Francesco CORSELLI

Francesco CORSELLI (ou Francisco COURCELLE)
19 avril 1705 (Plaisance) – 3 avril 1778 (Madrid)

ACHILLE IN SCIRO
représenté à Madrid, le 8 décembre 1744, à l’occasion des fiançailles de l’Infante Maria Teresa Antonia et du dauphin de France – Manuela Trombetta, dite la Trombettina, y débuta aux côtés de Maria de las Heras
ALEJANDRO EN LAS INDIAS
livret de Pietro Metastasio traduit en espagnol – représenté au Real Coliseo del Buen Retiro, à Madrid, le 9 mai 1738, à l’occasion du mariage de l’infant Charles, futur Charles III, avec Maria Amelia de Saxe – il fut repris quelques mois plus tard, après l’agrandissement du Coliseo
L’ASILO D’AMORE
serenata scenica – livret de Pietro Metastasio – représentée dans le Salon de Reinos y la Gaceta del Buen Retiro, à Madrid, le 8 avril 1750, à l’occasion du mariage de l’infante Maria Antonia, fille de Philippe V et d’Élisabeth Farnèse, avec le prince de Piémont Amédée III de Savoie, dans un décor somptueux préparé par Farinelli
LA CAUTELA EN LA AMISTAD Y EL ROBO DE LAS SABINAS
drame en deux actes – livret de Juan de Agramont y Toledo – représenté à l’été 1735 au teatro de los Caños del Peral, avec une distribution entièrement féminine
LA CLEMENCIA DE TITO
dramma per musica en trois actes – livret de J. de Luzán y Suelves d’après Pietro Metastasio – représenté au Real Coliseo de Buen Retiro, à Madrid, durant le carnaval 1747 – en collaboration avec Francesco Corradini (acte II) et Giovanni Battista Mele (acte III) – premier acte de Corselli
IL CUOCO O IL MARCHESE DEL BOSCO
FARNACE
LEA
festa teatrale – représenté à Madrid, au Teatro del Buon Retiro, le 25 août 1741
NINO
dramma per musica – livret d’Ippolito Zanelli et Vincenzo Cassani – représenté au teatro San Angelo de Venise, durant le carnaval 1732
POLIFEMO
opera drammatica – livret de Paolo Rolli – représentée à Madrid durant le carnaval 1748 – en collaboration (acte I) avec Francesco Corradini (acte II) et Giovanni Battista Mele (acte III)
ROMOLO
représenté à Madrid, au Teatro de los Canos del Peral, le 19 août 1735
LA VENERE PLACATA
dramma per musica – livret de Claudio Nicola Stampa – représenté au teatro San Samuele de Venise au printemps 1731, avec la castrat Carestini dans le rôle de Neptune

Francesco Courcelle (Corselli) naquit dans la ville de Plaisance (duch. de Parme) le 19 avril 1705 et mourut à Madrid le 3 avril 1778 ; ces deux dates encadrent une vie de compositeur particulièrement prolifique dans le domaine de la musique religieuse et très significative dans celui de la musique de théâtre. Italien de naissance, Français d’origine et naturalisé Espagnol, Corselli fait son apprentissage musical auprès de Geminiano Giacommelli, et ses premières réalisations artistiques ont lieu sous l’égide des Farnèse, qui l’emploient comme maître de la chapelle ducale et de l’élise de Santa Maria della Steccata, entre 1727 et 1732. De cette époque datent ses premières œuvres : les opéras La Venere placata (1731, Théâtre San Samuele de Venise) et l’année suivante Nino (1732, Théâtre Reggio), ainsi que différentes compositions de musique religieuse, comme la musique funèbre pour le duc Antonio Farnèse, et l’oratorio Santa Clotilde (1733, Parme), la dernière œuvre écrite par le compositeur en terres italiennes. L’itinéraire créatif de Corselli est déjà tracé avant de partir pour l’Espagne.

A cette époque, Madrid et sa cour sont considérés, dans le panorama européen, comme un lieu d’accueil pour les musiciens étrangers. Cette situation, tout autant que sa relation avec la noble famille italienne, incitent probablement Corselli à solliciter le roi et la reine Elisabeth Farnèse, seconde épouse de Philippe V, au sujet d’un emploi comme maître de musique et de clavecin des infants et des infantes ; la pétition est finalement agréée, et le musicien nommé pour remplir ces charges le 19 mars 1734. Corselli peut compter à tout moment sur le patriarche des Indes, selon lequel « … le musicien est un sujet vraiment expert, habile, et possédant diverses particularités que l’on ne trouve que très rarement, et ainsi l’ont reconnu de nombreux professeurs et autres personnalités intelligentes de cette cour ». Les habilités en question sont sans doute la bonne voix de ténor et l’art de toucher le clavecin et le violon, qualités célébrées plus tard par Barbieri.

Installé à Madrid, Corselli mène à bien deux activités simultanées : enseigner au palais, et composer de la musique pour le théâtre. Dans ce domaine, trois opéras très significatifs témoignent de sa haute maîtrise : La cautela en la amistad y robo de las sabinas (1735, Théâtre de Los Canos del Peral), dédié à l’infante Maria Teresa, Alessandro nell’Indie, sur un livret de Métastase (1738, Théâtre du Buen Retiro), composé pour célébrer les noces royales de l’infant Charles de Bourbon, futur Charles III, et Marie Amélie de Saxe, et Il Farnace (1739, Théâtre du Buen Retiro), sur un livret de Lucchini, interprété à l’occasion de l’union de l’infant Philippe de Bourbon et de la princesse Louise Elisabeth de France. Ces deux mariages royaux, de si haute importance, nous permettent de constater le formidable essor pris par Corselli en une si brève période, dans le panorama de la musique de cour.

Ces trois opéras constituent aussi une révélation pour le public espagnol, la possibilité d’entendre à Madrid une oeuvre appartenant au genre de l’opera seria qui triomphait en Europe, et interprété par des chanteurs aussi fameux que le castrat Caffarelli, les sopranos Vitoria Tesi et Anna Maria Peruzzi ou la basse Antonio Montagnana. Mais ce sont aussi les dernières œuvres importantes de notre compositeur dans le monde de la musique théâtrale, œuvres auxquelles nous pouvons encore en ajouter Achille in Sciro, sur un livret de Métastase, créée en 1744 au Théâtre du Buen Retiro pour célébrer les noces de Maria Teresa Antonia et du dauphin de France, et le premier acte de La Clemenza di Tito (1747) en collaboration avec Mele et Corradini.

À partir du mois de juin 1738, Corselli se concentre en priorité sur la composition de musiques d’église, en conséquence de sa nomination au poste de maître de la Chapelle Royale, deux mois après la mort du maître titulaire José de Torres et de celle du maître suppléant, l’Italien Felipe Falconi. La situation dans laquelle se trouve Corselli en arrivant au palais n’est pas très encourageante. L’incendie de la nuit de Noël de l’an 1734, avait en effet détruit l’ancien Alcazar ainsi que toutes les archives musicales ; tout comme les maîtres précédents, notre compositeur doit déployer une grande énergie afin de consolider des fonds de musique qui permettent de maintenir le culte divin avec la pompe qui correspond à la couronne. L’esprit innovateur de Corselli ne tarde pas à se faire sentir dans l’institution qu’il dirige. L’année suivant sa nomination, en 1739, Corselli propose une nouvelle organisation interne de la chapelle musicale, et dont la nouveauté consiste en l’incorporation de l’alto qui complète ainsi le quatuor à cordes et l’inclusion du fagot et des cors comme instruments fixes de l’orchestre. Ces incorporations procurent à la musique religieuse qui se jouait alors au palais une sonorité nouvelle, plus en accord avec le style européen.

Plus tard, en 1751 et sur les instances du marquis de la Ensenada, Corselli organise les archives de musique selon des critères modernes, en ordonnant la réalisation à intervalles réguliers des inventaires qui permettent le contrôle des œuvres acquises au fur et à mesure. Nous possédons des documents témoignant d’une proposition de Corselli pour que les archives acquièrent des musiques composées par les compositeurs les plus intéressants de l’époque, qu’ils soient Italiens ou Espagnols : Galuppi, Porpora, Alessandro et Domenico Scarlatti, Leo, Durante, Sammartini, Ambiela, Jos. de San Juan, Domingo Terradellas ou Francisco Valls. Malheureusement, cette pétition n’a pas été agréée, et la musique du palais continuait d’être constituée par les Ïoevres que composaient Jos. de Nebra et Corselli, et les partitions achetées aux familles des maîtres de chapelle précédents, Torres et Falconi.

De la plume de Corselli surgissent des œuvres dans tous les genres de musique religieuse : messes, antiennes, psaumes, litanies, hymnes, vêpres, villancicos, cantates ou lamentations comme celles que l’on peut écouter dans ce cd. En ce qui se réfère au timbre orchestral, Corselli crée une couleur nouvelle et une sonorité inconnue, obtenues à partir d’un traitement particulier des instruments à vent, hautbois et flûtes, à qui sont confiés des interventions solistes fréquentes, recours idiomatique assez rare dans la musique espagnole. Le contraste continuel des éléments dynamiques, du pianissimo au fortissimo, ainsi que les passages solistes virtuoses de la voix et des cordes dans le style du répertoire opéristique, définissent un style propre avec des apports esthétiques intéressants. (Glossa)