Jean-Claude Malgoire, 50 Ans de Musiques et d’Aventure – Virginie Schaefer-Kasriel – Editions Symétrie – octobre 2005 – 40 €
« Quand Jean-Claude Malgoire m’a proposé de me faire son porte-parole complice, je le connaissais et l’appréciais assez pour deviner qu’il me promettait là une aventure de plume et d’humanité hors du commun. Au plaisir manifeste qu’il prenait à me confier ses récits de campagne, je compris bien vite que ce livre était, à ses yeux, une affaire éminemment sentimentale : l’occasion de partager à coeur ouvert avec ceux qui aiment son art quelques-uns des souvenirs les plus marquants, cocasses, tendres ou rocambolesques d’un demi-siècle de vie musicale menée a tempo furioso..
Pas plus qu’aux bilans autosatisfaits, l’heure n’était à la polémique : sans amertume ni fanfaronnades, le chef souhaitait tout simplement jeter un regard en arrière sur une carrière qui aura été tout sauf carriériste. Derrière l’icône baroque allait se dévoiler un homme de coeur et de principes, aux amitiés vraies, aux convictions solidement chevillées à l’âme : un idéaliste aux pieds bien sur terre et homme de terrain à la tête dans les nuages, un authentique artisan musicien enfin qui, sans avoir sacrifié un seul de ses credos sur l’autel de la gloire, a su aller jusqu’au bout de son rêve de musique.
Cette dernière, à l’évidence, serait donc la grande héroïne de ce livre – non tant une biographie qu’une chronique d’aventures musicales. Et quelles aventures… De la scène à la fosse et de la fosse au studio, du hautbois au cor anglais et de la direction musicale à la programmation lyrique, du Moyen-Âge à l’avant-garde en passant par le jazz et la musique dite baroque, les confessions musicales de Jean-Claude Malgoire ont de quoi vous donner le vertige.
Faire parler ce musicien aux mille et une vies fut un jeu d’enfant ; parvenir à mettre un semblant d’ordre dans son flot intarissable d’anecdotes, toutes plus savoureuses les unes que les autres, s’avéra autrement plus acrobatique. Loin de moi, pourtant, l’envie de couler dans le marbre un parcours par définition virevoltant, turbulent et versatile : en jouant à l’envi la carte du coq à l’âne, j’ai préféré me mettre au diapason de ce joyeux fouillis d’aventures. La mosaïque qui en résulte sera, je l’espère, une invitation à emboîter le pas de cet interprète-caméléon dans sa fabuleuse chasse aux trésors musicale – à la façon d’un jeu de piste. (Virginie Schaefer-Kasriel)
« Heureuse entreprise des Editions Symétrie que de consacrer une biographie à l’un des musiciens les plus discrets et les plus généreux de notre époque : hautboïste, cor anglais soliste de l’Orchestre de Paris, chef d’orchestre sur instruments d’époque à la redécouverte de Haendel, Monteverdi et Rameau, Charpentier et Mozart, Vivaldi ou Campra… directeur de l’Atelier Lyrique de Tourcoing, gourmand d’opéras méconnus, accoucheur de talents, révélateur de voix, musicologue averti, Jean-Claude Malgoire fête le vingt-cinquième anniversaire de son théâtre et ses cinquante ans de carrière. Belle occasion de faire le point sur le parcours de cet Avignonnais et de feuilleter en annexes les trente pages délirantes de sa discographie, comme les soixante-dix de l’historique des saisons de l’Atelier lyrique et des Semaines chorales de Tourcoing ! On y partage l’instinct sûr du défricheur et sa dévorante gourmandise musicale. On y repère d’ailleurs nombre des plus grands noms de la scène classique et baroque d’aujourd’hui, instrumentistes, chefs ou chanteurs : Gérard Lesne, Dominique Visse, René Jacobs, Patricia Petibon, Véronique Gens, Philippe Jaroussky, Marc Minkowski, Jean-Christophe Spinosi… La liste est longue ! Les photos d’archives l’illustrent abondamment, ouvrant de discrètes fenêtres sur les passions d’un artiste qui, souhaitant rester pudique, braque davantage les lumières sur la scène musicale que sur sa propre vie. Dans ces images en noir et blanc qui surprennent ses souriresou sa concentration, on devine un homme secret et pourtant communicatif, grave et joyeux, profond et vif, engagé, drôle et lucide. Les dessins de l’illustratrice Anne-Marie Sonneveld pétillent d’humour et de tendre malice, vivants et caustiques. On ne peut malheureusement pas en dire autant du texte biographique de Virginie Schaefer-Kasriel, qui retrace « les musiques et l’aventure » de Jean-Claude Malgoire dans une écriture précieuse toute fleurie de poncifs et surchargée de clichés, irritante à force d’incursions exclamatives. Le bilan de ses entretiens avec lui effleure à peine la surface d’une existence riche et passionnée, ne creuse jamais les multiples détours de ses cheminements, survole les étapes de sa carrière sans réussir à les faire parler. Qu’elle sache au moins s’effacer derrière des mots plus sobres aurait sans doute évité moins d’autosatisfaction et permis plus de clarté. Soulignant les irrésistibles coqs-à-l’âne de Jean-Claude Malgoire, cette collaboratrice de Jeanine Roze Production pour l’organisation de concerts (qui est aussi rédactrice de différents théâtres lyriques et éditions musicales), abandonne toute tentative d’organisation et cède profitablement à la tentation de laisser Malgoire parler lui-même, retraçant ses propos dans quatorze « Bagatelles » qui font face à chacun de ses propres chapitres. Si le « décousu » pouvait être un parti-pris intéressant, les questions qui lui sont posées nous laissent encore sur notre faim… Les abondantes incursions iconographiques (même si elles apparaissent souvent de manière anachronique) stimulent heureusement la poursuite de la lecture et révèlent davantage l’humanité et la chaleur de Jean-Claude Malgoire que le texte qui les enrobe. Pour ceux qui connaissent bien Jean-Claude Malgoire, ceux qui l’admirent ou désireraient voler à sa rencontre, ce livre n’en demeure pas moins le premier document d’archives à son sujet ! Une excellente introduction pour aborder ses enregistrements ou découvrir l’Atelier Lyrique de Tourcoing. Là, des artistes travaillent, prennent des risques, cherchent ensemble sur scène de nouveaux langages, aux prises directes avec le public. Que l’aventure se poursuive pour de nombreuses années encore ! (Ramifications)
Hautboïste et chef d’orchestre depuis près d’un demi-siècle, Jean-Claude Malgoire méritait amplement qu’on lui consacre un livre : c’est désormais chose faite avec cet ouvrage de Virginie Schaefer-Krasriel. Le chef d’orchestre lui a ouvert ses malles et le résultat est éloquent : souvenirs, photos, témoignages mais aussi commentaires et analyses s’y bousculent avec une ferveur toute « malgoiresque », pour un portrait en majesté du musicien. » (Classica – décembre 2005)
« Voila cinquante ans qu il se dépense sans compter par amour de l’art. Pour Jean-Claude Malgoire, 2004 est l’année des anniversaires car ce demi-siècle d’activité musicale englobe également la fondation de la Grande Ecurie, voilà quatre décennies, et vingt-cinq ans de présence à l’Atelier lyrique de Tourcoing. D’une plume alerte, Virginie Schaefer-Kasriel, dont le livre navigue entre essai et entretien, évoque cette carrière aux multiples et surprenants détours. Aux origines de l’aventure baroque française, un instrumentiste avignonnais monté à Paris, curieux et passionné, virtuose du hautbois et du cor anglais (l’Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire puis l’Orchestre de Paris profitèrent, entre autres, de ses talents, lesquels émerveillèrent Karajan), qui croise un jour la route de la comtesse de Chambure et la Société de musique d’autrefois, et celle de Charles Ravier, mentor de l’Ensemble polyphonique de la RTF; et qui attire l’attention de Georges Kadar, directeur artistique chez CBS. La suite, on la connaît, même si l’on a tendance à oublier quelques écarts vers la musique contemporaine. Toujours généreux, toujours barbu, Malgoire poursuit son chemin, humble et solide, les pieds sur terre et la pipe au bec, toujours prêt à lever sa baguette pour défendre Monteverdi, Haendel et Rameau » (Diapason – janvier 2006)
La Malscène – Philippe Beaussant – Fayard – novembre 2005 – 170 pages – 13 €
« Ce livre est un livre de colère. On nous casse le théâtre. On nous casse l’opéra. La mise en scène est devenue totalitaire et le metteur en scène un dictateur. Ses fantasmes (comme tout dictateur, il en est bourré) ont le devoir de s’imposer à tous ceux qui regardent comme à ceux qui jouent, mais plus particulièrement à l’oeuvre. Pourquoi ? La faute à qui ? Faut-il à tout prix transformer l’oeuvre pour lui faire dire ce qu’on veut ? A-t-on le droit d’ajouter deux scènes à Roméo et Juliette pour que Shakespeare ait (enfin !) un message politique à transmettre ? D’ajouter du sang, de l’urine, du viol et du massacre à Marivaux pour démontrer qu’il est le précurseur de Sade ? Faut-il déguiser les personnages, les habiller en complet-veston ou en sacs-poubelle pour que nous comprenions que l’oeuvre nous concerne ? Le Paradoxe du comédien de Diderot est-il toujours vrai ? Faut-il y ajouter un Paradoxe du spectateur ? Et un Paradoxe du musicien, puisque, à mesure que le temps passe, les musiciens restituent avec de plus en plus de fidélité les chefs-d’oeuvre de l’opéra, exactement au moment où les metteurs en scène s’acharnent à les défigurer. Mais depuis peu, le public se révolte, à l’opéra surtout. On ovationne les musiciens, on siffle les malfaisants qui polluent la scène à coups de millions d’euros. Vont-ils comprendre ? Pas sûr. Alors il faut gueuler plus fort. Le public a toujours raison. » (Présentation)
« C’est l’opéra qu’on assassine. Après la malbouffe, la malscène ! Philippe Beaussant en a assez de la tyrannie des metteurs en scène d’opéra, de leurs idées tordues, de leurs préjugés, de leur snobisme, de leur incompétence. Du mépris qu’ils nourrissent à l’égard de la musique et de l’oeuvre ; de leur vanité. Un jour, la moutarde lui est montée au nez, il a vu rouge. Il n’est ni Léon Bloy ni Laurent Tailhade : inutile d’attendre de lui de ces coups cinglants qui font tant de mal à ceux qui les reçoivent et tant de bien à ceux qui les regardent donner : il est irréductiblement bien élevé, et ne cite aucun nom. Mais chacun aura reconnu Bob Wilson quand il s’agit de Médée épluchant des pommes de terre, ou de Klaus Michael Grüber, qui fait aller et venir sur scène Poppée et Néron comme des passants anonymes dans un des plus beaux duos d’amour. On avait bien vu à Bayreuth un Tristan assis contre un arbre chantant le sien avec une Isolde assise contre le même arbre, de l’autre côté du tronc : vision érotique des choses (Jean-Pierre Ponnelle). Comme dit Beaussant, paraphrasant Vuarnet à propos de la sainte Thérèse du Bernin : « Cela ne fait pas de doute : ils sont frigides. » Le viol collectif, à la fin d’un Marivaux d’Avignon, annonçait Sade avec une discrétion toute relative, mais les chanteuses de « Don Giovanni » que Martin Kusej avait à peine vêtues de slips et de soutiens-gorge (la production salzbourgeoise était mécénée par une marque de sousvêtements) n’avaient pas l’air d’annoncer un futur plus…. rose. Quant à la légendaire production du « Ring » de Boulez et Chéreau, il s’était bien élevé quelques voix timides pour dire que tel personnage s’adressait à celui-ci et non à celui-là, qu’il devait regarder par ici et non par là : des voix plus fortes les avaient couvertes.
Beaussant n’est pas Léon Daudet, ce qu’à Dieu ne plaise, mais il est malin. Non content d’assener une bonne série d’anecdotes dans ce genre, non content de railler les modes (il y a des années à échelles, des années à fumée, à caravanes, à plage sableuse, à miroirs, à décors représentant le fond d’un théâtre sans décor), il fait un long détour pour rappeler ce que sont le théâtre et la distanciation brechtienne ; ce que sont la musique et son immédiateté foncière. Alors il démontre que théâtre et musique divergent de plus en plus : tandis que le retour aux sources s’affirme pour celle-ci, l’éloignement de celui-là par rapport au texte s’aggrave. Il plaide pour une réconciliation du chef et du metteur en scène, de la musique et du théâtre, au profit d’une oeuvre commune. Quand on songe que c’est Nikolaus Harnoncourt, le pauvre homme, qui dirigeait les choristes à moitié nues du « Don Giovanni » susdit, on ne s’étonne plus que des chefs comme John Eliot Gardiner, Jean-Claude Malgoire ou Rinaldo Alessandrini s’essaient à la mise en scène… Mais le souvenir des ratages de Karajan homme de théâtre est encore cuisant. » (Le Nouvel Observateur)
« L’écrivain Philippe Beaussant part en guerre contre les metteurs en scène de théâtre et d’opéra. Dans un livre de colère » intitulé « La Malscène », il distille sa colère de voir « les plus nobles et les plus touchants personnages que j’aime, carnavalisés sur d’imenses plateaux transformés en déserts de sable, en halls de gare, en chambre d’hôpitals ou en dépôts d’ordures ». Egalement musicologue, M. Beaussant s’en prend aussi aux costumiers et décorateurs. Il estime que le costume de théâtre est devenu « uniforme » et que « les décors semblent avoir été conçus pour que le spectateur se rappelle avoir vu quelque chose de pas tout à fait (semblable) mais presque, où était-ce déjà ? ». « Quel supplément de sens trouve-t-on, s’interroge-t-il, à un spectacle représenté dans un décor représentant l’absence de décor et où l’on gifle en montrant que ce n’est pas une gifle ? » Analysant le phénomène, il avance son hypothèse: on assiste « au dernier avatar d’un très long cheminement, lentement dévié et dévoyé, détourné à force de se retourner sur lui-même et qui a peu à peu perdu son sens à force de le chercher ». (France 3)
L’écrivain Philippe Beaussant en colère contre les metteurs en scène – Co-fondateur du Centre de musique baroque de Versailles, Philippe Beaussant est un amoureux de longue date du théâtre et de l’opéra. Sa « colère aussi rude qu’au premier jour » a été nourrie de voir « les plus nobles et les plus touchants personnages des oeuvres que j’aime, carnavalisées (mi-carême, mi-poisson) sur d’immenses plateaux transformés en déserts de sable, en halls de gare, en chambres d’hôpital ou en dépôts d’ordure ». Philippe Beaussant ne s’en prend pas seulement aux metteurs en scène. Les costumiers et décorateurs sont aussi sa cible. Il n’en cite cependant aucun, mais il illustre son propos par des exemples pris dans les spectacles qu’il a vus. Il estime que le costume de théâtre est devenu « uniforme » et que « les décors semblent avoir été conçus pour que le spectateur se rappelle avoir vu quelque chose de pas tout à fait (semblable) mais presque, où était-ce déjà ? ». « Quel supplément de sens trouve-t-on, s’interroge-t-il, à un spectacle représenté dans un décor représentant l’absence de décor et où l’on gifle en montrant que ce n’est pas une gifle ? » Sa conviction est que l’on assiste « au dernier avatar d’un très long cheminement, lentement dévié et dévoyé, détourné à force de se retourner sur lui-même et qui a peu à peu perdu son sens à force de le chercher ». (Radio France)
La Querelle des Bouffons dans la vie culturelle française au XVIIIe siècle – sous la direction d’Andrea Fabiano – CNRS – collection Sciences de la Musique – 280 pages – 25 €
Le comique et l’opéra à l’époque de la « Querelle des Bouffons » – Sylvie Bouissou : Platée de Rameau, à l’avant-garde d’une évolution du goût – Mark Darlow : Vaudeville et distanciation dans l’opéra-comique des années 1750 – Dominique Quéro : Rire et comique à l’Académie Royale de Musique : la querelle du « bouffon » ?
L’opéra des « Bouffons » – Anna Laura Bellina : Considérations sur les genres (« Mi trema un poco il core ») – Alessandro Di Profio : Projet pour une recherche : le répertoire de la troupe de Bambini – Alessandra Trolese : Orazio de Naples à Paris
La « Querelle des Bouffons » : débat politique et débat poétique – Françoise Pélisson-Karro : Le Petit Prophète de Boehmischbroda de Friedrich Melchior Grimm : incidences chronologiques, géographiques, idéologiques – Michael O’Dea : Le nationalisme français dans les écrits de la « Querelle des Bouffons » – Elisabeth Cook : Challenging the Ancien Régime : the Hidden Politics of the « Querelle des Bouffons » – Gérard Loubinoux : Substrat anthropologique et tâtonnements idéologiques dans les textes de la « Querelle des Bouffons » – Jean-Louis Jam : Une Querelle de mots. La « Querelle des Bouffons » dans quelques dictionnaires du XVIIIe siècle
La réception artistique et poétique de la « Querelle des Bouffons » – Jacqueline Waeber : L’invention du récitatif obligé, ou comment relire la Lettre sur la musique française – David Charlton : Sodi’s opera for Mme Favart: Baiocco et Serpilla – Jean-Claude Bonnet : Une querelle dans la « Querelle » : Diderot, Rousseau et « cette chienne de musique » – Andrea Chegai : Une médiation difficile. L’opéra métastasien et l’opéra français dans les écrits de Calzabigi et dans la Lettre sur le méchanisme de l’opéra italien – Suzelle Esquier : L’héritage de la « Querelle des Bouffons » dans la pensée de La Harpe
Antonio Vivaldi – Sophie Roughol – Classica / Actes Sud – 2 septembre 2005 – 144 pages – 15 €
Au disque, comme au livre, Vivaldi continue d’inspirer les éditeurs et les auteurs plus ou moins pertinents. Resmusica. com a salué la Venise de Vivaldi de Patrick Barbier (Grasset 2002, lire la critique de notre consœur Isabelle Perrin). La biographie de Sophie Roughol tient ses promesses malgré quelques lacunes et réserves, au final bien mineures, on aime son texte, précis, documenté, complet sur la vie, plus superficielle sur l’œuvre. La discographie certes sélective nous a paru un peu légère et s’agissant des opéras, qui est le chantier le plus fascinant de l’heure, davantage de repères, de notules critiques et synthétiques, d’exemples choisis auraient étayé judicieusement le propos. Le Vivaldi de Roland de Candé (collection « Solfège », éditions Seuil, 1967 puis 1994) reste indétronable. Mais nous tenons là un ouvrage convaincant qui dresse un bilan juste de la connaissance actuelle sur le sujet.
La vie du musicien est à la mesure de l’époque et de ses contemporains, tels Haendel ou Rameau. Itinéraire d’un génie musicien, maladif mais hyperactif, touche à tout mais insolemment inspiré : musique instrumentale, oratorio et surtout opéra. On redécouvre aujourd’hui son théâtre lyrique : question de mode et de marketing, profitable aux labels en mal de ventes ? Certes pas. Tout au contraire : véritable révélation musicologique dont les prochaines années nous promettent de nouvelles découvertes aussi passionnantes que les Olimpiade, Verità in cimento ou Bajazet récemment publiés en CD. Et Sophie Roughol est bien inspirée de brosser à propos du Vivaldi lyrique, le portrait d’un magicien des planches, soucieux de vraisemblance et de vérité psychologique. A l’instar de Haendel qui lui aussi doit combattre la déferlante des Napolitains, l’abbate (l’abbé : Vivaldi était prêtre), le compositeur vénitien parcourt l’Europe afin d’imposer sa propre conception de l’opéra, non sans susciter jalousies, cabales, scandales et souvent … succès (bien légitimes). Voici le cas exemplaire d’un créateur prolixe qui a démontré autant d’activité et d’épuisante énergie (malgré son « étroitesse de poitrine ») à composer qu’à batailler pour affirmer son talent d’auteur lyrique. Son activité est foisonnante et de fait, les trouvailles du musicien profitent au concepteur dramatique. L’auteur des concertos et des opéras se mêle. Les deux visages jusque-là bien distincts, s’interpénètrent. Le chapitre où l’auteur précise comment d’ouvrages en ouvrages, Vivaldi compose une conception personnelle des caractères, souvent a contrario des modes et des stéréotypes de l’heure, affectionnant les héros libertaires, créant même une typologie propre (d’où ses choix originaux pour des types tels que Montezuma ou Catone).Transfèrerait-il sur la scène et dans la figure de ses héros, sa propre ambition ? Son indéfectible indépendance, sa parfaite liberté singulière ? C’est là une voie que la recherche future empruntera à coup sûr et de façon décisive : que Vivaldi ait composé moult opéras, nous le savions ; qu’ils soient esthétiquement accomplis, personne n’en doute plus. Comment prétendre le contraire à propos du concepteur de Judith Triomphans, d‘Arsilda, de l’Orlando Furioso, d‘Olimpiade, entre autres ? Qu’il ait comme ses contemporains les plus doués, été autant vigilent sur l’imagination musicale que sur la cohérence de sa dramaturgie : voilà une piste habilement amorcée et qui annonce ici d’autres essais passionnants. » (ResMusica)
« Mauvais coup à Vivaldi – Copiant l’ouvrage «exhaustif» (sic) sur Vivaldi de son idole, l’excellent Roland de Candé, Sophie Roughol aime les titres de chapitres en italien, picorés en l’occurrence dans le texte des sonnets des Stagioni : le meilleur du livre, avec la citation d’Ezra Pound en exergue, l’évocation pertinente du caractère de notre héros, la chronologie succincte mais exacte et les indications discographiques solides. A notre tour de prononcer La fatal sentenza (air de Tito Manlio). Le petit Candé (paru au Seuil en 1967) demeure, quarante ans après, impérissable. Basé pourtant sur la documentation foisonnante (mais peu fiable) réunie par Remo Giazzotto pour son propre ouvrage (paru en 1965 en Italie), il croque en quelques traits bien sentis le portrait le plus vivant qu’on a jamais donné du Rosso. Et qu’importent alors les grosses inexactitudes (soigneusement recopiées par Roughol), comme la légende d’Anna Giro, pensionnaire à la Pietà. En dépit d’une plume plus quelconque, Labie (« Découvertes » Gallimard) ou Robbins Landon (Lattès) ont, eux, vérifié soigneusement leurs sources. Roughol semble n’en avoir cure. Une trentaine de fausses informations relevées, dont de jolies perles. Nous apprenons donc que Benda «jouait de l’alto» (alors qu’il avait une voix d’alto), que Vivaldi ne fut « bénéficiaire d’aucun paiement par la Pietà entre 1725 et 1735 » (il est pourtant régulièrement payé de 1725 à1730), qu’il « réduit sa vie mondaine à partir de 1720 » (bigre!), qu’Annetta del basso jouait d’un instrument (la basse continue?… alors qu’elle chantait les parties de basse…), que la paix de Passarowitz fut « célébrée musicalement par Vivaldi » (sans blague?), que le Salve Regina RV616 fut écrit pour San Marco où les Vivaldi père et fils jouèrent en virtuoses (Ah bon ?), etc. La construction de ce triste livre tient de « l’arrangement provisoire de formules » (p. 113), comme l’écrit Talbot et le cite Roughol, en évoquant les thèmes musicaux de Vivaldi. Du Candé (beaucoup), du Delaméa et du Talbot (un peu). En fait des notes de lecture non vérifiées, mises bout à bout, agencées sans réflexion. A quand la traduction française du Heller ou du Talbot ? » (Diapason – novembre 2005)
Sans chercher à combler ce qu’on ne sait pas de la vie du prete rosso par de contestables hypothèses, Sophie Roughol suit ses pérégrinations géographiques et compositionnelles et, après les chapitres biographiques, n’oublie pas de s’intéresser à l’oeuvre et de souligner la place et l’influence de Vivaldi dans l’histoire de la sonate, du concerto ou de l’opéra. Les ouvrages biographiques consacrés au pourtant célébrissime compositeur vénitien ne sont pas légion. Pour qui n’a pas accès aux nombreuses publications musicologiques ou à l’ouvrage grand public (mais non traduit) du spécialiste britannique Michael Talbot, voici un petit livre qui constitue une alternative à la biographie (traduite en français) de H. C. Robbins Landon. Format réduit, présence d’une chronologie et de repères biographiques et discographiques (aussi discutables soient-ils), en font un ouvrage adapté à une première approche. » (Opéra Magazine – décembre 2005)
Carlo Vigarani, intendant des plaisirs de Louis XIV – Jérôme de La Gorce – Editions Perrin et Le Château de Versailles – 2005 – 280 pages – 20,50 €
« Enquêteur minutieux, le musicologue et historien d’art Jérôme de La Gorce s’est lancé sur la piste des Vigarani dans les archives de Modène, Florence, Paris et Stockholm. Carlo, le plus connu de la dynastie, a été quelque peu éclipsé par la xénophobie française qui s’est abattue sur les artistes ultramontains du Grand Siècle. Il fut pourtant l’acteur clé de ses enchantements, entre Torelli et Berain. Les Vigarani, parce que leur art festif fut éphémère, ont bien failli disparaître des mémoires, n’étaient les gravures d’Israël Sylvestre et de Lepautre.
Des origines jusqu’au blason et au château de Saint-Ouen, l’ouvrage retrace l’ascension vers la gloire d’un fabuleux concepteur de spectacles dont l’éreintant travail apparaît ici avec les coulisses du règne de Louis XIV. Il nous offre un passionnant relevé de cette partie peu regardée des arts du spectacle et trace le bilan d’une carrière à la cour de France, tout en se lisant comme l’itinéraire d’un artisan génial dont on rapprochera le destin de celui des Francine, les fontainiers du roi, et bien sûr de Lully. Parfois surabondant quant au copieux descriptif d’une pompe versaillaise luxueuse jusqu’à l’écoeurement, on reste pourtant sur notre faim en ce qui concerne la technique des fameuses « machines », un sujet dont on aurait aimé que le détective La Gorce nous livre les secrets de fabrication. Parce que Vigarani les a emportés dans sa tombe ? » (Classica – septembre 2005)
Haendel – Romain Rolland – réédition d’un ouvrage de 1910 – Classica – Actes Sud – 140 pages – juin 2005 – 16 €
« Cet ouvrage essentiel a paru pour la première fois en 1910. Près d’un siècle plus tard et alors que l’œuvre de Haendel a retrouvé une place éminente dans la vie musicale, le Haendel de Romain Rolland garde toute son actualité. « Il y a cent ans, explique Dominique Fernandez dans sa préface, on avait de Haendel l’image d’un type guindé, pompeux, ennuyeux à force d’emphase ; une «perruque», et même un peu mitée. […] C’était une sorte de musicien officiel, dont la grandiloquence était l’élément naturel. Telle était l’idée qu’on se faisait de Haendel lorsque Romain Rolland publia sa monographie. Il avait alors quarante-quatre ans, déjà une longue œuvre derrière lui, à la fois littéraire et musicologique, sans compter une embardée du côté de la peinture. Seul Proust, son contemporain, montra pour la musique une passion aussi soutenue. Mais, contrairement à l’auteur de La Recherche, les préférences de Romain Rolland vont à l’opéra et à l’oratorio, et l’on comprend qu’un Haendel, par les proportions épiques de ses œuvres et la foi qui les soulève, soit devenu un de ses auteurs de prédilection. » Il en résulte un livre merveilleusement écrit, d’une grande pertinence de jugement, qui replace Haendel l’humaniste non loin de Beethoven, dont il serait, par bien des aspects, le plus évident précurseur. » (Présentation Groupe Express)
« La collection de poche Actes Sud / Classica réédite cet ouvrage paru en 1910 chez Alcan, et rendu disponible par Albin Michel en 1951. On connaît le goût de Romain Rolland pour les vastes fresques biographiques et les œuvres fleuves, comme sa monumentale monographie de Beethoven, sa grande thèse sur l’Histoire de l’opéra en Europe avant Lully et Scarlatti, etc. L’un des premiers français à évoquer les œuvres de Richard Strauss et Hugo Wolf, le penseur devait se pencher sur la destin de Georg Friedrich Händel, compositeur sur lequel le début du 20ème siècle avait une vue assez fausse et, par conséquent, ne tenait pas en très haute estime. Bien que gentiment soumis à un relatif conformisme moral et dominé par une naïveté un rien désuète qui n’a pas toujours en main les données d’une connaissance véritablement scientifique de certains aspects de son sujet, ce livre, intéressant à plus d’un titre pour celui qui désirerait en apprendre sur Romain Rolland, brosse un portrait attachant et peut-être pas tant romanesque qu’on pourrait le croire du Grand Saxon. Certaines considérations sur les parentés de style entre Zachow et Händel sont certes hasardeuses, les comparaisons, images et métaphores emphatiques sont plutôt délicieuses, mais l’effort pour évoquer le climat particulier de piétisme de l’Université de Halle où Händel fit ses classes de droit, par exemple, est louable. Le lecteur n’apprendra guère plus ici qu’en parcourant l’étude de Jonathan Keates, mais dans un ton qui met en quelque sorte à sympathique portée de main le Kapellmeister hambourgeois Reinhard Keiser (1674-1739), « un Mozart de la 1ère moitié du 18ème siècle », Hasse et les symphonistes de l’Ecole de Mannheim, le compositeur, théoricien et criti-que de la musique allemande Johann Mattheson (1681-1764), et Händel lui-même, bien sûr, en suivant pas à pas la création de ses opéras, Almira, Nerone, Rodrigo, et les Cantates romaines de 1708, jusqu’aux dernières œuvres pour le théâtre, comme Deidamia.
Le compositeur devient ici une sorte de héros poursuivi par la malchance qui serait tardivement reconnu par l’Irlande grâce au Messie, puis enfin par les Anglais avec son Judas Macchabeus qui, en 1744, finit de faire de lui le musicien officiel qu’il voulait être, avec un succès et une estime qui ne seront désormais plus discutés – il a soixante et un ans ! Enfin, sa lutte pour la survie financière s’achève, et sa popularité gagne les couches bourgeoises de la société anglaise. L’auteur s’interroge assez pertinemment sur les années qui suivront la mort de Händel, le 14 avril 1759, présentant des exécutions déformant affreusement son œuvre, comme celles du Messie, joué par trente-trois musiciens et vingt-trois chanteurs de son vivant, voyant à chaque concert ces chiffres augmenter – cette délirante inflation atteignant quatre mille participants en 1859, au Festival du Crystal Palace de Sydenham ! C’est grâce à la fondation de la Händelgesellschaft en 1856 que put perdurer l’œuvre händelienne, jusqu’à sa redécouverte au temps de Romain Rolland, puis lors du renouveau baroque que l’on sait. Enfin, la dernière partie du livre s’emploie à tirer certaines conclusions sur l’esprit Händel, les écoles européennes de l’époque, etc., avec force préjugés et idées toutes faites, même s’il n’est certainement pas faux que l’on puisse considérer toute l’œuvre de Händel comme de la musique de théâtre. Pour finir, Romain Rolland désigne Beethoven comme continuateur de Händel !… » (Anaclase)
L’Amour médecin suivi de Le Sicilien ou L’Amour peintre – L’Avant-scène Théâtre – 15 avril 2005 – 12 €
Editorial : Dionysos et Apollon réconciliés – L’Affiche : (biographies des auteurs, metteurs en scène, directeurs musicaux et comédiens) – Le texte de la pièce – Commentaires : (Naissance de la comédie-ballet, par Joël Huthwohl – Entretien avec Jean-Marie Villégier, par Olivier Celik – Rencontre avec les directeurs musicaux – La postérité de la comédie-ballet, par Michel Parouty)
Inventaire de l’opéra – sous la direction de Philippe Dulac – Universalis – 575 pages –avril 2005 – 42€
« Rassemble quatre-vingts articles sur l’opéra en fonction de grands thèmes comme les lieux, les voix, les imaginaires, etc.
L’opéra passait encore, il y a peu, pour le symbole de l’art bourgeois, un divertissement obsolète pour notables en mal d’émotions convenues. Magnifié, revivifié par des chanteurs exceptionnels et des metteurs en scène audacieux, largement popularisé par le disque et l’écran, il attire aujourd’hui un public toujours plus jeune et plus divers. Quatre siècles après sa naissance, l’Inventaire de L’opéra explore, sous toutes ses facettes et dans tous ses états, l’univers complexe et passionnant de cet art redevenu total : les grandes périodes, les grandes réussites, mais aussi les livrets, les voix, les décors, les costumes, la mise en scène, l’architecture…Une synthèse richement illustrée qui permettra à tout lecteur de devenir très vite, s’il ne l’était déjà, un vrai «lyricomane». »
Dictionnaire de la Musique – sous la direction de Marc Vignal – Larousse – Collection In Extenso – édition 2005 – février 2005 – 1 516 pages – 26 €
Henry Desmarest – Exils d’un musicien dans l’Europe du Grand Siècle – textes réunis par Jean Duron et Yves Ferraton –Mardaga / Centre de Musique Baroque de Versailles – 458 pages – 58 €
« Cinq ans après de saintes Journées au cours desquelles revécut Henry Desmarest, le Centre de musique baroque de Versailles publie les actes d’un colloque qui avait alors rassemblé une vingtaine d’experts. Volumineux, divers, soigné, illustré, inévitablement docte, l’ouvrage se présente en cinq parties dont les trois dernières évoquent certains « aspects musicaux de l’oeuvre de Desmarest” (la Messe à deux choeurs, le Te Deum, L’Art de la fugue, mais aussi l’influence italienne et celle de Lully, outre quelques lignes lumineuses sur les tragédies Circé et Didon). Auparavant, nous aurons suivi dans son exil à Bruxelles, en Espagne et en Lorraine, le malheureux amant condamné à mort par contumace pour avoir épousé secrètement la fille d’un haut magistrat. Tout amoureux du Grand Siècle complétera ici les connaissances acquises dans l’unique biogràphie (Michel Antoine, Picard 1965) de celui dont Titon du Tillet disait: “Jamais génie n’a donné des marques plus promptes de sa pénétration, de son goût & de son sçavoir pour la Musique.” Une telle somme le comblera, à condition qu’il se pique d’exégèse pointue, lise couramment la musique et sache décrypter une triple fugue. Il est sans doute regrettable que les articles en anglais et en espagnol ne soient pas accompagnés d’un résumé dans la langue de l’éditeur, mais nul ne doutera plus désormais que l’interminable exil a pris fin, et la grâce accordée par le Centre à celui qui aurait pu devenir le” nouveau Lully” ne le sera pas moins par ses lecteurs. » (Diapason – mai 2005)
Marc-Antoine Charpentier, un musicien retrouvé – textes réunis par Catherine Cessac – Mardaga / Centre de Musique Baroque de Versailles – 24 février 2005 – 415 pages – 62 €
« Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) est reconnu aujourd’hui comme l’un des plus grands compositeurs français. Ayant principalement exercé son art à Paris, il a occupé des postes prestigieux chez Mademoiselle de Guise, auprès de Molière et de ses successeurs de la Comédie-Française, à l’église Saint-Louis et au collège Louis-le-Grand de la puissante Compagnie de Jésus, enfin à la Sainte-Chapelle. Si Charpentier n’a jamais obtenu de poste officiel à la cour, il se fit néanmoins apprécier de Louis XIV. Travailleur infatigable, il a laissé une œuvre considérable en nombre, en variété et surtout en qualité, cette dernière s’avérant tout à fait exceptionnelle. Ayant séjourné à Rome, il demeura toute sa vie influencé par le style italien dont sa musique retire une grande part de son originalité.
Réunissant les principaux articles parus dans le Bulletin de la Société Marc-Antoine Charpentier de 1989 à 2003 et dont certains ont été réactualisés, cet ouvrage permet de mesurer les avancées de la recherche sur Charpentier durant ces quinze dernières années qui ont révélé des éléments de première importance: le seul portrait du compositeur, des apports essentiels sur son environnement familial et social, sur l’histoire des manuscrits musicaux, la mise à jour de pièces et de sources nouvelles. Ces études s’accompagnent d’autres ayant trait à la manière de composer de Charpentier, aux circonstances d’exécution, à l’interprétation et à l’analyse des œuvres. » (Présentation CMBV)
« Bien connu des historiens bien avant son génial aîné Marc-Antoine Charpentier, Michel-Richard Delalande (à l’époque, on trouve aussi les graphies de Lalande, de la Lande, voire de La Lande) a été éclipsé depuis un demi-siècle par la résurrection foudroyante de ce dernier, au point qu’en face du monumental ouvrage de Catherine Cessac sur Charpentier, il n’avait suscité aucun livre. D’une envergure certes plus modeste, celui de Catherine Massip vient enfin redresser au moins en partie la situation. Il est typique qu’elle situe Delalande dans la succession de Lully et de Dumont, alors que Charpentier n’est pratiquement pas cité, car cela correspond bien à la réalité de l’époque: Charpentier oeuvra entièrement en dehors de Versailles, alors que Delalande, jouissant de la faveur presque exclusive de Louis XIV vieillissant, finit par accumuler des pouvoirs exclusifs encore plus grands que Lully après la disparition précoce de ce dernier. Sa musique, et essentiellement le corpus des 77 Grands Motets (dont sept seulement sont perdus) représente le grand style versaillais à son apogée. Si une comparaison est possible, Delalande serait un peu à Charpentier ce que Haendel est àBach… Avec l’impeccable solidité de sa formation et de sa méthode de musicologue (rappelons qu’elle dirige le Département Musique de la Bibliothèque Nationale de France), Catherine Massip nous offre un ouvrage de caractère essentiellement universitaire, d’un abord et d’un style plutôt austères. Lérudition en est certes impressionnante, mais en l’absence de la personnalité humaine de Delalande, qui nous demeure peu connue (aucun texte, aucune lettre de sa main), j’estime qu’une analyse, non pas exhaustive (ne rêvons pas!) mais au moins détaillée pour cinq ou six de ses plus grands Motets, les plus connus par le disque, nous serait autrement utile que les listes intarissables des témoins de son mariage ou, pire, des inventaires exhaustifs de son mobilier, d’autant plus que les ouvrages profanes, de loin moins importants et de plus, en bonne partie perdus, sont traités dans le détail. Vingt ou trente pages de moins sur ces peu passionnants détails matériels, et autant de plus sur la musique qui assure la véritable survie du nom de Delalande, et ce livre, présenté avec le soin (iconographie, nombreux exemples musicaux) qui a fait la juste renommée de la collection Mélophiles eût comblé toutes nos attentes. » (Classica – juin 2005)
« Un modèle du genre : au fait des derniers travaux, judicieusement illustré, écrit dans une langue limpide et jamais narcissique, concis mais sans banalité. Catherine Massip ne se contente pas de suivre l’ascension phénoménale du musicien à Versailles, elle met à jour les cercles d’influences qui l’ont porté beaucoup plus haut que Lully. Et la volonté du compositeur de se consacrer presque exclusivement au grand motet n’apparaît plus comme un repli sur soi mais comme un terrain d’expérience privilégié, à l’égal de la tragédie lyrique pour le Florentin. Presque cinquante ans après l’ouvrage pionnier dirigé par Norbert Dufourcq, un grand vide est comblé par cette biographie. Lionel Sawkins, bien sûr, nous offrira un jour le fruit d’une vie de recherches, mais il ne fera pas double emploi avec ce « manuel », au plein sens du terme : l’étudiant le gardera sous la main pour trouver en quelques secondes l’information qu’il cherche (index, catalogue des grands motets, tableau synoptique, éléments de discographie) et le mélomane découvrira en une heure un panorama de la carrière (soixante-dix pages) ou de l’oeuvre (soixante) du compositeur. » (Diapason – novembre 2005)
Claudio Monteverdi – Le Couronnement de Poppée – L’Avant-Scène Opéra – n° 224 – janvier 2005 – 25 €
Sommaire – L’œuvre – Denis Morrier – Points de repère – Michel Pazdro – Argument – Denis Morrier – Introduction – Comprendre Poppée aujourd’hui – L’action et la scénographie – Quels chanteurs ? – Les premiers interprètes – Quel orchestre ? – Les styles et les formes – La rhétorique musicale – Le langage modal de Monteverdi – Les personnages historiques – Guide d’écoute – Gian Francesco Busenello – Livret intégral – Michel Orcel – Traduction française – Revue et complétée par D. Morrier et E. Soldini – Regards sur l’œuvre – Paolo Fabbri – Monteverdi et le théâtre musical – Nanie Bridgman – Monteverdi-l’Homme – Jacques Joly – Busenello – Jean Starobinski – Voix et visages de la séduction – Denis Morrier – Retour dans le labyrinthe des sources – Denis Morrier – Les métamorphoses d’une partition – Denis Morrier – Discographie comparée – Pierre Flinois – Vidéographie comparée – Elisabetta Soldini – L’oeuvre à l’affiche – D. Morrier, E. Soldini – Bibliographie