CD La Vénitienne

COMPOSITEUR Antoine DAUVERGNE
LIBRETTISTE Antoine Houdar de La Motte

 

ORCHESTRE Les Agréments
CHOEUR Choeur de Chambre de Namur
DIRECTION Guy van Waas

 

Léonore Katia Velletaz soprano
Spinette Kareen Durand soprano
Octave Mathias Vidal ténor
Isabelle Chantal Santon soprano
Isménide Isabelle Cals soprano
Zerbin Alain Buet basse

 

DATE D’ENREGISTREMENT Novembre 2011
LIEU D’ENREGISTREMENT Liège
ENREGISTREMENT EN CONCERT

 

EDITEUR Ricercar
DISTRIBUTION
DATE DE PRODUCTION 25 septembre 2012
NOMBRE DE DISQUES 2
CATEGORIE DDD

 

 

Critique de cet enregistrement dans :

Classique.news

« Dès l’ouverture, le direction fluide et allante de Guy Van Waas démontre à nouveau ses excellentes aptitudes à exprimer cet éclectisme palpitant d’un Dauvergne, habile faiseur entre Rameau et Gluck. Le directeur de l’Académie royale de musique qui fit tant pour renouveler les genres et surtout les formes de la scène lyrique en particulier tragique (commandant à Jean Chrétien Bach, Vogel…) se montre un rien très amateur de séductions allemandes; mais La Vénitienne regarde aussi du côté de l’aimable italien et de la grâce méridionale, un caractère gracieux, une sensualité subtile et galente qui renouvellent aussi le genre badin et pastoral; avec Les Troqueurs (1753), Hercule Mourant (1761), Polyxène (1763), cette Vénitienne faisait les grandes heures de la dernière saison musicale du CMBV Centre de musique baroque de Versailles à l’Opéra royal du Château…
Créée en 1768, sur un livret de Houdar de la Motte, la comédie lyrique composée par Dauvergne à 55 ans montre la délicatesse et même l’exquise sensibilité dont fut capable ce grand maître de l’opéra français de l’Ancien Régime, post ramiste. Ici, Dauvergne s’ingénie surtout à perfectionner le genre léger et amoureux: les couples appareillés sur la scène ont l’éloquence du coeur tendre mais aussi la profondeur de joutes sincères; le décoratif du genre (air de Spinette au I:  » De mille amants… « ) n’empêche pas une certaine vérité du trait qui écarte toute artificiliaté formelle. Cet équilibre était déjà magnifiquement atteint dans Les Troqueurs, joyau comique et sentimental d’une même subtile ambivalence (1753), certainement l’offrande française la plus réussie en réponse au buffa napolitain. Destiné au théâtre officiel le plus prestigieux du royaume, La Vénitienne a l’ambition d’anoblir le genre comique, aussi admirable et fréquentable que la scène tragique et le ballet. Offrir une nouvelle musique à un livret déjà ancien (mis en musique par La Barre) est visionnaire: Dauvergne anticipe les Gluck, Piccinni, Sachini… invités à renouveler la musique des livrets de Quinault dans les années 1780…
Versatile et éclectique, ni totalement sombre et héroïque, ni vraiment léger et insouciant, l’opéra de Dauvergne déconcerta le public de l’Académie: qu’a à faire ici une scène de magie (acte II), à l’exotisme de pure convention (Venise), dans une comédie où règnent ballets (fin des I et III) et airs illusoirement aimables? Le baron Grimm détesta, tirant à vue sur le Surintendant Dauvergne. Or c’est bien l’alliance originale des genres (grandiloquent, aimable…) qui fonde la séduction actuelle de l’ouvrage. »
L’alternance des scènes de pure badinerie, l’évocation de l’antre de la magicienne (Isméride), immersion surprenante de facto du surnaturel lugubre (choeurs infernaux réellement ramistes) dans ce paysage pastoral digne de Boucher ou de Watteau, saisit toujours; Dauvergne est bien un génie du théâtre, ciselant ses effets de théâtre. Côté solistes, on oubliera vite l’Isménide âpre et maniérée de Isabelle Cals: pour nous le maillon faible du plateau. Les deux sopranos amoureuses sont idéales dans cette peinture sentimentale la plus délicate: Katia Velletaz, Chantal Santon déploient chacune leur timbre finement caractérisé et très sincère; Kareen Durand incarne une sémillante et piquante Spinette. Mathias Vidal et Alain Buet (Octave et Zerbin) poursuivent ici leur carrière dédiée à l’opéra français classique et déjà préromantique, avec cette maestrià éloquente et dramatique sans faille. Quel style naturel et habité! Tandis que le Choeur de chambre de Namur se révèle exemplaire dans l’articulation des scènes collectives : une maîtrise qui mérite d’être amplement soulignée. L’orchestre de Guy Van Waas se montre à l’image de la direction du chef : généreux, coloré, coulant, passant avec une grande souplesse de détails et de nuances d’un caractère à l’autre. Les couleurs instrumentales sont à la fête, offrant un festin de teintes miroitantes (bassons, flûtes, cors…), en particulier dans la succession des séquences dansées (décidément très proches de Rameau). Chatoyante et inventive, lumineuse et d’un raffinement jamais contraint ni factice, la musique de Dauvergne (au carrefour des dernières tendances européennes, entre l’héritage ramiste et la saveur des comédies de Pergolèse) ne pouvait trouver meilleurs ambassadeurs. Très belle résurrection ».

Diapason – décembre 2012 – appréciation 5 / 5

« La discographie lyrique de Dauvergne n’a jamais été conséquente – on se rappelle une intégrale de La Coquette trompée (Decca, 1975), deux des Troqueurs (Decca 1966, HM 1992). Autant dire que cette Vénitienne, donnée en concert à Liège (où elle fut enregistrée) et Versailles, comble une lacune et permet de mieux cerner une époque. Dauvergne se situe à la croisée des chemins. Il précède la génération des Philidor, Monsigny, Grétry, nés respectivement en 1726, 1729 et 1741; et il est le contemporain de Gluck (1714-1787). C’est pourtant à Rameau (pour les danses, nombreuses et pittoresques, et un certain sens de la déclamation) et à Pergolèse (pour l’invention mélodique et la simplicité de la forme) que fait penser La Vénitienne, comédie lyrique créée en 1768 sur un texte de Houdar de La Motte déjà mis en musique par Michel de La Barre en 1705. « Une plate comédie et une fastidieuse boufffonnerie « , selon le toujours caustique baron Grimm. Disons simplement que la naïveté de l’intrigue et son fantastique bon enfant au deuxième acte sont tempérés par un charme évanescent, très « ancien régime ». C’est dit, Antoine Dauvergne n’est pas un novateur, et il n’est guère étonnant que son étoile ait pâli lorsque s’imposèrent Gossec, Méhul et consorts.
Sa Vénitienne n’en est pas moins exquise. Sous la houlette de Guy De Waas, Les Agrémens et le Chœur de chambre de Namur rivalisent de fraîcheur et de finesse. Nul besoin ici de voix exceptionnelles, mais de musiciens raffinés et stylés – ce qu’offre le sextuor réuni pour l’occasion. Le timbre parfois rude d’Alain Buet, la voix un peu mate d’Isabelle Cals ne sont que peccadilles. Mathias Vidal, ténor clair et percutant, s’avère excellent, Kareen Durand campe une suivante délurée, tandis que Katia Velletaz et Chantal Santon font assaut de séduction. Les airs de Lénore (« Tendres plaisirs » au I, « Quand je revois l’objet de mes amours» au III) sont un exemple éloquent de cet art léger et gracieux, écho d’une galanterie élégante. »