Adriano in Siria (Hadrien en Syrie) par Giovanni Battista PERGOLESI

Adriano in Siria - frontispice

COMPOSITEUR Giovanni Battista PERGOLESI
LIBRETTISTE Pietro Metastasio
DATE DIRECTION EDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
1983 Vittorio Negri Voce italien
1990 Marcello Panni Bongiovanni 3 italien

DVD

ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR FICHE DÉTAILLÉE
2010 2011 Ottavio Dantone Opus Arte

 

Dramma per musica en trois actes, sur un livret de Pietro Metastasio (1698 – 1782), représenté le 25 octobre 1734, au Teatro San Bartolomeo de Naples, pour l’anniversaire de la reine d’Espagne, Elisabetta Farnèse, dont le fils Charles (Carlo) était monté sur le trône des Deux Siciles, le 15 mai précédent.La distribution rassemblait le castrat Gaetano Majorano, dit Caffarelli, arrivé de Venise à l’automne 1734 (Farnaspe), le ténor Francesco Tolve (Osroa), les cantatrices Caterina Fumagalli, soprano (Sabina), Giustina Turcotti (Emirena), Maria Marta Montacelli (Adriano, rôle travesti), Margherita Chimenti dite la Droghierina, soprano (Aqquiliqo).Caffarelli - caricature de GhezziL’opéra était entrecoupé par l’intermezzo Livietta e Tracollo qui eut beauccoup plus de succès que l’opéra.Du texte initial de Métastase, écrit pour Antonio Caldara (1732), qui comprenait vingt-sept airs, ne furent conservés que dix airs., auxquels dix autres et un duo furent ajoutés.Personnages : Adriano (Hadrien), empereur romain, épris d’Emirena ; Osroa, roi des Parthes, père d’Emirena ; Emirena, prisonnière d’Adriano, éprise de Farnaspe ; Sabina, épouse promise d’Adriano ; Farnaspe, prince parthe, ami et tributaire d’Osroa, époux promis d’Emirena ; Aquilio, tribun, confident d’Adriano et épris en secret de Sabina. La scène se passe à Antioche.

 

Livret en français disponible sur livretsbaroques.fr
Livret (en italien)

 

Alma Oppressa : présentation détaillée

 

Argument :

Adriano, empereur de Rome, vient de triompher d’Osroa, roi des Parthes, qui a fui sans laisser de traces. Adriano tient Emirena prisonnière, et en tombe amoureux, sans savoir que sa promise Sabine a quitté Rome pour le rejoindre à Antioche, où se déroule le drame. Les nouvelles amours de son empereur sont au goût d’Aquilio le confident, puisque celui-ci entretient une flamme secrète pour la future impératrice. Tout au long de l’opéra, il fait donc tout pour qu’Adriano n’ait qu’Emirena en tête, ce qui attire bien sûr les larmes puis les foudres de Sabina. Emirena, de son côté, vit un amour partagé avec Farnaspe, prince Parthe ami et tributaire d’Osroa. Elle se fait berner par Aquilio qui la pousse à feindre l’indifférence envers son amant dès qu’Adriano est présent. Les diverses tentatives d’assassinat qu’Osroa met en place contre Adriano sont toutes des échecs et la faute retombe toujours sur le pauvre Farnaspe. Emirena finit par désigner le vrai coupable sans se rendre compte qu’elle accuse son père. Par précaution, Adriano fait enfermer les trois Parthes en même temps. Le lieto fine est aussi précipité qu’incontournable : Adriano, déconcerté devant tant de générosité de la part de Sabina qui accepte de le laisser à Emirena, libère tous ses ennemis, pardonne à Osroa et Aquilio, et rend Emirena à Farnaspe. (Alma Oppressa)

 

Représentations :

Jesi – Festival – 10, 12 juin 2010 – Ensemble de l’Accademia Bizantina – dir. Ottavio Dantone – mise en scène Ignacio García – décors Zulima Memba del Olmo – costumes Patricia Toffolutti – lumières Ignacio Garcia et Fabrizio Gobbi – avec Marina Comparato (Adriano), Nicole Heaston (Sabina), Stefano Ferrari (Osroa), Lucia Cirillo (Emirena), Annamaria Dell’Oste (Farnaspe), Francesca Lombardi (Aquilio) – révision critique par Dale E. Monson – édition de Pendragon Press (New York) et de Casa Ricordi (Milano) – avec les intermèdes Livietta e Tracollo

Forum Opera

« L’intrigue d’Adriano in Siria pourrait être résumée comme on le fait parfois d’Andromaque – Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui aime Hector, feu son époux, et Astyanax, leur fils – ici Aquilio aime Sabina qui aime Adriano qui aime Emirena qui aime Farnaspe qui le lui rend bien. Comme chez Racine, dont Métastase s’est inspiré, un souverain – l’empereur Hadrien, celui dont Yourcenar tint le journal – désire épouser une princesse étrangère qui est sa captive malgré son engagement envers une noble Romaine, cette décision risquant d’entraîner une crise politique. Entre jalousies, mensonges, incendie, attentat, on se sonde, on se défie Mais alors que Pyrrhus finit mal, Adriano revient à la raison ; sublimant ses passions, il rentre dans son devoir et, tel un nouvel Auguste, rend la liberté à ses ennemis qui chantent ses louanges. Evidemment, pour en arriver là, on passe par l’exposition détaillée et répétée – airs da capo – des états d’âme contradictoires et donc douloureux d’êtres ballottés par leurs sentiments au gré des péripéties. Cela implique des moments assez longs et nombreux où l’action est suspendue. Cette pierre d’achoppement des metteurs en scène, Ignacio Garcia ne l’enjambe que rarement. Sans doute joue-t-il de malchance, après le spectacle si plein de vie signé par Michel Znaniecki quelques jours avant (cf. notre compte-rendu). Certaines idées sont plus séduisantes que pertinentes, comme l’oiseau en cage ou le fauconnier lâchant et rappelant son oiseau dans le théâtre, et le statisme finit par peser aussi lourd que le fond de scène uniformément noir. Il est vrai que ce dernier parti pris, conjugué au décor sobre et suggestif de Zulma Memba del Olmo et aux lumières signées Ignacio Garcia et Fabrizio Gobbi, met en valeur les costumes assez sobres et pour la plupart élégants de Patricia Toffolutti. On espérait atteindre, dans l’inépuisable veine mélodique et expressive dont Pergolesi anime ces effusions et broderies sentimentales, une béatitude d’autant plus grande que renouvelée par les da capo. Si les reprises sont exécutées très largement dans les règles de l’art, avec beaucoup de soin et de recherche pour les varier au maximum sans perdre de vue le style – Ottavio Dantone y a sûrement veillé – le nirvâna s’est dérobé. Malgré le talent des interprètes, dont nous avons admiré la musicalité, la virtuosité vocale, bien que remarquable, ne nous a ni ébloui ni subjugué. Le Farnaspe d’Annamaria Dell’Oste ne manque pas d’atouts, la souplesse, l’agilité, l’extension, quand la voix est chaude et que l’extrême aigu a perdu une stridence légère dans le forte, tout cela est satisfaisant mais dans le rôle chanté par Caffarelli on voudrait plus de mordant, plus d’éclat, en somme on attend une performance qui ne vient pas. Lucia Cirillo est une touchante Emirena, elle aussi digne d’éloges, tout comme l’Adriano très nuancé de Marina Comparato. De Sabina, Nicole Heaston restitue la complexité grâce à sa voix chaude, ferme et souple qui se colore sans cesse au fil des affects. Dans le rôle d’Aquilio , secondaire par le nombre de ses airs mais important comme facteur d’intrigue, Francesca Lombardi apparaît pleine de promesses, avec une voix charnue et une belle présence. Seul Stefano Ferrari semble peu à l’aise dans le rôle du roi parthe Osroa, qui réclame du mordant, de la fermeté jusque dans les graves et une étendue dans l’aigu susceptible de mettre en péril .la justesse.Bref, une – relative – déception, que les intermezzi ont su faire momentanément oublier (qu’il s’agisse ou non d’ailleurs de leur fonction). En passant de Venise à Naples, ni le genre ni les personnages ne perdent de leur caractère. Intrigue apparemment simpliste, travestissement burlesque, roueries et allusions triviales, voire obscènes, rien ne manque à Livietta et Tracollo. Bien décidée à se venger de Tracollo, la crapule qui pour le voler a failli tuer son frère, Livietta se déguise en spadassin français. Avec l’aide d’une complice, elle réussit par une ruse à démasquer le malfaiteur. Ses supplications n’y changeront rien : il est promis à la prison et à la potence. Ainsi finit le premier intermède. Après le deuxième acte d’Adriano in Siria, voici le second. Tracollo a échappé à la peine capitale en feignant d’être fou. Déguisé en astrologue il cherche des pigeons. Mais Livietta le reconnaît et prétend le faire arrêter. Alors que Tracollo se demande comment se débarrasser de cette enragée, elle feint d’être morte. Il commence par se réjouir, puis s’attriste, enfin se lamente. Alors elle reprend vie ; il jure de changer de vie et ils se promettent amour et fidélité. Ce résumé ne peut évidemment pas donner la moindre idée de la saveur de cet entremets. Manifestement plus inspiré que par l’opéra seria, Ignacio Garcia tire tout le parti possible de l’espace disponible, l’avant-scène devant le rideau, des praticables en bord de fosse, des escaliers qui y descendent et même de l’allée centrale du parterre par laquelle Tracollo et son acolyte font une entrée des plus spectaculaires, le second en Sparafucile balafré et bossu qui essaie de rouler des mécaniques, le premier en souillon obèse berçant un poupon et cachant mal sa barbe derrière un voile. Dans la lumière a giorno du théâtre, la fantaisie des costumes colorés de Patricia Toffolutti ajoute au plaisir. Même le mur en ruine du décor de l’opera seria joue son rôle : Tracollo y prélève un crâne à qu’il interroge. Inutile de dire l’impact de cet effet référentiel ! Dans la peau de ces ennemis qui finissent par s’aimer – mais la quête de Livietta était – elle seulement, et vraiment guidée par l’esprit de famille ? – on applaudit deux interprètes vraiment excellents, par leur abattage vocal et scénique. Tant Monica Bacelli que Carlo Lepore se montrent ébouriffants, de drôlerie, de justesse, d’à propos : donner une telle impression de vie et de naturel, c’est vraiment du grand art ! D’autant que les parties ne sont en rien faciles, Pergolesi n’a pas écrit de la musique au rabais, bien au contraire, et son raffinement malicieux – le rythme chaloupé de l’entrée de Livietta, la déploration de Tracollo – est évidemment à la source de cette vie théâtrale. Comment alors saluer suffisamment la part que prend l’ Accademia Bizantina dans la réussite de cette soirée ? De l’ouverture au chœur final d’Adriano in Siria, comme de l’air initial au duo final dans les intermèdes, c’est non seulement une qualité continue et un juste équilibre sonores, mais aussi une infinie variété de rythmes et d’accents, avec un dosage des intensités qui crée des contrastes expressifs mais sans brutalité, des couleurs et un legato qui font qu’en définitive cet orchestre parle et chante. Grâces soient rendues à Ottavio Dantone pour son exigence, dont les fruits sont si précieux. »

Beaune – Basilique Notre-Dame – 19 juillet 2008 – Accademia Bizantina – dir. Ottavio Dantone – avec Olga Pasichnyk (Farnaspe), Marina Comparato (Adriano), Lucia Cirillo (Emirena), Stefano Ferrari (Osroa), Maria Grazia Schiavo (Sabina), Francesca Lombardi (Aquilio) – première nationale – nouvelle coproduction avec Festival de Iesi

 

Jesi – Fondazione Pergolesi Spontini – 7, 9 septembre 2007 – Accademia Bizantina – dir. Ottavio Dantone – mise en scène Ignacio García – décors, costumes Zulima Memba del Olmo – lumières Ignacio Garcia, Fabrizio Gobbi – avec Olga Pasichnyk (Farnaspe), Marina Comparato (Adriano), Lucia Cirillo (Emirena), Francesca Lombardi (Aquilio), Nicole Heaston (Sabina), Carlo Vincenzo Allemano (Osroa) – nouvelle production

Mai Musical Florentin – 14, 16, 18 juin 1985 – dir. Marcello Panni – mise en scène Roberto De Simone – décors Mauro Carosi – costumes Odette Nicoletti – avec Eleonora Jankovic (Adriano), Daniela Dessi (Sabina), Ezio Di Cesare (Osroa), Gasdia, Sandra Browne (Emirena), Mariella Devia (Farnaspe) – partition originale napolitaine

 

Opéra International – septembre 1985

« La mise en scène de Simone avait le double mérite d’essayer de retrouver les clefs de lecture perdues d’un siècle encore mal connu, tout en respectant le goût contemporain. Il s’est ainsi rangé du côté de Pizzi… »

Forum Opéra

« Après la reprise de Radio France en 1980, Adriano fut exécuté selon l’édition critique de Dale Monson, reflétant étroitement la version originale napolitaine (utilisée également à Jesi) au Teatro della Pergola de Florence, lors du mois de juin 1985, dans le cadre du festival du « Maggio Musicale Fiorentino ». On avait alors intercalé entre les actes d’Adriano, l’intermezzo Livietta e Tracollo qui, à la création, avait recueilli plus de succès que l’opéra « principal », comme ce fut le cas de la fameuse Serva padrona, destinée à survivre à l’« opera seria » Il Prigionier superbo.L’impressionnante liste de compositions (vint-cinq opéras ! (1)) habillant le même texte de l’inépuisable Pietro Metastasio ne doit pas laisser penser que l’opération se faisait automatiquement et sans discernement. En effet, la version de Pergolèse eut beau suivre de deux années seulement la première mise en musique (par Antonio Caldara, à Vienne en 1732), on procéda néanmoins à de nombreux aménagements. On coupa dans les récitatifs… et du reste on n’ose penser à ce que devait représenter la durée du premier acte pourtant ici ramenée à 1h.24 mn. ! Les vingt-sept airs furent réduits à vingt, et un duo au troisième acte vint remplacer deux de ces airs. La moitié des airs et morceaux d’ensemble utilisent un texte nouveau et en particulier les trois airs de Farnaspe, refaits entièrement (2). Il faut préciser que l’interprète devait en être le prestigieux castrat Gaetano Majorano, plus connu sous les surnoms de Caffarelli ou Cafariello. Son étonnante virtuosité fut servie par le compositeur qui lui concocta des airs avec de redoutables sauts vers l’aigu mais dont ce phénomène de Cafariello devait se jouer.Dans cet opéra présentant pratiquement une succession d’airs, Pergolesi réussit à varier rythmes et mélodies et son élégance chaleureuse fait comprendre l’annonce de la grâce et du charme belliniens que divers commentateurs ont voulu y voir. L’audition échappe donc à la monotonie, malgré une prépondérance de voix féminines (cinq sur six !) et une certaine similitude de timbres, comme on le verra plus loin. De plus, une surprise attend l’auditeur à la fin du premier acte, au bout d’une heure et vingt-quatre minutes : le hautbois prélude longuement, charmant l’auditeur n’ayant entendu jusque là aucun instrument surnager sur les cordes raides (pour ne pas dire aigres). C’est précisément Farnaspe, le personnage interprété par Cafariello, qui chante et l’instrument soliste ponctue ses dires, lui répond, l’accompagne. Inspiration subite ou particulière de Pergolesi, et notamment à cause des paroles, faisant allusion au rossignol captif trouvant la force de chanter encore si sa compagne répond à sa plainte ? Ou est-ce plutôt la volonté de terminer différemment l’acte, préfigurant les merveilleux finales à venir de l’opéra italien ? Le rythme est posé et lent mais doucement lancinant, pour ainsi dire, comme la douleur du personnage-rossignol s’exhalant dans la plainte que l’on entend. Probablement conscient de son effet, et bien avant que la notion de finale, magnifiée par les Romantiques, apparaisse, Pergolesi confie au même personnage l’air terminant l’acte suivant (d’une durée de quarante-cinq minutes seulement). Cette fois l’air comporte forces vocalises avec sauts dans le suraigu mettant à mal les possibilités de l’interprète. Une autre heureuse surprise nous attend avec ces deux duos permettant enfin aux voix de se mêler harmonieusement, c’est le cas de le dire. Bienvenu également est le bref ensemble final, couronnant un peu rapidement le plus bref acte troisième (35 minutes).Outre le charme particulier de l’inspiration de Pergolesi, il arrive que l’on découvre au détour d’un air, comment dire ?… certains accords à l’étrange élégance moderne, c’est-à-dire des tonalités créatrices d’atmosphères, de brefs instants musicaux, ou des impressions que l’on retrouve dans la musique d’opéra du XIXe siècle, sous la plume de dignes successeurs-magiciens nommés Bellini, précisément, mais aussi Donizetti et Verdi.Dans cette galerie de personnages ultra-travestis (le rôle du castrat est repris par un soprano !), on peine parfois à distinguer qui chante quoi. Les timbres pulpeux des mezzo-sopranos (Marina Comparato et Lucia Cirillo) se ressemblent et ressemblent même par moments à ceux, pourtant plus frais ou fruités des sopranos (Nicole Heaston ou Francesca Lombardi). Il est vrai que le troisième soprano, Olga Pasichnyk, se reconnaît par les sauts périlleux vers le suraigu que le bon Pergolesi avait prévu pour Cafariello.L’unique voix masculine de la distribution est celle du ténor Carlo Allemano au timbre « blanc » mais sombre (ce n’est pas une opposition en matière de voix !) et dont on coupe même un air (au troisième acte). Sans revenir sur la « verdeur » des instruments de l’« Accademia Bizantina », on peut souligner la belle continuité entre récitatifs et airs probablement due au fait que le chef Ottavio Dantone était « Maestro al cembalo », selon l’expression consacrée, c’est-à-dire claveciniste-chef d’orchestre. Il expliqua du reste par téléphone combien il appréciait cette manière de vivre l’opéra de l’intérieur… »

Radio-France – 2 février 1980 – avec Bruce Brewer (Farnaspe) – édition critique de dale Monson