Pierre JÉLYOTTE

Pierre JÉLYOTTE

13 avril 1713 (Lasseube – Pyrénées atlantiques) – 1797 (Oloron)
haute-contre

 

 

Pierre Jélyotte est le fils de Joseph de Jeliote, marchand de laines, et Magdelaine de Mauco, originaires de Lasseube, entre Pau et Oloron. Le véritable nom patronymique de son père était Grichon, le surnom de Jéliote lui venant d’une maison sise à Lasseube, qui appartenait à la famille depuis le seconde moitié du XVIe siècle.Pierre Jélyotte chante à la chapelle de Bétharram, puis rejoint la maîtrise de Saint-Étienne, à Toulouse. Il y apprend à jouer divers instruments.

On attribue au prince de Carignan d’avoir remarqué et fait venir Jélyotte à Paris. En février 1733, il chante au Concert Spirituel, puis fait ses débuts à l’Opéra, le 11 juin, dans un petit rôle lors d’une reprise des Fêtes grecques et romaines de Colin de Blamont.Il se voit confier des rôles de plus en plus importants, ainsi le 23 août 1735 dans Les Indes galantes, où il obtient un succès éclatant. 

 Propos sur Jélyotte

Charles Collé – Journal des spectacles de Paris – 1749

Jéliotte est un chanteur unique, mais il n’a ni figure ni action; il n’est bon que dans les rôles de berger, où il faut plutôt exprimer la galanterie que le sentiment ; il n’a point d’entrailles & il manque de noblesse. Ce n’est donc point du tout là un récitant, ceci soit dit sans faite tort à l’étendue & à la beauté de sa voix, surtout au goût divin du chant qu’il possède, & que personne n’a poussé aussi loin que lui.

Jean-Baptiste Thiaudière de Boissy

  Il est, quand je me les rappelle,
Certains moments, Dieux ! quels moments !
Entendit-on jamais une voix aussi belle?
Où suis-je? et qu’est-ce que j’entends?
Ah ! c’est un dieu qui chante. Ecoutons; il m’enflamme.
Jusqu’où vont les écats de son gosier flatteur ?
Sur l’aile de ses sons je sens voler mon âme,
Je crois des immortels partager la grandeur.
La voix de ce divin chanteur
Est tantôt un Zéphir qui vole dans la plaine,
Et tantôt un volcan qui part, enlève, entraîne,
Et dispute de force avec l’art de l’auteur.

Castil-Blaze dans La Revue de Paris – 1836

Un caractère d’ane autre trempe, et aussi aimable à sa manière* était celui de Jeliolte. Doux, riant, amisious, pour me servir d’un mot de son pays qui le peint admirabli ment, il poi tait sur son front la sérénité du bonheur; en le respirant lui-même, il l’inspirait. C’était un homme complètement heureux. Né dans l’obscurité, enfant de chœur dans une église de Toulouse, il était venu de plein vol débuter sur le théâtre de l’Opéra, et signaler sa première épreuve par un succès d’enthousiasme. Dès ce moment, il jouit de toute la faveur du public, et pendant vingt ans il en fut l’idole. On tressaillait de joie quand il paraissait sur la scène; on [‘écoutait avec l’ivresse du plaisir, et toujours l’applaudUsemem marquait le repos de sa voix. Cette voix était admirable, pleine, ronde, sonore, d’un timbre flatteur, bien qu’elle eût un éclat argentin, arrivant sans effort aux noies les plus élevées de la haute-contre. C’était le Rubini de 1750 pour l’émission du son.
 
Jéliotte n’était ni beau ni bien fait ; mais, pour s’embellir, il n’avait qu’à chanter. On eût dit qu’il charmait les yeux en même temps que l’oreille. Les femmes en étaient folles; on les voyait à demi- corps élancées de leurs loges, donner en spectacle l’excès de leur émotion ; et plus d’une, des plus jolies, voulaient bien la lui témoi-
 
gner. Bon musicien, son talent ne lui donnait aucune peine, et son état n’avait pour lui que des agrémens. Chéri, considéré parmi ses camarades, il vivait en homme du monde, accueilli, désiré partout. D’abord, c’était son chant que l’on voulait entendre; et pour en donner le plaisir, il était d’une complaisance dont on était charmé autant que de sa voix. Il s’était fait une étude particulière de choisir et d’apprendre nos plus jolies chansons ; il les chantait à ravir, en s’accompagnant de la guitare. Mais bientôt on oubliait en lui le chanteur, pour jouir des agrémens de l’homme aimable; et son esprit, son caractère, lui faisaient dans la société autant d’amis qu’il avait eu d’admirateurs. Il en avait dans la bourgeoisie, il en avait dans le plus grand monde; et partout simple, doux, modeste, il n’était jamais déplacé. 11 s’était fait, par son talent et par les graces qu’il avait obtenues, une petite fortune, et s’en était servi d’abord pour mettre sa famille à l’aise. Il jouissait,’ dans les bu reaux et les cabinets des ministres, d’un crédit très considérable, car c’était le crédit que donne le plaisir; il l’employait à rendre dans l;i province où il eiait né des services importans. Aussi y était- il adoré.
 
Tous les ans, il lui était permis, en été, d’y faire un voyage, et de Paris à Pau sa route était connue; le temps de son passage était marqué de ville en ville; partout des fêtes l’attendaient. A Toulouse, il avait deux amis à qui jamais il ne préféra personne : l’un était le tailleur chez lequel il avait logé, l’autre son maître de musique lorsqu’il était enfant de chœur. La noblesse, le parlement, se disputaient le second soupe que Jéliotte fa’.sait à Toulouse; mais pour le premier, on savait qu’il était invariablement réservé à ses deux amis. Homme à bonnes fortunes, autant et plus qu’il n’aurait voulu l’être, il était renommé pour sa discretion; et de ses nombreuses conquêtes, on n’a connu que celles qui ont voulu s’afficher. Enfin, parmi tant de prospérités, il n’a jamais excité l’envie, et l’on n’a jamais pu dire que Jeliotte eût un. ennemi.
 
Jéliotte composa la musique de Zélisca, joué avec beaucoup de succès en 1745. Il quitta la scène dix ans après.