La pazzia senile (La Folie du grand âge 1603)

COMPOSITEUR Adriano BANCHIERI
LIBRETTISTE

 

Commedia armonica (comédie madrigalesque)

Argument

A Rovigo, grosse dépendance de la très illustre seigneurie de Venise, habite un vieillard nommé Pantalone, riche marchand originaire de l’île de Murano sur la Lagune, amoureux de la jeune et belle courtisane Lauretta de Mazorbo. S’entretenant avec son serviteur Burattino de la vallée de Bergame, il apprend que le seigneur Fulvio, un jeune Toscan, vient chanter des sérénades à sa jeune fille Doralice. Touché dans son honneur et furieux, Pantalone s’en va trouver le vieux Docteur Gratiano de Francolino à qui il a promis sa fille en mariage et décide de célébrer leurs noces au plus vite. La passion des deux jeunes amants et les manigances d’un valet rusé l’emporteront sur les deux vieillards qui finiront raillés et ridiculisés…


Représentations :

Théâtre Dejazet – du 24 juin au 9 août 2003 – Compagnie Le Carrosse d’Or – dir. Jean-Christophe Frisch – texte Carlo Boso et Xavier Legasa – mise en scène Carlo Boso, décors Irène Ruszniewski, lumières Serge Hamon, masques Stefano Perrocco, costumes Jean-Pierre Martinezavec Francesca Congiu (soprano), Hélène Force (soprano), Lenaick Giquel (contre-ténor), Laurent Grauer (basse), Xavier Legasa (ténor) et Maria-Lucia Barros (clavecin), Isabelle Dumont (viole de gambe), Leonardo Loredo (théorbe, guitare, percussions et chant)

Zurban.com – 4 août 2003« En truffant une comédie musicale du XVIe siècle d’allusions à notre époque, la troupe du Carrosse d’or nous offre le premier rire de l’été. Pour égayer son théâtre, Paris a souvent appelé à l’aide les comédiens transalpins. S’ils ne sont qu’à moitié Italiens, les baladins qui s’installent pour l’été au Dejazet s’avèrent d’excellents disciples de la commedia dell’arte. Difficile de résister à l’insolence ravageuse de la troupe du Carrosse d’or qui s’approprie « La Pazzia senile » (la folie du grand âge), une comédie musicale créée en 1598 par un moine italien, Adriano Banchieri. Mis en scène par Carlo Boso, le spectacle est né d’une idée de Xavier Legasa, qui y interprète plusieurs rôles. Tous masqués, acteurs et musiciens se placent ici au service d’une arlequinade débridée. Farce et madrigaux. Pantalon veut marier sa fille selon ses intérêts, les jeunes gens cherchent à contrer les plans du vieux grigou’ L’intrigue, des plus classiques, n’interdit pas l’innovation, les interprètes jonglant avec les niveaux de langue et les tons. «Notre troupe travaille sur les rapports entre la musique et le rire, explique Xavier Legasa. Cette pièce est du théâtre de tréteaux, où l’on s’adresse au public comme à un partenaire. Ce que nous aimons, c’est le contraste entre la farce, qui est parfois scato, et les madrigaux amoureux d’un extrême raffinement. Le jeu masqué permet ce grand écart: parler comme des bateleurs et chanter avec une grande science.» Tous les acteurs sont des chanteurs qui sont passés par le circuit lyrique. Là, ils s’amusent à être mi-bouffons, mi-Caruso. Conformément à la difficile tradition des histrions italiens, ils improvisent parfois. «Soyons clairs, précise Xavier Legasa. Les gags ne sont pas improvisés, nous les répétons avec précision. Mais les plaisanteries, surtout politiques, peuvent surgir sans avoir été préméditées.»

Fluctuat net – 18 juillet 2003« De la commedia dell’arte mise en scène par Carlo Boso en personne, avec de vrais morceaux de musique baroque, La Pazzia Senile est un spectacle délicieux qui tient ses promesses.

Redécouvrir la comédie madrigalesque (l’ancêtre de nos comédies musicales), c’est soigner autant l’interprétation musicale que le jeu théâtral et c’est bien là l’immense qualité de cette production. Si les parties musicales sont écrites, les scènes parlées sont fournies sous forme de canevas : le vieux Pantalone veut épouser la jeune Lauretta tandis qu’il compte donner sa fille Doralice en mariage à son vieil ami le Docteur Gratiano. Mais Doralice aime Fulvio. L’amour finira par triompher grâce aux manigances de Burattino, le valet rusé. Canevas-type s’il en est. De l’extrême simplicité de l’intrigue, le Carosse d’Or a su tirer des scènes tout en finesse. Les dialogues, en apparence sommaires, sont sublimés au moyen de nombreux effets – en particulier de savoureux effets de répétitions, dans une mise en scène impeccable et très rythmée, où les personnages sont en action même pendant les parties chantées. Tout cela est très beau et très joyeux. Un délice. »

La Terrasse – Commedia dell’arte et musique baroque« Si vous voulez vous divertir en famille, courez à la Pazzia Senile « la Folie du grand âge » d’Adriano Banchieri. Un verbe assez cru et des jambes assez lestes – rassurez-vous, en tout bien tout honneur -auxquels la Compagnie du Carrosse d’Or s’amuse à donner une vie de grâce sensuelle et d’ivresse rêveuse. Légèreté et oubli pour les gestes et les arabesques tandis que les raisonnements intellectuels obéissent à une logique robuste. En d’autres termes, voilà un hymne à la jeunesse et une moquerie rendue à l’âge avancé, trop arrogant dans le cumul prétendu de ses biens matériels. De la sagesse peut-être dans la vieillesse ? Vous rêvez ! Plutôt, une crispation sur des relations juvéniles ou adolescentes velléitaires qui troublent profondément des cadors ridiculisés. Sourires aux lèvres chez les jeunes gens et peines d’amour perdu dans le c’ur des vieux messieurs. Masques de cuir colorés et bouffonneries traditionnelles, associés – c’est la cerise sur le gâteau – à des chants et de la musique baroque de la fin du XVI ème siècle. Adriano Banchieri est l’un des plus illustres compositeurs du premier baroque italien, et sa Pazzia Senile appartient à la comédie madrigalesque, l’ancêtre de la comédie musicale. Voilà du pittoresque made in Italy, avec ambiance bruyante mais détendue, de jolies filles et de vieux barbons, des personnages universels et populaires, forcément proches des passions vivantes de tout public. Pourquoi lutter ? Le spectateur charmé se laisse entraîner dans une atmosphère de liesse et de jeu que ne renie pas l’enfant qui se cache en lui. Largement accessible et savant en même temps, cet art conjugué pétille de mouvements enchanteurs, avec ses fresques réduites d’un quotidien connu voire rebattu entre générations. Un homme chenu égaré dans ses illusions d’amour à l’eau de rose est attiré par une jeune fille que convoite délicatement un jeune homme qui pourrait être son propre fils… La morale de la fin appartient – faut-il le dire – aux derniers nés dans le triomphe de l’amour sincère et de l’insouciant printemps de l’existence. Un spectacle vif et amuseur, joué en français et chanté en italien – dans un décor élémentaire de petits accessoires de bois, mais efficace avec costumes de petit peuple et de gens de maison. La femme mûre, connaisseuse avertie dans l’art du sentiment, infléchit l’intrigue ; elle prend plaisir à faire la morale à son compère mâle plus démuni et définitivement inexpérimenté face aux travers de la vie. Nous avions oublié, c’est avant tout un éloge dispensé dans la bonne humeur au savoir féminin, intuitif et salutaire pour l’autre moitié de l’humanité ! »

Présentation de Jean-Christophe Frisch

« Adriano Banchieri, contemporain de Monteverdi, est un des plus illustres compositeurs de ce premier baroque italien qui nous semble toujours si proche de notre sensibilité moderne. Il a été à la fois un virtuose renommé, un compositeur admiré et un théoricien de la nouvelle musique qui s’inventait alors. Ses traités comptent parmi les plus fondamentaux pour connaître le 17 ème siècle italien. Bien que religieux, il semble avoir été un homme très vivant. Les textes qu’il a écrits pour certains de ses madrigaux qui font intervenir les dialectes en témoignent, comme le nom qu’il avait choisi au sein de l’académie dei Floridi : il dissonante (le dissonant).

Les comédies madrigalesques sont les exemples les plus anciens d’utilisation de la commedia dell’arte dans la musique. Elles sont constituées de madrigaux qui étaient intercalés dans un canevas. Elles ont par la suite donné naissance aux intermèdes bouffe où des personnages issus de la commedia chantent récitatifs et airs.

Notre projet est d’étudier comment le passage s’est fait entre ces différents genres, en particulier comment on passait du parlé au chanté. Les madrigaux de Banchieri utilisent quantité d’onomatopées, de cris, qui étaient certainement plus proches de la voix parlée que du chant. D’autre part, nous savons que les scènes intermédiaires, dites parlées, utilisaient des intonations qui permettaient aux clavecinistes de les accompagner.

Cette époque du  » parlar cantando  » est restée peu explorée, surtout parce qu’elle exige des musiciens et des chanteurs des capacités d’improvisation collective qui commencent à peine à apparaître chez les spécialistes du baroque. C’est ce travail où la musique et le théâtre sont inextricablement liés qui est la particularité de ce projet. »