CD Riccardo Primo (direction Paul Goodwin)

RICCARDO PRIMO, RE D’INGHILTERRA

COMPOSITEUR

Georg Friedrich HAENDEL

LIBRETTISTE

Paolo Antonio Rolli

 

ORCHESTRE Kammerorchester Basel
CHOEUR
DIRECTION Paul Goodwin

Riccardo Lawrence Zazzo
Costanza Nuria Rial
Pulcheria Geraldine McGreevy
Isacio David Wilson-Johnson
Berardo Curtis Streetman
Oronte Tim Mead

DATE D’ENREGISTREMENT 23 mai au 1er juin 2007
LIEU D’ENREGISTREMENT Bâle
ENREGISTREMENT EN CONCERT oui

EDITEUR Deutsche Harmonia Mundi
DISTRIBUTION Sony-BMG
DATE DE PRODUCTION 10 mars 2008
NOMBRE DE DISQUES 3
CATEGORIE DDD

Critique de cet enregistrement dans :

 Diapason – mai 2008 – appréciation 4 / 5

« Le 6 mai 1191, avant la Terre Sainte, la flotte du roi croisé Richard Coeur de Lion prend Chypre et défait le despote Isaac Doukas. Ici commence un opéra dont le thème pouvait garantir la place au répertoire anglais. S’il n’en est rien, c’est d’abord que Haendel a écrit, même en italien, des ouvrages que Londres préfère, ensuite que le livret de Francesco Briani arrangé, ou plutôt dérangé, par le fidèle Rolli pèche quasi à chaque scène. Pourtant, comme cela part ! Un demi-siècle avant Iphigénie, un siècle et demi avant Otello, l’ouverture débouche sur une tempête-récit d’un effet saisissant. Nous admirerons ensuite les deux cors du roi syrien Oronte, une étrange traversa bassa au III, un oiseau mêlé aux dernières arabesques de la princesse Costanza, de poignants récitatifs accompagnés, des mélodies exquises qui donnent raison à Burney : voilà une partition ‘ remplie de beautés dans tous les genres ‘. Mais… Mais elle naquit sous le règne des rival queens Faustina et Cuzzoni entre lesquelles la compositeur, mauvais roi Salomon, devait partager ses opéras quoi que le drame exige. Mais, du coup, drame est un grand mot pour qualifier ces trois petites heures. Mais la poésie est faible, Le fil lâche, les personnages vagues ou itératifs. Trop de mais. Aussi beau soit-il, Riccardo Primo navigue loin des chefs-d’oeuvre.

Raison de plus pour veiller à ce que la matière demeure assez dense et le discours assez tendu. Tel n’est pas le dessein de Paull Goodwin qui change le lien de la cause (récitatif) vers la conséquence (aria) an simple coq-à-l’âne, et ne prend nul soin de développer. Un air commence, continue, reprend da capo, s’achève, vif ou lent, brutal ou charmant, égal d’un bout à l’autre. Adieu théâtre ‘ Haendel n’avait qu à montrer l’exemple. Est-ce à dire que le chef faillit? En aucun cas. Remarquable musicien, il campe an trois notes un paysage intérieur et ne loupe jamais un tempo. tempo. Plus divers et plus animé que Christophe Rousset il y a treize ans (L’Oiseau-Lyre), il a su rassembler un plateau d’égale valeur, le même que celui entendu à Paris, Genève et Halle la saison dernière : le falsettiste Lawrence Zazzo, moins noble et nuancé que Sera Mingardo, quoique plus courageux ; Nuria Rial, moins concentrée que Sandrine Piau dans le récitatif mais d’un charme absolument irrésistible dans les pages aériennes ( « Baccia per me » et sa cadence au ré bémol mezzo piano [contre-ut à 415], « Il volo cosi fid », rêve arcadien) ; Geraldine McGreevy mieux accordée que Claire Brua à la volcanique Pulcheria, tous conduits par un orchestre de chambre bâlois en formation baroque (l’ensemble appartient à la nouvelle école « polyvalente ») peu personnel mais très solide et d’une souplesse admirable. Le meilleur Riccardo connu « 

 Opéra Magazine – mai 2008 – appréciation 4 / 5

« L’enregistrement, réalisé à Bâle du 23 mai au 1er juin 2007, contredit l’impression laissée par le concert du Théâtre des Champs-Elysées.Tant l’orchestre ‘ on apprécie le continuo assez fourni ‘ que les solistes offrent ici des prestations d’une bonne tenue technique, extrêmement musicales et stylées. Chaque chanteur réussit à donner corps à son personnage et l’opéra s’écoute d’une traite avec un réel plaisir.

Pourtant, il manque à chacun un petit quelque chose. En Costanza, la charmante Nuria Rial trahit quelques aigus tendus et Geraldine McGreevy n’a pas la souplesse exigée par la virtuose Pulcheria. Quant à Lawrence Zazzo, il tire le maximum d’un instrument à l’émission un peu gonflée et aux registres inégaux. Difficile, en écoutant ce trio, de ne pas songer à l’enregistrement de Riccardo Primo dirigé par Christophe Rousset chez L’Oiseau-Lyre, avec les incarnations superlatives de Sara Mingardo et Sandrine Piau en Riccardo et Costanza, qui possédaient tout ce que n’ont pas Zazzo et Rial.

Si cette nouvelle gravure est bourrée de qualités et peut constituer une belle découverte pour de nom­breux mélomanes, elle nous confirme à quel point la réédition de celle de Rousset est indispensable, surtout à l’heure où Universal relance L’Oiseau-Lyre. »

 Res MusicaCoup de c’ur pour Richard C’ur-de-Lion !

« La parution d’un enregistrement d’un opéra de Haendel encore inédit est une aubaine. Ce magnifique coffret est une réussite absolue. Dès qu’on le prend en main on est séduit par une présentation originale qui est d’une beauté rare, de plus teintée d’humour. Rien à voir avec les présentations incongrues de la Vivaldi édition, par exemple.

Il s’agit d’un véritable travail éditorial, car ici le flacon merveilleux contient en plus un nectar succulent et l’ivresse est totale. Cet opéra de Haendel date de 1727. Au faite de sa gloire le compositeur dispose pour sa création de sopranos rivales d’égale valeur, Faustina Bordoni et Francesca Cuzzoni qui avaient fait un terrible scandale en s’insultant sur scène, leurs partisants en étant venus aux mains’ Il est peu de dire qu’il se surpasse et compose pour les divas rivales des airs merveilleux, mais le rôle de Riccardo primo dévolu à Senesino n’est pas en reste, ajoutons à cela un rôle de méchant pour un baryton qui offre également de vrais moments de bonheur, et les deux rôles mineurs pour basse et deuxième contre-ténor ajoutent de biens beaux airs. On peut également faire confiance à Haendel pour un savant équilibre qui ménage les susceptibilités entre les chanteurs mais procure surtout beaucoup de joies à l’auditeur. Pourtant ce qui est le plus remarquable dans cet opéra est une qualité d’orchestration inhabituelle. Cors, trompettes, timbales, flûtes, dont une extraordinaire flûte basse, hautbois, basson, complètent un orchestre de cordes fourni et saluons la performance d’un riche continuo qui avec diversité et engagement soutient admirablement les récitatifs et les accompagnato. Il est probable que la création ayant eu lieu pour le couronnement de Georges II ceci explique l’ampleur des moyens dont le compositeur a bénéficié.

Au plan dramatique Le livret est plutôt convenu avec des jeux de pouvoir et d’amour contrariés, des travestissements et des trahisons et une lieto fine. Rien d’indigne, rien de transcendant non plus. En tout cas on écoute un CD après l’autre avec beaucoup de plaisir et tout passe trop vite tant toute cette partition est admirable et d’une beauté constante.

Musicalement la redécouverte de cet opéra est donc parfaitement justifiée. Mais nous bénéficions en plus d’une interprétation particulièrement réussie. Les chanteurs sont tous excellents. Une virtuosité assumée tant chez les hommes que les femmes, et une maîtrise stylistique totale sont des atouts précieux. Les voix sont toutes belles et savent jouer de leurs particularités. Le contre-ténor Lawrence Zazzo est un Richard C’ur de Lion crédible même si la vaillance n’est pas son fort. Par contre dans le magnifique duo qui clos l’acte 2, dans lequel il retrouve enfin sa bien-aimée, le mariage de sa voix subtile avec celle de Nuria Rial est d’une sensualité troublante. Ce duo est l’un des plus longs de Haendel et jusque dans la cadence la sensibilité amoureuse est rare.

Les deux sopranos sont d’égales valeurs et Nuria Rial et Geraldine McGreevy ont à mon goût un timbre trop proche, une opposition plus marquée aurait permis de revivre la rivalité historique des divas. Il y a aussi des moments plus chevaleresques comme une tempête qui ouvre l’acte un et un appel à la guerre tonitruant à l’acte 3. Pourtant si il y un air plus irrésistible c’est celui de Constanza, la promise de Riccardo, qui le croyant perdu appelle la mort. L’accompagnement de la flutte basse est très étonnant. Mais sa rivale n’est pas en reste avec un air évoquant les oiseaux, accompagné par une flûte à bec sopranino.

Saluons également le remarquable travail de reconstitution et la direction à la fois dramatique et très souple de Paul Goodwin. À la tête du Kamerorchester Basel il interprète Haendel en développant la richesse de l’orchestration au maximum et offre au continuo le bénéfice d’une attention constante avec de très beaux effets théâtraux. Une direction en tout point enthousiasmante qui semble fédérer son équipe de chanteurs virtuoses.

La prise de son est claire et vivante, particulièrement naturelle. Voii donc une très belle découverte d’un opéra de Haendel injustement oublié, dans une interprétation merveilleuse et une présentation irrésistible. À connaître absolument. Seule ombre au tableau il faut prendre la peine, avant de mettre le premier CD dans sa platine, d’enregistrer le livret dans son ordinateur ou de l’imprimer afin de pouvoir suivre l’action pendant l’audition' »

 Le Monde de la Musique – juin 2008 – appréciation 4 / 5

« En 1727, pour honorer l’Angleterre qui vient officiellement de le reconnaître comme un des siens, Haendel choisit Richard Coeur-de-Lion comme sujet de son nouvel opéra. Le couronnement de George II participera à la promotion de ce Riccardo Primo, inspiré par un épisode des croisades. Une tempête a séparé Riccardo et sa fiancée Constanza, tous deux échoués sur l’île de Chypre, gouvernée par le tyran Isacio. Ce dernier s’éprend de la princesse et veut marier au roi sa fille Pulcheria.

Haendel place cette succession d’affrontements militaires et de conflits sentimentaux dans un luxueux décor musical : flûtes à bec et traversières, trois trompettes, deux cors, timbales. Comme à l’accoutumée, le compositeur réussit une caractérisation toujours subtile des personnages malgré les contraintes du genre. Aussi Paul Goodwin présente-t-il Riccardo Primo comme « un des opéras injustement négligés de son auteur et n’hésite pas à le comparer « aux meilleurs ».

Christophe Rousset avait enregistré de l’ouvrage une première version en 1995 (L’Oiseau-Lyre). Cette seconde interprétation se distingue par un geste théâtral plus ample, une présence orchestrale plus affirmée, des contrastes plus marqués. Comme il l’indique dans son texte de présentation, le chef a particulièrement travaillé les récitatifs, essentiels à la tension et l’énergie dramatique de l’ensemble. Lawrence Zazzo fait valoir sa vaillance et sa conviction et triomphe par un abattage peu commun chez les contre-ténors. Son Riccardo se montre aussi rude combattant que tendre amant. Nuria Rial prête son timbre lumineux à la bien nommée Costanza modèle de fidélité que ne parviendront pas à ébranler les plans de l’Isacio machiavélique de David Wilson-Johnson. Geraldine McGreevy joue à merveille de l’ambiguïté de Pulcheria. »

 Classica – juin 2008 – appréciation 6 / 10

  « La partition de Riccardo Primo (qui n’est autre que Richard Coeur-de-Lion, dont on nous narre ici l’une des Croisades) est belle (plusieurs airs de premier ordre) et spectaculaire (l’orchestre est massif et virtuose) mais l’intrigue ne passionne guère, et le deuxième acte est beaucoup trop long. Voilà qui dessert Riccardo, et explique peut-être sa faible présence dans la discographie haendélienne. En son état actuel, la gravure dirigée par Christophe Rousset (L’Oiseau-Lyre), avec les excellentes Mingardo, Piau et Brua dans les rôles principaux, reste la plus recommandable. Car s’il n’y a rien de vraiment problématique dans cet enregistrement-ci, on ne recense rien de décisif non plus. La direction de Paul Goodwin est trop sage, et la prise de son place l’orchestre en retrait on attendrait en effet davantage de théâtre et d’expressivité dans cette oeuvre où, pourtant, Haendel ne lésine pas sur les moyens : beaux accompagnements obligati, beaux ariosos, scènes de tempête et de bataille, airs qui sollicitent merveilleusement les vents et les bois, etc. Sans jamais se montrer vraiment exceptionnel, Lawrence Zazzo est dans le rôle-titre (créé par Senesino), comme toujours, de premier plan : la voix est belle et égale sur toute la tessiture, le format assez large. Le souffle est long dans « Cessata è la procella », la vocalise percutante et les écarts précisément rendus dans «Agitato de fiere tempeste ». Il est évidemment au mieux dans les ariosos de l’acte II. Un rien de blanc et de pointu nous gêne dans la voix de Nuria Rial, et quelque chose d’un peu apprêté aussi dans le style, mais, ceci mis à part, il faut dire que la chanteuse, distinguée et impliquée, rend parfaitement compte des souffrances et turpitudes du personnage de Costanza (qui était dévolu à la Cuzzoni). La plainte élégiaque, affect majeur du personnage, est fort émouvante. « Il volo cosi fido », l’air de joie qui annonce le « lieto fine », avec flûte piccolo est délicieusement exécuté mais aurait mérité davantage d’épanchement. Le plus beau du rôle est dans « Bacia per me la mano », à l’acte III, grand air dans lequel la chanteuse émeut beaucoup. Geraldine McGreevy a de l’abattage et de l’expressivité à revendre dans le rôle de Pulcheria (destiné à la Bordoni), plus démonstratif. En termes de vocalises, de mordant et de graves, elle fait la démonstration de toutes ses ressources, mais elle manque parfois un peu d’élégance. Le beau « QueIl’innocente afflito core » plus retenu, renouvelle la silhouette du personnage qui, sinon, paraîtrait un peu trop fait d’une pièce. Les autres rôles sont honnêtement tenus. David Wilson-Johnson a le mordant qu’il faut pour incarner le méchant Isacio, mais son italien est traversé d’inflexions anglo-saxonnes assez gênantes. Dans le rôle d’Oronte, le contre-ténor Tim Mead est charmant mais un peu fade. Curtis Streetman joue le rôle des basses haendéliennes de façon fonctionnelle. Rien de honteux, donc, mais rien de vraiment concluant non plus, pour cette oeuvre qui mérite mieux. »