La Purpura de la Rosa (Le Sang de la Rose)

COMPOSITEUR Tomas de TORREJON Y VELASCO
LIBRETTISTE Pedro Calderon de la Barca
DATE DIRECTION EDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DETAILLEE
1999 Andrew Lawrence-King Deutsche Harmonia Mundi 2 espagnol
1999 René Clemencic Nuova Era 2 espagnol
2000 Gabriel Garrido Harmonia Mundi 2 espagnol

 

Opéra représenté le 19 décembre 1701, au palais du vice-roi du Pérou, Pedro Fernandez de Castro y Andrade, dans le cadre de la célébration du 18e anniversaire du roi Philippe V.

« Musicalement, l’œuvre est entièrement dédiée à la voix, à la manière des opéras vénitiens du milieu du XVIIe siècle. Le continuo en revanche joue un rôle d’autant plus essentiel que la Purpura, ne comportant aucun récitatif, est entièrement constituée de courts arioso à caractères strophiques » (Répertoire – octobre 2000)
« Le livret tisse une trame complexe autour d’un sujet mythologique et pastoral, dans une langue imagée, pleine d’effets rhétoriques, évoquant les grands cycles madrigalesques des poètes arcadiens…Pas de véritables airs, ni de récitatifs, mais de nombreux « petits airs » entrecoupés de refrains choraux évoquant la tradition du villancico, où se mêlent une inspiration populaire espagnole ou parfois même créole, et une écriture savante évoquant le recitar cantando de Cavalli. » (Diapason – octobre 1999)

« La musique que Torrejón écrivit pour la Pourpre de la Rose fut écrite au Pérou, mais elle n’est pas péruvienne. L’oeuvre appartient au monde contradictoire de la culture coloniale américaine, dont les repères s’inscrivent profondément au coeur de a texture théâtrale et musicale. A l’origine, c’est le manifeste « une volonté politique impériale : célébrer l’anniversaire d’un monarque espagnol, une des fêtes annuelles d’importance dans toute capitale de vice-royaume et tout siège d’une Audience Royale de l’Empire. Ce qui explique sa fidélité au modèle espaqnol dont le Pérou était reste soigneusement écarté.
Le caractère colonial de la Pourpre est étroitement lié à la position de son auteur au sein de la culture officielle. Tomás de Torrejón provenait des plus basses couches de la cour. Sa famille, d’humble extraction, ne possédait rien ; lui même, adolescent, n’était que l’un des pages du Comte de Lemos. Mais il avait du talent ; non seulement pour la musique, mais également dans sa capacité à gravir les degrés de l’échelle sociale. Habileté qui guidera tout le déroulement de son existence.
Il arrive à Lima en 1667, comme Gentilhomme de Chambre de la famille de Lemos, alors vice-roi du Pérou. Ultérieurement, on le verra occuper des charges, chaque fois plus importantes, comme superintendant de l’arsenal du vice-roi et corregidor ou juge principal de la province de Chachapoyas.
Lemos mourut en 1762 sans être parvenu au terme de son mandat, mais Torrejón décida non seulement de demeurer à Lima mais, surtout, de s’y propulser jusqu’à ce qui était alors la charge musicale la plus importante de toute la région. Le 1er juillet 1676, le très brillant Juan de Araujo, directeur de la musique à la cathédrale renonçant à sa charge pour des raisons demeurées inconnues Torrejón, sortant de l’ombre, fut désigné pour le remplacer. A partir de ce moment, non seulement il dicta les critères de ce qu’il faudrait désormais considérer comme bonne musique religieuse sur toute l’étendue du vice-royaume du Pérou, mais il devint l’artisan principal, avec ses propres œuvres, des splendides cérémonies impériales de Lima, jusqu’en 1725.
Que la Pourpre de la Rose appartienne à l’art colonial est un fait indiscutable qui se retrouve non seulement dans cette oeuvre, mais également dans le reste des compositions de Torrejon qui, toutes, aspirent à un degré d’autonomie esthétique plus grand que celui auquel pouvaient prétendre les oeuvres coloniales composées jusqu’alors.
Le charme particulier de la Pourpre agit d’entrée, avec la manière unique dont cette oeuvre réunit texte, musique et drame. Le texte, de par son extraordinaire qualité, règne de façon souveraine sur tous les autres aspects de l’œuvre.
Que la forme dramatique soit excellente et qu’elle fonctionne à la perfection lorsqu’elle est mise en scène est, peut-être, le meilleur compliment qui puisse être adressée à une poésie qui est, ici, l’une des plus élaborée qui se puisse imaginer. La musique n’en trouble ni la perception du texte, ni celle du drame: elle opère avec discrétion du début à la fin. De fait, l’idéal dramatique reste très aristocratique, dans la mesure où les effusions majeures s’expriment ici sous le plus strict controle. Cela pourrait décontenancer l’amateur moderne d’opéra, découvrant avec surprise que la Pourpre ne comprend pas d’arias et que c’est à peine si elle présente quelques rares passages méritant la qualification de récitativo secco. Le corps de l’ouvrage est composé de tonadas brèves et strophiques, répétées plusieurs fois. Sur le papier, elles semblent innocentes, faciles et simplistes ; à l’analyse, elles se révèlent le produit complexe de choix délicats de décisions créatrices témoignant d’une véritable inspiration. Mais c’est lors de l’interprétation qu’elles acquièrent tout leur pouvoir: elles sonnent de façon à s’inscrire dans la mémoire et à planter le décor de chaque scène avec une remarquable efficacité et une non moins remarquable économie de moyens. Ce que nous pouvons appeler « récité » ou récitatif, suivant la coutume de l’époque, se meut à travers une variété de styles relativement grande, depuis la simple déclamation sur des notes répétées jusqu’à des lignes mélodiques en manière de chansons, complètes, sensuelles et mélodieuses. Les choeurs, dans leur apparente simplicité, partagent ce pouvoir attractif des tonadas dont la nature répétitive permet aux chanteurs de rechercher toute la profondeur et l’expressivité du texte, au moyen de subtils changements de tempos, phrasés et ornementation. Le « récité » est le véhicule extraordinairement plastique des plus authentiques émotions de l’oeuvre, tandis que les choeurs, de plus grande envergure, fonctionnent comme les piliers du drame, venant ponctuer les étapes de son évolution.
Une part de ce concept dramatico-musical correspond à la manière fondamentale de mettre en musique le théâtre espagnol durant la seconde moitié du XVlle siècle. De fait, la per- sonnallté de la Pourpre de la Rose jaillit de la façon remarquablement intelligente avec laquelle Torrejón sut manier les conventions de la métropole antérieures à son époque. La pièce accroit le lyrisme du « récite » mélodieux ; elle est construite d’une matière musicale généralement plus élaborée que ses modèles ; et, surtout, elle développe sa structure intellectuelle au même titre que ses aspects proprement dramatiques et musicaux.
L’oeuvre existe au milieu d’un complexe réseau de citations qui inclut la musique écrite pour la mise en scène espagnole aujourd’hui perdue. Par exemple, la tonada de l’Amour de la sixième scène « No puede, pues que no puede », circula dans le répertoire de musique instrumentale de la péninsule ibérique sous le nom de « Amor o Tonada del desmayo », ce qui atteste de son origine métropolitaine -la musique coloniale y triomphait rarement-. En même temps, elle se cale avec une telle précision à la métrique compliquée du texte tandis que ses titres se réfèrent exactement au personnage comme à la situation dramatique, que l’on ne peut imaginer qu’elle n’ait été composée spécialement pour la place qu’elle occupe, aujourd’hui, dans l’oeuvre de Torrej6n. L’oeuvre se réfère également à d’autres pièces ou genres populaires -comme la facara, dans le double choeur « No puede Amor hacer mi dicha mayor »-, de même qu’à des pièces religieuses de Torrejón. Finalement, la Pourpre se renvoie constamment à elle-même, Certains de ses motifs sont dotés d’un signifiant conventionnel lors de leur première apparition dans I’oeuvre, et réapparaissent lorsque ce signifiant revient en une étape postérieure du drame ; créant ainsi un kaléidoscope d’associations sémantiques renforçant la puissance de la perception intellectuelle du drame.
La Pourpre de la Rose a survécu jusqu’à nous par une source unique ; une belle copie, aujourd’hui déposée à la Bibliothèque Nationale de Lima, où j’ai pu la consulter à deux reprises, en 1986 et 1993. La partie musicale y est complète. Malgré tout, certaines pages ont été arrachées du livre. Pour la présente version, j’ai écrit une reconstruction pour tous les fragments manquants, incluant un quatuor pour la « Loa », le double choeur « Al arma », « No al arma » (dans ma version de la sixième scène), ainsi que dans les deux dernières lignes de la pièce (« Las estrellas su estrella, / su flor las flores »). Mes interventions recherchent à passer inaperçues: elles partent d’une analyse stricte et minutieuse de l’oeuvre dont elles respectent les principes stylistiques.
Une des scènes produit un résultat curieux. La réaliser en respectant strictement les indications du manuscrit impliquait de contredire la logique du reste de l’oeuvre. La scène en question nécessite 37 répétitions et demi de la Tonada « El Amor » déjà citée. Et puis, l’on se rend compte que jamais Torrejón ne répète une Tonada plus de quinze fois, permettant toujours à la mélodie répétée d’alterner avec une autre musique avec, à l’extrême, sept répétitions. Ce passage ne pouvait avoir été ainsi Ma théorie. du fait que la Tonada parait provenir d’un ensemble espagnol antérieur, l’écrire dans le manuscrit de Lima pourrai’ avoir été un guide pour nous ramener à la musique de scène telle qu’elle se faisait à Madrid, laquelle devait avoir été consignée dans une source aujourd’hui perdue. Que faire avec cette scène ? Après plusieurs heures passées à méditer sur l’œuvre, je décidais d’offrir une reconstruction, avec deux nouvelles tonadas, quelques passages de récits et un duo, respectant toujours le style de I’époque ainsi que les caractéristiques de l’œuvre. Le caractère sténographique du manuscrit de Lima, renforce la certitude de ma décision (et permet que les plus stricts partisans des reconstructions philologiques me pardonnent un sacrilège musicologique d’une telle envergure). II s’agit, non d’une partition complète, mais d’un guide pour l’exécution, avec la voix et basse continue annotés de façon séparée et en feuilles app sées, et les chœurs écrits tous ensemble, l’un après l’autre, à fin du volume. Pour la majorité des tonadas, Torrejón écrivit une ou deux strophes, laissant le reste livré à l’habileté des executants. Ce qui résulte, au moment d’affronter la réalisation moderne, est que le manuscrit ne contient pas une seule mesure destinés aux instruments qui, habituellement, intervenaient dans l’execution de ces œuvres, violons et vents de distinctes classes et registres ; et ainsi même manque quasi totalement d’indications de tempos (l’unique « lentement », correspond a tonada de la grotte, dans la scène cinq « Pues nunca la planta « ) il est évident que Torrejôn s’appuya sur la tradition hautement conventionnelle de la musique de théâtre du baroque espagi Gabriel Garrido et moi avons eu retours à cette tradition afin de créer un concept expressif qui rende une totale justice à l’œuvre, se rapprochant de ce que nous savons de son execution à Lima et, en même temps, répondant aux attentes du pc actuel, certainement plus exigeant que celui du XVllle siècle pour ce qui est des contenus sonore et dramatique. L’expression est expression du texte, lequel est le fil conducteur de l’ensemble de l’œuvre. Prononcer le texte dans la plus profonde signification de la parole, prêtant attention au sens, à pour résultat une execution supérieurement flexible de l’œuvre, un rubato et des changements de temps et de caractère très fréquents.
Les gestes musicaux vont de pair avec les gestes avec les gestes dramatiques durant toute l’œuvre. D’autre part, nous ne savons rien sur la configuration du groupe instrumental sur lequel aurait pu compter le commanditaire de la Purpura, le Comte de la Moncloa. En revanche, nous savons que la Chapelle Royale de Madrid, qui intervint au moins pour la création de l’opéra Celos aun del aire matan en 1660, constituait en une section continuo extrêmement développée: basson, violon, harpe, guitares et claviers. Plus haut, pour le registre de soprano, il y avait des violons, des flûtes et des chalemies. Le livret même demande des percussions et trompettes ainsi que « des instruments suaves » sans pour autant identifier ceux-ci. Les sonorités voulues par Torrejón devaient être aussi riches et variées que les couleurs du décor et des costumes ; jouer cette œuvre avec le seul accompagnement de quelques instruments de continuo serait donc une trahison majeure à son esprit.
Comme rien de tout cela ne se trouve écrit, il est inutile de se demander ce que faisaient ces instruments. L’improvisation était tellement intégrée à la formation de base du chanteur, comme elle constituait le pain quotidien de chaque instrumentiste. Les musiciens devaient improviser également au théâtre, multipliant les accompagnements, les introductions et interludes pour les solos et doublant les choeurs.
Généralement, entre la Loa et la représentation proprement dite on executait une oeuvre instrumentale en forme de « Sinfonie » ou d’ouverture. Comme le peu de musique instrumentale espagnole et coloniale de l’époque semble totalement inadapté à une telle fonction, nous avons eu recours, ici, à la Sinfonia écrite par Filippo Coppola pour l’opéra hispano-napolitain El rapto de Proserpina. Par contre, nous avons utilisé une canzone instrumentale anonyme, spécialement instrumentée pour l’occasion, provenant de Cuzco pour introduire la seconde partie et, également, la Scène Cinq. La coutume d’executer des passacailles improvisées comme introductions à des chansons ou des choeurs était très largement répandue en Espagne et elle se maintint avec vigueur dans la musique folklorique de l’Espagne et des Amériques. Ces passacailles n’ont que peu en commun avec le genre baroque de la Passacaqlia, jeu écrit de variations sur une basse répétée. A l’origine, elles étaient une succession d’accords de base que déterminait le ton de la partie vocale. N’empêche qu’à l’époque de la Pourpre de la Rose, elles étaient devenues plus complexes ainsi que l’attestent les répertoires instrumentaux contemporains. Ici, nous avons composé ces passacailles en nous inspirant du style d’improvisations instrumentales raffinées.
La musique de la Loa est pratiquement complète dans le manuscrit, il manque seulement le final de l’un des deux chœurs, originalement écrit sur une feuille déchirée du Cahier de Lima. Le texte, c’est -si l’on ose dire- une autre chanson. II subsiste à peine une strophe pour chaque section, et la majorité des solos présentent des signes de répétition qui, selon la coutume, correspondaient à d’autres strophes aujourd’hui disparues. Ainsi même, le manuscrit présente un regroupement des solos et des chœurs, en deux sections séparées; d’abord les solos et ensuite les chœurs ; cela, de façon semblable à l’organisation de la musique dans la représentation. A la différence de celle ci, rien ne prouve l’enchainement d’une section à l’autre et ne permet d’établir, sans risque d’erreur, l’ordre des fragments. Pour que la composition trouve un sens, il était nécessaire de faire preuve d’une importante intervention éditoriale.
J’ai regroupé ensemble les numéros en accord avec le contenu et la métrique du texte ainsi qu’à la tonalité de la musique, imaginant ce que pouvait avoir été son argument. Ainsi, comme presque toute la Loa conservée, l’œuvre doit s’ouvrir par le premier des chœurs apparaissant dans le manuscrit. D’autre part, le chœur qui fait référence au Feu doit aller de pair avec le solo qui parle de l’Air, non seulement parce que les strophes partagent la même métrique, mais également parce que les Eléments (Feu, Air, Eau, Terre) apparaissaient toujours liés. Les deux uniques passages en sol majeur de la Loa, le solo « La siempre invencible Espana » et le premier des choeurs « Viva Filipo ! » doivent eux-mêmes se trouver solidaires, selon le principe d’unité tonale qui conduit la représentation.
L’application de ces principes me permit de créer un argument en cinq sections : la présentation de huit des Muses; l’interpellation d’Urania, et sa réponse ; l’invocation aux Eléments ; l’intervention du Temps ; enfin, la célébration du nouveau roi espagnol. Pour « nourrir » ce schéma, j’ai d’abord eu recours au poète Josep Miquel Sobrer, et en second, au philologue et poète Alberto Montaner Frutos, auquel devait incomber la difficile tâche de compléter les originaux avec des vers qui devaient, naturellement, retrouver les qualités des originaux, à partir du travail antérieur de Sobrer. La Loa que nous écoutons aujourd’hui, telle quelle, fut recomposée par Sobrer, Montaner et moi, comme une version plausible de la source de 1701 qui prend en compte tous et chacun des fragments disponibles et, en même temps, parait adaptée à une execution moderne -se non è vera, au moins è ben trovato-, grâce au magnifique art poétique de Montaner. (Ensemble Elyma)

Synopsis détaillé

Prologue
(1) Les Muses – Calliope, Terpsichore, Clio, Polymnie – ont quitté leur refuge pour se consacrer au temple d’Apollon. (2) Uranie répond par une invocation au nouveau soleil capable de renouveler la conjonction des Quatre Eléments. (3) Tour à tour interviennent l’Air, l’Eau, la Terre, le Feu qui célèbrent ce nouveau soleil. (4) Le Temps clame son émerveillement pour le vaillant seigneur qui a subjugué les sphères et les éléments. (5) Tous clament la gloire de Philippe, duc d’Anjou, devenu roi d’Espagne.
Scène I
Un bois
Les nymphes Libia, Flora, Cintia et Clori entrent chacune à leur tour. Elles annoncent que Vénus poursuit une bête féroce, mais que sa beauté, qui est sa meilleure arme, n’agit pas sur les animaux et qu’elle est en danger. Vénus appelle à l’aide. Survient Adonis qui la rassure, ayant blessé la bête. Vénus le remercie et lui demande qui il est. Adonis apprenant qu’il a devant lui Vénus, déesse et reine de Chypre, s’emporte contre son fils Amour. Il explique que fils adultérin de Myrrha, il fut abandonné par son père, et que sa mère mourut, transformée en arbre par les dieux. Condamné à mourir d’amour, il vit retiré dans la forêt et fuit la beauté.
Scène II
Mars répond à la plainte émise par Vénus. Il a appris que l’honneur de Vénus a été offensé et lui propose de la venger. Vénus, embarrassée, bredouille. Mars interroge les nymphes, et Libia finit par raconter que Vénus a été sauvée par un beau jeune homme. On entend soudain des appels aux armes. Survient Bellone qui annonce qu’il est dépêché par Junon : les habitants de Delphes attaquée par l’armée de Cnide, s’inquiètent de l’absence de Mars et réclament son retour. Des soldats entrent et crient « Aux armes ». Mars est contraint de partir et est emporté dans un arc-en-ciel avec Bellone.
Scène III
Les rustres Chato et son épouse Celfa devisent sur l’amour qu’il se portent l’un à l’autre. Chato interroge Celfa sur les rapports qu’elle entretient la nuit avec un dragon au service de Mars. On entend des cris de chasse. Adonis survient et demande aux rustres s’il ont vu une bête féroce blessée. Il décide de se reposer et s’endort.
Scène IV
Vénus, seule, s’interroge sur ses sentiments. Pendant ce temps, Adonis rêve et se rend compte que celle qu’il a sauvée va lui apporter la mort. Vénus l’entend et le découvre endormi. Elle se demande si elle doit se venger de lui et cherche un moyen de le tuer sans qu’il meure. Vénus appelle son fils Amour qui apparaît. Vénus lui révèle qu’Adonis se vante d’être libéré de l’amour, mais qu’elle lui doit la vie. Amour décide d’enflammer le coeur d’Adonis en lui tirant une flèche. Adonis se réveille, et raconte qu’il a rêvé que le sanglier qu’il avait blessé se retournait contre lui et maculait les roses de son sang, puis qu’un serpent le piquait au coeur. Vénus le rassure. Adonis se met à lui faire des compliments. Vénus le repousse doucement, en fait flattée. La scène devient un jardin où viennent les nymphes, Celfa et Chato qui chantent et dansent la chacara.
Scène V
Musique de trompettes et tambours.
Mars, vainqueur de Cnide, est acclamé, mais confie à Bellone qu’à Chypre, il est prisonnier de l’amour jaloux. Interrogé, il fait sortir les soldats et le dragon. Amour survient, indiquant qu’il cherche à protéger Adonis contre Mars. Il se cache pour écouter Mars qui confie son secret à Bellone. Mais Amour est découvert. Mars ne le reconnaît pas et lui demande qu’il est. Amour bredouille et parle par énigme. Mars veut le faire arrêter par les soldats. Amour, sans ses ailes, s’enfuit et Mars le reconnaît alors. Il commande à Bellone de le faire poursuivre. Amour réapparaît, fatigué sans ses ailes, traverse une grotte pour se cacher. Dragon a aperçu Amour, Mars arrive et ils entrent dans la grotte. Ils sont tous deux effrayés et découvrent des menottes, des chaînes et des liens. On entend des bruits de chaînes, puis une musique triste qui crie « Malheur à celui sous l’emprise de la jalousie veut fuir l’Amour en l’empêchant de fuir. » On entend puis on voit la Crainte avec une hache, le Soupçon avec une longue-vue, l’Envie avec un serpent, la Colère avec un poignard. Mars les interroge tour à tour pour savoir qui elles sont. Elles répondent tour à tour et se disent les gardiennes d’un prisonnier de la jalousie, qu’on voit dans la grotte : la Désillusion, à la longue barbe, enchaîné et vêtue de peaux de bêtes. Celle-ci invite Mars à ne pas céder à la jalousie. Elle découvre un miroir dans lequel apparaît la campagne de Chypre, les nymphes, Chato et Celfa. Le Dragon, épris de Celfa est jaloux, et Mars dépité de voir la complicité de Vénus et d’un beau jeune homme. Un bruit de tremblement de terre fait disparaître la grotte.
Scène VI
Vénus est en compagnie d’Adonis. Elle invite le choeur à chanter. Le choeur chante l’amour. Adonis et Vénus échangent des propos sur l’amour. Amour se joint à eux, qui raconte ce qu’il a vu. Vénus éloigne Adonis de peur de la colère de Mars. Elle décide de rechercher chez Vulcain une arme contre sa jalousie. Amour, craintif, se retire, suivi par les nymphes. Mars arrive et fait des vifs reproches à Vénus. Il lui demande où est son amant. Vénus invoque les Furies, et les eaux se mettent à couler. Mars se met à délirer et à perdre la vue. Puis il s’endort. Bellone survient et se fait fort de briser le charme qui a vaincu Mars. Elle fait sonner les cuivres et battre les tambours. On entend des voix qui incitent la Jalousie à se venger et réveillent Mars. Vénus appelle les Nymphes qui appellent à leur tour la Jalousie à mettre bas les armes. Mars sent sa colère tombée. Il décide d’aller à la recherche de l’amant de Vénus avec Celfa et Chato. Vénus invoque les sphères divines et Jupiter pour empêcher Mars de trouver Adonis.
Scène VII
Mars tire Celfa et Chato qui ne veulent pas l’aider. Pour les convaincre, Mars fait appel au Dragon qui arrive avec des soldats. Chato est attaché à un arbre pendant que le Dragon s’occupe de Celfa. Tout à coup, arrivent des paysans qui crient leur crainte du sanglier blessé, et Adonis, bandant son arc, qui tente de les rassurer. Chato désigne Adonis à Mars. Celui-ci demande à la Furie Mégère de rendre la bête la plus féroce possible. Le Dragon reste avec Chato et Celfa. Il se décide à battre Celfa pour qu’elle soit plus docile, ce que Chato approuve. Celfa reproche à Chato de ne pas être intervenu et le prévient qu’elle se vengera. Ils se battent. On entend Adonis appeler à l’aide, puis on voit arriver les Nymphes de Vénus qui s’enfuient.
Scène VIII
Vénus arrive, les cheveux défaits, à moitié nue, les mains ensanglantées. Elle demande si on a entendu des appels. L’écho répond. Vénus est certaine qu’ils viennent d’Adonis et veut s’en assure. Bellone l’en dissuade, pour lui épargner un cruel spectacle, de même que la nymphe Libia. Bellone tente de la consoler en lui faisant comprendre que le sang d’Adonis redonne vie aux fleurs. Vénus est désespérée. Survient Mars qui explique qu’il a cherché partout Adonis mais que celui-ci a été tué par la bête. On voit Adonis étendu au milieu des fleurs. Vénus s’évanouit. O voit apparaître le ciel, dans lequel le soleil se couche en même temps que surgit une étoile. Amour entre, par le haut, tandis que Vénus et Adonis montent peu à peu, chacun de leur côté. Amour explique que Jupiter désire que l’on fasse une fleur du sang répandu et que les fleurs revêtent la couleur pourpre. De plus, une nouvelle étoile, au nom de Vénus se lèvera en même temps que le soleil se couche. Mars retrouve sa jalousie à la vue des deux amants qui montent.

(d’après livret K617)


Reprtésentations :

Université de Miami – VIIe International Tropical Baroque Music Festival – 3 au 11 mars 2007 – Ensemble Elyma

Stockholm – Château Royaal – The Hall of State3 juin 2006 – Festival de Musique Ancienne – en version de concert – Tre Kronor Baroque Ensemble – dir. clavecin et harpe Andrew Lawrence-King – avec Ulla-Carin Börjesdotter, soprano (Adonis/Caliope/Temor), Jessica Bäcklund, soprano (Venus/Terpsicore), Nina Åkerblom Nielsen, soprano (Belona/Flora/Sospecha), Anna Zander, mezzo soprano (Marte/Urania/Cintia), Mia Lundell, mezzo soprano (Dragon/Espana/Clori/Cacador/Envidia), Leif-Aruhn Solén, ténor (Chato/Amor/Libia/Ira), Lars Johansson Brissman, basse (Tiempo/Celfa/Desengano)

Mexico – 20 mars 2001

Madrid – Teatro de la Zarzuela – 27, 29 novembre, 1er, 3, 5 décembre 1999 – dir. Gabriel Garrido – mise en scène Oscar Araiz – avec décors Jorge Ferrari – costumes Renata Schussheim – lumières Roberto Traferri – avec Graciela Oddone, Monar, Diaz, d’Oustrac, Marcello Lippi, Furio Zanasi, Carril

Grand Théâtre de Genève – Bâtiment des Forces Motrices – 1er, 2, 3, 5, 6, 13, 15, 16, 18, 19 octobre 1999 – Ensemble Elyma – dir. Gabriel Garrido – mise en scène et chorégraphie Oscar Araiz – décors Jorge Ferrari – costumes Renata Schussheim – lumières Roberto Traferri – avec Graciela Oddone (Adonis), Isabel Monar (Vénus), Cecilia Diaz (Mars), Stéphanie d’Oustrac (Bellone), Victoria Manso (Amour), Adriana Fernandez (Celfa), Marcello Lippi (Chato), Susanna Moncayo (le Dragon)


« Cette couleur « pourpre » est celle du sang d’Adonis, que la jalousie de Mars a fait mourir. Jupiter, ému par l’amour de Vénus et d’Adonis, les accueillera, elle sous la forme d’une étoile, lui sous celle d’une rose qui embrasera le firmament. Ce sera le triomphe de l’amour…Le thème, inspiré à Calderon par deux tableaux de Véronèse, avait déjà été traité musicalement par le compositeur Juan Hidalgo, et Madnid avait eu la primeur de l’opéra en 1660. Partition perdue, la pièce devait être remontée à Lima (territoire espagnol) en 1701, pour fêter le premier anniversaire du couronnement de Philippe V. La musique avait alors été demandée à un disciple de Hidalgo, Tomas de Torrejon y Velasco, compositeur célèbre au Pérou. Evénement de taille : ce fut le premier opéra de l’histoire en Amérique latine. Ce qui ne l’a pas empêché de disparaître du répertoire, jusqu’aux travaux conjugués de Bernardo lllani et Gabniel Garrido. L’oeuvre que l’on a vue à Genève, avant le Théâtre de la Zarzuela de Madnid qui le coproduisait, est une reconstitution. Un travail habile et imaginatif, qui n’hésite pas à aller chercher un prologue (le dithyrambe de rigueur, en hommage au roi) chez le compositeur napolitain Filippo Coppola, et quelques pièces intercalaires dans le répertoire espagnol. Ce prologue, joué dans le hall du théâtre, crée d’entrée de jeu le climat de fête qui s’impose. La partition elle-même fait la part belle au récitatif, non pas secco, mais toujours accompagné et souvent proche de l’arioso. Quant aux pages assimilables à des airs, elles adoptent volontiers la coupe strophique.
Ce qui surprend l’habitué du baroque italien, c’est une ornementation plus sobre, comme si l’intériorité des polyphonies du Siècle d’or avait rejailli sur l’écriture soliste. Ce qui transfigure d’ailleurs certaines pages « obligées » de l’opéra baroque, comme les airs de sommeil et surtout une scène de figures allégoriques, où la convention laisse place à un frémissement dramatique inespéré. Gabriel Garnido a assuré lui-même l’instrumentation de l’opéra, en modulant la composition de son ensemble Elyma suivant les usages de la musique espagnole de l’époque, avec guitare, vihuela, harpes, clavecins, cordes, percussions et, à côté des instruments à vent traditionnels, quelques représentants de la musique péruvienne. La présence populaire est d’ailleurs soulignée par l’introduction de deux intermèdes dansés et chantés, dont la musique est due à d’autres compositeurs. Le chef argentin a lui-même complété certaines pages.
Oscar Araiz, qui est avant tout chorégraphe, a conçu une mise en scène assez classique, en doublant chacun des rôles principaux par un danseur. Ce qui, dans une « fête dansée et chantée », est logique. Le procédé n’est toutefois pas sans risque : son caractère systématique entraîne une certaine lassitude. Mais cette lassitude peut avoir aussi d’autres origines, le décor par exemple : une unique boîte aux couleurs de forêt profonde, dont les seules transformations viendront d’ouvertures momentanées sur des lointains plus mystérieux. Les costumes mêlent joliment les styles, avec quelques flamboyantes images du monde latino-américain et parfois une secrète référence à Versailles (hommage implicite aux origines de Philippe y). D’une distribution homogène, on retiendra, en particulier, la Vénus très convaincante d’lsabel Monar et l’émotion constante qui s’attache àl’Adonis de Graciela Oddone, faute de pouvoir souligner les talents de chacun. On n’oubliera pas cependant la touche pittoresque et comique qu’apporte le couple des rustres, Adriana Fernandez et Marcello Lippi, ni les madrigalistes et les choeurs placés dans la fosse. Reste que, malgré le charme évident d’une musique de qualité, on cherche vainement dans ce spectacle quelques points forts qui en feraient, au-delà de l’événement historique, une oeuvre majeure du répertoire lyrique. » (Opéra International – déceembre 1999)

Théâtre des Champs Elysées – 16 février 1990 – version de concert – Clemencic Consort – dir. René Clemencic – avec Mieke van der Sluis (Venus), Adonis (Mark Tucker), Marte (Pedro Liendo), Amore (Luis Alves da Silva), Elisabeth von Magnus (Belona), Josep Benet (Chato), Lina Akerlund (Celfa), Andrea Martin (Dragon)