CD L’Artemisia

L’ARTEMISIA

COMPOSITEUR

Francesco CAVALLI

LIBRETTISTE

Niccolo Minato

 

ORCHESTRE

La Venexiana

CHOEUR
DIRECTION

Claudio Cavina

Artemisia

Francesca Lombardi Mazzulli

Artemia

Roberta Mameli

Oronta

Valentina Coladonato

Meraspe

Maarten Engeltjes

Alindo

Andrea Arrivabene

Ramiro

Marina Bartoli

Eurillo

Silvia Frigato

Indamoro

Salvo Vitale

Erisbe

Alberto Allegrezza

Niso

Alessandro Giangrande

DATE D’ENREGISTREMENT

Octobre 2010

LIEU D’ENREGISTREMENT

Mondovì – Sala Ghisleri – Italie

ENREGISTREMENT EN CONCERT

non

EDITEUR

Glossa

DISTRIBUTION

Harmonia Mundi

DATE DE PRODUCTION

9 juin 2011

NOMBRE DE DISQUES

3

CATEGORIE

DDD

Critique de cet enregistrement dans :

 Diapason – juillet/août 2011 – appréciation 4 / 5

  « Vingt-troisième des trente-deux opéras connus de Cavalli, Artemisia (1657) apppartient à sa « seconde manière »: les airs sont plus nettement dissociés des récits, sous l’impulsion des livrets de Minato. Passé la scène initiale, la seule à s’autoriser de sources latines (on y voit Artémise pleurer au pied du Mausolée), Minato puise abondamment dans le coffre à jouets vénitien: travestissements, lettres et bijoux volés, scène de sommeil, confusion des sexes, rien ne manque au badinage de trois couples conflictuels (dont celui unissant Artémise à Méraspe, l’assassin présumé de Mausole), se chamaillant sous le regard blasé de trois serviteurs. L’opéra ressemble trop au Serse troussé deux ans plus tôt par les mêmes auteurs, jusque dans certains passages du rôle d’Eurillo, l’eunuque vocalisant (ici confié à une soprano scolaire, alors que Jacobs transposait le rôle homologue pour ténor). Mais Cavalli nous enchante toujours par une profusion de duos et d’arias (une cinquantaine !) à la sensualité volontiers doloriste, culminant dans le rôle d’Artemia (son lamento « Ardo, sospiro » fut inséré par Leppard dans sa Calisto).

Au sein d’une distribution idiomatique mais timide, la charnelle et convaincante Roberta Mameli campe la coquette Arrtemia, amenée à tyranniser une délicieuse Marina Bartoli. Les trois autres sopranos affichent moins de personnalité. Si Maarten Engeltjes parvient, malgré un timbre monochrome, à émouvoir dans le rôle du mélancolique Meraspe, le choix d’un autre contre-ténor (qui plus est exsangue) ne se justifie pas dans la partie trop grave de l’ambitieux Alindo. La duègne Erisbe est incarnée par un idéal ténor aigu et la virile basse Salvo Vitale apporte un contrepoint bienvenu à toutes ces voix hautes.

Fluide et pleine de tact dans le récitatif, naturel, peu instrumentée (l’« orchestre» est réduit à onze musiciens), la « direction » de Cavina, mieux adaptée au madrigal qu’à la scène, apparaît hélas bien littérale dès qu’interviennent les cordes besogneuses. Tout cela manque de soufffle, et les coupures n’arrangent rien. Certes, les intermèdes bouffes coupés lors du concert donné il y a deux ans à Montpellier ont été rétablis ; mais on perd tout de même une dizaine de scènes et plusieurs airs ou reprises. Cela se justifie d’autant moins que les deux derrniers CD comptent une quarantaine de minutes chacun. »

 Crescendo

« Alors qu’une oeuvre aussi sensuelle et fascinante qu’Eliogabalo, ressuscitée par René Jacobs à la Monnaie en 2004, attend toujours d’être enregistrée, on se demande si cette Artemisia, bien que présentée comme un des opéras les populaires du vivant de Cavalli, méritait vraiment cet honneur. Enième variation sur le thème de l’amour impossible, le livret de Nicolo Minato met en scène la souveraine Artemisia qui, au décès de son époux Mausolo, décide de lui rendre hommage en érigeant un mausolée (une des sept merveilles du monde antique), boit ses cendres et jure de se venger de son assassin présumé, Meraspe. Or, voici qu’elle s’éprend de ce dernier, travesti en plébéien sous le nom de Clitarco! Ecartelée entre le devoir, son rang et sa passion, elle ignore le principal obstacle à cette liaison trop coupable et ses atermoiements supplicient l’infortuné Meraspe qui ne sait plus sur quel pied danser. Interprète maladroit de la tradition vénitienne, Minato introduit deux autres couples et l’inévitable nourrice, figure censément drôle, mais il en résulte une action trop touffue, statique et privée d’épine dorsale dont les fils ne commencent de se tendre qu’au troisième acte -trop tard, faut-il le préciser.

On a connu Cavalli plus inspiré, en particulier dans les lamenti où d’ordinaire il excelle, et quelques jolies trouvailles, surtout dans ce dernier acte -l’Aria con eco (double) d’Eurillo (II, 6), la seule qu’il ait jamais composée, la berceuse de Meraspe (Aure, tacete, III, 12) et sa plainte éperdue (Respiri, chiudete, III, 17) , la fureur d’Artemia contre elle-même (De gli abissi profondissimi, III, 13)- ne suffisent pas à maintenir notre attention en éveil. Les ritournelles sont rares et n’irriguent guère les steppes de récitatifs, pour reprendre une formule célèbre, qui, en outre, pâtissent d’un continuo indigent et morne et, surtout, d’un déficit dramatique rédhibitoire. Le passage au disque reste une épreuve extrêmement périlleuse pour ce qui relève avant tout du théâtre, certes habillé de musique, mais où le verbe domine sans partage et exige un vrai talent d’acteur. Si la Venexiana jouit d’une solide réputation dans le domaine du madrigal, le savoir-faire de Claudio Cavina ne lui est d’aucun secours dans le drama in musica et l’animation du recitar cantando, cette déclamation subtile qui peut très vite se figer et verser dans un ennui mortel. Seule Francesca Lombardi Mazzulli, dans le rôle-titre, réussit une incarnation, de bout en bout, frémissante et crédible. Artemisia aligne cinq rôles de sopranos que l’auditeur doit pouvoir, au disque plus encore qu’à la scène, identifier immédiatement, comme par exemple les quatre ténors du Retour d’Ulysse. Or, à l’exception de Roberta Mameli, dotée d’un timbre plus personnel mais aussi d’un trémolo parfois envahissant, les autres ont des voix trop semblables, fraîches et pointues. En Meraspe, le jeune contre-ténor néerlandais Maarten Engeltjes affiche un métal agréable mais aussi une mollesse irritante, une performance, hélas, emblématique de cette réalisation qui manque cruellement de nerf, d’urgence, de brio, y compris dans la vis comica. »

Opéra Magazine – décembre 2011 – appréciation 3 / 4

« Premier enregistrement mondial pour Artemisia (Venise, 1657), résurrection dont Opéra Mogozine avait rendu compte lors de sa présentation au Festival de Radio France et Montpellier, en juillet 2010. L’ouvrage ressort du genre sérieux. Cavalli et son librettiste, Nicolo Minato. aimant les situations complexes, l’auditeur aura besoin de suivre de près le livret (reproduit à l’intérieur du coffret) pour débrouiller l’écheveau de l’intrigue. La musique, quant à elle, l’emporte par une séduction qui s’exerce, avec un égal bonheur, dans le tragique et le comique de situation, la grandeur et la légèreté, le sévère et le plaisant. Est-ce le passage du concert au studio (l’enregistrement a été réalisé à Mondovi, en octobre 2010) ou quelques changements dans la distribution ?Toujours est-il que l’écoute de ces trois CD ne suscite pas chez nous l’enthousiasme manifesté par Pierre Cadars, dans son compte rendu montpelliérain.

Claudio Cavina, en effet ne parvient pas plus à nous intriguer qu’à nous amuser. Sa lecture consiste en une succession de numéros qui, pris individuellement, ne manquent pas de charme mais, relus dans la durée, paraissent soudain bien empesés. Francesca Lombardi Mazzulli, déjà appréciée dans La Rosindo, résiste heureusement à cet ennui généralisé (son jeu efficace donne au rôle-titre une crédibilité immédiate), mais c’est une autre soprano, Silvia Frigato, qui nous séduit le plus en Eurillo.

De fait, le problème de cette version n’est pas tant le rendu vocal – plutôt réussi, en l’occurrence – que l’absence du nerf qui fait la fascination de cette musique : la liberté jailiissante du sentiment. Espérons maintenant qu’un autre chef aura envie de s’attaquer à Artemisia… »