Rhodope ou l’Opéra perdu

COMPOSITEUR ?
LIBRETTISTE Jacques Autreau

 

 En 1737, Jacques Autreau fit imprimer en chez Antoine van Dole, à La Haye, le texte d’une comédie-ballet destinée à l’Opéra, qui connut de nombreux déboires qu’il raconte lui-même. 

Voici quel a été le sort de l’Ouvrage qu’on va lire.

Messìeurs de Francine & Destouches, l’un après l’autre, pendant qu’ils étoient Directeurs de l’Académie de Musique, l’avoient reçu très favorablement, & deux Musiciens furent chargez par eux d’y travailler ; mais ceux-ci ne trouverent pas qu’Esope Amant fût un sujet convenable au Théâtre de l’Opera. Je me flatte, qu’après la lecture de ma Préface, cette difficulté doit disparaître aux yeux de toute personne de bon sens, sur-tout étant informée qu’on auroit pris la précaution de faire mettre cette Préface dans le Mercure, un mois avant la représentation de la Piece, pour disposer le Public à trouver Esope moins difforme sur cette Scene que Planude ne l’a dépeint.

Après le refus de ces deux premiers Musiciens , un troisième, d’un mérite reconnu, & applaudi depuis longtems à la Cour & à la Ville, en mit une bonne partie en Musique ; mais l’ayant fait entendre à quelques-uns de ses amis, qu’il me nomma, gens sincères et éclairez, il m’avoua, avec une franchise peu ordinaire aux Auteurs, qu’il n’avoit pas rendu mes paroles à leur goût, & par leur conseil, me remit le Poème.

Sur quelque réputation que cet Ouvrage avoit acquise , ayant été lu par plusieurs connoisseurs, un homme, ci – devant Danseur à l’Opera , me vint offrir un quatrieme Musicien, selon lui, le plus capable de tous de le mettre en œuvre avec toutes les grâces dont il étoit susceptible ; mais pour ne pas donner à un si habile homme un Poème qui fût indigne de sa musique, il me pria de lui confier le mien pendant deux ou trois jours , pour le faire examiner par deux Sçavans de ses amis ; me jurant sur son honneur qu’aucun autre ne le verroit, & me marquant en tout cela un très grand zèle pour mes intérêts, & d’un ton à me le persuader.

Le foible que j’ai eu toute ma vie à me livrer trop aisément aux protestations d’amitié, me fit donner dans le panneau. Voici quel fut l’effet de son zèle. Il tira d’abord une copie de ma Piece, & la donna, sans m’en rien dire, à cet habile homme prétendu, que l’on m’affirma, peu de tems après, être le plus foible Violon de l’Orquestre de l’Opéra, & qui, à l’âge de soixante & dix ans ou environ, n’avoit pas encore fait une seule Cantate, ni la moindre Chanson.

On peut croire aisément, qu’étant si bien informé du Personnage, je n’avois garde de lui abandonner ma Piece, & je me crus bien heureux d’être échappé de ses mains. Il fallut pourtant, honnêtement, entendre un Concert de violons, par lequel il vouloit me donner un échantillon de fa science, & il m’en promit un autre de sa musique vocale. Long-tems après, m’étant venu inviter à ce dernier essai, je lui demandai sur quel morceau de Poésie il avoit travaillé, & il me répondit, sans rougir, que j’entendrois mon Prologue & mon premier Acte finis, que M * * * lui avoit donnez.

La découverte de cette perfidie du Danseur, & l’air tranquille de son complice en me l’annonçant, me frapperent, je l’avoue, d’un coup d’autant plus rude, que Messieurs Rameau & Rebel le fils m’avoient fait l’honneur de me témoigner de l’envie de travailler pour moi, & que même en ce tems-là j’avois déja traité par l’entremise d’un tiers avec un autre Musicien, qui, pour avoir ma Piece qu’il vouloit mettre en musique incognito, m’avoit fait donner quarante pistoles d’avance, qu’il ne devroit reprendre que sur ce que le succès m’en auroit produit.

La fin de tout cela a été, que par les mauvaises finesses que le Danseur & le Violon ont employées, je l’ai perdue, aussi-bien que les quarante pistoles qu’il m’a fallu rendre , & que le Danseur avoit promis de me rembourser ; ce qui s’est trouvé une gasconade.

Pour m’en consoler, je la donne au Public, qui pourra me plaindre, & je la joins, par occasion, à ma Pastorale intitulée La Magie de l’Amour, qui seule n’étant que d’un Acte, auroit fait un volume trop petit.

 

Personnages : Rhodope, Coquette célèbre, Xantus, Philosophe, Esope, Cloe, Suivante de Rhodope, Arbate, Pilote de Xantus, Troupe d’Esclaves, Bergers ou Jardiniers de Rbodope, une Grande Prêtresse du Temple de l’Amour, suivie de plusieurs autres Prêtresses, Sacrificateurs des Divinités adorées à Memphis, Troupe du Peuple, les Amants et les Rivales de Rhodope, Troupe de Matelots et de leurs Maîtresses.

La Scène est dans les Jardins de Rhodope, près de Memphis.

 

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