CD Vénus et Adonis

VÉNUS ET ADONIS

COMPOSITEUR

Henry DESMAREST

LIBRETTISTE

Jean-Baptiste Rousseau

 

ORCHESTRE

Les Talens Lyriques

CHOEUR Choeur de l’Opéra National de Lorraine (chef de choeur Merion Powell)
DIRECTION Christophe Rousset

Vénus Karine Deshayes mezzo-soprano
Adonis Sébastien Droy ténor
Cidippe Anna-Maria Panzarella soprano
Mars Henk Neven baryton
Bellone Ingrid Perruche soprano
La Jalousie, un Habitant Jean Teitgen basse
Suivant de Mars, un Habitant, un Plaisir Anders J. Dahlin haute-contre
Une Habitante de Chypre Laure Baert soprano
Une Habitante de Chypre, une Ntmphe Yu Ree Jang soprano

DATE D’ENREGISTREMENT avril/mai 2006
LIEU D’ENREGISTREMENT Nancy – Opéra National de Lorraine
ENREGISTREMENT EN CONCERT oui

EDITEUR Ambroisie
DISTRIBUTION Naïve
DATE DE PRODUCTION 2 mai 2007
NOMBRE DE DISQUES 2
CATEGORIE DDD

Édition scientifique réalisée par Jean Duron, éditée par le Centre de musique baroque de Versailles

 

Critique de cet enregistrement dans :

 Diapason – septembre 2007 – appréciation Diapason Découverte – technique 6,5 / 10

« Tragédie lyrique? Plutôt tragédie «atmosphérique». Desmarest et son librettiste (Jean-Baptiste Rousseau) n’ont pas choisi par hasard le bref récit d’Ovide, sujet pastoral et sensuel bien-aimé des peintres et des poètes, mais argument trop léger pour un édifice en cinq actes. Rousseau y glisse deux jaloux pour nourrir les péripéties nécessaires, Mars l’impétueux, l’officiel de Vénus, et la malheureuse Cidippe, éprise elle aussi du plus beau des mortels. Desnarest peut dès lors raffiner à l’envi, mettre en musique toutes les nuances de sa passion pour la jeune Marguerite de Saint Gobert (celle-là même qui lui vaudra l’exil) : premiers émois de l’adolescent, félicité sereine (la sarabande chantée du III, Vénusberg avant l’heure), épreuves de la séparation, simple désir de la déesse puis tendresse éperdue.

Le joyau de ces variations amoureuses vient au début du IV, quand Vénus annonce à l’adolescent qu’elle doit rentrer quelques jours à Paphos : dialogue ext passacaille, elle experte, «l’amour s’éteint par les plaisirs et se ranime parles peines», lui accablé mais débrouillard « Ah ! Quand on aime comme moy,/ Plus on se voit heureux et plus on est fidèle ». Camaïeux sur basse obstinée, sortie de Vénus, et nouvelle passacaille pour le seul Adonis, sublime. Le dernier acte concentre toute la tragédie proprement dite. Vénus, de retour à Chypre, apprend la mort d’Adonis sous les coups du monstre envoyé par Mars, et Cidippe se tue aux pieds de sa rivale « trop contente de voir la fin de mes malheurs/ Tandis que le rang d’immortelle/ Te condamne à souffrir une peine éternelle ». Echo du spectacle donné à l’Opéra de Nancy (l’album nous épargne Ryland Angel remplacé par Anders Dalhin, délicieux) mais ne nous rend pas le prologue, sacrifié sur l’autel de la « dramaturgie ». Christophe Rousset fait ce qu’il peut avec le choeur maison, qui noie sous le vibrato le gracieux « Adonis a dompté » du V et la déploration finale, souvenir majestueux de celle d’Atys. Les Talens Lyriques manquent d’étoffe dans l’acoustique sèche de l’Opéra de Nancy, le geste pourrait sans peine être plus contrasté, plus attendri dans le divertissement du I, plus puissant dans les élans guerriers du IV (curieuse Bellone !), mais l’élégance sans manière de l’ensemble, l’évidence du trait dans la grande passacaille pour orchestre du V et le talent des protagonistes emportent la mise, Karine Deshayes et Sébastien Droy juvéniles et sexy, Henk Neven crédible en Mars ‘ quelques efforts sur le français, ce sera parfait’, Anna-Maria Panzarella un peu moins impressionnante qu’en scène, mais aussi touchante. Saluons-les tous, qui font les premiers revivre au disque le théâtre de Desmarest. »

Classica – septembre 2007 – appréciation 7 / 10

« Très servies par la littérature et la peinture du XVIe siècle français, les amours deVénus etAdonis font curieusement l’objet d’un moindre traitement dans le répertoire musical, à l’exception d’une Mort d’Adonis composée par Boesset ‘ ou, côté anglais, d’un Vénus et Adonis dû à John Blow. Souci de combler cette lacune, d’exalter en musique une expérience amoureuse personnelle ou de tirer profiter d’une intrigue éminemment théâtrale et riche en possibilités expressives ? Henry Desmarets fit représenter cette tragédie lyrique on 1697… peu après son bannissement pour avoir enlevé l’une de ses élèves dont il s’était épris’et à laquelle sont sans doute destinés les airs de Vénus. Un succès qui dépassa d’ailleurs les frontières et perdura même durant le XVIe siècle.

L’enregistrement qu’en propose Christophe Rousset suscitait donc les plus grandes attentes… que le résultat, enregistré en « live » (et d’ailleurs dans une étonnante pureté sonore) à l’Opéra national de Lorraine ne comble hélas qu’à moitié. Point ici de ce grand moment musical que constitua la rencontre de Rousset et Véronique Gens dans des partitions similaires. Jean Duron a beau détailler et louer dans son livret les raffinements de l’oeuvre, Rousset, sans finesse particulière à la tête de ses par ailleurs très beaux Talens lyriques, nous entraîne dans une énième production baroque dont il ne s’efforce pas de singulariser le charme. Quel dommage : l’orchestre, aux timbres délicats et colorés, est ferme, équilibré, réactif (Ouverture), capable de mystères (émouvant « Lieux écartés » du premier acte). Karine Deshayes, somptueuse Vénus au timbre poudré et lumineux, investit son rôle avec une versatilité, une séduction et une émotion à toute épreuve (signalons peut-être le sommet du disque le duo « Aimons à jamais » de l’acte II) qui transfigurent cette production globalement terne.

Car autour d’elle, les solistes n’avéreront malheureusement pas de véritable caractère. A côté d’une Anna Maria Panzarella un peu pâle, l’Adonis de Sébastien Droy est techniquement court quand il n’est pas débordé par l’ampleur de Deshayes ‘ ou simplement dépassé par la tâche (début de l’acte IV, où le dessert de surcroît la prise de son). Il semble plus attaché à imiter maladroitement un Fouchécourt qu’à imposer un style personnel. Appliqué, presque précieux, souvent à bout de souffle, Droy ne dote pas son personnage de l’innocence sensuelle que lui confère pourtant Desmarets. Est-ce là vraiment les accents d’un homme passionné ? Autre faiblesse récurrente de ces productions. les seconds rôles, indigents (signalons les sopranos criardes, «Habitantes de Chypre» de l’acte 1), le tout emmené par une battue globalement alerte, rarement encline à la suspension, dont le regrettable mécanisme culmine au cours du second disque ‘ par hâte d’en finir?

L’ensemble n’est pourtant pas sans certaines séductions. Regrettons juste ces lieux communs (ténors maniérés et manie de la vitesse en tête) qui semblent avoir désormais installé ce répertoire dans un confort que ses redécouvreurs prétendaient justement bousculer… Que sont devenues les fulgurances, même contestables, d’un Minkowski ou d’un Christie à leurs débuts ? »