en février 2006 dans le prolongement de représentations à l’Opéra National de Montpellier, s’impose sans peine par l’éminente beauté de sa musique, son dramatisme intense, son récit singulier et efficace. La vérité expressive des récitatifs, les airs pénétrants, la hardiesse des climats harmoniques, l’extrême fluidité du récit.., tout ici captive sans relâche.

Hervé Niquet ne s’y est pas trompé en choisissant d’exhumer ce drame ruisselant d’émotions et saturé de désirs réprimés, d’amours déçues et de jalousies destructrices. Bien sûr, on pourra regretter certaines coupes pratiquées dans la version de 1743, surtout s’agissant d’une première mondiale, mais la suppression du Prologue à la gloire du roi et de quelques airs et danses ne dénature pas la trame psychologique de la partition. Au contraire, on en vient à se demander s’il n’est pas parfois salutaire d’alléger pour mieux exalter ! L’histoire même de la princesse Callirhoé cristallise un puissant ingrédient émotionnel, celui du sacrifice libératoire : l’amour contrarié de Callirhoé et d’Agénor doit attendre, pour s’épanouir, le suicide du grand prêtre Corésus, conclusion aussi abrupte que troublante. Sur ses derniers mots « Souvenez-vous de Corésus », l’accompagnement instrumental, jusque-là d’un foisonnement sensuel, se mue contre toute attente en une ligne minimaliste filée par un continuo agonisant, métaphore superbe d’un ultime souffle de vie. L’effet peut paraître simple, le frisson, lui, est garanti.

Pour ébranler ce théâtre sanglant des irrépressibles passions humaines, il fallait réunir un plateau vocal à même d’habiter pleinement ces personnages aux profils charismatiques. Tous trois admirables d’engagement, Stéphanie d’Oustrac, Cyril Auvity et Joao Fernandes portent le poids de leur supplice avec noblesse et dédament leurs sentiments avec autant d’ardeur que de justesse de ton. A aucun moment, le drame ne semble factice, ou pire, grandiloquent, le naturel et l’inspiration opérant ici des miracles. Il y a bien, çà et là, quelques imperfections (un léger manque d’articulation chez d’Oustrac, de petites verdeurs chez Auvity), mass ce ne sont que broutilles. Hervé Niquet, pour sa part, exalte toutes les effusions que cette musique commande. L’orchestre et les choeurs, tour à tour capiteux, caressants, déchirés et cinglants, s’offient sans compter. Une résurrection magistrale ! »