Il Seiano moderno della Tracia

IL SEIANO MODERNO DELLA TRACIA OVERO LA CADUTA DELL’ULTIMO GRAN VISIRE
Le Séjan Moderne de la Thrace, ou la chute du dernier grand vizir

COMPOSITEUR Francesco ROSSI
LIBRETTISTE Antonio Girapoli

 

Séjan, préfet du prétoire, favori et ministre de l’empereur Tibère, intrigua pour le renverser avant d’être arrêté et étranglé. Il est resté le type de l’ambitieux criminel et son histoire est retenue comme exemple d’une ascension sans scrupules suivie d’une chute brutale. On recense un certain nombre d’opéras, souvent allant par paires, le prenant pour personnage : l’exemple le plus ancien, peut-être le modèle des autres, pourrait être le diptyque de Nicolo Minato : La Prosperità di Elio Seiano et La Caduta di Elio Seiano, Venise, 1667. Pour l’Allemagne, citons par exemple, à Hambourg en 1678, Der glückseelige-steigende Sejanus (Prospérité et ascension de Séjan) et Der unglücklig-fallende Sejanus (Malheur et chute de Séjan), musique de Nicolaus Adam Strungk. On a pu remarquer que ce thème était plus populaire dans les opéras des républiques (Venise et Hambourg) qu’à une cour impériale comme celle de Vienne.

À la fin du XVIIe, l’actualité a entraîné l’association de Séjan avec le personnage contemporain de Kara-Mustapha, qui fut successivement grand écuyer, pacha, amiral et enfin grand-vizir du sultan Mahomet IV à partir de 1660. Vaincu sous les murs de Vienne par Jean Sobieski en 1683, il fut décapité par ordre du sultan. D’où, à Hambourg, en 1686, la paire d’opéras Der glückliche Grosz-Vizier Cara Mustapha et Der unglückliche Cara Mustapha (L’heureux/Le malheureux grand-vizir Cara Mustapha).

Mais dans le cas de l’œuvre de Rossi, le titre relève de l’escroquerie : ce n’est qu’à l’avant-dernière scène qu’on parle de la disgrâce et de l’exécution d’un chef de l’armée, non nommé, et qui n’a joué aucun rôle dans le reste de la pièce. Celle-ci est uniquement consacrée à des histoires d’amour avec des quiproquos sur l’identité de deux personnages, et sur le sexe de l’un d’eux.

Le style du librettiste, un certain Antonio Girapoli, dont c’est le seul livret connu, est d’une préciosité exacerbée, les jeux de mots, notamment sur les homonymes, semblant être son péché mignon. L’épître dédicatoire est déjà édifiante à ce sujet, avec « une témérité altière » jouant sur le nom du dédicataire, Altieri, et « Ce Clément (le pape Clément X, oncle du dédicataire) si clément ».

Le livret est dédié à dédié à l’Illustrissime & excellentissime seigneur D. Gasparo Altieri, neveu de Sa Sainteté Notre Seigneur le Pape Clément X, Général de la Sainte Eglise, Prince du Thrône & de l’Horloge, Noble Vénitien. Il semble avoir été imprimé avec beaucoup de négligence : une protagoniste, Aligia, a été oubliée dans la liste des personnages, les attributions de répliques sont parfois surprenantes.

Suivant les sources, l’ouvrage aurait été retiré de l’affiche avant sa première représentation ; ou bien cette première représentation ne serait pas allée jusqu’au bout, l’œuvre n’ayant pas plu. On peut imaginer que le public se soit impatienté en attendant l’arrivée sur scène du grand-vizir, dont on ne peut pas dire qu’il joue l’Arlésienne, car non seulement on ne le voit pas, mais il n’est jamais question de lui.

La musique n’a pas été conservée.

 

Personnages : Mehmet (Meemet), grand Sultan ; Aligia, princesse de Transylvanie ; Khadidja (Caddiggia), femme de Soliman ; Soliman (Solimano) ; Eymeric (Emerico), prince hongrois ; Ibrahim (Ibraimo), prince de la Porte ; Hussein (Ussein), prince de la Porte ; Uba, dame du Sérail ; Sinan, page.

 

Synopsis

L’action se situe sans doute à Istanbul, dans le palais du sultan.

Acte I

Khadidja et Eymeric chantent leurs amours, troublées par l’arrivée du mari de Khadidja, Soliman. Eymeric se cache dans un cabinet. Khadidja assure son époux de sa fidélité. Arrive le sultan Mehmet, également épris de Khadidja, et ayant déjà bénéficié de ses faveurs. Soliman se cache lui aussi dans le cabinet, où le sultan le découvre ainsi qu’Eymeric. Celui-ci étant apparemment vêtu en femme, le sultan soupçonne Soliman de tromper son épouse avec lui ; pour le calmer, Eymeric lui assure qu’il est un homme, tout en déclarant à Soliman, pour le tranquilliser, qu’il est une femme.

Aligia est amoureuse (d’Eymeric, on l’apprendra bientôt) et malheureuse ; elle confie sa peine au papier. Ibrahim, grand de la Porte, vient lui faire sa cour et se fait rabrouer. Il lit ce qu’elle a écrit, et qui peut être lu de deux façons : haine pour Ibrahim et amour pour Eymeric, ou le contraire. Ibrahim lit de la première façon, son ami et rival Hussein de la seconde. Hussein prétend ne pas être amoureux, mais fait sa cour à Aligia, qui feint de le favoriser.

Eymeric retrouve le sultan et Soliman. Le page Sinan lui transmet une invitation de Khadidja, que les deux autres croient s’adresser à eux. Soliman se déclare séduit par la supposée jeune fille (Eymeric, donc) rencontrée chez sa femme, et souhaite qu’elle reste le plus possible avec son épouse, ce qui ne dérange nullement celle-ci.

Le sultan s’entretient avec Aligia, venue se marier avec un prince hongrois nommé Eymeric, qu’elle n’a jamais vu ; cette union renforcerait les liens entre deux territoires vassaux de l’empire ottoman, et fortifierait d’autant ce dernier.

Lorsque Eymeric arrive, Aligia éprouve un coup de foudre pour ce bel homme, dont elle ignore l’identité. Le coup de foudre est réciproque.

Acte II

Le sultan s’entretient avec Eymeric de l’alliance avec son pays. Eymeric lui confirme la beauté de Khadidja ; lorsque le sultan chante celle-ci, Soliman croit qu’il s’agit d’Olinda (nom supposé d’Eymeric en tant que jeune fille).

À force d’entendre louer les charmes de son épouse, Soliman finit par s’apercevoir de leur existence. Il trouve suspect qu’Olinda et Khadidja poursuivent un duo amoureux, mais les incite à rester proches.

Ibrahim et Hussein insistent pour qu’Aligia choisisse entre eux. Elle prend un malin plaisir à les laisser dans le doute.

Aligia et Eymeric s’entretienent de leurs perspectives de mariage, qui ne les enchantent guère, chacun ignorant que le promis est celui dont il est épris.

Khadidja feint d’être endormie. Le sultan la retrouve. Surviennent Eymeric et Soliman, masqués, faisant semblant d’agresser le sultan. Khadidja s’évanouit, puis revient à elle lorsqu’elle est seule avec Eymeric. Soliman insiste pour qu’Eymeric ne la quitte pas.

Acte III

Aligia chante sa douleur dans un beau jardin. Ibrahim et Hussein insistent ; elle persiste à les faire tourner en bourrique.

Khadidja et Soliman font tous deux l’éloge des charmes d’Eymeric. Celui-ci révèle au page Sinan qu’il brûle pour une autre, et hait désormais Khadidja, qui s’en aperçoit, et veut poignarder sa rivale.

Eymeric et Aligia informent le sultan qu’ils ne veulent plus épouser ceux qu’on leur destine. Ibrahim veut poignarder Eymeric.

Khadidja fait une scène de jalousie à Aligia, mais recule au moment de la poignarder. Aligia lui déclare ne pas aimer Eymeric.

Khadidja, Ibrahim, Eymeric et Aligia demandent au sultan de renoncer au mariage prévu. Le sultan l’accorde ; mais lorsqu’ils demandent ensuite à épouser celui/celle qui est face d’elle/de lui (dont, rappelons-le, ils ignorent l’identité), le sultan n’y comprend plus rien. Chacun croit par ailleurs se mésallier, jusqu’à ce qu’ils se nomment : soulagement, chants de jubilation.

Là-dessus, on apprend la défaite des troupes ottomanes face à une alliance austro-polonaise. Le responsable, non nommé, a été arrêté et ne tardera pas à être exécuté. C’est la seule scène qui justifie le titre, et elle n’a aucun rapport avec l’action : le grand vizir ne figure même pas parmi les personnages.

Scène finale : Khadidja réalise son malheur, et Aligia ne fait rien pour la consoler.

 

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