COMPOSITEUR | Jean-Joseph Cassanéa de MONDONVILLE |
LIBRETTISTE | Charles-Antoine le Clerc de la Bruère / Jean-Baptiste Collet de Messine / Claude-Henri de Fusée de Voisenon |
DATE | DIRECTION | ÉDITEUR | NOMBRE | LANGUE | FICHE DÉTAILLÉE |
1997 | Christophe Rousset | Decca | 3 | français |
Ballet héroïque comportant trois entrées ayant chacun une histoire indépendante et un librettiste différent.
Vénus et Adonis, représenté la première fois au château de Bellevue, le 27 avril 1752 ; Bacchus et Érigone, représenté la première fois au Théâtre des Petits Cabinets de Madame de Pompadour, à Versailles, le 13 (ou le 15) mars 1747 ; L’Amour et Psyché, créé pour l’occasion sur un livret de l’abbé Voisenon.
Les deux premières entrées sont issues de deux opéras en un acte écrits antérieurement pour Madame de Pompadour, auxquels fut ajouté L’Amour et Psyché. Les trois entrées sont reliées par le fil ténu des aventures amoureuses de trois divinité de Paphos, ville située dans l’île de Chypre, ainsi que le présente le prologue : Vénus, Bacchus et l’Amour, pour égayer leur loisir dans l’île de Paphos, résolurent de célébrer leurs premières amours dans un séjour si agréable.
Charles Collé critiqua les textes des entrées : les paroles du 1er acte sont stupides, c’est un prodige d’imbécillité… le second acte est bien écrit et très-lyriquement ; mais le fond en est froid, peu naturel, et mal tissu…. le style du 3e acte est bien inférieur à celui de Bacchus et Érigone, mais il est plein de situations et de chaleur théâtrale ; aussi a-t-il fait, en dépit de la musique qui ne vaut rien, à ce qu’ils disent, le plus grand effet.
La première représentation des Fêtes de Paphos eut lieu à l’Académie royale de musique, le 9 mai 1758, avec une distribution réunissant : Gélin (Mars), Mlle Chevallier (ou Marie-Jeanne Fesch ?) (Vénus), François Poirier (Adonis), Marie-Jeanne Lemière (Aglaé), Muguet (une Voix) dans Vénus et Adonis, Marie Fel (Érigone), Henri Larrivée (Bacchus), Jean-Pierre Pillot (Mercure), Person (Comus) dans Bacchus et Érigone, Mlle Arnould (Psyché), Nicolas Gélin (Tisiphone), Mlle Lemière (l’Amour), Mlle Davaux (Vénus) dans L’Amour et Psyché.
Les ballets étaient les suivants :
dans Vénus et Adonis : Chasseurs et Chasseuses (Lyonnois et Mlle Lyonnois, Mlle Carville) ; Grâces (Mlles Coupé, Marquise et Chevrié), Plaisirs et Jeux (Mlle Lany) ; dans Bacchus et Érigone : Sylvains (Lany, Hyacinthe et Dubois), Prêtres de la Suite de Bacchus (Vestris), Bacchantes (Mlles Mescaar et Asselin) ; Nymphes de la Suite d’Érigone (Mlle Vestris), un Plaisir (Laval) ; dans L’Amour et Psyché : L’Inconstance (Lany), Suite de l’Inconstance, Démons (Laval) ; Grâces (Mlles Couppé, Marquise et Chevrié), Plaisirs et Jeux, Pas de Trois (Mlle Puvigné (Psyché), Mlle Lyonnois (Euménide), Mlle Demiré (un Amour)).
Il y eut vingt-neuf représentations, jusqu’au 18 juillet. Le Mercure nota de L’Amour et Psyché : C’est celui qui a le plus réussi ; il est aussi le mieux fait et le plus intéressant. Au goût de tous les connaisseurs, il est rendu avec autant de force et d’agrément de la part du musicien, que de celui du poète.
C’est d’ailleurs le troisième acte qui fit l’objet d’une parodie intitulée Les Amours de Psyché, mais qui n’eut pas de succès.
Sophie Arnould, alors âgée de dix-huit ans, obtint un triomphe dans le rôle de Psyché. Touchard-Lafosse écrivit : Une étoile est née ce soir, elle a un nom, Sophie Arnould. Sa voix de soprano se prête aux accents les plus doux. Elle n�interprète pas Psyché, elle est Psyché. Elle ne se contente pas d�avoir la plus belle voix de soprano, capable d�émouvoir toute la capitale, elle a aussi le sens de la vérité dramatique. Quand elle implore son père, son chant répond à l�intimité de son âme et quand elle découvre que le monstre cruel est l�amour, la vérité des accents de sa voix laisse chacun dans une exaltation sans nom. Ce n�est pas seulement une chanteuse qui est née, mais une actrice, c�est cette qualité supplémentaire qui fera que mademoiselle Arnould ne sera pas une étoile filante.
L’Amour et Psyché fut repris le 24 juin 1760, dans le cadre de Fragments composés d’un Prologue, d’ Æglé et de l’Amour et Psyché.
Livret des Fragments de 1760 disponible sur livretsbaroques.fr
La même entrée fut également reprise le 21 octobre 1762, à Fontainebleau, devant le roi, avec une distribution réunissant Sophie Arnould (Psyché), Gelin (Tisiphone), Mlle Lemiere (l’Amour), Dubois l’Aînée (Vénus).
Livret de L’Amour et Psyché (1762) disponible sur livretsbaroques.fr
L’Ouverture des Fêtes de Paphos fut transcrite pour orgue par Balbastre, qui la joua plusieurs fois au Concert Spirituel.
La BNF conserve un exemplaire de l’édition de 1758 par Veuve Delormel et Fils, sans le prologue.
Synopsis
Acte I : Vénus et Adonis
Une forêt
Mars congédie ses guerriers qui se retirent. Il savoure la vengeance que lui a promise Diane : un monstre va tuer Adonis qu’aime Vénus. On entend les échos d’une chasse. Adonis apparaît, et appelle les chasseurs à tuer le monstre qui trouble la paix de la forêt. Vénus tente de l’arrêter en lui présentant le danger, mais Adonis est sûr de vaincre. vénbus confie son inquiétude à Aglaé. On entend le bruit d’une lutte, puis le choeur qui se lamente : Malheureux Adonis ! Vénus, épouvantée, voit Adonis mourant. Adonis meurt dans les bras de Vénus. En souvenir de leur amour, Vénus métamorphose Adonis en Anémone. Mars survient et annonce à Vénus que c’est lui qui a causé la mort d’Adonis. Vénus réplique qu’elle ne l’oubliera jamais. Mars est prêt à piétiner l’Anémone quand l’obscurité se fait, dans un bruit de tonnerre. Jupiter admoneste Mars qui n’en tien aucun compte, et arrache la fleur. Jupiter fait alors renaître Adonis et la lumière revient. Mars se radoucit, Vénus lui pardonne. Mars reporte sa vengeance sur la Terre où il compte apporter la Guerre. Adonis et Vénus peuvent à nouveau s’aimer. Vénus convie sa suite, Grâces, Plaisirs et Jeux, dans le jardin de Flore. Ballet.
Acte II : Bacchus et Érigone
Dans un bocage, près du palais d’Érigone
Érigone se lamente : Bacchus ne lui rend pas l’amour qu’elle lui porte. Mecure vient la rassurer : Jupiter souhaite son mariage avec Bacchus. Il lui consielle de séduite Bacchus en réunissant les Plaisirs. On entend les Sylvains approcher pour célébrer Bacchus. Mercure veut rester seul avec ce dernier. Bacchus arrive sur un char tiré par les Sylvains. Comus et les Plaisirs l’accueillent. Mais Bacchus ne cherche que le repos. Bacchus confie à Mercure que sa gloire ne le satisfait pas. Mercure et Comus vantent les mérites d’une enchanteresse dont on aperçoit le palais. Érigone apparaît, richement parée et accompagnée de ses Nymphes. Bacchus s’enflamme pour celle qui a les charmes de Vénus et les traits de l’Amour. Érigone est celle que Bacchus recherchait pour connaître le bonheur. Bacchus appelle Ménades et Sylvains à célébrer le triomphe de l’Amour. Ballet.
Acte III : l’Amour et Psyché
D’un côté, le palais de l’Inconstance, de l’autre des rochers, dans le fond, la mer
Psyché est sous le coup de la vengeance de Vénus, car elle est trop belle et plaît à l’Amour. Tisiphone entreprend de lui montrer qu’Amour la trompe. Amour, seul, veut être fidèle à Psyché, et affronter la vengeance de Vénus. Tisiphone a emmené Psyché sur un vaisseau, pour l’effrayer. Comme Psyché résiste, Tisiphone invoque Neptune. Une tempête se lève et l’obscurité se fait. Le vaisseau se brise, Psyché se sauve sur un rocher, suivie par Tisiphone. Amour apparaît et fait cesser la tempête. Tisiphone menace à nouveau Psyché qui est précipitée à la mer. Amour décide de la suivre aux Enfers.
Aux Enfers, dans l’obscurité
Tisiphone et les démons tourmentent Psyché qui se lamente. Une troupe de Furies vient ajouter à son tourment. Psyché appelle Amour au secours. Tisiphone la touche de sa baguette pour lui faire perdre sa beauté. Psyché s’effraye de la réaction de l’Amour quand il la verra. Amour apparaît, mais ne voit pas les traits de Psyché dans l’obscurité. Il fait revenir la lumière. Psyché se croit perdue et tombe évanouie. Pourtant son pouvoir de séduction sur Amour n’en est pas diminué.
Le palais de Vénus
Vénus, environnée des Grâces et de sa Suite, assure Psyché qu’elle ne doit plus craindre sa vengeance. Elle va retrouver sa beauté et s’unir à Amour en devenant immortelle. La suite de Vénus célébre le bonheur de l’amour. Ballet.
« Ballet héroïque, en trois actes précédés d’un Prologue, donné pour la premiere fois par l’Académie Royale de Musique, le 9 Mai 1758. C’est le 173e de nos opéras ; les paroles en sont des différens auteurs, & la musique de M. Mondonville. Le Prologue (qui fut supprimé après quelques représentations à cause que le spectacle devenait trop long pour l’Eté) offre l’exposition du sujet & justifie le lieu de la scène : Vénus, Bacchus & l’Amour, que l’ennui gagne jusque dans Paphos, se proposent d’y célébrer leurs premiers feux. En conséquence les Amours de Vénus et d’Adonis, dont les paroles sont de Collet, remplissent le premier Acte du Ballet ; celles de Bacchus et d’Erigone (Voyez Erigone), le second ; & Psyché poursuivie par une Furie, & rendue enfin à l’Amour, est le sujet du troisième, qui a été parodié au Théâtre Italien sous le titre des Amours de Psyché. » (de Léris – Dictionnaire des Théâtres)
« Le « ballet héroïque » Les Fêtes de Paphos, est formé de trois actes autonomes (Vénus et Adonis, Bacchus et Erigone et L’Amour et Psyché), composés respectivement en 1752, en 1747 et en 1758, mais reliés a posteriori par une thématique bien générale : l’amour qu’illustre le titre générique, Les Fêtes de Paphos. Cet ouvrage est du pur divertissement, qui vise plus à donner du plaisir qu’à émouvoir (au sens baroque). Niant presque toute préoccupation dramatique, il magnifie et assume joyeusement sa propre futilité. C’est le modèle d’un art décoratif.
Dans leur substance, Les Fêtes de Paphos font permanente référence aux ouvrages lyriques de Jean-Philippe Rameau. Mais cette empathie ramiste n’est ni un point aveugle, ni un paradigme paralysant, mais un référent universel et indépassable. Le domaine où Mondonville se distingue de Rameau, c’est l’usage des instruments : sa pensée (et pas seulement sa réalisation), est orchestrale. Instrumenter n’est plus seulement colorer, mais permettre aux timbres instrumentaux de structurer l’espace scriptural et acoustique. Rien d’étonnant à cela: Mondonville est l’un des inventeurs de l’orchestre « symphonique » français. » (Opéra International – juillet 1997)
« La série de concerts organisée l’an passé par le Centre de musique baroque de Versailles a remis à l’honneur un compositeur oublié. Mondonville fut pourtant célèbre son temps, puisque sa pastorale héroïque Titon et l’Aurore devint, lors de la Querelle de Bouffons en 1752, l’étendard des partisans de la musique française face aux zélateurs de l’opéra italien. Il fut peu à peu oublié, voire déconsidéré, au siècle suivant. Félix Clément, dans les Musiciens célèbres (1868), le présente comme « dépourvu de génie, (…) doué de plus d’activité que d’inspiration » et auteur d' »oeuvres médiocres ». Plus juste, Edmond Lemaître, auteur du texte de présentation français, vante l’imagination et la sûreté technique de Mondonville sans nier que « la légèreté est la caractéristique dominante » des Fêtes de Paphos. Graham Sadler, son homologue anglais, assure que Mondonville aurait été un compositeur de cinéma.
Ces commentaires donnent une image assez exacte de ces Fêtes de Paphos, à vrai dire bien inégales et essentiellement divertissantes. Assoupi depuis plus de deux siècles, ce ballet héroïque a été réveillé en juin dernier à Versailles et aussitôt enregistré. Il se compose de trois actes indépendants, n’était un unanime triomphe de l’amour concluant chaque partie. Le deuxième acte, Bacchus et Erigone, a d’ailleurs été composé avant les deux autres, en 1747. Puis sont venus Vénus et Adonis, l’actuel premier acte, on 1752, et I ‘Amour et Psyché, le troisième, en 1758.
Mondonville arrange quelque peu ces trois musiques et les fait précéder par un prologue, disparu depuis. Si l’ouvrage intégral ne fut jamais repris jusqu’à nos jours, les trois actes séparés ont connu diverses fortunes. Paradoxalement, le plus goûté était le deuxième, pourtant le plus faible, proche de l’insignifiance à force de futilité. Le premier renferme en revanche une étourdissante ouverture, typique de son auteur, par ailleurs, violoniste virtuose : une humeur contrastée. de trépignants crescendos, des fusées de doubles croches aux violons, de nombreuses notes répétées (à la Rameau). Le langoureux air de Vénus « Laissons de mon amour » introduit par les bassons mérite aussi, malgré sa brièveté, d’être sorti de l’oubli. » (Le Monde de la Musique – juillet/août 1997)
Représentations :
Versailles – 11 juin 1996 – Journées Mondonville – version de concert – Choeur de Chambre Accentus (dir. Laurence Équilbey) – Les Talens Lyriques – dir. Christophe Rousset – avec Agnès Mellon (Psyché), Véronique Gens (Vénus, Vénus), Jean-Paul Fouchécourt (Adonis, Mercure, Olivier Lallouette (Mars, Bacchus, , Sandrine Piau (Aglae, Érigone, Amour), James Oxley (une Voix), Peter Harvey (Comus, Tisiphone)
« Dans ce registre, Mondonville montre un savoir-faire qui est la marque d’un vrai homme de théâtre. sans doute l »intérêt fléchit-il un brin à l’acte II, mais la musique se refait une santé à l’acte III, où l’auteur joue en expert du décor scénique, attentif au bonheur du chant comme aux enjeux d el’action dramatique » (Diapason – septembre 1996)
« Le plateau de solistes a été dominé par Véronique Gens (sa grande classe pâtissant toutefois d’un certain, et inhabituel, manque d’engagement), et surtout par Agnès Mellon. Grâce à une déclamation aussi précise que sincère, et à une présence dramatique simple et jamais affectée, elle a toujours été bouleversante, donnant une gravité émotionnelle à une musique par trop légère. Se sont également distingués Jean-Paul Fouchécourt, Sandrine Piau, ainsi que les barytons Olivier Lallouette et Peter Harvey. Sans doute défavorisé par la fort sèche acoustique de la fosse de l’Opéra Gabriel, l’orchestre Les Talens Lyriques n’a pas brillé par son homogénéité et par sa justesse. » (Opéra International – septembre 1996)