Partenope

COMPOSITEUR Leonardo VINCI
LIBRETTISTE Silvio Stampiglia

 

ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
2011 2012 Antonio Florio Dynamic 2 italien

DVD

ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR FICHE DÉTAILLÉE
2011 2013 Antonio Florio Dynamic

Dramma per musica en trois actes, sur un livret de Silvio Stampiglia, représenté au teatro S. Giovanni Grisostomo de Venise, durant le Carnaval de 1725.Silvio Stampiglia, établi à Naples de 1694 à 1704, s’inspira de la légende de Parthénope, rapportée par l’historien G. A. Summonte, pour écrire un livret pour une représentation au théâtre San Bartolomeo en 1699, qu’il dédia à la vice-reine la duchesse Marie de Medinaceli : Parthénope, fille d’Eumelo, roi de Thessalie, quitta l’île d’Eubée – aujourd’hui Négrepont – pour suivre l’augure d’une blanche colombe, et fit construire sur les bords de la mer Tyrrhénienne une cité qui fut d’abord appelée Parthénope, puis Naples.Il fut repris par Antonio Caldara en 1701, par Domenico Sarro à Naples en 1722, puis par Leonardo Vinci à Rome en 1724 (dont la partition autographe de Londres inclut des récitatifs de Sarro). Vinci fut chargé d’écrire un opéra pour le teatro San Giovanni Grisostomo de Venise en 1725, et reprit, sour le nom de Rosmira fedele, le livret de Stampiglia qui venait de mourir.Faustina Bordoni participa à la représentation de Venise.La représentation de Partenope au S. Giovanni Grisostomo marque l’arrivée de la vague napolitaine à Venise : sur trente-et-un opéras représentés dans ce théâtre entre 1725 et 1735, quinze émanaient de compositeurs napolitains. Le livret fut édité chez Marino Rossetti, in Merceria.

Personnages : Rosmira, princesse de Chypre, en habit arménien, sous le nom d’Eurimene ; Partenope, reine de Partenope maintenant Naples ; Arsace, prince de Corinthe ; Armindod, prince de Rhodes ; Emilio, prince de Cumes ; Ormonte, capitaine de la garde de Partenope.

Argument

Partenope, légendaire fondatrice et Reine de Naples, est courtisée par trois prétendants : Emilio, prince de Cumes qu’elle vainc et fait prisonnier ; Arsace, prince corinthien qui a sa préférence mais qui est déjà fiancé à Rosmira, princesse de Chypre, qui se déguisera en prince arménien pour le défier et le reconquérir ; et Armindo, prince de Rhodes, qui finalement sortira vainqueur de ce combat galant.

Synopsis

Acte I

Eurimene, Arménien naufragé, demande assistance à Partenope. Ormonte, le capitaine des gardes, arrive à son tour pour annoncer l’invasion du pays par le prince de Cumes, Emilio ; Partenope propose une entrevue à l’envahisseur. Pendant ce temps, Armindo avoue à Eurimene son amour secret pour la reine et lui confie que Partenope et Arsace s’aiment d’un amour partagé. Arsace, quant à lui, ne tarde pas à découvrir qu’Eurimene et Rosmira, sa fiancée abandonnée, ne sont qu’une seule et même personne. Mais la jeune fille exige de lui qu’il garde le secret sur sa véritable identité. Arsace, repentant, est prêt à revenir à elle, mais Partenope lui déclare à nouveau sa flamme et il en oublie encore son ancienne fiancée. Arrivant à l’improviste, celle-ci surprend leurs déclarations enfiévrées et cache sa détresse en feignant à son tour une passion pour Partenope. Sur ces entrefaites, Emilio arrive pour les négociations et déclare d’emblée qu’il n’accepte la paix qu’en échange de son mariage avec Partenope. La reine refuse cet indigne marchandage et prend le commandement des armées.

Intermède I

Beltramme, un des faux Arméniens serviteurs d’Eurimene, rencontre la servante Eurilla, qu’il aime. Mais, déguisée en guerrier, l’épée à la main, elle le terrorise en le défiant en duel. Après ce mauvais tour, Beltramme déclare qu’il la veut pour épouse, mais il n’est récompensé que par une ironie mordante et des réponses contradictoires.

Acte II

La bataille fait rage. Partenope est sauvée de la mort par Armindo. Arsace arrache Eurimene des mains d’Emilio qu’il fait prisonnier. L’armée de Partenope est victorieuse. Lors du triomphe, Eurimene revendique effrontément la capture d’Emilio. À la grande stupeur de Partenope, Arsace reste silencieux devant une telle provocation. La reine fait arrêter Eurimene et réaffirme avec ferveur son amour pour Arsace. Emilio et Armindo jugent l’attitude d’Arsace totalement lâche et le critiquent ouvertement devant Rosmira. Mais ils sont tout déconcertés quand celle-ci se déclare prête à le défendre s’ils continuent. Arsace se rend auprès de Partenope pour obtenir la remise en liberté d’Eurimène. La reine la lui accorde, mais bannit de sa vue le faux prince. Peu après, Armindo avoue à la reine le feu secret dont il brûle pour elle, mais en vain. De son côté Eurimene demande à Armindo de lui obtenir une entrevue avec Partenope. Arsace retrouve Rosmira et lui jure son amour. Celle-ci le repousse et l’abandonne à ses tourments.

Intermède II

Beltramme demande de nouveau à Eurilla de l’aimer et de partir avec lui pour l’Arménie, ce à quoi elle répond par des phrases contradictoires et incohérentes, au point d’être comparée à la chauve-souris qui va de haut en bas dans une aria qui parodie l’aria du rossignol de l’opera seria. Après un dernier déni, les deux serviteurs montrent dans le duo final qu’ils sont dévorés par la chaleur d’une passion réciproque.

Acte III

Partenope accepte de recevoir Eurimene. Arsace est en plein désarroi ; ni Partenope, ni Armindo, ni Emilio ne comprennent son attitude. Eurimene veut révéler un secret à Partenope, mais elle pose comme condition que la reine oblige Arsace à accepter le défi qu’il lui lance au nom de la princesse de Chypre Rosmira. Eurimene révèle alors que la princesse fut jadis fiancée à Arsace et abandonnée par l’infidèle. Scandalisée, Partenope rejette aussitôt Arsace pour Armindo et autorise un duel entre Eurimene et Arsace.

Intermède III

Eurilla avoue avoir été peu à peu conquise par les peines d’amour de Beltramme. Ils s’embrassent et la chaleur de leur passion les consume dans le tendre duo final qui met fin à toutes les souffrances.

Scène finale

Arsace propose à son adversaire un combat torse nu. Acculé par cette ruse d’Arsace, Eurimene est obligé de révéler sa véritable identité à Partenope. D’Eurimene elle est redevenue Rosmira. Dans la liesse générale, la reine unit Rosmira à Arsace, demande à Armindo d’être son époux et libère Emilio, le roi de Cumes, en lui offrant son amitié.

(Cité de la Musique)

« En 1699 fut représenté sur la scène napolitaine le premier opéra consacré au mythe musical de la fondation de Parthénope, devenu par la suite Palepolis, avant de prendre le nom de « Ville nouvelle », Neapolis. À cent ans exactement de la fondation de l’opéra à Florence, de nombreux mythes, héros et héroïnes, humains ou divins, furent mis en musique, mais aucun titre d’opéra ne pouvait s’identifier à ce point au symbole musical d’une ville. Durant les deux siècles de la domination espagnole, Parthénope était pour les Napolitains la sirène au corps d’oiseau qui, vaincue par Orphée, puis par Ulysse, se laissa mourir en mer Tyrrhénienne. Sur son corps échoué à Pausillipe, fut construite la ville qui porte son nom. Sur la côte napolitaine en effet, de nombreux temples furent érigés à partir du Ve siècle av. J.-C., attestant le culte de la sirène Parthénope, représentée sous la forme d’une enchanteresse ailée dans de nombreuses pièces archéologiques et décrite systématiquement par les premiers historiens de Naples comme fondatrice de la ville. Un second personnage mythique vient se superposer au premier : Parthénope, vierge grecque, fille du Roi de Thessalie, serait parvenue sur la côte de Pausillipe à la tête d’une colonie grecque par la volonté des Dieux et aurait fondé la ville qui porte son nom, après avoir combattu leurs ennemis de Cumes et imposé le culte de la virginité typique du monde italogrec : en grec, « parthénope » signifie précisément vierge. Cette étymologie justifie la superposition ultérieure du culte de la Vierge Marie sur les sanctuaires païens de Parthénope (reine ou sirène). (…)Le mythe de la fondation de Naples fut plutôt délaissé pendant le Moyen Âge, mais trouva une nouvelle vigueur à l’époque de la domination espagnole, après 1503. Ayant perdu son rang de capitale du royaume d’Aragon, Naples devait trouver un symbole qui perpétuât son orgueil de cité blessée par la nouvelle situation politique. (…) L’historien G. C. Capuccio publia en 1592 L’Emblème de la Cité de Naples représenté par le corps d’une sirène-oiseau, dont les seins nus font jaillir du lait (symbole de l’inspiration artistique) sur un instrument à cordes à ses pieds (symbole de l’harmonie politique de la ville) et éteignent en même temps l’incendie provoqué par le Vésuve. C’est donc la fille du Roi de Thessalie qui est au centre de la Partenope, représentée au théâtre de San Bartolomeo en 1699. Dans sa dédicace à la vice-reine la duchesse Marie de Medinaceli, le librettiste Stampiglia déclare soumettre « aux yeux de cette noble Cité l’ombre de sa Royale Fondatrice » (…). Stampiglia, qui appartient à l’Académie de l’Arcadie, fut une personnalité de premier plan dans la production de livrets d’opéra à cheval entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. II fut le prédécesseur direct de Zeno et de Métastase, qui portèrent ensuite l’art de l’écriture de livrets d’opéras à son point culminant. Il partagea d’ailleurs avec Métastase le titre de « Poeta Cesareo », poète de la Cour impériale. Entre 1694 et 1704, Stampiglia, qui était originaire de Rome, s’établit à Naples, fournissant des dizaines de livrets aux compositeurs pour le théâtre de San Bartolomeo. Dans l’Argument, l’auteur précise qu’il s’est inspiré d’un des plus importants historiens napolitains de la Renaissance, G. A. Summonte : « Parthénope fut la fille d’Eumelo, roi de Thessalie. Elle quitta l’île d’Eubée – aujourd’hui Négrepont – pour suivre l’augure d’une blanche colombe, et fit construire sur les bords de la mer Tyrrhénienne une cité qui fut d’abord appelée Parthénope, puis Naples. Tu trouveras ceci dans le chapitre II du Premier Livre de L’Histoire de la Ville et du Royaume de Naples de G. A. Summonte. Le reste n’est que fiction ». Dans le livret de Stampiglia, certains faits historiques – l’opposition entre Palepolis et Cumes, le culte de Parthénope – sont habilement mêlés aux composantes principales du dramma per musica sérieux de la fin du XVIIe siècle : amours, duels, batailles, travestissements et vision morale. La dédicace à la vice-reine n’est qu’un prétexte lié au mécénat : le vrai destinataire de l’oeuvre est la ville de Naples tout entière à laquelle le poète rend le plus captivant des hommages, en exaltant le mythe de sa fondation. (…)Dans sa remarquable étude, The Travels of Partenope, Robert Freeman se réfère à deux partitions manuscrites, l’une de Sarro (Vienne), l’autre de Vinci (autographe de Londres), qu’il rattache respectivement aux deux productions de Naples en 1722 et Rome en 1724. Freeman ne connaissait pas la représentation vénitienne de la Partenope de Vinci qui eut lieu en 1725, probablement parce que le titre fut changé en Rosmira fedele, et ceci l’amène à considérer la représentation de Rome comme étant une sorte d’arrangement de l’opéra de Sarro de 1722 de la part de Vinci. (…)Il est possible qu’il y ait eu entre Sarro et Vinci une collaboration artistique dès les débuts du musicien calabrais sur les scènes de Naples. En 1724, Sarro mit en musique le premier mélodrame de Métastase, destiné à une fortune exceptionnelle, Didone abbandonata, et Vinci en tira deux ans plus tard sa propre version considérée comme l’un des chefs-d’oeuvre du siècle. Mis à part Didone, Vinci fut le premier à mettre en musique les premiers grands succès de Métastase : Alessandro nelle Indie, Catone in Utica, Siroe et Artaserse. Après la mort du compositeur calabrais, le nouveau collaborateur privilégié de Métastase devint Hasse, qui avait à son tour étudié à Naples et qui avait épousé Faustina Bordoni, protagoniste de la Partenope de Sarro de 1722 et de nombreux autres opéras métastasiens.L’année 1725 marqua à plus d’un titre l’histoire de l’opéra par une incroyable convergence d’événements : en janvier meurt Silvio Stampiglia, et la nouvelle eut un écho retentissant, supérieur à ce qu’on pourrait attendre d’un poète aujourd’hui bien sous-estimé. Quelques temps après, Leonardo Vinci eut la charge de composer le premier opéra de la saison de carnaval à Venise, et il s’agissait du premier compositeur « napolitain » choisi pour un tel honneur. L’oeuvre choisie fut Ifigenia in Tauride, un livret vénitien écrit par le noble poète Benedetto Pasqualigo et dédié à un jeune membre de la famille Grimani. Tandis que Vinci se trouvait déjà à Venise, il fut chargé de composer également le troisième opéra de la saison (le deuxième fut Berenice de Orlandini), et cette fois ce fut Partenope, sans doute un hommage à son auteur Stampiglia qui venait de disparaître. Pourquoi alors le titre en fut-il changé en Rosmira ? Au fond, le public avait déjà connu et apprécié le vieux livret original dans la version de Caldara de 1708. Sans doute le dédicataire du livret de 1725, lié à l’aristocratie napolitaine, joua-t-il un rôle à ce sujet. Enfin, en octobre 1725, Alessandro Scarlatti meurt à Naples et Sarro, et surtout Vinci, deviennent les plus importants compositeurs d’opéra en Italie. La partition autographe de Londres de la Partenope de Vinci a sans doute réutilisé une grande partie des récitatifs de l’original de Sarro, ainsi que les choeurs et l’ouverture de l’acte II, tandis que les arias ont été totalement réécrites, et sont de bien meilleure qualité. La symphonie d’ouverture de la Partenope est sans aucun doute de Vinci, puisque celui-ci la réemploya pour son oratorio Maria addolorata, avec quelques rares mais significatives variantes. Si l’on considère que Faustina Bordoni faisait partie de la distribution aussi bien de la première napolitaine de la Partenope de Sarro de 1722 que de la Rosmira de Venise de 1725, et même de la Partenope londonienne de Haendel de 1730, nous ne pouvons pas ne pas voir en elle un lien intéressant entre les trois opéras. En réalité, il y a des changements importants entre les deux partitions de Sarro et de Vinci, par rapport aux tessitures employées, sans parler des différentes orientations stylistiques. Si Vinci reçut la commande de son opéra alors qu’il se trouvait déjà à Venise, il dut composer ou adapter la musique de Rosmira à la distribution déjà disponible sur place. En effet, les chanteurs sont les mêmes que pour les deux précédents opéras de la saison vénitienne. Ainsi, l’organisation vocale de la Partenope de Naples (1722) fut complètement bouleversée (et ce sera encore le cas pour la version londonienne de Haendel). Comme l’a démontré R. Strohm, le succès de Vinci à Venise fut tel que sa carrière internationale fut lancée, permettant pour la première fois la diffusion européenne d’un produit théâtral méridional (mis à part le cas particulier de Scarlatti), au point que l’illustre critique s’est demandé : « peut-être que l’histoire de la musique se serait développée différemment si Sarro [au lieu de Vinci] avait été choisi en 1725, mais même un succès [de Sarro] n’aurait en fin de compte pas changé le fait que des compositeurs comme Hasse ou Pergolèse auraient peu de temps après suivi le style de Vinci, et non celui de Sarro ».On sait que Haendel, le plus grand compositeur d’opéras de la première moitié du XVIIIe siècle, était toujours à l’affût de nouveautés et d’idées musicales qu’il recyclait dans son immense production, au point que ses « emprunts », qui apparaissaient tout à fait naturels en son temps, pourraient aujourd’hui être considérés comme des plagiats évidents. Venise étant le centre privilégié de l’opéra italien, Haendel avait ses fidèles informateurs qui lui envoyaient des comptes-rendus détaillés sur les nouveautés théâtrales de chaque saison, accompagnés d’une bonne anthologie musicale réunissant les plus grands succès de l’opéra. En 1725, un de ses informateurs à Venise, Owen Swiney, prit soin d’envoyer à Londres les plus beaux airs des trois opéras représentés durant le carnaval. Ceux des deux opéras de Vinci attirèrent immédiatement l’oeil expert du grand Saxon. Quelques mois après, Haendel fut déjà en mesure de monter à Londres un « pasticcio » en réarrangeant les airs qu’on lui avait envoyés et en composant le reste de la musique sous le titre de Elpidia (tiré de I Rivali generosi sur un livret d’Apostolo Zeno) : trois airs seulement étaient du compositeur Orlandini, tandis que Haendel réutilisa quatorze airs des deux opéras de Vinci, surtout de Partenope/Rosmira fedele. Ce fut le début d’une réhabilitation systématique de la production de Vinci de la part du géant allemand, qui montra sa préférence absolue pour le musicien calabrais en transformant en « pasticci » presque tous les opéras successifs que Vinci composa jusqu’à sa mort précoce survenue en 1730. Une nouvelle coïncidence se produisit précisément cette année-là, durant laquelle Haendel, comme s’il présageait un hommage à son collègue, composa sa propre Partenope, l’année même de la disparition de Vinci. Mais cette fois, aucune note du compositeur italien ne fut réemployée.On peut voir un hommage tout aussi significatif dans la Rosmira (l’adjectif « fedele » n’apparaît pas dans la partition) représentée à Venise en 1738, une des dernières créations de Vivaldi, musicien dont le style s’entrecroise souvent avec celui des airs de Vinci, dans une série de citations réciproques. (…) À son tour, l’opéra de Vivaldi fut joué plusieurs fois en Allemagne, tandis que le livret – Rosmira fedele – fut encore mis en musique à Milan par Pietro Pellegrini, à Venise par Gioacchino Cocchi en 1753 et à Londres par Felice Giardini en 1757. Quant à la Partenope de Sarro, elle continuait sa carrière et ses métamorphoses (reprise à Pesaro en 1729, à Rome en 1734). (…) Plus tard, Métastase écrivit une « festa teatrale » Partenope, mise en musique par l’époux de la grande Bordoni, Johann Adolph Hasse, en 1767, pour célébrer le mariage du roi Ferdinand IV avec Marie-Josèphe d’Autriche. Ce spectacle connut un énorme succès dans toute l’Italie et en Europe, et fut transformé en « pasticcio » avec des éléments repris du livret de Stampiglia.Une des caractéristiques – déjà présente dans la partition de Sarro en 1722 – par rapport aux précédentes versions est la position des personnages comiques, qui dans le livret original de Stampiglia faisaient partie intégrante de l’intrigue principale : dans le livret de 1699, Beltramme est le serviteur de Rosmira (Arménien supposé, mais Napolitain authentique dans le caractère) qui courtise de façon improbable la vieille nourrice de Partenope, Anfrisa, interprétée par un acteur-chanteur masculin, selon une tradition qui remonte au Couronnement de Poppée de Monteverdi. Pour l’édition napolitaine de 1722, les personnages comiques ont quitté l’intrigue principale et ont été relégués dans trois « intermezzi » placés entre les actes et à la fin de la scène finale. Les protagonistes sont encore le faux Arménien Beltramme (personnage tiré de la Commedia dell’arte) et la servante de Partenope Eurilla (interprétés au San Bartolomeo par un couple de stars de la comédie bouffe napolitaine, Gioacchino Corrado et Santa Marchesini), qui commentent de façon parodique les événements relatés dans le drame sérieux. Eurilla se déguise en guerrière, en menaçant son fiancé, puis le rend complètement fou par ses changements constants d’opinion ; à la fin elle s’habille en Arménienne et consent à l’épouser. Quant à Beltramme, ce n’est pas par des armes de séduction qu’il conquiert sa promise, mais par le secret de la préparation d’un bon café qui l’a rendu roi dans son pays. La parodie d’un air de rossignol dans l’opera seria est magistralement menée à travers la comparaison avec une chauve-souris, tandis que le poète ne perd aucune occasion d’ironiser sur le monde théâtral de son temps, et sur la stupidité des critiques qui croient pouvoir influer sur la structure des drames modernes. Dans le médiocre panorama que nous offrent les intermèdes comiques napolitains ayant survécu – y compris ceux de Pergolèse considérés comme les modèles du genre – ces intermèdes de Sarro brillent par leur qualité musicale. À la lumière de ce que nous avons pu écrire sur la possible collaboration entre Sarro et Vinci pour la reprise de la Partenope à Rome en 1724, nous avons jugé intéressant, avec le chef Antonio Florio, de réinsérer les intermèdes comiques de Sarro dans l’opéra de Vinci, et de garder en même temps le titre de l’autographe londonien, plutôt que celui de la version vénitienne (Rosmira), qui risquait d’effacer le caractère d’auto-célébration de Partenope. De la sorte, la présence de la musique de Sarro dans la partition finale pour Venise est une manière, à travers notre production, de lui rendre un nouvel hommage. Certes, nous ne pouvons considérer cette reprise moderne de la Partenope de Vinci comme une reconstitution « philologique » de la représentation vénitienne de 1725. Ce n’est pas notre intention et nous ne croyons pas que ce soit une méthode réaliste pour faire revivre l’opéra du passé. Nous voudrions que, comme le public européen de l’époque, le public moderne de la musique ancienne ait la possibilité pour la première fois de redécouvrir un des plus grands compositeurs de l’histoire de la musique européenne à travers une partition riche en séductions mélodiques et harmoniques, en tous points digne des charmes d’une sirène méditerranéenne. » (Cité de la Musique)

Livret

Représentations :

Séville – Teatro de la Maestranza – 3 février 2010 – Jerez – Teatro Villamarta – 16 avril 2010 – Murcie – Auditorio y centro de Congresos Victor Villegas – 1er mai 2011 – Capella della Pieta de Turchini – dir. Antonio Florio – mise en scène Gustavo Tambascio – décors Ricardo Sánchez Cuerda – costumes Jesús Ruiz – lumières Rafael Mojas – chorégraphie Yolanda Granado – avec Sonia Prina (Partenope), Maria Grazia Schiavo (Rosmira), Maria Ercolano (Arsace), Eufemia Tufano (Emilio), Stefano Ferrari (Armindo), Charles Dosantos (Ormonte), Pino de Vittorio (Eurilla), Borja Quiza (Beltramme)

Naples – Teatro San Carlo – Festival de Théâtre de Naples – 27 juin 2009 – Capella de’Turchini – dir. Antonio Florio – mise en scène Gustavo Tambascio – coproduction Napoli Teatro Festival Italia, INAEM – Istituto Nacional de las Artés Escénica y de la Musica, Centro di Musica Antica Pietà de’ Turchini

Cité de la Musique – 26 février 2006 – version de concert – avec intermèdes comiques de Domenico Sarro – La Cappella de’Turchini – dir. Antonio Florio – avec Sonia Prina, contralto (Partenope), Maria Ercolano, soprano (Arsace), Maria Grazia Schiavo, soprano (Rosmira), Lucia Cirillo, mezzo-soprano (Emilio), Makoto Sakurada, ténor (Armindo), Rosario Totaro, ténor (Ormonte), Giuseppe Naviglio, baryton basse (Beltramme), Giuseppe de Vittorio, ténor (Eurilla)

« Flattée par la tessiture courte et les accents belliqueux de Partenope, Sonia Prina ne fait qu’une bouchée de la vierge guerrière, malgré une justesse approximative et les gargarismes qui lui tiennent lieu de vocalises. Sans se départir de ses accents de soubrette, Maria Grazio Schiavo anime sa rivale Rosmira avec style et musicalité, la voix trémulante et la tessiture hybride de Maria Ercolano apportant une fragilité bienvenue au malheureux Arsace. » (Altamusica)

Festival International de Beaune – 10 juillet 2004 – Cappella de’ Turchini – dir. Antonio Florio – coproduction Opéra San Carlo de Naples – version de concert – avec Sonia Prina, contralto (Partenope), Maria Ercolano, soprano (Arsace), Lucia Cirillo, alto (Emilio), Masaka Sakurada, ténor (Armindo), Rosario Totaro, ténor (Ormonte), Maria Grazia Schiavo, soprano (Rosmira)

 

Opéra International – septembre 2004

« Cette oeuvre de Leonardo Vinci, créée à Venise en 1725, a été brillamment défendue par l’orchestre de la Cappella de’ Turchini et son chef Antonio Florio, qui disposait d’un plateau de jeunes chanteurs où ont surtout brillé Sonia Prina dans le rôle-titre et le timbre généreux de Maria Ercolano en Arsace. Pour une tessiture de castrat, cette dernière dispose d’une voix phénoménale, embrassant les aigus d’un soprano et les notes basses d’un alto. Plus problématique est la partition. Auteur de sympathiques intermèdes bouffes, Vinci est de ces artistes qui ont assez d’idées pour en fournir à de plus talentueux qu’eux mais restent trop timorés pour les développer vraiment. Après une ouverture à la grâce très vivaldienne et quelques airs de bravoure stagnant désespérément dans des tonalités majeures (jalousie, joie ou mélancolie, même combat), il faut attendre le milieu du dernier acte pour connaître enfin quelques minutes dramatiques après d’interminables récitatifs. Haendel, grand admirateur de Vinci, a utilisé ce même livret de Silvio Stampiglia à Londres en 1730. La comparaison avec l’art du Caro Sassone est donc inévitable. Si cet enchaînement parodique de quiproquos fumeux et de déguisements improbables, prêtant au double sens comme aux vapeurs sentimentales, a inspiré à Haendel toute la gamme des sentiments en musique, il ne provoque chez Vinci que les platitudes d’une musique galante pour salles mondaines. Ce (long) concert était entrecoupé d’intermèdes comiques de Domenico Sarro menés par Giuseppe Naviglio et un Giuseppe De Vittorio à qui ne manquait plus qu’une perruque pour incarner un Vincent McDoom napolitain. »

Diapason – septembre 2004

« Et vogue vers le seria ! L’an passé en ces mêmes lieux, la Statira de Cava]li laissait Olivier Rouvière dubitatif quant à la capacité d’Antonio Florio à se démarquer des qualités qui ont fait le succès de sa Cappella de’Turchini dans un répertoire où la fibre populaire est plus sensible : troupe vocale unie comme les doigts de la main, gouaille poids plume des instrumentistes. Cette Partenope témoigne d’une évolution à la fois prometteuse et déroutante. Voulant rendre un égal hommage aux deux Napolitalns Sarro et Vinci, Florio a cousu les intermèdes comiques du premier pour son ouvrage éponyme (1722) aux actes sérieux du second donnés en 1725 à Venise sous le titre Rosmira fedele. Résister au génie du verbe et de la mimique d’un Pino de Vittorio, le Cuénod de la comédie napolitaine, est un pari perdu d’avance. Un léger malaise s’immisce toutefois : tant d’apprêts s’accordent mal au détachement presque excessif de Giuseppe Naviglio et de l’orchestre. Comme si toute l’énergie devait tendre vers le drame, où la Cappella dévoile d’insoupçonnées ressources de sostenuto sans sacrifier la vigueur de l’articulation, et vers une densité de pâte que peu d’orchestres italiens affichent aujourd’hui. L’élégante vitalité, la variété des fureurs et des passions de Vinci y trouvent leur compte. Librettiste, compositeur, et chef partagent sans doute la responsabilité de ce que jamais, sous cette royale effervescence, ne s’ouvre l’abîme du vrai tragique. On répugne à incriminer les chanteurs, tant l’esprit d’équipe, vertu rare, s’y incarne en des visages certes jeunes, mais aux traits bien affirmés. Dans le rôle-titre, corseté de morale victorienne plutôt que vésuvienne, Sonia Prima ose la sensualité d’un alto pourpre et un tempérament qui appelle des emplois mieux contrastés. Maria Grazia Schiavo irritera les contempteurs de voix légère, mais son aisance ondoyante ne tardera pas à les amadouer. L’identité déclarée de soprano de Maria Ercolano apparaît de plus en plus suspecte, mais la tension de l’aigu apporte un supplément d’âme à cette incarnation assise sur un médium rond et doux, délivrée avec une virtuosité sobre, des attentions délicates à la dynamique et au phrasé, une diction vibrante. Que trois heures de spectacle passent ainsi en un coup d’aile est de toute manière une bonne indication du succès de l’entreprise. »