CD Didon

DIDON

COMPOSITEUR

Henry DESMAREST

LIBRETTISTE

Louise-Geneviève de Gillot de Saintonge, d’après Virgile

Tragédie lyrique en un prologue et cinq actes, sur un livret de Mme Gillot de Saintonge (1650 – 1718, auteur de recueils de poésies), d’après l’Énéide de Virgile.

Elle fut représentée, avec succès, à l’Académie royale de musique le 5 juin 1693, avec une distribution réunissant Mlle le Rochois (Didon), Mlle Moreau (Anne), Mlle Maupin (La Magicienne), Dumesny (Enée), Dun (Iarbe), Moreau (Achate), Desvoyes (Une Furie). Le Dauphin assista à la représentation du 15 septembre.

Mme de Saintonge, épouse d’un avocat au Parlement de Paris, raconte dans ses Poésies galantes, qu’elle vint elle-même présenter l’oeuvre au Roi à Versailles.

Reprise en 1704.

 

Personnages : Didon, veuve de Siphée, reine de Carthage ; Anne, soeur de Didon ; Barcé, confidente de Didon ; Énée, fils de Vénus, prince troyen, amant de Didon ; Acate, confident d’Énée ; Iarbe, fils de Jupiter, roi de Gétulie, épris de Didon ; Arcas, confident de Iarbe ; Jupiter, Vénus, Mercure

 Synopsis détaillé

Prologue

Le palais de Mars

Mars fait l’éloge du « Vainqueur de la terre », grâce à qui règne la paix. La Renommée et Vénus se joignent à lui pour appeler à chanter la victoire et l’amour.

Acte I

Le palais de Didon à Carthage

(1) Didon va épouser Énée, le plus grand des héros, mais craint la colère de Iarbe. (2) Elle confie à sa soeur Anne que son bonheur est troublé par l’image de l’Ombre de Sichée, à qui elle avait juré fidélité. Anne la rassure. (3) Énée arrive, impatient de procéder à la cérémonie. Ils échangent des serments d’amour. Duo. (4) Anne vient leur rappeler qu’ils sont attendus. (5) Le peuple de Carthage vient rendre hommage au héros, grâce à qui Carthage connaîtra la paix. (6) Barcé annonce la présence de Iarbe au port. Didon se rend au temple de Junon, Énée la quitte pour éviter que Iarbe provoque des désordres.

Acte II

Un bois, des rochers d’où tombe un torrent

Iarbe cconfie à Arcas qu’il craint d’arriver trop tard pour empêcher la mariage de Didon, et envoie Arcas se renseigner. (2) Iarbe, seul, rumine sa vengeance. Il appelle son père Jupiter. (3) Celui-ci apparaît sur un nuage, armé de la foudre. Il promet à Iarbe de le venger si Didon le dédaigne, et commande aux Faunes et Dryades de calmer la jalousie de Iarbe. Ceux-ci chantent l’inconstance et l’infidélité. Iarbe les chasse. (5) Arcas revient et annonce que le mariage ne se fera pas, car Énée, sur ordre des dieux, a décidé de partir en secret. (6) Iarbe veut s’en assurer et rencontre Énée. Celui-ci lui confirme qu’il part, même accablé de douleur. Iarbe s’apprête à frapper Énée. (7) Il en est empêché par l’intervention de Vénus, qui conseille à Iarbe d’utiliser d’autres armes pour cconvaincre Didon. (8) Arcas calme Iarbe qui décide d’aller affronter Didon pour jouir de sa douleur.

Acte III

Une allée d’arbres formant un berceau ; au fond, une grotte

(1) Didon, inquiète, est venue demander l’aide d’une Magicienne. Mais celle-ci est sans pouvoir. Didon insiste. La Magicienne se décide à invoquer Pluton. La terre s’ouvre, il en sort des Démons et des Furies. (2) Une Furie prédit à Didon qu’après avoir souffert, elle jouira d’une vie paisible qui ne finira pas. (3) Didon reste inquiète. La Magicienne convie les Démons des airs à rassurer Didon. Des petits Amours viennent danser autour de Didon en tenant des guirlandes de fleurs. (4) Les Démons des airs déguisés en amours tentent de rassurer Didon. (5) Anne vient annoncer à Didon le départ d’Énée. Didon veut voir une dernière fois Énée, et annonce que si elle ne peut le reteneir, elle mourra. (6) Survient Iarbe qui fait des reproches à Didon. celle-ci ne peut que le plaindre et lui demander de la laisser. (7) Didon est désespérée. (8) Barcé l’avertit qu’Énée l’attend au palais. Didon reprend espoir.

Acte IV

Un grand salon orné de figures représentant les victoires de l’Amour

(1) Énée explique qu’un ordre des dieux le contraint à partir pour l’Italie pour en faire un Empire puissant. Didodn lui rappelle ses serments. Énée finit par céder et annonce qu’il va rester. Didon commande une fête pour célébrer la victoire de l’amour. (2) Acate ne comprend pas la décision d’Énée, contraire aux ordres de Mercure. Énée tente de se justifier. (3) Didon a convié les Plaisirs et les Jeux à la fête avec le peuple des Carthaginois. Tous chantent l’amour. On entend le tonnerre, le ciel se couvre de nuages épais. Didon y voit un funeste présage et se retire avec sa cour. Mercure arrête Énée qui voulait la suivre. (4) Mercure lui rappelle l’ordre des dieux. (5) Désespéré, Énée voit tomber un déluge de feu sur le palais de Didon, et se résoud à obéir.

Acte V

Les jardins du palais de Didon. Au fond, la mer.

(1) Le soleil est revenu, mais Énée est absent, et Didon est inquiète. Barcé tente de la rassurer. (2) Mortellement inquiète, Didon chasse les Nymphes. (3) Anne confirme à Didon qu’Énée est monté sur un vaisseau. Didon court vers le rivage. Anne cherche à la raisonner. Didon lui demande de préparer un sacrifice pour tenter de retenir Énée. (4) Didon maudit Énée. Une tempête se lève. Didon tombe évanouie. (5) Apparaît l’Ombre de Sichée qui l’appelle à le rejoindre dans le tombeau. Didon se réveille, épouvantée. (6) Didon, seule, n’a plus qu’à mourir. Elle déchire la robe qu’Énée lui avait offerte, et se poignarde.

 

« Le jeune Henry Desmarest (1661-1741), compositeur de 32 ans, ancien page de la chapelle royale de Versailles, défraye la chronique lorsque sa tragédie-lyrique Didon est créée : il vient de révéler qu’il était le véritable auteur de la musique de Nicolas Goupillet, sous-maître de musique de la chapelle royale de Louis XIV. La supercherie ridiculise le monarque, sa musique et le concours qui avait permis en 1683 de renouveler les compositeurs officiels. Si le succès de l’opéra profita certainement du scandale, l’échec de la puissante cabale qui fut montée pour le retirer de la scène confirme que le public sut immédiatement apprécier la qualité de l’oeuvre. Ce qui permit à l’Académie Royale de Musique, bien orpheline depuis la mort de Lully et de Quinault, de repartir d’un nouvel élan.

L’oeuvre a une personnalité indéniable. Si elle s’inspire fortement du modèle d’Armide de Lully, elle s’en émancipe par un nouveau sens du drame et surtout par une écriture musicale qui doit beaucoup aux autres grands modèles du compositeur : Henry Du Mont et Marc-Antoine Charpentier. Les airs montrent un sens extrême de la conduite des voix ; beaucoup d’entre eux sont accompagnés par l’orchestre, devant plus au récitatif accompagné qu’aux airs à l’italienne. Ils mettent en valeur les moments les plus importants du drame : instant de vérité, drame intime, sentiment solitaire. L’orchestre, par ce biais, classe et hiérarchise les rôles : Didon et Iarbe sont les grands protagonistes de cette oeuvre. Didon ouvre et termine l’opéra, occupant tout l’espace du drame. La musique réserve à Iarbe des effets spéciaux, mystérieux, comme lorsqu’il chante son désespoir accompagné par quatre parties d’altos.

Madame de Saintonge, librettiste de l’oeuvre, possède un don rare : elle sait écrire pour la musique. Desmarest collaborera avec elle tout au long de sa vie. Elle utilise une langue fort élégante, dont la pièce tire une grande force. Elle s’éloigne de Virgile pour dépeindre Énée comme un homme : un prince hésitant qui, s’il est capable de créer Rome, souffre d’amour. Les pièces d’orchestre montrent une science du contrepoint et un goût subtil pour une tonalité teinte de formules modales. L’influence de Charpentier et sa manière directe acquise auprès des italiens pour dépeindre les passions et dramatiser le discours musical, la densité de l’écriture musicale, le mysticisme de ce jeune compositeur qui préfère les paysages sombres et l’angoisse, le désarroi, la tension permanente des gestes finiront de convaincre qu’il s’agit là d’un grand opéra. » (CMBV)

 

Livret : Tragédies lyriques, vol. 1 – Didon – Édition scientifique de Géraldine Gaudefroy-Demombynes et Jean Duron, préface de Michel Antoine – Collection « Monumentales » – Edition du CMBV – 2003

 Livret de Madame de Sainctonge d’après l’Enéide de Virgile, avec Brigitte Balleys (Didon), Marc Tucker (Enée), Valérie Gabail (Barcée), Serge Goubioud (Arcas), Jérôme Corréas, le choeur Les Eléments dirigé par Joël Suhubiette et l’Orchestre Les Talens Lyriques dirigé par Christophe Rousset. Adaptée du «Chant IV» de l’Enéide par la poétesse Madame de Sainctonge, cette tragédie lyrique est l’histoire des amours désespérées de Didon, veuve de Sichée, délaissée par Enée, et qui ne trouvera d’issue que dans la mort. Composé quatre ans après celle de Purcell et créée le 13 septembre 1693, la Didon d’Henry Desmarest (1661-1741) connut « un succès prodigieux» qui se prolongea trois mois durant. Deuxième opéra de Desmarest après Endymion, il est considérée comme l’une des oeuvres majeures de l’après Lully et se rapproche par son thème de la mort salvatrice du Médée de Charpentier. Ce n’est pas la séduction qui motive Desmarest car nous sommes en présence d’une nouvelle approche du genre visant la sincérité et l’efficacité de la musique qui s’inscrivent ici dans le monde merveilleux des peuples de Carthage. Cette création en première mondiale s’inscrit dans le cadre de la 17e édition du magnifique Festival International de Musique Baroque de Beaune. Les Grandes Journées organisées par le Cente de Musique baroque de Versailles qui auront lieu en octobre prochain seront consacrées à l’oeuvre d’Henry Desmarest ; Didon y sera également interprétée dans sa version de concert par Les Talens Lyriques. » (Mezzo)

 

Représentations :

Kiel – Schauspielhaus – 23 septembre, 6, 9, 11, 13, 26 octobre, 15 novembre, 2 décembre 2007, 18 mai, 5, 7 juin 2008 – seulement acte I – dir. Reinhard Goebel / Simon Rekers – mise en scène Thilo Reinhardt – décors Paul Zoller – costumes Paul Zoller, Bianca Deigner – chorégraphie Mario Schröder – chef de choeur David Maiwald – dramaturgie Joscha Schaback – avec avec Merja Mäkelä (Didon), Johannes An (Énée), Heike Wittlieb / Lesia Mackowycz (Anne)

 

Automne Musical du Château – Versailles – Opéra Royal – 9 octobre 1999 – Les Talens Lyriques – dir. Christophe Rousset – avec Brigitte Balleys (Didon), Valérie Gabail (la Magicienne, la Renommée) Mark Tucker (Énée), Serge Goubioud (Arcas, Mercure), Bertrand Chuberre (Faune, Ombre de Sichée), Jérôme Corréas (Jupiter, Mars, Iarbe), Salomé Haller (Anne, Vénus)

  « La tragédie lyrique Didon a été créée à l’Académie royale de musique en 1693, certes après la mort de Lully, mais dans une institution où l’omnipotence du Surintendant perdurait. Le cadre formel de Didon est lulliste, mais le propos et l’expression s’en éloignent no-tablement. Loin du ton héroique et manichéen de Quinault, le livret de Madame de Saintonge s’apparente à l’univers du roman l’auteur dresse le portrait intime d’une héroïne et tient les autres person-nages à l’arrière-plan. Si ce n’est pas dans les lieux communs de l’opéra lulliste que Desmarets est le plus à l’aise (il faut excepter la belle et longue chaconne qui clôt l’acte 1), là où il nous touche à tout coup constitue l’essentiel de cette partition la peinture des personnages et tout ce qui les meut. En ce sens, grâce à son ton point univoquément véhément, à son intelligence déclamatoire et à sn vaste palette d’expression vocale, Bn-gitte Balleys a agi en tragédienne racinienne et a campé une magnifique Didon. Avec le concours d’une distribution cohérente (avec ses points forts, le baryton Jérôme Corréas, la haute-contre Serge Goubioud et les sopranos Salomé HaIler et Valéne Gabail, et son maillon faible, le poussif ténor Mark Tucker en Enée) et du bon ensemble vocal Les Eléments, Christophe Rousset et ses denses Talens Lyriques ont exemplairement révélé une oeuvre plus lyrique que spectaculaire. » (Opéra International – décembre 1999)

 

Arsenal de Metz – Grandes journées Henry Desmarest – 6 octobre 1999 – Choeur Les Eléments – direction Joël Suhubiette – Les Talens Lyriques – dir. Christophe Rousset – avec Brigitte Balleys (Didon), Mark Tucker (Enée), Jérôme Corréas (Iarbe)

 

Festival International de Musique Baroque – Beaune – Cour des Hospsices – 10 juillet 1999 – version de concert – Les Talens Lyriques – dir. Christophe Rousset – avec Brigitte Balleys, Valérie Gabail, Mark Tucker, Serge Goubioud, Jérôme Corréas