Les Muses galantes

COMPOSITEUR Jean-Jacques ROUSSEAU
LIBRETTISTE Jean-Jacques Rousseau

 

Ballet héroïque en un Prologue et trois entrées.

Rousseau en commença la composition en mai 1743, se persuadant qu’il était capable d’écrire un opéra. Elle devait comporter trois sujets différents : Le premier acte, en musique forte, était le Tasse ; le second, en genre de musique tendre, était Ovide ; et le troisième intitulé Anacréon, devait respeirer la gaité du dithyrambe.

Rousseau en interrompit la composition durant son voyage à Venise, où il rejoignit le comte de Montaigu comme attaché d’ambassade.

Il la reprit à son retour pendant l’hiver 1744/45, pendant trois mois, auprès de Thérèse Levasseur (*), et mit le point final, le 9 juillet 1745.

(*) Thérèse Levasseur, lingère alors âgée de vingt-quatre ans. Rousseau dit d’elle que cette personne si bornée, si stupide en apparence, était d’excellent conseil, sensée et affectueuse, et d’un caractère pur, excellent, sans malice, digne de toute son estime.

Rousseau raconte dans ses Confessions : Il restait seulement quelques accompagnements et remplissages à faire. Ce travail de manoeuvre m’ennuyait fort, je proposai à Philidor de s’en charger, en lui donnant une part de bénéfice. Il vint deux fois et fit quelques remplissages dans l’acte d’Ovide, mais il ne put se captiver à ce travail assidu pour un profit éloigné et incertain. Il ne revint plus et j’achevai ma besogne moi-même.

Rousseau se fit introduire par son ami Gauffecourt (*) chez le fermier général La Pouplinière qui accepta d’organiser une exécution partielle (les cinq ou six meilleurs morceaux).

(*) Capperonnier de Gauffecourt, né en 1691, rencontra Rousseau chez le marquis d’Antremont, et s’attacha à lui, au point de « lui rendre tous les services imaginables avec un zèle qui en augmentait le prix »

L’exécution chez La Pouplinière eut lieu en septembre 1745, avec une dizaine de symphonistes et pour chanteurs Alberete, Bérardn et Mlle Bourbonnois, et provoqua une réaction brutale et dédaigneuse de Rameau, dont on dispose de deux versions.

Celle de Rousseau : Rameau commença, dès l’ouverture, à faire entendre, par ses éloges outrés, qu’elle ne pouvait être de moi. Il ne laissa passer aucun morceau sans donner des signes d’impatience mais, à un air de haute-contre, dont le chant étoit mâle et sonore et l’accompagnement très brillant il ne put se contenir; il m’apostropha avec mie brutalité qui scandalisa tout le monde, soutenant qu’une partie de ce qu’il venoit d’entendre étoit d’un homme consommé dans l’art et le reste d’un ignorant qui ne savait même pas la musique.

Il est vrai que mon travail, inégal et sans règle, était tantôt sublime et tantôt très plat, comme doit l’être celui de quiconque ne s’élève que par quelques élans de génie, et que la science ne soutient point. Rameau prétendit ne voir en moi qu’un petit pillard sans talent et sans goût.

Et, plus tardive, celle de Rameau : Il y a dix ou douze ans qu’un particulier fit exécuter chez M. *** un ballet de sa composition, qui depuis fut présenté à l’Opéra, et refusé : je fus frappé d’y trouver de très beaux airs de violon dans un goût absolument italien, et en même temps tout ce qu’il y a de plus mauvais en musique française tant vocale qu’instrumentale, jusqu’à des ariettes de la plus plate vocale secondée des plus jolis accompagnements italiens. Ce contraste me surprit, et je fis à l’auteur quelques questions, auxquelles il répondit si mal, que je vis bien, comme je l’avais déjà conçu, qu’il n’avait fait que la musique française, et avait pillé l’italienne.

En revanche, le duc de Richelieu, nouvel amant de Mme de La Pouplinière, s’enthousiasma pour les Muses galantes, et en fit donner une exécution intégrale qui eut lieu peu après chez M. de Bonneval, intendant des Menus plaisirs, à grand choeur et en grand orchestre, aux frais du Roi, sous la direction de François Francoeur. Il semble quand même que ce soit le duc qui ait conseillé à Rousseau de substituer à l’acte du Tasse celui d’Hésiode, que Rousseau composa en trois semaines.

Rousseau raconte : Monsieur Rousseau, me dit-il (le duc de Richelieu), voilà de l’harmonie qui transporte. Je n’ai jamais rien entendu de plus beau : je veux faire donner cet ouvrage à Versailes. Madame de La Poplinière, qui était là, ne dit pas un mot. Rameau, quoique invité, n’y avait pas voulu venir. Le lendemain, Madame de la Poplinière, me fit à sa toilette un accueil fort dur, affecta de rabaisser ma pièce, et me dit que, quoique un peu de clinquant eut d’abord ébloui M. de Richelieu, il en était bien revenu, et qu’elle ne me conseillait pas de compter sur mon opera.

Le duc de Richelieu avait cependant critiqué l’acte du Tasse, déclarant qu’il ne pouvait le laisser passer à la cour, et c’est alors que Rousseau le remplaça par l’acte d’Hésiode. Au total, les Muses galantes ne furent pas représentés à la Cour.

Ce n’est que plus tard, en 1747, que grâce aux bons offices de Dupin de Francueil (*), que l’ouvrage fut mis en répétition à l’Opéra. Rousseau raconte : Les Muses galantes furent répétées d’abord plusieurs fois au Magasin, puis au Grand Théâtre. Il y avait beaucoup de monde à la grande répétition, et plusieurs morceaux furent très applaudis. cependant je sentais moi-même, durant l’exécution fort mal conduite par Rebel, que la pièce ne passerait pas et même qu’elle n’était pas en état de paraître sans de grandes corrections. Aussi je la retirai sans rien dire. Rousseau se consola : Francueil m’avait bien promis de le faire répéter, mais non pas de le faire recevoir. Il me tint exactement parole.

Partition perdue, sauf l’entrée Hésiode.

(*) Charles Louis Claude Dupin, dit Dupin de Francueil, né en 1716, mort en 1780, grand-père de George Sand. Rousseau était secrétaire de sa belle-mère Louise-Marie-Madeleine Dupin

Il y eut une nouvelle exécution chez le prince de Conti, en 1761.

Plus tard, dans l’Avertissement de l’édition de ses Oeuvres, Rousseau écrivit : Cet ouvrage est si médiocre en son genre, et le genre en est si mauvais, que pour comprendre comment il m’a pu plaire, il faut sentir toute la force des préjugés et des habitudes…. Cependant, quoique la musique de cette pièces ne vaille guère mieux que la poésie, on ne laisse pas d’y trouver de temps en temps des morceaux pleins de chaleur et de vie.

 

Personnages : Prologue : L’Amour, Apollon, la Gloire, les Muses, les Grâces. Euterpe sous le nom d’Églé, Polycrate, Ovide, Anacréon, Hésiode, Doris, Érithie, Thémire.
Synopsis

Prologue

Le Mont Parnasse. Apollon sur son trône, les Muses assises autour de lui.

Apollon félicite les Muses pour la pureté de leurs plaisirs. Les Muses se refusent à l’amour. On entend une symphonie brillante et douce alternativement.

La Gloire et l’Amour descendent du même char.

Apollon n’en croit pas ses yeux. La Gloire lui explique que tout doit céder à l’Amour. L’Amour enteprend de lui montrer son pouvoir. Apollon sent monter en lui l’amour qu’il porte à Daphné, sans obtenir de retour, et se retire abattu. Les Muses veulent également partir, mais l’Amour les retient. L’Amour convie les Ris et les Jeux. Divertissement. Le choeur chante l’Amour et la Gloire associées.

Première entrée

Un bocage, au travers duquel on aperçoit des hameaux

Sc. 1 – Doris annonce que va se tenir la fête de l’Amour. La main d’Églé, une étrangère inconnue, est promise au vainqueur, mais Hésiode, son amant, n’a aucune chance de gagner. Églé est confiante. Elle voit arriver Hésiode et se cache.

Sc. 2 – Hésiode se lamente, car il craint de perdre Églé, et lui reproche d’accepter de se donner au vainqueur. On entend une symphonie douce. Hésiode cède au sommeil.

Sc. 3 – Églé, qui n’est autre que la muse Euterpe, invoque les Songes d’annoncer à son amant le destin qui l’attend. Les Songes annoncent le bonheur à Hésiode, puis se retirent.

Sc. 4 – Églé parle à Hésiode endormi, et lui annonce qu’il sera animé d’un nouveau feu venu d’Apollon, qui lui donnera la victoire. Hésiode se réveille, et aperçoit une lyre. Inspiré, il s’aperçoit qu’il forme sans effort de nouveaux chants, et qu’il va pouvoir triompher de ses rivaux.

Sc. 5 – Le Choeur des bergers arrive pour le concours. Hésiode s’approche avec sa lyre. Il chante si bien que les autres Bergers abandonnent.

Sc. 6 – Hésiode voit Églé, et s’aperçoit qu’elle est immortelle. Il comprend qu’Églé lui a donné son pouvoir par amour. Églé rassemble les bergers et les invitent à la reconnaître, Euterpe, et à la célébrer.

Sc. 7 – Le Chœur demande à Euterpe de rester parmi eux. Divertissement.

Deuxième entrée

Les jardins d’Ovide à Thômes. Dans le fond, des montagnes affreuses parsemées de précipices et couvertes de neiges.

Sc. 1 – Ovide se lamente. Au fond de la Scythie, il est à nouveau amoureux, cette fois de la jeune Érithie qui ne connaît pas encore l’amour.

Sc. 2 – Érithie s’apprête à se vouer à Diane.

Sc. 3 – La statue de l’Amour s’élève au fond, et la suite d’Ovide vient former des danses et des chants autour d’Érithie. Le choeur célèbre Amour. Érithie est séduite, et s’interroge sur le dieu charmant, aux yeux bandés et muni d’un arc. Un homme de la fête lui explique que le dieu enfant est le maître du monde. Ovide se propose de lui en révéler les secrets.

Sc. 4 – Érithie se sent troublé par Ovide qui lui apprend que le dieu Amour qui lui a enflammé le coeur. Érithie tente de résisiter en rappelant qu’elle doit se vouer à Diane devant le peuple d’Ithome. Ovide implore le secours d’Amour.

Sc. 5 – Le Choeur des Sarmates célèbre le déesse Diane, et appelle Érithie. Ovide s’interpose. Ovide et Érithie tentent de convaincre les Sarmates eet jurent préferer la mort. Le Choeur se laisse convaincre et comprend qu’ils sont faits l’un pour l’autre. Ovide les remercie en les conviant à céder à l’Amour.

Troisième entrée

Le péristyle du temple de Junon à Samos

Sc. 1 – Le roi Polycrate a ordonné aux jeunes filles de Samos de célébrer la déesse Junon. Il avoue à Anacréon qu’il souhaite ainsi reconnaître la jeune Thémire qu’il aime sans savoir qui elle est.

Sc. 2 – Les jeunes Samiennes viennent offrir leurs hommages à la déesse. Divertissement. A leur tête, Thémire, portant une corbeille de fleurs, entre dans le temple. Polycrate est frappé de la reconnaître, mais Anacréon est lui-même tombé aussitôt amoureux. Polycrate le lui reproche, mais Anacréon s’en défend.

Sc. 3 – Polycrate est tenaillé par la jalousie.

Sc. 4 – Thémire le rejoint. Polycrate lui déclare son amour, mais Thémire déclare fuir l’amour.

Sc. 5 – Thémire seule, avoue que son coeur la porte vers Anacréon, mais qu’elle craint les tourments de l’amour.

Sc. 6 – Anacréon ne semble pas se formaliser ddu choix de Polycrate, et subit les reproches de Thémire. Ils finissent par chanter leur désir de s’unir, et d’être fidèles.

Sc. 7 – Polycrate a décidé que Thémire devait choisir entre lui et Anacréon. Thémire lui fait comprendre qu’elle lui préfère Anacréon. Polycrate accepte sa décision. Thémire et Anacréon louent un roi si exemplaire. Polycrate convie Anacréon à rester à sa cour, et les Sarmates à célébrer leur union.

Sc. 8 – Divertissement

 

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