Bibliographie 2009
Le Prince et la musique : passions musicales de Louis XIV – Carl Fisher – Editions Mardaga – novembre 2009 – 319 pages – 29 €
« Versailles, miroir de la personnalité artistique du Roi de France? L’équation est d’autant plus juste que tout, dans le palais d’Apollon (ou de David), témoigne de la sensibilité du souverain le plus artiste de l’histoire française. Pour qui la musique (comme l’architecture) fut une passion jamais diminuée, pendant tout le règne.Jean Duron regroupe ici une quinzaine d’auteurs qui s’interrogent sur le goût du roi. Parmi les contributions les plus intéressantes s’imposent évidemment l’avant-propos de Béatrix Saule dont la prose scientifique d’une rare précision se fait aussi synthèse en ouverture.Au travers des quatre chapitres structurant l’ouvrage: « Héritage et éducation du Roi, Goût du Roi, La mise en scène par l’objet et l’image, La musique, une affaire d’état », le lecteur découvre dans le foisonnement de la production artistique une cohérence souterraine qui manifeste l’harmonie versaillaise, tout convergeant in fine à reconnaître l’identité culturelle défendue par Louis XIV. Chaque décision du Souverain contribue ainsi au grand œuvre, refondant les éléments de l’héritage (antiquité, danse, christianisme), assumant des courants nouveaux au carrefour des styles espagnoles, italiens et français (délicatesse de l’esthétique galante, création de l’opéra contemporain, fascination pour le théâtre et la musique, le « canon musical Lully »). C’est en particulier, l’affirmation du goût rayonnant, apollinien qui sait aussi rappeler ses origines divines, comme l’attestent les référence à David, prononcées en deux endroits « stratégiques » du château, dans les Appartements et la Chapelle.Musique et Bâtiments (Maisons royales) transmettent la passion de la « clarté » qui chez Louis XIV se fait affirmation d’une vision: celle d’un Apollon éblouissant le monde. Sa lueur continue de nous porter, et grâce aux collaborations ici publiées, nous comprenons mieux de qui vient le « miracle de Versailles »: Louis XIV, le roi-artiste. Un souverain exemplaire qui, s’il ne dessina pas lui-même comme Auguste le Fort ou Pierre le Grand, « choisit les maîtres d’œuvre, mais non les exécutants ». (Classique.news)
L’Opéra à Hambourg (1648-1728). Naissance d’un genre, essor d’une ville – Laure Gauthier – Edition Sorbonne – PUPS – 10 décembre 2009 – 474 pages – 26 €
« Le thème des villes est en vogue chez les auteurs et les éditeurs. Cet ouvrage, centré sur l’Opéra à Hambourg lors de sa genèse (après le Traité de Westphalie jusqu’à son âge d’or), montre que cette institution contribue largement au rayonnement d’une région et à l’essor économique de cette ville libre hanséatique convoitée par les rois du Danemark. Les difficultés des cours luthériennes pour établir des Opéras sont bien connues. D. Bourel, dans sa Préface, rappelle d’abord les influences de Michael Praetorius et Heinrich Schütz (avec son projet d’Opéra) et la tradition italienne. L’Opéra du Marché aux oies (Gänsemarktoper) fonctionne depuis le 2 janvier 1678, avec salle à l’italienne. Son répertoire, essentiellement en langue allemande, est considérable : environ 250 œuvres lyriques de G. Fr. Haendel, R. Keiser, G. P. Telemann représentées de 1678 à 1740. Ces représentations étaient fréquentées par un grand public de mélomanes curieux et attiraient des artistes très connus. Issu des cours catholiques en Italie, ce genre s’est ensuite implanté dans l’espace nord-allemand. À l’appui de sources sérieuses, 5 chapitres retracent l’essor de la ville, le rôle de la musique profane, de la musique sacrée et liturgique, traitent le premier répertoire (opéras bibliques, entre autres). Le dernier chapitre : « L’institutionnalisation de l’Opéra public » souligne l’influence du modèle de l’Opéra hambourgeois, les festivités publiques, festins, sérénades et jubilés, à l’origine d’une mythologie locale. La conclusion concerne la fermeture de l’établissement, l’esthétique de la galanterie et, finalement, la métamorphose de Hambourg. Dotée d’une indispensable Chronologie, d’une Bibliographie sélective et d’un Index, cette histoire d’un théâtre local — avec des mutations politiques, confessionnelles et identitaires de Hambourg aboutissant à une nouvelle culture urbaine — est un modèle. Elle comblera une sérieuse lacune dans l’histoire de l’Opéra allemand. » (L’Éducation musicale) « Après quelques tentatives infructueuses pour créer une forme «allemande» de tragédies intégralement chantées, c’est au Nord du Saint-Empire, à Hambourg, que se développe pour la première fois un important répertoire opératique en langue allemande. Quelque 250 œuvres lyriques, pour la plupart créées en langue vernaculaire par des compositeurs aussi célèbres que Haendel, Keiser ou Telemann, sont représentées sur la scène du Marché aux oies (Gänsemarktoper) entre 1678 et 1740. Cet établissement revêt une dimension exceptionnelle dans l’histoire théâtrale allemande, car il se trouve être à la fois le premier théâtre permanent privé et le premier opéra public de l’espace germanophone. L’auteur met en évidence les paradigmes ayant infléchi, au lendemain de la guerre de Trente Ans, l’histoire de la cité la plus septentrionale du Saint-Empire et met en lumière la coïncidence entre l’essor fulgurant de la ville hanséatique (qui devient alors, derrière Vienne, la deuxième cité la plus peuplée de l’Empire) et l’émergence tout aussi rapide du genre opératique à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles. Les mutations d’ordre politique, confessionnel et diplomatique survenues après 1648 ont modifié l’espace musical local et contribué à la fois au développement d’un nouveau genre en vogue dans toutes les cours d’Europe et à l’institutionnalisation d’un lieu privé dévolu à ces spectacles.Un genre issu des cours catholiques de la péninsule Italienne s’est ainsi établi, dans l’espace germanophone, dans un port marchand, hanséatique, luthérien et bourgeois. Véritable creuset culturel attirant des artistes renommés et des aristocrates curieux d’entendre les nouveaux opéras, le Gänsemarktoper contribua à faire de la Ville libre l’«idéal-type» d’une nouvelle culture urbaine à l’époque de la première modernité. » (Pups – Sorbonne)
René Jacobs, prima la musica, poi la parole » – Nicolas Blanmont – Éditions Versant Sud – collection Parcours Musique – mars 2009 – 157 pages – 20 €
« Chanteur puis chef d’orchestre, René Jacobs est originaire de Gand où il commence le chant, enfant, en tant que choriste grégorien. Il étudie la philologie classique tout en approfondissant sa formation à Bruxelles et à La Haye. Il rencontre Alfred Deller, les frères Kuijken et Gustav Leonhardt, qui l’encourageront à se spécialiser dans le registre de contre-ténor. Il deviendra l’un des plus éminents représentants de cette voix, donnant récitals et concerts à travers le monde entier. Passionné par l’immense répertoire baroque restant à découvrir, il crée dès 1977 son propre ensemble, le Concerto Vocale. Son activité de chef le conduira à diriger sur les grandes scènes européennes les opéras de Monteverdi, Cesti, Cavalli, Gluck ou Haendel, mais ce sont également ses interprétations des opéras de Mozart, à la scène comme au disque, qui viendront bouleverser la hiérarchie des valeurs. Le succès remporté par René Jacobs tient aussi à l’importance qu’il a toujours su donner à la dimension littéraire et poétique des œuvres abordées. Doté d’un grand sens théâtral, c’est un chef qui s’implique corps et âme dans toute la dimension scénique de l’opéra. » (RTBF Info)
Henry Purcell – Claude Hermann – Actes Sud – collection Classica – janvier 2009 – 178 pages – 18 €
« Texte capital et rapide, quoique très documenté, d’autant plus opportun qu’on ignore encore beaucoup de choses sur le tempérament exact du compositeur, que 2009 marque le 350 ème anniversaire de sa naissance, en 1659. » (Classique.News.com) « La relative rareté des ouvrages en français consacrés à Henry Purcell (1659-1695) commande que l’on porte une attention toute particulière au livre concis de Claude Hermann. Invité à une immersion passionnante dans l’Angleterre instable de la seconde moitié du XVIIe siècle, le lecteur n’aura de cesse de se confronter à une époque secouée par d’incessants conflits d’ordre politique, religieux et sociologique. C’est du reste sous ce prisme judicieux que l’auteur entreprend d’évoquer la courte vie du musicien, disparu à l’âge de 36 ans. Cette dernière n’en apparaît que plus signifiante, voire captivante, Car si l’on sait somme toute peu de choses sur la personnalité de celui que ses contemporains surnommaient poétiquement 1’« Orpheus Britannicus », la perspective historique et contextuelle de la vie musicale en cette période tourmentée lève un voile sur bien des aspects généralement omis ou écartés. Au-delà d’une simple biographie ou même d’un hypothétique portrait psychologique, Claude Hermann s’emploie à décrire avec lucidité, beaucoup de finesse et une grande érudition, le quotidien d’un compositeur emblématique du baroque anglais. L’essentiel du corpus musical ne s’en trouve pas pour autant négligé, loin de là. Examinées avec amour, objectivité et une évidente hauteur de vue, les œuvres consignées isolent même de façon singulière l’éminente ouverture d’esprit dont fait preuve Purcell, en termes de styles et d’influences. La connaissance linguistique de Claude Hermann, angliciste avertie, lui autorise une observation rigoureuse des divers textes et livrets sur lesquels Purcell eut à travailler au fil de ses collaborations. Son analyse perspicace et sans complaisance des pièces lyriques du compositeur – répertoriées ici par ordre alphabétique – nous apporte ainsi de précieux éclaircissements sur la genèse de compositions majeures, telles que Dido ond Aeneas, Dioclesian, King Arthur ou The Fairy Queen. Les mélomanes ne pourront plus affronter l’éclatant génie purcellien exactement de la même manière. Tout au plus pourront-ils regretter que ce ne soit pas l’auteur lui-même qui ait opéré la sélection des enregistrements recommandés à la fin du livre ! (Opéra Magazine – novembre 2009)
La musique vocale profane au XVIIe siècle – Georgie Durosoir – Editions Klincksiek – collection « 50 questions » – juin 2009 – 174 pages – 16 € – réédition d’un ouvrage paru en juin 1994
« Au cœur de l’opéra baroque – Rédigé par Georgie Durosoir, professeur émérite de musicologie à l’université Paris-Sorbonne et chercheur associé au Centre de musique baroque de Versailles, La musique vocale profane au XVIIe siècle qui vient de paraître aux Éditions Klincksieck à Paris constitue un guide tout à fait remarquable qui, en répondant à cinquante questions précises, conduit le lecteur dans les pays auxquels la musique baroque est redevable de ses plus grands chefs-d’œuvre : l’Italie de Monteverdi et de Barberini, la France de Lully, mais aussi l’Angleterre de Purcell. Il l’aide à pénétrer les mentalités de cette époque lointaine, mais si proche de la nôtre par de nombreux aspects de sa sensibilité et de son esthétique. On sort de la lecture de cet ouvrage l’esprit vrombissant aux sons de la basse continue, virevoltant aux effets du madrigal polyphonique, exultant à ceux de la cantate, ébaubi par les machineries d’opéra, ébloui par les splendeurs de Venise, soulevé par les ballets de cour à Versailles, meurtri par les tragédies lyriques et tétanisé par les fureurs du baroque, mais aussi apaisé par les douces pastorales, amusé par l’ego de Lully, enthousiasmé par l’humanisme du dramma per musica florentin… Proficiat, maestro ! » (Homelit)