COMPOSITEUR | Jean-Baptiste LULLY |
LIBRETTISTE | Isaac de Bensérade |
Ballet à seize entrées, en deux parties (LWV 14), sur un livret d’Isaac de Bensérade et de Francesco Buti. Musique de Jean-Baptiste Lully, en collaboration avec Beauchamp et Dolivet pour les airs de danse.
Il fut dansé dans la Galerie du Louvre, le 19 février 1661 (avec le Roi dans les rôles d’un grand amoureux, de Jupiter et d’un chevalier), et les 22 et 26 février 1661. Les représentations furent interrompues par la mort de Mazarin le 9 mars 1661.
La distribution réunissait, pour le Prologue, le castrat soprano Rivani (Amour), la signora Anna Bergerotti (La Constance), le castrat Giuseppe Melone (La Prudence), le castrat Francesco Maria (dit Filippo) Melani (L’Humilité), le castrat Zannetto (La Fidélité), Augustino (L’Amoureux riche), Bordigone (La Vérité), Taillavacca (Le Vieux), le castrat contralto Piccinni (Le Dédain), Assalone (L’Amour sensuel), le castrat Atto Melani (L’Amour capricieux), le castrat Giuseppe Chiarini (L’Amour jaloux), c’est à dire la troupe qui avait participé à la représentation du Xerse de Cavalli en novembre 1660.
On retrouva Anna Bergerotti (l’Impatience), Rivani (Amour) et Melani (la Patience) dans l’épilogue, accompagné d’un choeur d’amoureux. Le Roi y interpréta un Grand amoureux.
Patin note dans une lettre du 18 février : Le roi a répété par deux fois son ballet pour le danser devant la reine d’Angleterre.
Le 6 février précédent, un incendie – peut-être intentionnel (*) – s’était déclaré dans la galerie des Peintures, détruisant le décor préparé par Carlo Vigarani. La galerie fut consumée, et on eut beaucoup de peine à sauver les chambres de la reine et du roi, ce que Loret raconta en vers, le 12 février :
Dimanche, un feu prompt et mutin, Sur les neuf heures du matin, Se prit à la maison royale, Dans cette galerie ou salle, Où l’on prétendait, à peu près, Danser ballet dix jours après ; Et telle fut sa violence, Que malgré toute diligence, Pour détourner l’embrasement, Ce magnifique bâtiment Qu’on nomme salle des Peintures, Devint d’effroyables masures ; Et ce lieu charmant qui, jadis, nes yeux était le paradis, Parut lors un affreux image, Le feu poussait plus loin sa rage : Mais, par grande dévotion, Dans cette désolation, On y porta la sainte hostie, Par qui fut la flamme amortie; Le vent changeant en un moment, Cela sauva visiblement Les chambres du roi, de la reine, De cette incendie inhumaine. Après cet effet merveilleux, Ou bien plutot miraculeux, Le roi, Monsieur, les reines mêmes, Avec des tendresses extrêmes De reconnaissance et d’amour, Et tous les princes de la cour, Ducs, marquis, maréchaux de France, Et prélats de haute importance, Conduisirent dévotement L’adorable Saint-Sacrement, Jusqu’au lieu de son tabernacle, Touché du précédent miracle, Auquel ils avaient grande foi, Sur tous les reines et le roi, Dont les ames très éclairées, Et de vices bien épurées, Savent discerner comme il faut Les Assistances du Très-Haut. Outre un secours si manifeste De la protection céleste, Quantité de fort bonne gens Se montrèrent très diligents D’empêcher de tout leur possible, Les progrès de ce feu terrible….
(*) Touchard-Lafosse, dans ses « Chroniques secrètes et galantes de l’Opéra », n’hésite pas à attribuer l’incendie aux Jésuites : « la jeune reine Marie-Thérèse, après avoir dansé sur le théâtre des Tuileries, avait été longuement réprimandée, par son confesseur, pour le plaisir qu’elle y avait pris; elle promit au père de ne pas figurer dans le ballet du Louvre. Mais elle se faisait une grande joie d’assister au spectacle ; nouveau veto de la part du sévère directeur : « Ces convoitises, » lui dit-il, sont toutes diaboliques. » En ceci, malgré son éloquence, l’bomme de Dieu ne put triompher ; or, il était jésuite, et ses pareils ne passent pas aisément condamnation sur quelque point que ce soit. Ne pouvant anéantir le désir qu’il avait combattu, il lui reslait un moyen bien simple, c’était d’anéantir le spectacle : quelques étincelles, tombées sur la belle décoration , la réduisirent en cendres. Avec elle brûlèrent les portraits de nos rois, peints par Janet et Probus, et le beau plafond de la galerie, chef-d’oeuvre de Fréminet. Le cardinal, déjà très malade, se fit emporter sur les bras de ses gardes, tandis que le roi et les deux reines, dont l’éminence moribonde s’inquiétait fort peu, regagnaient leurs appartements à la grâce de Dieu. En ce moment, on aurait pu voir le moine directeur se glisser, comme un noir fantôme, le long des murs du Louvre en se disant: « Ignace, mon vénéré patron, nous aurons encore raison cette fois-ci ; car demain je prêcherai sur le texte de cet incendie ordonné par Dieu lui-même pour avertir le cardinal qu’il n’approuve ni les jeux profanes du théâtre, ni les folles dépenses qu’ils occasionnent. . . » Et lorsqu’il achevait de prononcer ces paroles un reflet de l’incendie éclairait sur son visage un sourire dont se fût enorgueilli Satan. »
Le prologue et l’épilogue en italien pourraient avoir été écrits par Francesco Buti (paroles) et Pier Francesco Cavalli (musique).
La Bibliothèque nationale de France conserve une copie de la partition recueillie par Philidor l’Aîné en 1690.
Synopsis détaillé
Première partie
L’Impatience, universellement blâmée, recherche à se réhabiliter par un Ballet
Prologue : Récit italien (L’Amour enseigne la Patience).
Entrée 1 – un Grand amoureux (joué par le Roi) donne une sérénade à sa maîtresse (Sommes nous pas trop heureux).
Entrée 2 – deux Alchimistes se disputent après avoir ouvert trop tôt leur fourneau et éventé leurs produits
Entrée 3 – deux maîtres à danser s’impatientent en montrant la Courante à des Moscovites et deds Croates
Entrée 4 – deux Plaideurs pressent leurs Procureurs de terminer leurs procès
Seconde partie
Récit de l’Impatience (Courons où tendent nos désirs) chantée par Mlle de la Barre, accompagnée de quatre théorbes et quatre violons.
Entrée 1 : six Portefaix impatients de se décharger de leur fardeau le jettent à terre, d’où sortent six Nains impatients
Entrée 2 – des Oiseleurs à la chouette s’impatientent que celle-ci n’ait pas fait venir d’oiseaux
Entrée 3 – deux jeunes débauchés, impatients de la succession de leur père, fouillent dans se scoffres. Ce dernier les chasse de chez lui.
Entrée 4 – Jupiter (joué par le Roi), impatient de jouir de ses amours, trompe Caliste sous l’habit de Diane
Troisième partie
Récit crotesque : un maître d’école fait chanter par ses écoliers les louanges du tabac
Entrée 1 – des Gourmands, impatients de manger, se brûlent et font force grimaces
Entrée 2 – des Créanciers impatients saisissent les meubles de leurs débiteurs
Entrée 3 – huit Chevaliers (dont un joué par le Roi et un autre par Lully) impatients de rivaliser d’adresse à la danse, dansent sans attendre la cadence
Entrée 4 – deux marchands Mores consultent des Bohémiennes sur l’arrivée de leurs vaisseaux
Quatrième partie
Récit de la Loterie, chanté par Mlle Hilaire (Venez vous ranger sous mes lois).
Entrée 1 – des Suisses servis par des Florentins, impatients de boire, se jettent dans un tonneau de vin
Entrée 2 – des filles attendent impatiemment leurs Galants
Entrée3 – dix Aveugles (dont Lully), impatients de sortir, n’attendent pas leur conducteur, se cognent les uns dans les autres et se battent
Entrée 4 – deux Amants impatients (Pluton et Borée) enlèvent leurs maîtresses (Proserpine et Orithie)
Epilogue
La Patience et l’Impatience essayent chacune de convaincre l’Amour. Celui-ci les met d’accord : les deux sont nécessaires
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