PERSEE |
COMPOSITEUR |
Jean-Baptiste LULLY |
LIBRETTISTE |
Philippe Quinault, d’après Les Métamorphoses d’Ovide |
ORCHESTRE | Les Talens Lyriques |
CHOEUR | Maitrise du Centre Baroque de Versailles « Les Chantres de la Chapelle Versailles » – dir. Olivier Schneebeli |
DIRECTION | Christophe Rousset |
Persée | Paul Agnew | haute-contre |
Andromède, une Nymphe guerrière | Anna-Maria Panzarella | soprano |
Céphée, un Ethiopien, un Cyclope, Idas | Vincent Billier | baryton-basse |
Cassiope, Imène | Monique Simon | mezzo-soprano |
Mérope, la Fortune | Salomé Haller | soprano |
Phinée, un Ethiopien | Jérôme Corréas | basse |
Mercure, Megathyme | Robert Getchell | haute-contre |
La Vertu, Vénus, Amour | Béatrice Mayo Felip | soprano |
Sténone, un Triton | Bruno Rostand | baryton-basse |
Méduse, Phronime, le Grand-Prêtre, un Ethiopien | Laurent Slaars | taille |
DATE D’ENREGISTREMENT | 16 septembre 2001 |
LIEU D’ENREGISTREMENT | Cité de la Musique – Paris |
ENREGISTREMENT EN CONCERT | oui |
EDITEUR | Astrée |
DISTRIBUTION | Naïve |
DATE DE PRODUCTION | janvier 2002 |
NOMBRE DE DISQUES | 3 |
CATEGORIE | DDD |
DISPONIBILITE | oui |
Prix International du Disque 2003 – catégorie Opéra des XVIIe et XVIIIe siècles
Critique de cet enregistrement dans :
Crescendo – avril/mai 2002 – appréciation Joker Crescendo
« La version, enregistrée en public, de Christophe Rousset met merveilleusement en lumière l’architecture subtile et rend enfin à la partition l’hommage qui lui est dû…Une équipe de solistes où les chanteurs confirmés le disputent aux jeunes talents prometteurs – Salomé Haller très émouvante – un continuo à toute épreuve, un enthousiasme évident de la part de tous les protagonistes, et particulièrement du chef, font de cet enregistrement une fort belle réussite tant sur le plan strictement musical que sur le plan dramatique et théâtral. »
Classica – avril 2002 – Recommandé
« Révélation – Le théâtre est là, plus urgent que jamais, et Christophe Rousset remplit chaque mesure d’une présence et d’un souffle qui témoignent de sa profonde familiarité avec la langue lullienne. Les détails sont pointés, caractérisés, surlignés parfois, mais insufflent la plus noble vérité à cette tragédie…Les solistes maîtrisent la coupe du chant français modelé sur le texte, et font preuve de sensibilité stylistique grâce à un usage raffiné des agréments. Mentions particulières pour Paul Agnew et Anne Maria Panzarella, mais aussi Salomé Haller. »
Mezzo – Sélection avril 2002
« Créé à Paris, en 1682, quelques jours avant l’installation de la Cour à Versailles, le Persée de Jean-Baptiste Lully (1632-1687) est avant tout une extraordinaire machine dramatique dont les rouages complexes sont constitués de symphonies, d’airs, de duos, de trios, de choeurs, de divertissements parfaitement intégrés à l’action. Sur fond d’intrigue sentimentale classique (A aime B qui aime C, etc.), l’action est scandée par les exploits du héros : mise à mort de Méduse et délivrance d’Andromède. Christophe Rousset a agencé les éléments de son Persée avec un souci architectural où chaque élément est traité dans la perspective d’une vision globale. Les moments héroïques manquent parfois de relief mais le dessein dramatique est parfaitement maîtrisé et soutenu par un plateau vocal sans faille qui avait déjà convaincu lors du concert de septembre 2001 à la Cité de la Musique, manifestation au cours de laquelle a été réalisé cet enregistrement. »
Ramifications – mars 2002
« Pour apprécier Lully et ses « tragédies en musique », il convient de se remémorer le goût et la sensibilité du siècle de Louis XIV, sa passion du faste, du spectacle et du merveilleux pour célébrer un règne placé sous le signe du divin. L’ombre classique de Corneille et Racine et l’imagerie colorée de la mythologie grecque et latine hantent et inspirent les partitions majestueuses et solennelles du compositeur italien qui se fit français et contribua à l’essor de l’opéra au pays du Roi Soleil. Créant une musique digne d’occuper le devant de la scène et de diriger l’action, Lully transforma le ballet de cour en opéra dansé. Il souligna la prosodie de la langue française, privilégiant la déclamation et offrant à l’orchestre un rôle essentiel. Le récitatif français, aux antipodes du récitatif italien qui devait s’effacer devant l’aria, accapara soudain les moments les plus intenses de l’action, entre la déclamation chantée et l’air. Ballets élaborés, choeurs grandioses, extravagante somptuosité des décors, des costumes et des machineries qui favorisaient l’envol des Dieux ou l’apparition des monstres trahissaient sans doute les origines italiennes d’un passionné du fabuleux. Persée fut créé cinq ans avant la mort de Lully et atteint sans aucun doute l’un des pics de son art. On reconnaît sans peine, derrière le mythe inspiré des Métamorphoses d’Ovide, une excitante allégorie : Louis XIV, protégé des Dieux se retrouve en Persée, fils de Jupiter, armé par Mercure, Pluton et Minerve ! Lully le souligne d’ailleurs sans ambages dans sa dédicace. On reconnaîtra en Méduse et ses soeurs, la triple alliance contre le Roi autour du Prince d’Orange… Quant au monstre qui veut dévorer Andromède, n’est-ce pas la menaçante Espagne ? Persée apparaît rarement mais en sauveur, calme, puissant, sage et vertueux. La construction de cet opéra, nette et brillante, magnifie le héros olympien dont l’accompagnement sobre en basse continue confirme la modestie et la force tranquille. L’orchestre, d’une présence éclatante, intervient comme un personnage, décrit les événements, attise ou calme les passions. Les choeurs, éblouissants, s’insèrent avec naturel dans le dénouement du drame, suivants, peuples en actions, personnages concrets et vivants. La baguette de Christophe Rousset guide à son habitude ces jeux raffinés, tout en contrastes et rebonds, avec une redoutable intelligence du rythme et de la découpe : concision, finesse, délicatesse, magnificence, science de l’instant et du mouvement. Les interprètes, musiciens des Talens Lyriques rodés à ses périlleuses et rigoureuses exigences et les chanteurs nettement conduits, expriment librement leurs émotions dans un cadre aux contours clairs et élaborés. Tous pourraient être cités, du premier au dernier rôle, tant chacune des prestations est soignée de bout en bout. »
Opéra International – mars 2002 – appréciation : Timbre de Platine
« Une façon renouvelée d’envisager l’opéra selon Lully : sont privilégiés ici les liens organiques noués entre les brèves séquences, ainsi que la finesse des enchaînements et la mobilité des timbres et motifs musicaux…Paul Agnew confirme ses affinités expressives et ses dispositions vocales à incarner les rôles héroïques de haute-contres à la française…Anna Maria Panzarella continue à approfondir les moyens, notamment émotionnels, que requièrent les rôles tragiques chez Lully…Un orchestre finement coloré et très mobile, ainsi qu’un choeur souple et particulièrement éloquent… »
Diapason – mars 2002 – appréciation 5 / 5 – technique 8 / 10
« Régalons-nous de ces brûlantes scènes où danse, verbe, duos, trios, choeurs se confondent jusqu’au madrigal héroïque, mille fois varié mais d’un seul tenant…Aucune vedette ici, mais un ensemble cohérent et bien préparé de talents assortis. Paul Agnew a la vertu de donner un tant soit peu de relief à un héros sporadique et translucide…Anna Maria Panzarella toujours aussi savante et délicate. Les plus belles pages reviennent aux deux « méchants » Mérope, que Salomé Haller dessine avec justesse entre amertume et exaltation, et Phinée, dont Jérôme Corréas traduit en maître le parfait cynisme. Seule déconvenue, hélas de taille, l’acte de Mercure et de Méduse, chef d’oeuvre du divertissement lullyste, qui ne parvient ici ni à l’effroi ni à l’hypnose, faute de tempéraments…Christophe Rousset dirige son (petit) orchestre agile avec un naturel éclatant…Chaque geste s’inscrit dans un propos si harmonieux qu’on le remarque à peine. Chef, instruments et solistes réalisent cette complère unité du texte qu’on appelle le style…Un Persée pour contempler, s’émerveiller, pour s’étourdir… »
Paru.com
Huit ans ! Il aura fallu attendre huit ans pour voir enfin paraître un nouvel enregistrement intégral d’un opéra de ully. Depuis Phaëton, dirigé par Marc Minkowski (Erato), rien, ou si peu. Seul Hugo Reyne a su se lancer dans un projet d’envergure et à long terme (Accord-Universal). On peut donc remercier Christophe Rousset de s’être penché sur cette belle endormie, ainsi que le label Astrée d’avoir su poser ses micros lors de la reprise de ce concert de Beaune à la Cité de la Musique.
Rien pourtant n’explique ce trop long silence, car Persée n’est pas une oeuvre mineure : composée en 1682, cette tragédie lyrique est la neuvième du surintendant, et déjà la huitième collaboration entre Lully et Quinault, six ans après Atys, quatre avant Armide. L’intrigue héroïque (combat contre Méduse, affrontement avec un monstre marin envoyée par l’orgueilleuse Junon) se mêle à l’intrigue amoureuse contant les tentatives de Mérope et Céphée pour contrarier les amours de Persée et Andromède. Le somptueux texte de Quinault est servi par une musique sans cesse changeante, qui passe imperceptiblement du récitatif à l’arioso, à l’air, au duo ou au choeur. La construction de l’ensemble sait varier les climats, et l’on retrouve ici les grandes scènes du genre : les furies (les gorgones), le sommeil de l’acte III, les plaintes et lamentations de l’acte IV (sur le modèle de la pompe funèbre d’Alceste ou du Miserere), l’arrivée fracassante du monstre marin. Ici, les rôles principaux ne sont pas ceux que l’on croit. Persée, notamment, chante très peu : sa première apparition se place à l’acte II, et les actes III et IV le trouvent muet ou quasiment. L’importance se reporte donc sur Andromède, tourmentée entre sa fidélité à Céphée et son amour naissant pour Persée, mais surtout sur les jaloux Mérope et Céphée, les méchants de service, qui bénéficient des plus belles scènes. Par ailleurs, le choeur joue de manière étonnante le rôle d’un protagoniste à part entière, particulièrement à l’acte IV où il commente l’arrivée du monstre marin venant dévorer Andromède.
La réalisation est ici exemplaire. Si la prise de son ne sait pas nous replacer dans une ambiance luxueuse digne de la partition, les rôles titres ont été bien distribués. Paul Agnew, malgré une courte prestation, sait donner vaillance et nuance à son personnage. Anna Maria Panzarella sait exprimer les tourments d’Andromède, mais on retient avant tout le couple Salomé Haller-Jérôme Corréas, partagés entre la colère, la douleur et la jalousie. Le reste de la distribution est à l’avenant (malgré une Cassiope dont la ligne de chant n’est pas toujours soignée) et le choeur fait preuve d’une belle homogénéité. L’orchestre est au diapason de cette production et achève, par ses ritournelles et son soutien varié et coloré (mention particulière à la basse continue), de rendre cet enregistrement indispensable à qui veut découvrir une pièce maîtresse de l’art lyrique français. Les mêmes protagonistes auraient-ils la bonne idée d’enregistrer Cadmus et Hermione, donné en concert à la même période ?
Forum Opéra
« Quinault s’en explique dans une épître au roi placée en tête de l’ouvrage, le personnage de Persée doit être compris comme une allégorie du souverain : les éléments qui composent son équipage ? épée, talonnières, égide et bouclier ? symbolisent les vertus du monarque, soient le courage, la diligence, la prudence, l’impénétrabilité et la piété. Ses actes en reflètent la générosité et le désintéressement : Louis XIV combat pour instaurer ou rétablir la paix, sans amertume à l’égard de ses ennemis et Persée affronte les pires dangers bien qu’il sache Andromède promise à Phinée, une abnégation qui force le respect et l’admiration. Or, paradoxalement, ce fils de Jupiter, au centre de toutes les intrigues, ne se montre guère, se fait encore moins entendre et ses rares interventions sont d’une extrême sobriété, sinon d’une indigence déroutante. Le peuple éthiopien, pour lequel Lully investit le choeur d’un rôle et d’un impact dramatique nouveaux, et les amants éconduits, Mérope et Phinée, sont les vrais protagonistes du drame. Persée est une des tragédies de Quinault les mieux construites et les plus équilibrées, mêlant habilement la rivalité amoureuse et le conflit qui oppose les humains et les dieux ; cependant, Lully semble avoir négligé la figure du vainqueur de Méduse. Le traitement musico-dramatique des anti-héros que sont Mérope et Phinée les rend infiniment plus séduisants qu’Andromède ou Persée (écoutez, tout de même, leur poignant duo : » Ah ! Votre péril est extrême ! Ö Dieux ! sauvez ce que j’aime » [acte II, scène 6]), leur complexité, leur vulnérabilité même, les rapprochent du spectateur, le concernent et le troublent davantage.
Passé à la postérité pour avoir été le librettiste fécond, mais servile de Lully, Philippe Quinault s’était d’abord fait un nom dans la comédie sentimentale (L’Amant indiscret [1654], Les Coups de l’Amour et de la Fortune [1656] et son chef-d’oeuvre, La Mère coquette [1665]). Sa morale amoureuse affleure souvent dans le texte de Persée et inspire à Lully des pages admirables de simplicité et de justesse. Christophe Rousset semble d’ailleurs privilégier le drame individuel et l’expression sans cesse renouvelée de l’amour : maternel, filial, passionné, frustré, comblé, tendre, rageur et criminel. L’extrême concision et le dépouillement, la pudeur qui caractérisent la peinture des affects chez Lully, en fait tout le prix, mais aussi la fragilité : l’interprète est mis à nu et s’il n’est pas impliqué, la mélodie semblera plate et inexpressive. Lully n’a que faire de beaux gosiers si le chant n’est pas vécu de l’intérieur : contrairement au récitatif, l’air ne peut se satisfaire du style, il exige la vérité.
Christophe Rousset a réuni un plateau proche de l’idéal : Paul Agnew a l’ardeur virile et la noblesse qui siéent à Persée, partie ingrate, mais sauvée par sa présence ; Anna Maria Panzarella ne sort pas des clichés de la vierge expiatoire, plus soumise qu’éprise, mais l’imminence du sacrifice lui arrache des cris de désespoir (« Dieux ! Ö Hélas ! pourquoi me flattiez-vous d’un espoir si doux ? », acte IV, scène 5) où point la tragédienne (gageons que l’artiste se libère enfin); Monique Simon incarne à merveille la Mère, tendre et farouche, prête à en découdre avec les dieux pour défendre le fruit de ses entrailles ; Phinée ambigu et vénéneux, Jérôme Corréas rend justice à un rôle passionnant, sans doute le plus riche avec celui de Mérope. Salomé Haller y est tout simplement fabuleuse ! Tout est dit dès son premier air : » Mon vainqueur encore aujourd’hui, Ignore de mon coeur le funeste esclavage : Je mourrais de honte et de rage, Si l’ingrat connaissait l’amour que j’ai pour lui. » (acte 1, sc.2) La grâce ne se décrit pas, le mot déjà fait sourire, écoutez plutôt, oubliez un instant vos préventions sur le chant baroque, sur la manière française, ses afféteries. Sceptique ? Laissez-là évoquer « les appâts de la mort pour un coeur misérable » (acte V, sc. 6). Il faudra désormais compter avec elle.
Les nombreux ensembles qui émaillent la partition, de la fugace prière de Céphée, Cassiope et Mérope (acte I, sc. 1) aux entrelacs suaves des Gorgones (acte III), illuminés par le timbre juvénile de Cyril Auvity, en passant notamment par le duo désespéré, mais ardent de Mérope et Phinée (« Ah ! Que l’amour aurait d’attraits, s’il ne troublait jamais la douceur de ses charmes ! », acte I, sc. 4), sont tous, sans exception, admirablement servis. Homogènes et ductiles, les choeurs traduisent avec un égal bonheur la douceur exquise des suivants de la Vertu (prologue) et la douleur des Éthiopiens accablés par le sort d’Andromède (« O Ciel inexorable ! », acte IV, scène 3). En revanche, quitte à prendre ses distances avec la partition, il eut été plus judicieux de varier les effectifs des choeurs d’Éthiopiens et des choeurs de Tritons (acte IV, scène 5), signifié par les mêmes chanteurs, leur antagonisme perd toute crédibilité.
Amateurs de contrastes acérés, de vivacité rythmique, de baroque flamboyant (mais vous êtes ici en terres classiques !), passez votre chemin. Vous avez sans doute raison : les jeux Junoniens manquent d’éclat (acte I, sc. 5) et les Éthiopiens que l’histoire prétend ragaillardis ont l’épanchement timide (gigue de l’acte V). Ce Persée ne nous invite pas non plus au spectacle, les divertissements ne tiennent pas toutes leurs promesses : Laurent Slaars a de la verve, mais pas assez de mordant pour impressionner en Méduse et le Sommeil délicat de Robert Getchell a bien des charmes, mais nous tient éveillés. Les Talens lyriques rivalisent d’élégance et de finesse, tissant des atmosphères d’une beauté inouïe : comme le prélude chromatique qui introduit l’air d’Andromède, » Infortunés, qu’un monstre affreuxÖ » (acte II, sc. 5). L’orchestre semble jouer dans sa langue naturelle tant il est confondant d’aisance et de fluidité. Le goût de la finition ne verse jamais dans le maniérisme, car le soin apporté au détail s’intègre au discours en l’enrichissant. Un Lully magistral auquel la scène, les décors dessinés par Berain, les machines et les monstres manquent cruellement ! Indispensable dans toute discothèque lullyste ! »