COMPOSITEUR | Pierre BEAUCHAMP(S) et Jean-Baptiste LULLY |
LIBRETTISTE | Molière |
Première comédie-ballet de Molière, représentée au château de Vaux-le-Vicomte, résidence de Nicolas Fouquet, durant les Grandes Fêtes de Vaux, le 17 août 1661, données par ce dernier en l’honneur du Roi.
« On représenta pour la première fois Les Fâcheux de Molière, avec des ballets et des récits en musique dans les intermèdes. Le théâtre était dressé dans le parc, la décoration ornée de fontaines véritables et de véritables orangers. Il y eut ensuite un feu d’artifice et un bal où l’on dansa jusqu’à trois heures du matin. » (Abbé de Choisy – Mémoires).
Marquise du Parc jouait Climène, Catherine de Brie : Orphise, Du Parc : le valet La Montagne, La Grange : Éraste. Molière jouait tous les rôles (neuf !) de Fâcheux.
Madeleine Béjart récita le prologue écrit par Paul Pellisson (*). On vit une coquille monter et s’ouvrir, et Madeleine apparut en Naïade, entourée d’arbres séparés par des dieux termes, ceinte d’une nature si admirative qu’arbres et statues, devenus vivants, se mirent à bouger et à dialoguer. Entourée de vingt jets d’eau, ouverts en gerbe, elle prononça l’éloge du Roi :
Pour voir sur ces beaux lieux le plus grand roi du monde,
Mortels je viens à vous de ma grotte profonde…
(*) Paul Pellisson, né à Béziers en 1624, protestant, confident de Fouquet. Auteur d’une « Histoire de l’Académie française depuis son établissement jusqu’en 1652 », il fut admis à l’Académie en 1653. Resté fidèle à Fouquet, il fut emprisonné pendant quatre ans, puis se convertit au catholicisme, devenant abbé. Il mourut en 1693.
La décision de donner un ballet en l’honneur du roi fut prise tardivement. Fouquet passa commande à Beauchamp, qui avait déjà créé la chorégraphie d’un ballet mythologique et allégorique à Essonnes, chez Louis Hesselin, en l’honneur de la reine Christine de Suède, le 6 septembre 1656.
Selon Molière, le dessein était de donner un ballet aussi, et comme il n’y avait qu’un petit nombre choisi de danseurs excellents, on fut contraint de séparer les entrées. de ce ballet, et l’avis fut de les jeter dans les entr’actes de la comédie, afin que ces intervalles donnassent temps aux mêmes baladins de revenir sous d’autres habits de sorte que pour ne point rompre aussi le fil de la pièce par ces manières d’intermèdes, on s’avisa de les coudre au sujet du mieux que l’on put, et de ne faire qu’une seule chose du ballet, et de la comédie.
Molière ajoute dans sa préface : Jamais entreprise au théâtre ne fut si précipitée que celle-ci… Et c’est une chose, je crois, toute nouvelle qu’une comédie ait été conçue, faite, apprise et représentée en quinze jours.
Le succès fut au rendez-vous. Selon La Fontaine, protégé de Fouquet : On avait accommodé le ballet à la comédie autant qu’il était possible, et tous les danseurs y représentaient des fâcheux de plusieurs manières en quoi certes ils ne parurent nullement fâcheux à notre égard ; au contraire, on les trouva fort divertissants, et ils se retirèrent trop tôt au gré de la compagnie.
Dans sa Muze historique (27 août 1661), Jean Loret écrit :
La pièce, tant et tant louée,
Qui fut dernièrement jouée
Avec ses agréments nouveaux
Dans la belle maison de Vaux,
Divertit si bien notre Sire,
Et fit la cour tellement rire,
Qu’avec les mêmes beaux apprêts,
Et par commandement exprès,
La Troupe comique excellente
Qui cette pièce représente
Est allée, encore de plus beau,
La jouer à Fontainebleau.
Le ballet eut également un grand succès, comme l’indique Jean Loret (Muze historique du 20 août 1661 :
Le ballet entendu des mieux… fut composé
Par Beauchamp, danseur fort prisé,
Et dansé de la belle sorte
Par les Messieurs de son escorte
Et, même, où le sieur d’Olivet,
Digne d’avoir quelque brevet
Et fameux en cette contrée,
A fait mainte agréable Entrée.
Il s’agissait de danseurs professionnels, parmi lesquels Dolivet (*) fut particulièrement remarqué. En revanche, il ne semble pas que Beauchamp ait lui-même dansé.
(*) François (ou Louis) Hilaire d’Olivet ou Dolivet, membre de l’Académie royale de danse.
Le Roi suggéra lui-même à Molière d’ajouter un fâcheux en la personne de M. de Soyecourt, Grand Veneur, réputé pour abrutir son entourage avec ses récits de chasse, lui disant : Voilà un grand original que vous n’avez point encore copié. Il servit de modèle au personnage de Dorante.
C’en fut assez, dit l’auteur du Ménagiana qui rapporte ce fait ; cette scène fut faite et apprise en moins de vingt-quatre heures. » Et le Roi eut la satisfaction, à la représentation de cette comédie donnée à Fontainebleau, le 27 du même mois, d’y voir joint ce rôle dont il avait eu la bonté de lui ouvrir les idées. Mais une particularité non moins plaisante que la scène ajoutée, particularité que nous ne trouvons pas aussi invraisemblable qu’elle le semble à Bret , c’est que Molière, ignorant entièrement les termes de chasse , s’adressa à M. de Soyecourt lui-même, qui l’initia complaisamment au dictionnaire de la vénerie.
La comédie-ballet fut reprise à Fontainebleau, les 25 et 27 août suivants, en utilisant le théâtre mobile préparé par Carlo Vigarani pour le Ballet des Saisons, puis à Paris, au Palais Royal, le 4 novembre 1661, toujours avec grand succès, où elle resta à l’affiche jusqu’au 28 février 1662.
A Fontainebleau, figura une danseuse professionnelle, Mlle Giraut.
Molière occupait jusqu’en octobre le théâtre du Petit-Bourbon, mais celui-ci avait été détruit par M. de Ratabon, surintendant des bâtiments du Roi pour construire la colonnade du Louvre. Le Roi lui avait accordé de s’installer au Palais Royal, qu’il avait fallu remettre en état, et qui fut réouvert le 2 janvier 1661, avec le Dépit amoureux.
Les Fâcheux furent représentés à nouveau durant les Plaisirs de l’Ile enchantée, le 11 mai 1664.
Les intermèdes chantés et dansés se situent au prologue (Une Naïade sortant des eaux dans une coquille) et à la fin de chacun des trois actes. La partition copiée par Philidor l’Aîné précise que la musique et la chorégraphie sont de Pierre Beauchamp (*). Seule des quatorze airs, la Courante chantée par M. de La Grange (Lysandre) serait de Lully, les autres étant de Beauchamp.
(*) Pierre Beauchamp ou Beauchamps (1631 – 1705), débuta à la cour en 1648, dans le Ballet du dérèglement des passions. Danseur, chorégraphe, pédagogue et maître à danser du roi, il fut nommé surintendant des ballets du roi, en 1671, et collabora avec Lully jusqu’à sa mort en 1687.
Un mois après la première représentation, Fouquet était arrêté par d’Artagnan, lieutenant des Mousquetaires, sur ordre de Louis XIV.
Les Fâcheux furent imprimés le 12 mai 1662.
Com. de Moliere, en vers & en 5 Ac. avec des Inter. liés à la piece. Elle fut représentée à Vaux, devant le Roi, le 16 Août 1661 ; à Fontainebleau le 27 du même mois ; & à Paris, sur le Thé. du Palais Royal, le 4 Novembre suivant. M. Fouquet engagea Moliere à composer cette piece, pour la fameuse fête qu’il donna au Roi & à la Reine Mere, dans sa maison de Vaux, aujourd’hui appellée Villars. Elle fut faite, apprise & représentée en moins de quinze jours, & fit au Roi un extrême plaisir. Elle fut précédée d’un Prol. composé par Pelisson. On prétend que le Chasseur importun qu’on fait paroître dans la Piece étoit le Marquis de Soyecourt, & que Moliere s’adressa à lui même pour apprendre les termes dont il devoit se servir. Cette piece se trouve dans le tome second des OEuv. de Moliere. (de Léris – Dictionnaire des Théâtres)
La Bibliothèque nationale de France conserve un manuscrit de Philidor l’Aîné de 1681, qui précise que Le ballet a été fait, les airs et la danse par M. Beauchant.
Synopsis
Prologue
Un jardin orné de termes et de plusieurs jets d’eau
Une Naïade sort des eaux dans une coquille pour chanter les louanges de Louis. Plusieurs dryades, accompagnées de faunes et satyres sortent à leur tour des arbres et des termes. la Naïade annonce qu’il convient de donner au roi un divertissement.
Comédie
Éraste, un jeune gentilhomme amoureux d’Orphise, voit ses projets de mariage contrariés par le tuteur de celle-ci. Il doit se rendre à un rendez-vous amoureux avec elle, mais une dizaine d’importuns retardent à des titres divers et sous les prétextes les plus variés l’exécution de son projet : le malheureux doit tour à tour écouter les propos d’un musicien amateur qui vient de composer une courante (Lysandre), d’un vicomte qui lui demande d’être son témoin pour un duel (Alcandre), d’un joueur de cartes dépité de sa malchance (Alcippe), de deux amants qui s’interrogent sur un point de casuistique amoureuse (Orante et Climène), d’un chasseur intarissable (Dorante, dont le portrait est suggéré à Molière par Louis XIV lui-même), d’un savant pédant souhaitant présenter un placet au roi, d’un homme voulant proposer au souverain le moyen de multiplier la fortune de l’État (Caristidès), d’un autre qui propose de transformer toutes les côtes en ports de mer (Orlin), d’un ami qui prétend ne plus le quitter pour le protéger de ses ennemis (Filinte). Enfin survient le tuteur (Damis), qui entend faire assassiner le jeune homme, mais qui est lui-même attaqué par les valets d’Éraste. Le généreux jeune homme le tire de ce mauvais pas et obtient ainsi la permission d’épouser Orphise.
Ballet du Premier acte : (1) Des joueurs de mail, en criant gare, l’obligent à se retirer ; et comme il veut revenir lorqu’ils l’ont fait. (2) Des curieux viennent qui tournent autour de lui pour le connaître et font qu’il se retire encore pour un moment.
Ballet du Deuxième acte : (1) Des joueurs de boule l’arrêtent pour mesurer un coup dont ils sont en dispute. Il se défait d’eux avec peine, et leur laisse danser un pas composé de toutes les postures qui sont ordinaires à ce jeu. (2) De petites frondeurs le viennent interrompre, qui sont chassés ensuite. (3) Des savetiers et ramendeuses (4) Des jardiniers
Ballet du Troisième acte : (1) Des suisses avec des hallebardes et une bergère qui, au sentiment de tous ceux qui l’ont vue, ferment le divertissement d’assez bonne grâce.
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