Pietro Antonio FIOCCO

Pietro Antonio FIOCCO
3 février 1654 (Venise) – 3 septembre 1714 (Bruxelles)

 

LE RETOUR DU PRINTEMPS

Après avoir voyagé dans les principales cours d’Europe, le Vénitien Pietro Antonio Fiocco se fixe en 1681 dans la capitale des Pays-Bas méridionaux, Bruxelles. A partir de 1691, sous l’influence du nouveau gouverneur Maximilien-Emmanuel de Bavière, la vie musicale bruxelloise va connaître un essor considérable, qui se soldera notamment par l’ouverture en 1700 du premier opéra public belge, le Théâtre de la Monnaie. Fiocco, que le public même le plus difficile jugeait « incomparable dans son art » en fut le premier directeur musical.

C’est à Venise, le 3 février 1654, que naquit Pietro Antonio Fiocco. On ignore tout de sa formation et son nom n’apparaît dans aucun des registres des quatre écoles de musique de la ville. Sans doute reçut-il les premiers rudiments de son père Giacinto, chirugien-barbier mais aussi « sonadore » de la Milizia da Mar de la Sérénissime. Dès 1681, sa réputation de compositeur lyrique devait cependant être assez solide pour qu’il soit invité à composer pour l’opéra d’Amsterdam et pour la cour de Hanovre. D’un premier mariage contracté avec Marguerite Gracy naissait à Amsterdam en mars 1682 une fille prénommée Hélène. Mère et enfant moururent sans doute rapidement.

Les raisons qui l’incitèrent ensuite à s’installer définitivement à Bruxelles demeurent obscures. On peut cependant penser que Fiocco, catholique et se sentant de grandes dispositions pour la musique sacrée, avait trouvé dans la capitale des Pays-Bas méridionaux plus d’opportunités qu’en pays protestant. Le 22 octobre 1682, à l’église Notre-Dame de la Chapelle à Bruxelles, il épousait Jeanne de Laetre ; de ce second mariage naquirent trois enfants dont le compositeur Jean-Joseph Fiocco né en 1686. Leur fils aîné, Eugène-Alexandre, fut tenu sur les fonts en mars 1684 par la comtesse de Soissons et le prince de Tour et Taxis. Le prince Eugène-Alexandre de Tour et Taxis dut accorder rapidement sa protection au musicien. Alors maître général des postes impériales, il était marguillier en chef de la fabrique d’église et c’est sans doute à sa haute protection que Fiocco doit d’y avoir été nommé maître de musique de l’église Notre-Dame du Sablon. Fiocco lui prouvera sa reconnaissance en lui dédiant ses Sacri concerti en 1691.

Veuf pour la seconde fois, Fiocco avait épousé, le 22 juin 1692, Jeanne-Françoise Deudon qui lui donna onze enfants, dont le compositeur Joseph-Hector Fiocco né en 1703. La vie artistique à Bruxelles prenait alors un tour nouveau grâce à la personnalité de Maximilien-Emmanuel. Nommé gouverneur des Pays-Bas par lettres patentes de Charles II d’Espagne, le 13 décembre 1691, le duc électeur de Bavière avait fait son entrée à Bruxelles le 26 mars suivant. Issu d’une famille extrêmement musicienne, Maximilien-Emmanuel avait appris la musique avec l’organiste Johan-Kaspar Kerll. Il chantait, dansait et jouait de la guitare, de la harpe et de la viole de gambe. Protecteur de Marais ou de Steffani, de Charpentier ou de dall’Abacco, le nouveau gouverneur était un fervent défenseur des « goûts réunis ». Le gouverneur emmena à Bruxelles le « kammerorganist » Pietro Torri ainsi que près d’un quart des musiciens de la cour de Munich.

La réputation que Fiocco s’était acquise au Sablon lui valut d’être alors nommé lieutenant de la musique de la cour de Bruxelles. Ce n’est cependant qu’en 1706 qu’il en devint maître à part entière, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort. Bien qu’il n’ait jamais été maître de musique à Sainte-Gudule, sa musique y fut régulièrement interprétée comme en témoignent diverses annonces dans la presse et de nombreux manuscrits provenant du fonds musical de la cathédrale. Ces marques de reconnaissance de son talent prennent d’autant plus d’éclat lorsqu’on songe que, sous Maximilien-Emmanuel, Bruxelles a accueilli de nombreux musiciens de grande qualité tels Torri et Steffani déjà évoqués, mais aussi Jacques de Saint-Luc, Francesco Venturini, Evaristo Felice dall’Abacco ou encore Henry Desmarest.

L’heure de l’opéra était enfin venue. L’ouverture du premier opéra public à Venise en 1637 avait déclenché un enthousiasme qui, dépassant bientôt la Péninsule, s’était étendu à l’Europe entière. A Bruxelles, seules quelques représentations données à la cour avaient donné une idée du nouveau genre lyrique. A la frustration de la population locale, s’ajoutait, dans une ville vivant avant tout du commerce, la nécessité d’offrir aux voyageurs de passage ce divertissement à la mode. Depuis 1681, et malgré le succès public, toutes les tentatives avaient échoué à cause des tracasseries des autorités. Fort de l’appui du nouveau gouverneur, Fiocco loua le 1er novembre 1694 la salle que ses prédécesseurs malchanceux avaient aménagée sur le quai au Foin. Fiocco s’était associé au romain Gio Paolo Bombarda, ancien musicien reconverti avec bonheur dans la haute finance. C’est sous cette direction bicéphale et éclairée que naquit un opéra qui, en 1700, prit définitivement le nom de théâtre de La Monnaie. Fiocco qui en était le directeur musical put y démontrer son sens du théâtre et sa maîtrise des styles lyriques français et italien.

Pietro Antonio Fiocco mourut à Bruxelles le 3 septembre 1714. Le lendemain, un grand service funèbre fut célébré au Sablon. Cet homme qui s’était toujours montré prompt à servir ses amis également comme ceux qui sans l’être, ont quelque mérite d’eux-mêmes » avait su s’attirer l’affection reconnaissante de ses pairs. Un ennemi déclaré comme Quesnot de La Chênée ne l’appelait que le « Trop bon », le jugeant « merveilleux dans les productions de son art ». Ses œuvres religieuses semblent avoir été interprétées jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. Cette longévité exceptionnelle s’explique par l’admiration que lui vouèrent les nombreux disciples qu’il avait formés, ses fils Jean-Joseph et Joseph-Hector en tête. »

(Cyprès Records)