CD Isis (direction Hugo Reyne)

ISIS

COMPOSITEUR

Jean-Baptiste LULLY

LIBRETTISTE

Philippe Quinault

 

ORCHESTRE La Symphonie du Marais
CHOEUR Le Choeur du Marais
DIRECTION Hugo Reyne

Io, Isis

Françoise Masset

dessus

La Renommée, Iris et Hébé, Première Parque

Isabelle Desrochers

dessus

Calliope, Mycène et Syrinx

Valérie Gabail

dessus
Junon, Seconde Parque

Guillemette Laurens

bas-dessus

Mercure, Second Berger, Premier conducteur des Chalybes

Howard Crook

taille
Hierax, Pan

Bertrand Chuberre

basse taille
Jupiter

Bernard Deletré

basse
Neptune, Argus, Second conducteur des Chalybes

Renaud Delaigue

basse

Apollon, Pirante, Premier Berger, Erinnis

Robert Getchell haute-contre
Francesca Congiu
Geneviève Kaemmerlen
Renaud Tripathi
Thomas van Essen
Matthieu Heim

DATE D’ENREGISTREMENT 6 juillet 2005
LIEU D’ENREGISTREMENT

IXe Festival de Musique Baroque en Vendée

ENREGISTREMENT EN CONCERT oui

EDITEUR Accord
DISTRIBUTION Universal
DATE DE PRODUCTION 7 novembre 2005
NOMBRE DE DISQUES 3
CATEGORIE DDD

Lully ou le Musicien du soleil, Volume 7

Critique de cet enregistrement dans :

Classica / Répertoire – février 2006 – appréciation 8 / 10

« Isis, créée le 5 février 1677, représente la cinquième collaboration entre Lully et Quinault. L’histoire est connue : Jupiter veut enlever Io et Junon s’y oppose, la plaçant dans sa suite, sous la surveillance des yeux innombrables d’Argus. C’est peine perdue : aidé par Mercure, Jupiter parvient à ses fins. La vengeance de Junon est alors redoutable; sa rivale doit subir les pires maux. Celle-ci, prête à se jeter dans les eaux du Nil, est cependant graciée par Junon en échange des promesses de fidélité du volage époux. Io devient alors Isis, déesse vénérée par le peuple d’Egypte. Comme c’est souvent le cas, l’oeuvre renvoie de façon transparente au contexte de l’époque, et met en scène la jalousie de Madame de Montespan, que son amant aurait délaissée au profit de la jeune et belle Madame de Ludres (à laquelle était justement dévolu le doux surnom d’Isis). Curieusement, l’oeuvre est mal aimée, peu jouée : c’est une des dernières à n’avoir pas été enregistrée par un des grands baroqueux » (William Christie, Marc Minkowski, Christophe Rousset, Jean-Claude Malgoire). Tout l’attirail de la tragédie lyrique est pourtant là : une dizaine d’interventions divines (chacune munie d’attributs spectaculaires : l’arc-en-ciel d’Iris, le char de Junon…), la belle histoire de Pan et de la Syrinx racontée pour tromper la vigilance d’Argus, un passage impressionnant dans la forge de Vulcain et dans l’antre des Parques, la teinte égyptienne, etc. Et la musique est d’une grande beauté et variété, jusque dans la magnifique plainte avec flûte de Pan, et le pittoresque et célèbre choeur des « trembleurs ».

Après un important travail de mise au point de la partition, Hugo Reyne a fait appel aux piliers de ce répertoire, dont certains étaient d’ailleurs déjà présents dans l’Atys de Christie, il y a maintenant une vingtaine d’années ‘Reyne tenait alors lui-même la partie de première flûte des Arts florissants. L’orchestre et le choeur ont été renforcés par le chef, ce qui en augmente l’impact et la richesse (merveilleuses ritournelles lors des changements de décors). Si les voix ne sont pas intrinsèquement belles (ici cela importe peu), si l’on peut avoir tendance à les confondre (les basses), l’ensemble est merveilleusement chanté et interprété (parfaite articulation). Peut-être aurait-on aimé encore davantage d’éclat et de théâtre, davantage de variabilité dans les différents tableaux et, peut-être davantage d’humour. Car n’y a-t-il pas un soupçon d’humour dans cet opéra exclusivement consacré aux turpitudes privées de Junon et Jupiter ‘ si loin de la figure habituelle du Prince politique présentée dans d’autres oeuvres? A découvrir, assurément.

Le Monde de la Musique – janvier 2006 – appréciation 4 / 5

« En 1677, un an tout juste après Atys, Lully et son fidèle librettiste Philippe Quinault présentent à Saint-Germain-en-Laye la tragédie en musique Isis. Derrière la passion de Jupiter pour la nymphe Io au détriment de son épouse Junon, les contemporains ont vu une allusion à l’amour de Louis XIV pour Madame de Ludre et à la colère de Madame de Montespan. La partition regorge de merveilles : la plainte de Pan après la transformation de Syrinx en roseaux (acte III), le célèbre choeur des trembleurs s (illustration musicale du grelottement), le choeur des Chalybes ponctué de répétitions (Tôt, tôt, tôt) comme autant de coups de marteau de ces forgerons (acte IV). Lecerf de la Viéville considérait cet opéra comme « le plus savant de ceux de Lully et celui pour lequel il a pris une peine infinie ».

Pour la septième étape de son judicieux périple Lully, Hugo Reyne a disposé de moyens à la mesure de l’entreprise. Cette première intégrale discographique réunit un orchestre fourni (une quarantaine de musiciens) et une distribution de haut niveau. Françoise Masset fait comprendre les hésitations de la frémissante Io / Isis, courtisée par Jupiter et Hierax. Guillemette Laurens incarne, comme à l’accoutumée, une Junon furibarde et Bernard Deletré laisse percevoir le ridicule du maître de l’Olympe. L’ensemble des chanteurs soigne la diction et les vers superbes de Quinault. Hugo Reyne mène son équipe d’un geste aussi sûr que stylé. »

Diapason – janvier 2006 – appréciation 4 / 5

« Tous les chemins mènent à Isis. Le chemin des dieux d’abord, sur le thème inoxydable des amours de Jupiter. Le chemin de la mu sique, non seulement parce que le Grand Siècle voyait dans Isis « Opéra des Musiciens », mais parce que l’écho en résonnera longtemps, chez Purcell (le « froid » de King Arthur emprunté aux ‘ trembleurs’ de l’acte IV), chez Couperin (la plainte de Pan devenue « Apothéose »), chez Rameau (les Parques dans Hyppolyte et Aricie, les galanteries de Jupiter dans Platée) et au-delà. Le chemin de l’Histoire puisque la Montespan, fâchée de se reconnaître en « Junon cocue », fit bannir le poète Quinault de l’Académie royale. Le chemin d’Hugo Reyne enfin, lequel rêvait de tragédie lyrique depuis « Armide » (Herreweghe, 1983) et « Atys » (Christie, 1986), productions auxquelles il contribua comme flûtiste, et acquit il y a quatre ans un exemplaire original d’Isis, divine incitation.

Le cinquième opéra de Lully et Qui­nault n’eut pourtant jamais le succès d’Armide (« l’Opéra des Dames »), d’Atys (« l’Opéra du Roi ») ou de Phaëton (« l’Opéra du Peuple »). C’est que la tragédie proprement dite, allumée en deux longs actes de récitatif, se laisse peu à peu submerger par la comédie (dialogue de Mercure et Iris qu’on croirait tiré d’Alceste) puis par de fastueux divertissements la métamorphose de Syrinx en roseau suivie de la (sublime) plainte de Pan (acte III) les choeurs, danses et frissons sur la banquise où la Furie déléguée par Junon persécute la malheureuse Io (acte IV)… Formidable tragédie quoi qu’il en soit, quand elle subsiste, où le poète fond un rare alliage de tendresse, de jeu, de fatum et de cruauté. Et nul besoin de deviner la Montespan sous le masque de Junon, Mme de Ludre sous celui de la jeune Io ou le Roi-Soleil sur le nuage de Jupiter. Ce trio-là est éternel. Notre cinéma en déborde, voyez « En cas de Malheur » ce sont les mêmes.

Ronchon idolâtre et vulnérable, Bernard Deletré fait d’ailleurs un plausible Gabin. Guillemette Laurens lui oppose une Edwige Feuillère plus expansive et tremblante que l’originale mais tout aussi pathétique. Ne le cachons pas, Françoise Masset n’exhale ni l’érotisme ni l’irrésistible fraîcheur de Brigitte Bardot, lacune généreusement comblée par une maîtrise du style, un instinct de la langue, un sens de la mélodie théâtrale, en somme une vérité qui fait d’elle, à l’entendre seulement, la plus adorable des Io. Compliment à partager : plus que le chant, le texte jouit, du prologue à la naissance d’Isis, de soins méticuleux. Restent le choeur et l’orchestre. Le premier pâtit de ses propres défaillances mais aussi d’une prise de son réalisée (sur le vif, en Vendée, le 6 juillet dernier) dans une église qui le défigure. Le second, certes moins nourri que celui dont disposait Lully en 1677, aurait assez d’étoffe s’il attachait autant d’importance au drame qu’à la nature. Il y a quelque chose de rousseauiste dans cette tonalité pastorale qui pint la ‘descente de Jupiter’ comme l’éclosion du laurier et cherche en tout le spontané, le vert, le naturel. Quelquefois, ce qui coule de source pourrait aussi percer le coeur. N’empêche. Nous le savons depuis « Le Temple de la paix », le chef a Lully dans la peau. On cherchera ici en vain le maniérisme, l’effet (à l’exception regrettable d’un faux blizzard pendant la scène des « gelés »), l’acte gratuit, la plus infime distance entre la partition et l’interprète. Sur lui, sur sa troupe chevronnée (Laurens, Deletré, Crook, Desrochers, comme lui, étaient d’Atys, il ya bientôt..vingt ans) souffle l’esprit de Lully. Ce premier enregistrement d’une oeuvre essentielle est donc plus qu’opportune, nécessaire. »

Opéra Magazine – décembre 2005 – appréciation 3 / 5

« La superbe Isis de Lully (1677), sur un livret de Quinault, offerte en version de concert pour la neuvième édition du Festival « Musique Baroque en Vendée », avait logiquement séduit par ses nombreux atours, sa richesse et son originalité. En revanche, on peut s’interroger sur le réel bénéfice du report en CD de ce témoignage des plus convenus et fades.

Rien n’est désobligeant ici. Le maître d’oeuvre, Hugo Reyne, conduit sa ductile Simphonie du Marais avec une indéniable musicalité et beaucoup d’allant, et les sections purement instrumentales cristallisent de vraies qualités sur les couleurs, les phrasés et les ruptures de climats. Les chanteurs, Françoise Masset, Isabelle Desrochers et Valénie Gabail en tête, se montrent presque tous rompus à l’art subtil et délicat de la tragédie en musique à la française. La diction est dans l’ensemble accomplie, l’ornementation instruite, et les timbres, sans être renversants, évocateurs et bien différenciés.

Malgré cela, rien n’y fait. Il y a durant ces quelque trois heures de belle et « grande »musique tout un esprit qui semble ne jamais souffler. Peut-être est-ce le manque d’enthousiasme, la routine, voire l’usure de certains interprètes, comme Guillemette Laurens (d’habitude si touchante) ou Howard Crook (dont la voix n’a plus le rayonnement d’autrefois) ? Une chose est sûre : la déception fait très vite place à l’ennui. Les pages parmi les plus poétiques de la partition s’évanouissent dans le décoratif, tandis que les plus intrigantes et savoureuses ronronnent aimablement.

Après les extraits gravés sans éclat par Jean­François Paillard en 1972 pour Erato, cette timide Isis comble tout au plus un grand vide dans la discographie de Lully. »

Forum Opéra

  « La Simphonie du Marais est dans ses plus beaux atours, cordes renforcées, cuivres extraordinairement précis, choeur de vingt chanteurs divisés en deux groupes à cour et à jardin. On sait Hugo Reyne expert en musique française, mais peut-être n’avait-on encore jamais entendu une Simphonie aussi rayonnante, fruitée, subtile. Et un choeur d’une cohésion telle, et surtout d’une pureté d’intonation et de diction exceptionnelle. Le troisième acte, incise consacrée à Pan et Syrinx, est d’une poésie lumineuse, et le dernier acte, avec son choeur « du froid » miroir de celui de Purcell, ses contrastes d’atmosphères et ses rebondissements, est habilement conduit par Hugo Reyne obtenant des atmosphères justes et des enchaînements subtils.

Françoise Masset incarne avec une belle justesse les différents états d’Isis, de la séduction au doute, de la résistance à la fuite et au renoncement final. Son art prosodique force l’admiration. Face à elle, le couple Junon/Guillemette Laurens et Jupiter/Bernard Delettré est souverain, parfaitement caractérisé. Tout le plateau vocal est à remarquer pour la clarté et l’élégance de la diction, qui, ce qui est rare, dispense totalement de suivre le livret. Tout au plus regrettera-t-on certaines duretés passagères de Valérie Gabail ou de Bertrand Chuberre, mais ce ne sont que légères réserves sur une équipe à l’évidence soudée par l’enthousiasme et la conviction. «