CD Sémélé (direction Hervé Niquet)

SÉMÉLÉ

COMPOSITEUR

Marin MARAIS

LIBRETTISTE

Antoine Houdar de La Motte

 

ORCHESTRE Le Concert Spirituel
CHOEUR
DIRECTION Hervé Niquet

Sémélé

Shannon Mercer

dessus
La Grande Prêtresse de Bacchus

Jaël Azaretti

dessus
Dorine

Bénédicte Tauran

dessus
Junon Hjördis Thébault bas-dessus
Adraste

Anders J. Dahlin

bas-dessus
Jupiter

Thomas Dolié

basse-taille
Cadmus, le Grand-Prêtre de Bacchus

Marc Labonnette

basse-taille
Mercure Lisandro Abadie basse-taille

DATE D’ENREGISTREMENT février 2007
LIEU D’ENREGISTREMENT Notre-Dame du Liban – Paris
ENREGISTREMENT EN CONCERT non

EDITEUR Glossa
DISTRIBUTION Harmonia Mundi
DATE DE PRODUCTION 9 novembre 2007
NOMBRE DE DISQUES 2 – format livre-disque en édition limitée et numérotée à 5 099 exemplaires
CATEGORIE DDD

Critique de cet enregistrement dans :

 Classica – décembre 2007 – appéciation Recommandé 10

« Révélation de l’année Marin Marais, Sémélé est une partition exceptionnelle où le genre lullyste croît en luxuriance et sensibilité. Marais déploie un talent extraordinaire de symphoniste. Il adoucit les rigueurs de son maître tout en anticipant la fantaisie de Rameau. On ne sait que citer parmi tant de pages savoureuses, du divertissement avec musettes, de la roborative chaconne ou du célèbre séisme. Si les sentiments des divers héros n’ont plus cette noblesse grave prisée du surintendant, ce sont l’ironie et la délicatesse qui irradient l’oeuvre, notamment grâce au couple formé par Mercure et Dorine, incarnée par une Bénédicte Tauran piquante et charnue. Les chanteurs sont identiques à ceux de la production scénique de Montpellier en février 2007. C’est du côté des dieux que l’on trouvera le plus d’humanité. Hjördis Thébault est une Junon tranchante, Thomas Dolié un Jupiter faible et passionné face à l’ambitieuse Sémélé, incarnée par Shannon Mercer, dotée d’un timbre joliment rond. En Adraste, Anders J. Dahlin est un haute-contre cinglant qui délaisse ses tendresses ramistes pour interpréter le rôle de ce personnage fat et veule.

Hervé Niquet propose une version qui a retrouvé son opulent prologue, où les choeurs, dignes du grand motet versaillais, sont scandés par des danses savoureuses. Sans plus de coupures intempestives, la vision du chef se déploie avec une opulence et une vigueur admirables. Déjà en gésine dans sa Callirhoé éditée chez Glossa, la tragédie Grand siècle atteint ici une maturité exemplaire. Depuis la première version de concert de cette Sémélé à Beaune en 2006, Hervé Niquet a tempéré ses tempos et rendu leur souplesse à ses pupitres dont certains sonnaient maladroits. A présent la délicatesse du détail, la hauteur de vue, le déroulé du drame humain, tout concourt à former une fresque exaltante. Les sonorités sont époustouflantes et la qualité du choeur provoquent ce rare et si désiré « grand frisson ». « 

 Le Monde de la Musique – décembre 2007 – appréciation 4 / 5

« Il avait suffi d’une écoute, au Festival de Beaune, en juillet 2006, pour se convaincre que la dernière tragédie en musique de Marin Marais (1709) méritait d’être redécouverte, impression confirmée début 2007 lors d’une production scénique à l’opéra de Montpellier. Les enjeux dramatiques, l’efficacité de leur traitement, la concentration du récit et, bien sûr, des pages orchestrales mémorables (la fameuse chaconne en fin du deuxième acte) ont de quoi séduire. L’enregistrement a été réalisé quelques jours plus tard à Paris.

Hervé Niquet a su réunir pour cette recréation une équipe exemplaire. L’élan d’un orchestre de luxe mené par le violon d’Alice Piérot, la plénitude de la basse continue, l’enthousiasme du choeur, l’homogénéité de la distribution comme le soin apporté à la langue méritent les plus chaleureux éloges. Shannon Mercer incarne une Sémélé plus amoureuse qu’ambitieuse, que Hjördis Thébaut, Junon machiavélique, saura attirer dans ses rets. Conscient du danger qui menace son aimée mais tenu par sa promesse, le Jupiter de Thomas Dolié dévoile son humanité derrière sa divine superbe.

On peut cependant se deman­der si Niquet, qui saisit au col l’au­diteur dès l’ouverture, n’aurait pas pu lâcher la bride quand la musique chante « les plus doux des charmes » ou « le lien le plus doux que l’amour ait formé ». Calé sur une allure constante et plutôt vive, il ne permet pas toujours de contempler le relief de cette géographie sentimentale. Sa direction vigoureuse assure en revanche l’indispensable éclat aux marches et « airs des guerriers » comme l’énergie nécessaire à l’« air pour les Furies » et au tremblement de terre. »

Opéra Magazine – décembre 2007 – appréciation : Coup de coeur – Diamant d’Opéra

« C’est avec autant de discernement que de flair qu’Hervé Niquet progresse dans son exploration de l’opéra baroque post-lullyste. Après le récent coup de maître de la saisissante Callirhoé de Destouches, déjà publiée chez Glossa, voici Sémélé de Marin Marais qui, lors de son exécution en concert, puis à la scène, à Montpellier, avec des distributions sensiblement différentes, avait suscité des commentaires admiratifs dans ces colonnes. On ne peut que remercier le fondateur du Concert Spitiruel d’avoir tiré de l’oubli cette merveille alanguie depuis sa création calamiteuse à l’Académie Royale de Musique, en 1709. Hormis Alcyone (1706), sur laquelle Marc Minkowski a posé une oreille inspirée en 1990 pour Erato, la « petite» production opératique de Marais (au total, quatre tragédies lyriques et une idylle dramatique) peine, en effet, à retenir l’attention des « baroqueux ». On se demande d’ailleurs pourquoi. D’une remarquable variété de climats, Sémélé surprend par sa constante invention musicale, duos, choeurs démoniaques, scènes pastorales et déchaînements telluriques s’intégrant merveilleusement dans le récit.

Pour cette résurrection, Hervé Niquet dispose d’un Concert Spitiruel qu’on a rarement entendu dans d’aussi bonnes dispositions. D’une vigueur absolument irrésistible, les phrasés sont sculptés avec un naturel et un édat éblouissants, tous les pupitres, sans exception, exposant crânement une technique irréprochable. Plus encore que dans Callirhoé, déjà suprêmement défendue, l’ensemble instrumental et son chef offrent une véritable leçon de style en termes de fluidité des timbres, de cohésion et de puissance.

Ainsi accompagnés, les chanteurs ‘ ici, ceux des représentations montpelliéraines ‘ n’ont plus qu’à livrer le meilleur d’eux-mêmes. Le font-ils tous ? Quasiment. La Sémélé de Shannon Mercer n’use certes pas des mêmes facilités d’élocution que Blandine Staskiewicz lors des concerts, mais la voix demeure d’une très belle couleur et la musicienne n’a rien à envier à sa consoeur sur le plan stylistique (frémissant « Amour régnez enpaix », acte III, scène 4). Bénédicte Tauran est une Dorine sensible et vibrante (« C’est une assez belle victoire » finement ciselé, acte II, scène 1). Hjördis Thébault impose un beau tempérament en Junon, l’épouse bafouée de Jupiter (prenant « Terrible Roy des pâles ombres », acte III, scène 4).

Les caractères masculins apparaissent, pour certains, plus en retrait. Le Jupiter de Thomas Dolié, dont le talent s’est régulièrement affirmé ces derniers temps à la scène, reste par exemple assez inhibé (timide « Que ma Gloire, belle Princesse », acte IV, scène 2), en dépit d’une sensibilité frappante. Marc Labonnette rayonne en revanche d’aisance, tout particulièrement dans le superbe Prologue (absent des représentations comme des concerts), face à la Grande Prêtresse lumineuse deJaël Azzaretti. L’Adraste d’Anders J. Dahlin et le Mercure de Lisandro Abadie sont, sans aucun doute, les plus effacés vocalement. Le choeur, quant à lui, ne connaît guère de faiblesses. Tour à tour jovial, poétique, pastoral et rageur, il cristallise les moindres intentions du chef. Une réussite, et quel magnifique opéra ! »