Bibliographie 2010

Le roman de Sophie Arnould – Actrice chantante et courtisaneCatherine Guennec – JC Lattès – mai 2010 – 364 pages – 18 €

« Chanteuse et amoureuse. Voilà le double destin de mademoiselle Arnould. « Une de ces rares créatures, semées dans le temps à de longs intervalles, écrivent les frères Goncourt, qui vivantes sont le scandale d’un siècle et mortes son sourire… »
Cette « sœur cadette de Ninon » qui incarne à la fois l’esprit, l’âme, le parfum d’amour et de musique du XVIIIe siècle en fut aussi la plus grande soprano et la plus grande amoureuse. Pendant vingt ans, elle reste l’une des femmes et artistes les plus adulées en France et au-delà. L’Europe entière rêve de l’écouter et de la voir sur scène.
Femme d’esprit, elle tient salon où elle attire les plus grands noms du siècle. Philosophes, scientifiques, gens de lettres… Elle recevait deux fois par semaine, le jeudi étant réservé aux femmes. Une innovation. Elle fut L’Eurydice du grand Gluck, mais aussi la protégée de Marie-Antoinette et régna par ses talents et son esprit qu’elle avait mordant. Elle plaisait comme elle respirait et son tempérament de feu brûla les planches et les hommes.
Ce « roman vrai » nous entraîne dans les coulisses tumultueuses de sa vie, de l’opéra jusqu’aux alcôves, son salon et ses foyers. Mais sous le masque de « la Divine » perce la vérité d’une femme, plus secrète, plus sensible que ne le laisse supposer sa légende noire.
Cette histoire où la musique et la passion tiennent le premier rôle est l’histoire de sa vie, et d’un improbable mais indéfectible amour qu’elle nous confie mezza voce… C’est la voix de Sophie qui revient, avec ses rires, ses colères, ses peines, ses vérités. Comme un message d’outre-tombe pour la ressusciter. » (Présentation de l’éditeur)


François Lay – La vie tourmentée d’un Gascon à l’Opéra de Paris (1758 – 1831) Anne Quéruel – Éditions La Louve – juin 2010 – 20 €

« Il est ainsi des personnages « à la Alexandre Dumas », partis de rien, qui savent gravir les plus hautes marches. François Lay fut l’un d’eux : petit paysan né en 1758, il devait, en bonne logique, prendre la suite de son père, fermier au pied des Pyrénées. Mais le destin lui avait fait cadeau d’une voix extraordinaire et en décida autrement. Sous le nom de Laÿs, il fit une grande carrière de baryton à l’Opéra de Paris, de 1779 à 1826, et fut en son temps aussi connu et adulé que peuvent l’être certaines de nos vedettes d’aujourd’hui.
Installé à demeure à Paris, il traversa la Révolution et l’Empire et eut à connaître la plupart des personnages, flamboyants ou sinistres, qui firent l’Histoire de cette époque : il fut l’un des chanteurs préférés de la reine Marie-Antoinette, qui le fit nommer soliste au Concert de la Reine. Il fut l’ami de Barère et du peintre David. Ses amitiés politiques révolutionnaires le firent pencher vers Robespierre. Plus tard, Napoléon le protégea et en fit le premier chanteur de la chapelle impériale, le disant incomparable et lui manifestant son estime. Mais les rancunes de la Restauration eurent raison de lui : il termina sa vie à Ingrandes, sur la Loire, tout près d’Angers, en 1831.
À travers ce récit, Anne Quéruel nous entraîne au cœur du XVIII° siècle et de ses tourmentes, dans le sillage d’un grand homme injustement oublié et à qui hommage est enfin rendu. » (Présentation éditeur)
« La biographie proposée par Anne Quéruel est richement documentée et plaisamment écrite. L’auteure propose des portraits fins et nuancés des personnages qui ont fait l’Histoire. Le texte se clôt sur un tableau récapitulatif très intelligent qui met en regard la vie du chanteur avec les oeuvres artistiques majeures de ce temps et les évènements politico-historiques qu’il traverse. J’ai découvert avec plaisir ce personnage que je ne connaissais pas et je vais maintenant fureter dans la collection d’opéras des grands-parents en espérant mettre l’oreille sur les oeuvres citées dans les pages de cette biographie. » (LLL)
« Par sa construction, cette biographie d’un Bigourdan quasiment inconnu se lit comme un roman historique de Robert Merle (1). François Lay est né en 1758, à Labarthe-de-Neste, de parents paysans. Un froid matin de 1770, deux chanoines du couvent de Garaison entendent la voix cristalline de François en l’église Saint-Jean Baptiste. Leur religion est faite, les études et l’éducation de ce prodige seront payées par les chapelains. Tout émerveille le garçon de 12 ans : la beauté du sanctuaire, la statue de la vierge miraculeuse, la peinture naïve, les ors. Turbulent et cabochard, il veut s’émanciper. Il est reçu par les chanoines de la cathédrale d’Auch. Ce soliste attire la foule des curieux. Le Kyrie et le Gloria sont pour lui, déjà, une consécration. Il obtient une bourse pour un doctorat de théologie à Toulouse. Il y rencontre Bertrand Barère. Leurs opinions rousseauistes les rapprochent. Le jour de Pâques 1779, dans la cathédrale de la ville, l’Intendant du Languedoc l’entend dans le Gloria porte-bonheur. Il voit pour lui l’Opéra de Paris. François Lay reçoit l’ordre de se présenter à l’Académie Royale de Musique. En juin 1779, il réussit son entrée comme « doublure baryton » mais on se moque de son nom, Lay = laïc en gascon, n’est pas compris. Il le transforme en Laÿs. Puis on entre dans la carrière vertigineuse du virtuose qu’Anne Quéruel nous décrit avec une minutie gourmande. L’artiste connaîtra un immense succès populaire et les plus grands honneurs – il baisera la main de Marie-Antoinette, à Versailles – sous la Monarchie, à la Révolution – de par sa proximité quotidienne des Jacobins et de Bertrand Barère – et l’Empire. N’a-t-il pas rencontré, souvent, l’Empereur de par sa position privilégiée de premier sujet de l’Opéra. La fin est plus désenchantée. Les royalistes de retour, interdit d’Opéra à Paris, il doit s’exiler à Ingrandes, en Maine et Loire. Affaibli par la goutte, il s’éteint le 27 mars 1830. Un très beau livre que je recommande vivement. » (La Nouvelle République des Pyrénées)


Naissance de l’opéra en France – Orfeo, 2 mars 1647 Christian Dupavillon – Fayard – coll. Les chemins de la musique – 313 pages – octobre 2010 – 25 €

« L’opéra italien à Paris – 10 ans après la création du premier opéra public à Venise (1637), Paris reçoit la création du premier opéra italien, le 2 mars 1647. L’entreprise a été organisée et voulue par le ministre Mazarin, hier, premier amateur du théâtre italien, lorsqu’il servait les Barberini à Rome. C’est une volonté politique à laquelle les parisiens se soumettent de bonne et mauvaise grâce.
L’auteur profite de ce fait culturel, historique et esthétique pour dresser un portrait technique et social de cette création parisienne: l’Orfeo de Luigi Rossi qui dirige les musiciens, pourtant si délectable grâce à la magie de ses mélodies, ne gagne guère le coeur des français plus connaisseurs de belle danse que d’airs chantés dans une langue inconnue.
Voici les conditions humaines et scéniques d’une représentation d’opéra au XVIIè, en présence de la Reine Anne d’Autriche, Régente, et du Dauphin le jeune Louis XIV (le Petit Louis) par encore en âge de gouverner par lui-même: tout est là dans ce grand déballage étrange autant qu’étranger (pièce à machines inventées par le grand faiseur de spectacles: Torelli en personne), supporté plus qu’apprécié, d’autant que princes et courtisans ont l’esprit échauffé: l’année suivante sera marquée par leur indiscipline et leur arrogance vis à vis de la royauté pendant la Fronde (1648-1653), un épisode que jamais Louis XIV n’oubliera. Le souverain réutilisera d’ailleurs l’art du spectacle total comme propagande personnelle pour servir ses ambitions et museler la Cour.
Pour l’heure, dans la salle du Palais Royal, ce 2 mars 1647, les spectateurs se pressent pour y être vus moins pour voir; il y fait une chaleur à suffoquer (à cause des centaines de chandelles); il y règne une odeur de fauve (insupportable). C’est un « air lourd et méphitique, très dangereux… on y altère sa santé en voulant former son goût »… écrit Louis Sébastien Mercier dans Tableaux de Paris, à propos des spectacles à la mode, dans la capitale à l’époque de l’Orfeo de Rossi.
Point de vue des coulisses, défaillances et caprices des chanteurs, organisation des changements de décors (à vue, à coup de sifflets qui réveillent souvent les spectateurs assoupis…),nuisances diverses dont les effets de fumées qui raclent les gorges et font paraître les chanteurs tels des ombres sur la scène longtemps après qu’ils aient commencé à chanter …
L’auteur cite aussi de nombreux témoins d’époque (Marolles, le correspondant de la Gazette…) ou la contribution plus récente des écrivains passionnés sur le sujet (Rolland). Rien n’est omis, ni détails, ni anecdotes dans cette évocation très documentée qui ressuscite l’une des soirées les plus importantes pour l’essor futur du spectacle français plus tard conçu par Louis devenu le Roi-Soleil, danseur et mélomane. (ClassiqueNews.com)
« Avec ce nouvel ouvrage, Christian Dupavillon contribue à faire revivre la première représentation d’un opéra en France, l’Orfeo de Luigi Rossi, donné le samedi 2 mars 1647 dans le théâtre de la Reine au Palais-Royal. L’auteur nous fait ainsi suivre la création de l’opéra pas à pas, quasiment scène après scène, interrompant l’avancement de son propos par d’innombrables digressions toujours utiles. Dès la première page, le roulement de tambours qui annonce le début des festivités est le prétexte à une explication du contexte : on nous rappelle le rituel guerrier et les conflits contemporains, mais aussi la nécessité de couvrir le bruit des machines par un quelconque artifice (p. 11). Chaque apparition d’un nouveau personnage est l’occasion de décrire son costume par le menu, de présenter le chanteur et de rappeler sa carrière, de proposer des parallèles avec la peinture ou les arts décoratifs de l’époque, etc. Loin d’être noyé dans des informations qui n’évoqueraient rien ou pas grand-chose, on se laisse prendre par la main et on vit la représentation au même rythme que l’assistance.
Et on se sent donc comme chez soi dans ce théâtre surpeuplé, nauséabond, enfumé et envahi de chandelles qui manquent mettre le feu à plusieurs reprises, suivant toutes les péripéties dans la salle mais également sur scène et dans les coulisses, en observateur omniscient. De plus, grâce à l’étude du spécialiste de l’architecture théâtrale qu’est Christian Dupavillon, on visualise le théâtre et pénètre les décors tout en arrivant à prendre du recul et comprendre l’époque, le contexte historique, économique, social, politique et artistique de la cour de France sous Mazarin. Cette analyse érudite et documentée s’appuie sur des ouvrages fondamentaux et constitue une excellente synthèse de ce que pouvait être le monde du théâtre et de l’opéra au XVIIe siècle. La bibliographie, très riche, est une sorte de bibliothèque idéale en la matière 2. Petite déception, celle de ne pas avoir le livret publié ou au moins une fiche technique pour la distribution du jour. En revanche, l’index en fin de volume est très pratique et sa diversité atteste encore, si besoin était, de la variété et de la fécondité du propos. Des enjeux politiques d’un tel spectacle (sur fond de mazarinades et de Fronde balbutiante) jusqu’aux ancrages littéraires du mythe d’Orphée, de l’Antiquité au classicisme français, l’importance de ce spectacle s’impose et s’éclaire au fil des pages.
Le livre met tout particulièrement en valeur les clivages qui pouvaient exister entre les traditions italiennes et françaises, mais dont la fusion marque néanmoins les fondements de l’opéra français. Le goût et les avis des spectateurs parisiens sont très différent de ceux des Transalpins : les castrats italiens sont des histrions pour les uns, naturellement expressifs pour les autres (p. 170-171)… On retient que le jeu français est plus naturaliste, celui des Italiens plus propre à exprimer les passions. « Le baroque se veut irréel, son souci premier est de provoquer l’émerveillement », dit Philippe Beaussant dans son Lully 4, cité par Christian Dupavillon (p. 196). Beaussant est d’ailleurs mentionné à plusieurs reprises et l’on se dit qu’on aimerait que quelqu’un aie l’idée, comme avait pu le faire Gérard Corbiau dans Le Roi danse en s’inspirant précisément de la biographie de Lully de Beaussant, d’adapter cet ouvrage au cinéma. On peut toujours rêver… » (Forum Opéra)


Giulio Cesare – Georg Friedrich Haendel – L’Avant-Scène Opéra – n° 97 nouvelle édition – 8 décembre 2010 – 120 pages – 20 € (15 € en version numérique)

Sommaire : Points de repère – André Lischke : Argument – André Lischke : Introduction et Guide d’écoute – Nicola Francesco Haym : Livret intégral – Bernard Guyader : Traduction française – Claude Hermann : L’opéra à Londres de 1711 à 1724 – Sylvie Mamy : L’Italie au cœur De Venise à Haymarket – Jean-François Labie : César et Cornélie. De l’héroïsme à la tragédie – Alain Arnaud : G.F. Haendel et le bel canto – Ivan A. Alexandre : Haendel / Hagen La version de Göttingen – Julien Garde : Une Cléopâtre peut en cacher une autre – Emmanuelle Haïm : Cléopâtre, une femme de pouvoir – Propos recueillis par Chantal Cazaux – Pierre Flinois : Discographie – Pierre Flinois : Vidéographie – Elisabetta Soldini : Bibliographie – Elisabetta Soldini : L’œuvre à l’affiche – Calendrier des premières représentations – Giulio Cesare à Paris (1987-2011) – Giulio Cesare à travers le monde (1954-2011)


André Campra, un musicien provençal à Paris – Centre de Musique Baroque de Versailles, sous la direction de Jean Duron – Mardaga – collection Regards sur la musique – 208 pages – octobre 2010 – 25 €

« La triste fin de règne de Louis XIV, un public las des références mythologiques qui encombrent la scène, un intérêt nou­veau pour la musique transalpine, la puissance musicale croissante de la capitale au détriment de Versailles favorisèrent le triomphe de Campra. Comment expliquer autrement qu’un Aixois passé par Arles et Toulouse devienne maître de musique à Notre-Dame sitôt arrivé dans une ville depuis toujours favorable aux musiciens du Nord ?  » Des saints et des héros, il sait chanter la gloire « , disait-on. Si André Campra œuvra pour tous, dans tous les genres, dans les styles français et italien, il défendit toujours son indépendance. Dans cet ouvrage collectif sous la direction de Jean Duron, il apparaît bel et bien comme un artiste pluriel mais singulièrement moderne. » (Classica – décembre 2010)


Le Carnaval de Venise (1699) d’André Campra et Jean-François Regnard – Livret, études et commentaires – collectif sous la direction de Jean Duron – Mardaga – Collection : Regards sur la musique – 9 novembre 2010 – 231 pages – 25 €

« Depuis la mort de Lully en 1687, l’Académie royale de musique se cherche une nouvelle voie, hors la tragédie en musique qui avait fait son succès jusque là.
Le public parisien auquel se joint une génération de jeunes courtisans (celle du Dauphin, du duc de Chartres et de la princesse de Conti) lui préfère des distractions moins sévères que celles qui prévalaient alors. Des librettistes et compositeurs en phase avec ce public, du même âge que lui, optent pour des formes théâtrales moins conventionnelles, où la danse et la musique se découvrent une nouvelle liberté ; les sujets se font galants, empreints d’exotisme.
Dès sa création, l’Europe galante (octobre 1697) obtient un immense succès. La duchesse de La Ferté s’empresse de commander un divertissement (Vénus feste galante, janvier 1698) à André Campra, toujours maître de chapelle à Notre-Darne de Paris, et l’Académie d’accepter le projet du Carnaval de Venise du librettiste Jean-François Regnard, le  » meilleur de nos auteurs comiques après Molière « , qui avait obtenu de beaux succès au Théâtre italien et au français, l’occasion de faire la part belle à la fête, au masque et au comique italien.
Regards croisés d’historiens de la littérature, du théâtre et de la musique, cet ouvrage a été réalisé avec le concours de Rebecca Harris-Warrick, Sylvie Mamy, Luira Naudeix, Sylvie Requemora-Gros et Jean Duron. » (Présentation)