CD Rinaldo (direction Christopher Hogwood)

Rinaldo_Hogwood

COMPOSITEUR Georg Friedrich HAENDEL
LIBRETTISTE Giacomo Rossi

 

ORCHESTRE The Academy of Ancient Music
CHOEUR
DIRECTION Christopher Hogwood
Goffredo Bernarda Fink
Almirena Cecilia Bartoli
Rinaldo David Daniels
Eustazio Daniel Taylor
Argante Gerald Finley
Armida Luba Orgonasova
Une Sirène Catherine Bott
La Femme, une Sirène Ana-Maria Rincon
Le Mage Bejun Mehta
Un Héraut Mark Padmore
DATE D’ENREGISTREMENT 19 – 27 novembre 1999
LIEU D’ENREGISTREMENT Henry Wood Hall – Londres
ENREGISTREMENT EN CONCERT non
EDITEUR Decca
COLLECTION
DATE DE PRODUCTION 2000
NOMBRE DE DISQUES 3
CATEGORIE DDD

Prix « Cannes Classical Awards » 2001 dans la catégorie « Opéra des XVIIe et XVIIIe siècles » Critique de cet enregistrement dans :

  • Goldberg – avril 2004 – appréciation : 5 de Goldberg

« Beaucoup d’hommages ont été rendus au chant de ce Rinaldo, qui a gagné un Gramophone et fut lauréat au Cannes Classical Awards il y a deux ans. Le chant est en effet remarquable, comme le sont également les musiciens de l’Academy of Ancient Music, mais son mérite général est de parvenir à entraîner l’auditeur au-delà de la virtuosité et au coeur de l’opéra de Hàndel. Rinaldo fut le premier opéra de Haendel pour la scène de Londres, et il était conçu pour accorder une grande place au spectacle visuel et auditif. L’intrigue est très vaguement basée sur des épisodes de la Gerusalemme liberata du Tasse, décrivant la prise deJérusalem durant la première croisade.La magie, les batailles et les enchevêtrements romantiques font du bon spectacle, mais peuvent conduire à une histoire dramatique superficielle. Dans ce cas, je suis très tenté de décrire l’intrigue dans des termes psychanalytiques. Cela serait un anachronisme, mais permettrait de souligner que derrière une intrigue qui semble tirée par les cheveux, il y a des réalités humaines puissantes. Hogwood fait ressortir le contenu émotionnel d’une manière touchante, mais résiste au besoin de donner trop d’importance à chaque détail, en produisant plutôt un sentiment d’architecture et de direction qui permet une nette mise au point de cette humanité. L’exemple le plus clair se trouve dans le dernier acte, lorsque l’affrontement magique entre Armida et Rinaldo arrive à sa fin et que l’action se déplace vers la bataille plus temporelle de Jérusalem. Ceci pourrait facilement ressembler à une répétition rudimentaire, mais au lieu de cela, Hogwood la fait ressentir comme une partie terrestre en dehors du conflit magique, de telle sorte que le baptême final d’Armida vaincue et d’Argante prend tout son sens. »

  • Diapason – 20 disques pour découvrir Haendel – octobre 2002

« Une distribution virtuose, une direction lumineuse… »

  • Diapason – mai 2001 – 30 disques pour découvrir l’opéra baroque

« Si Hogwood n’a pas à rougir de Bartoli, Daniels, Finley et Fink, c’est la partie instrumentale qui consacre sa supériorité ».

  • Forum opéra – avril/juin 2001

« Aaaah ! Enfin un nouveau Rinaldo ! Et avec une de ces distributions… alléchante s’il en est ! LA star des contre-ténors en paladin de Charlemagne, LA superstar italienne en Almirena, de solides artistes (dont la fabuleuse Bernarda Fink en Goffredo et les sympathiques Gerald Finley et Luba Orgonasova en sarrasins) dans les autres rôles : inutile de dire que cet enregistrement était grandement attendu par les admirateurs du cher Saxon… Et l’on n’est pas (trop) déçu par le résultat, même s’il manque à cet enregistrement le petit quelque chose qui fait les vraies grandes réussites.Qu’en est-il de l’oeuvre elle-même? Composé en 1711 pour le Haymarket – c’est le premier opéra italien spécifiquement écrit pour Londres par Händel , Rinaldo rencontra immédiatement un grand succès, et fut représenté quinze fois, avant plusieurs remaniements et reprises (Hogwood et son équipe nous proposent ici la version de 1711, avec happy end et conversion des païens). Ses extravagances de livret restent aujourd’hui encore fort divertissantes pour le spectateur, même si elles ne facilitent pas sa représentation scénique (à moins de faire appel aux studios Light and Magic…); et cet opéra recèle, comme toujours chez Händel, nombre de très beaux airs, notamment le célébrisssime « Lascia ch’io pianga » d’Almirena, ou le formidable « Sibillar gli angui d’Alletto » (tous deux repris d’úuvres antérieures, Il Trionfo del Tempo e del Disinganno – sauf erreur – pour le premier, et Aci, Galatea e Polifemo pour le second). Autant dire que tout y est réuni pour enthousiasmer l’auditeur, Händel et son librettiste ne lésinant pas sur les effets spéciaux puisque l’on trouve dans la partition dragons, coups de tonnerre et éclairs, petits oiseaux… sans parler, bien entendu, du véritable festin vocal que nous réservent les rôles d’Armida et de Rinaldo. Les premières rumeurs évoquant un projet de Rinaldo avaient laissé espérer une prestation de donna Cecilia dans le rôle-titre – ce qui aurait certes valu le détour, connaissant la vaillance et la virtuosité de ce mezzo au timbre si richement coloré! Cependant, la Bartoli tournant de plus en plus ses regards vers l’aigu, la voici finalement qui s’attaque au personnage de… non, non point Armida, comme on aurait pu s’y attendre (comme cela aurait été intéressant, parallèlement à l’Armida haydnienne sous la direction de Harnoncourt, parue en même temps !), mais de la douce et tendre Almirena, fiancée du fier paladin, et fille du capitaine Goffredo. Et le résultat, passée la première surprise, est tout simplement enthousiasmant! Car s’il est vrai que cette Almirena-là, dotée d’une voix un peu… capiteuse, dirons-nous, en comparaison avec son caractère supposé, semble par instants tenir le glaive de Rinaldo à sa place (écoutez son premier air, avec ses r rrroulés et sa surrrdétermination!) et évoque plus la pugnace Clorinde ou la teigneuse Bradamante (pour rester chez Tasso et son prédécesseur Ariosto) qu’une fraîche et pure demoiselle brodant un pourpoint en attendant son promis (mais qui a dit que les tendres demoiselles du temps de Charlemagne étaient forcément fleurs bleues?), elle converse cependant de manière délicieuse avec les « Augeletti che cantate », et ses soupirs sont absolument désarmants – superbe « Lascia ch’io pianga », qui ferait tomber à genoux n’importe quel Argante ! A ses côtés, pour le rôle-titre, on ne pouvait rêver mieux que David Daniels. Le contre-ténor américain a pour lui un timbre merveilleusement tendre et ambigu, empreint d’une volupté grisante, et son duo avec Bartoli au premier acte est à croquer. On pourra sans aucun doute lui reprocher une légère mollesse de caractère – mais cette douce nonchalance sied bien, à mon avis, au preux Rinaldo, plus enclin à se laisser aller aux douces étreintes de sa belle qu’à la conquête de Jérusalem. Daniels, cependant, ne manque pas de bravoure dans ses moments de fureur ou de vaillance, faisant notamment preuve d’une belle confiance dans l’énergique « Or la tromba » (même s’il y semble un brin dépassé par le tempo de master Hogwood), ou encore dans le virtuose « Venti, turbini, prestate », et le court « Il Tricerbero humiliato » le trouve soudain armé d’une sombre détermination à lutter contre les artifices déployés par Armida; mais c’est encore dans les douloureuses lamentations du très beau « Cara sposa », au premier acte, qu’il se montre sous son meilleur jour, nous offrant une déchirante mais pudique plainte, toute de désespoir contenu. Le couple de païens malhonnêtes et lâches que constituent Armida et Argante n’a rien (ou presque) à envier aux chrétiens si glamour, à commencer par un formidable Argante campé avec panache et majesté par le fringant baryton canadien Gerald Finley, dont l’ébouriffant « Sibillar gli angui d’Alletto » au premier acte est l’un des clous de cet enregistrement! Quel souffle, quelle superbe, quelle arrogance, quelle admirable fausse assurance chez ce Sarrasin bravache, dont Finley rend à merveille le côté baudruche, vite dégonflée par le désarroi de la belle Almirena ! Il trouve en Luba Orgonasova une compagne de larcins et de messes noires exemplaire ; car si le chant peut parfois manquer de finesse et l’italien laisser franchement à désirer (de ce côté, on frôle la bouillabaisse), on ne peut qu’admirer la véhémence de la soprano slovaque, excellente en magicienne furieuse (et un peu brouillonne) comme en amoureuse blessée (et maladroite). Son concours de virtuosité avec le clavecin obligé dans « Vo’ far guerra », tout comme sa confrontation explosive avec Rinaldo dans l’électrique « Fermati!/No crudel! » au deuxième acte sont également réussis. Bernarda Fink en Goffredo, cela s’annonçait à la fois prometteur et risqué. Prometteur grâce au talent admirable de cette très belle artiste par trop discrète; et risqué tout simplement parce que cela semblait tout de même un contre-emploi. Et c’est un peu le cas, même avec toute la bonne volonté dont fait preuve la mezzo argentine pour nous convaincre. La douce et rassurante Bernarda Fink en capitaine de l’armée chrétienne, en combatif chef des Croisés, bref en Godefroy de Bouillon, tout de même! on a parfois un peu de mal à y croire. Fort heureusement, le personnage de Goffredo tel que présenté dans l’opéra est aussi éloigné de l’ascèse du pieux vieillard dépeint par Torquato Tasso que de la violence sanguinaire du Godefroy qu’a retenu l’Histoire. Bien plus, même, Händel en fait un homme certes volontaire et déterminé, mais avec ses inquiétudes et sa part de fragilité ; et c’est là que la voix somptueusement chaleureuse et veloutée de Bernarda Fink fait merveille – son « Mio cor, che mi sai dir? », traduisant superbement les angoisses d’un père pour sa fille et d’un paladin pour son fidèle compagnon d’armes, est véritablement poignant.Le cas des rôles secondaires, en revanche, est plus litigieux. Daniel Taylor est bien insignifiant et monotone en Eustazio (mais il est vrai que le rôle n’est pas des plus gratifiants dans sa répétitivité), et les deux Sirènes sont tout simplement anorexiques! Seul Bejun Mehta tire son épingle du jeu, dans un rôle (un Mage chrétien dont la seule question qu’il soulève est: « mais que peut-il bien faire tout seul en plein milieu d’Israël?! ») malheureusement aussi épisodique que peu intéressant, et vite oublié. Quant à Mark Padmore, il n’a qu’une phrase de récitatif … Et la direction de Christopher Hogwood dans tout ça ? Et bien, la direction de Hogwood, elle est… honnête. Il fait juste ce qu’il faut pour soutenir ses chanteurs et maintenir l’attention, avec des musiciens fort recommandables, et le résultat est bon, mais ne nous voilons pas la face: dans une partition telle que Rinaldo, ce n’est pas du bon qu’il faut, c’est de l’exceptionnel! On aimerait que cela bondisse, que cela jaillisse, que cela glace les sangs, que cela dresse les cheveux sur la tête, que cela explose de toutes parts, que cela danse et que cela éblouisse, que cela secoue et que cela caresse l’oreille, bref, que le spectacle auditif soit au moins aussi fantastique que le spectacle visuel prévu par le livret! Bien sûr, on ne demande pas à Hogwood de nous faire un Disneyland musical et baroque, mais tout de même! Ce qu’il nous offre là est bien gentillet (même si les trompettes et timbales du « Or la tromba » sont d’une énergie assez décoiffante, il faut l’admettre)… Et l’on se prend à rêver: ah! si seulement cet enregistrement avait été confié à un Jacobs, à un Christie, à un Minkowski! Mais ne nous plaignons tout de même pas outre mesure: ce Rinaldo est somme toute bien divertissant et joli (un petit coup de chapeau au passage au responsable des effets spéciaux qui fait de son mieux pour nous offrir des éclairs et des dragons tout ce qu’il y a de plus sympathiques!), et n’a aucun mal à s’imposer dans un discographie bien maigre pour une oeuvre de cette envergure. A écouter donc absolument, pour la musique de Händel, et surtout pour les cinq chanteurs principaux. »

« En automne 1710, presque un an après le triomphe d’Agrippine à Venise, Haendel s’installe en Angleterre, sans doute invité par les membres de la grande et petite noblesse qui rêvent de profiter en Grande-Bretagne de l’opéra italien, drame en musique entièrement chanté pour lesquels ils ne bénéficient d’aucun compositeur. Rinaldo sera donc le premier opéra italien spécialement composé pour la scène londonienne et la première oeuvre de Haendel à Londres. Il s’agit d’une adaptation fantaisiste de la Jérusalem libérée de Torquato Tasso qui raconta la victoire des forces chrétiennes menées par Godefroy de Bouillon contre les musulmans. Aaron Hill, directeur du King’s Theater et jeune écrivain de 24 ans, affranchit l’intrigue de ses lourdeurs historiques et y ajoute les péripéties des passions amoureuses en la confiant au librettiste Giacomo Rossi. Apparaît donc un personnage nouveau, celui d’Almirena la fille de Godefroy, promise au chevalier chrétien Rinaldo : elle subira le courroux et la jalousie d’Armida, Reine de Damas, sorcière et maîtresse d’Argante, roi de Jérusalem. Almirena aime Rinaldo, Rinaldo aime Almirena, Armida convoite Rinaldo, Argante s’éprend d’Almirena, l’amour perturbe la guerre et déchaîne la magie furieuse d’Armide. Quelle riche matière pour Haendel qui déborde d’inventivité en explorant les contradictions intérieures de ses personnages au fil d’airs aussi mélodieux que variés… sans hésiter à s’inspirer également de certains moments de ses oeuvres précédentes ! Certes, quelques-uns se détachent avec plus de bonheur que d’autres de cette suite filée d’arias dont le procédé en continu risque parfois de lasser… mais les interprètes se surpassent ! Il est passionnant de découvrir ici Cecilia Bartoli dans le rôle d’Almirena alors qu’elle vient de tenir avec la même conviction prenante Armide chez Haydn (voir plus bas la présentation de cet enregistrement chez Teldec). Charme, profondeur, subtilité touchent directement le cœur et résonnent avec humilité et sincérité. Les trois rôles de « castrati », si populaires à cette époque, reviennent au personnage principal de Rinaldo, ici incarné avec un raffinement affranchi de toute préciosité par David Daniels, à celui d’Eustazio, frère de Godefroy chanté tout en douceur par Daniel Taylor et enfin au mage, Bejun Mehta, jeune soliste tout imprégné de son rôle salvateur. Luba Orgonasova compose une Armide impressionnante et fabuleuse. La conviction de Christopher Hogwood à la tête de la très précise Academy of Ancient Music perce l’intérêt d’une oeuvre un peu longue mais ponctuée de superbes moments. »

  • Goldberg – hiver 2000 – appréciation 5 / 5

« Des chanteurs exceptionnels. David Daniels et Cecilia Bartoli insufflent la vie à un héros et à une héroïne conventionnels ; Luba Orgonasova est une Armida formidable et cependant émouvante »… »La direction de Christopher Hogwood possède la subtilité qui le caractérise et l’Academy of Ancien Music, avec le complément de chants réels d’oiseaux et de la machine à coups de tonnerre de Drottingholm, nous offre une musique grandiose ».

  • Classica – décembre 2000 – Recommandé

« La production de Hogwood constitue un événement…Hogwood a fait le choix de l’énergie et du mouvement »… »Daniels…est ici éperonné par la vitalité débordante de l’orchestre, et se révèle être un grand chanteur haendélien. Bartoli offre la partie la plus intéressante de sa virtuosité, celle du cantabile »… »L’éclat du timbre (de Orgonasova), la puissance, une agilité transcendante font de son Armide un être surnaturel, quelque part entre l’humanité et le sublime. »

  • Le Monde de la Musique – janvier 2001

« Pour la première fois au disque, le rôle-titre échoit à un homme »… »Si sa colère et ses menaces n’impressionnent pas toujours, ses doutes et ses désepoirs émeuvent. Il faut reconnître à cet artiste une ligne de chant et une couleur vocale qui jamais n’évoquent une « voix de fausset »… »Cecilia Bartoli, en Almirena, s’identifie comme toujours merveilleusement à son personnage et fait chavirer les coeurs par la générosité de ses sentiments »… »Luba Orgonasova, en Armide, crache le feu (malgré des consonnes « avalées ») et révèle toute l’ambivalence du personnage. Bernarda Fink…fait au moins preuve d’intelligence, tandis que campe un solide Argante »… »Si l’ensemble s’écoute avec plaisir, il lui manque un peu de panache et de tension dramatique ».

  • Opéra International – janvier 2001 – appréciation 4 / 5

« On pouvait donc espérer de la nouvelle intégrale de Christopher Hogwood une approche plus contemporaine, qui tiendrait compte de l’évolution des connaissances musicologiques. Sur ce plan, cette version ne nous déçoit pas, par son exhaustivité, sa belle distribution, sa direction d’orchestre inventive et théâtrale. Seules quelques scories entachent, ici et là, cette réalisation soignée, mais nous y reviendrons… Commençons par le meilleur ! Mal-gré la modestie des moyens exigés et la brièveté du rôle, somme toute secondaire, l’Almirena de Cecilia Bartoli est exemplaire. La chanteuse se plie aux demi-teintes de cet emploi d’amoureuse, avec un arsenal d’affetti incroyable, une palette de couleurs admirable : à ce titre, ses « Augelletti che cantate » et « Lascia ch’io pianga » sont de vraies pages d’anthologie.Bernarda Fink (Goffredo) n’est pas loin d’atteindre les mêmes sommets. Avec son timbre plus sombre, son phrasé exemplaire et sa souple virtuosité, elle rend amplement justice à des airs qui ne sont pas tous du meilleur Haendel. Grâce à un bel engagement dramatique, GeraId Finley compose un solide Argante, plus baryton que basse, bien aidé par la verve d’Hogwood, sans doute plus rutilant que Malgoire.La prestation de David Daniels en Rinaldo pose davantage problème. Son art du chant, son timbre velouté presque féminin, sa technique du legato sont toujours aussi parfaits… mais il lui manque par trop l’héroïsme inhérent au personnage. A ce titre, il paraît plus à l’aise dans les pages introspectives (« Cara sposa », « Ogn ‘indugio d’un amante ») que dans la tension dramatique (« Abbruggio, avvampo e fremo ») ou la virtuosité virile et militante (« Venti, turbini »). Sa grande scène héroïque avec trompettes de l’acte III (« Or la tromba ») manque de relief et de rebonds, surtout si l’on garde dans l’oreille ce qu’y faisaient Marilyn Home ou Ewa Podles. Tout aussi problématique est l’Armida de Luba Orgonasova, qui tient le premier rôle féminin : elle chante très bien, mais comme c’est placide et ennuyeux ! On ne croit pas un instant à ce personnage de magicienne, tel que l’interprète la cantatrice « Furie terribili » et « Vo far guerra » ne provoquent guère le grand frisson attendu ; et l’on n’est pas davantage ému par la retenue de « Ah crudel, il pianto min » à l’acte II. Et pourtant, on sent bien que les moyens sont là ; sans doute eût-il fallu plus d’implication émotionnelle de la part de la chanteuse. Malgré l’énergie que déploie le chef, rien n’y fait et l’on reste sur sa faim. La distribution de complément est bien en place, avec une mention pour le Mage de Bejun Mehta. Nous aurions aimé l’entendre davantage, par exemple en Eustazio, à la place du contre-ténor Daniel Taylor, un peu en retrait. »

  • Crescendo – décembre 2000/janvier 2001 – appréciation Joker

« Dès l’ouverture, on peut ressentir l’affection que Christopher Hogwood et ses musiciens portent à ces pages »… »David Daniels met sa magnifique musicalité au service de Rinaldo »… »Stupéfiante dans « E’ un incendio », sa prestation ne connaît aucune faiblesse »… »Cecilia Bartoli trouve aussi matière à s’exprimer avec sa voix si typée…tour à tour ardente et tendre »… »Par leur engagement et la justesse de leur ton, les prestations de Bernarda Fink, Daniel Taylor et Gerald Finley côtoient les mêmes sommets »… »L’esthétique de chant de Luba Orgonosova est différente, notamment par son vibrato omniprésent »… »L’ensemble de cette production peut donc être considérée comme un grand moment ».

« Que dire ? Hourra ! et surtout ouf ! D’abord parce que ce qui est selon moi l’une des plus belles (pour ne pas dire la plus belle) réalisations du maître est enfin enregistrée (on ne compte pas le nombre d’extraits présents dans des récitals divers, du rabâché  » Cara sposa  » en passant par d’autres  » Venti Turbini « , mais pas d’intégrale !), ce qui répare une profonde injustice, et surtout ce présent coffret nous fait oublié à la célérité de la lumière l’affreuse gravure de Malgoire (calamiteuse à deux ou trois exceptions près) et l’insupportable live avec La Horne (les planchers de la Venice grinçant plus fort que les chanteurs ….) (Horne qui d’ailleurs était la seule vraiment à sa place dans cette réalisation).Injustice est réparée, hourra pour Hogwood et zut pour tous les autres baroqueux qui pour des raisons x ou y ne sont pas attelés à la tâche avant lui. Je m’emporte, désolé, mais que vous voulez vous, lorsque l’on laisse dormir dans son grenier un chef d’œuvre on ne peut que remercier celui qui l’en ressort. Bien sûr il y avait eut les concerts donnés par Rousset qui laissaient espérer un enregistrement fulgurant (pensez donc : Mingardo, Piau, Scarltriti …) mais rien au final : Traditor ! Nous avons aujourd’hui néanmoins une belle brochette de chanteurs (dont les deux stars montantes Bartoli et Daniels) et surtout un chef au parfum de Händel depuis un sacré bout de temps. Hogwood nous offre ici un spectacle haut en couleur, avec une académie plus luxuriante que jamais et qui n’appelle simplement aucun reproche. On saluera particulièrement le solo de clavecin dans le  » Vo far Guerra  » superbement enlevé. Côté chanteurs, que des belles voix, mais pas toujours les plus fraîches ou les plus judicieuses. Commençons par les reproches, et peut être par un reproche à l’adresse du chef en premier lieu, si comme soupçonné c’est lui qui a écrit les da Capo : ceux ci sont dans l’ensemble (heureusement il y a quelques superbes exceptions, comme le  » Sibillar … « ) plutôt neutres et peu virtuoses, un brin de frustrations donc, mais juste un brin…Les autres reproches maintenant : Bartoli nous joue la timorée, pour quelque fallacieuse raison madame (qui d’ordinaire est si friande de rôle pour soprane) se contente de celui de la douce et bien prude Almirena (alors que Armida ne l’aurait en rien démontée, tant pis pour les suraigus, de toute manière avec l’antique Organasova on a guère mieux …), tant pis. De toute manière Bartoli est toujours égale à elle même et c’est un ravissement que de l’entendre, même si elle est moins déjantée que d’habitude. Organasova, passons, elle a fait son temps, la ligne de chant et droite, l’aigu un peu juste, mais elle est aussi froide que son Armida le demande. Taylor est bien  » gentil « , mais la voix est toujours aussi belle, pas beaucoup de flamme, on s’en passera. Maintenant nous reste les trois autres (je ne parle pas des rôles secondaires, entre un Mehta complètement à côté de la plaque et des Bott, Rincon et Padmore malheureusement par trop sous employés, ah Padmore !). Fink est magnifique, de prestance, d’allure, de tout, son Goffredo file droit, et on le suit avec joie. Même joie pour Finley, en grande forme la basse anglaise, qui nous avale son Sibillar tout cru, et nous on applaudis. Enfin, Daniels … No comment, si ce n’est celui formulé sur les da capo :  » il est trop ce type « . Un vrai régal que ses airs, un bonheur pur (et entre ses cordes vocales le si d’ordinaire  » barbant  »  » Cara sposa  » retrouve sa raison d’être.) »

« Hélas, ni la direction de Hogwood, globalement pesante et sans grâce, ni l’interprétation des chanteurs, qui font pourtant de louables efforts, ne parviennent à maintenir durablement nos sens en éveil. Il y a pourtant de fort beaux airs, d’ailleurs généralement très réussis (Augelletti che cantate ou Lascia ch’io pianga d’Almirena / Bartoli, Cara sposa amante cara de Rinaldo / Daniels, l’envoûtant Il vostro maggio des sirènes) et Dieu sait que Haendel n’est pas avare d’effets de tonnerre, éclairs et autres airs guerriers dont le Vo far la guerra d’Armide / Orgonasova est un brillant exemple. Il y a d’ailleurs dans cet air une époustouflante partie de clavecin obligé, reliquat dit-on des somptueux accompagnements dont le jeune Haendel agrémenta les représentations et qui participèrent de sa gloire. Mais les très nombreux récits sont trop peu accrocheurs et les interprètes, chanteurs et continuistes, ne s’y montrent ni brillants ni imaginatifs passant parfois à côté d’effets que le texte suscite à l’évidence (Che posso a pena articolar gli accenti de Rinaldo / Daniels). En traitant avec autant de soin les récitatifs que les airs, cet enregistrement aurait pu figurer plus qu’honorablement dans une discographie haendélienne qui manque toujours d’une version convaincante de ce Rinaldo. Le défi reste à relever… »