Le Temple de la Gloire

 

COMPOSITEUR Jean-Philippe RAMEAU
LIBRETTISTE Voltaire
DATE DIRECTION EDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DETAILLEE
1982 Jean-Claude Malgoire CBS 2 (LP) français
1999 Hervé Niquet Virgin 1 français

 

Opéra-ballet (O.C. XIV), sur un livret en cinq actes de Voltaire, composé à l’occasion des fêtes données pour la mariage du Dauphin, représenté le 27 novembre 1745, à Versailles, au théâtre des Petites Ecuries, avec une distribution réunissant : Le Page (L’Envie), et Pierre Jélyotte (Apollon) pour le prologue, Mlle Chevalier (Lydie), Mlle Bourbonnois (Arsine), Mlle Coupée (Une Bergère) et Chassé (Bélus) à l’acte I, Poirier (Bacchus), Mlle Fel (Erigone), Mlle Bourbonnois (Une Suivante) et Le Page (Le Grand-Prêtre de la Gloire) à l’acte II, Mlle Chevalier (Plautine), Mlle Jacquet (Junie), Jelyotte (Trajan), Poirier, La Tour, Gallard, Albert, Person, Lefebvre (Les Rois déchus) et Mlle Fel (La Gloire) à l’acte III.
Il fut repris dix-huit fois à l’Opéra du 7 décembre 1745 au 6 janvier 1746.
Marmontel dans ses Mémoires d’un père écrivit : l’idée en était grande, le sujet bien conçu et dignement exécuté.
Selon Castil-Blaze : L’idée du Temple de la Gloire valait bien mieux (que la Princesse de Navarre), c’est la seule chose qui ait quelque mérite parmi tout ce fatras de vers que Voltaire a rimés pour notre Opéra. Le troisième acte, dont Trajan est le héros, présentait une allusion flatteuse pour Louis XV : c’était un monarque juste, humain, généreux, pacifique et digne de l’amour du monde, à qui le temple de la Gloire était ouvert. Voltaire n’avait pas douté que le roi ne se reconnût dans cet éloge à bout portant. Après le spectacle il se trouva sur son passage, et voyant que Sa Majesté passait sans lui dire un mot, il prit la licence de lui demander : « Trajan est-il content ? » Trajan, surpris, indigné qu’on s’oubliât jusqu’à l’interroger, répondit par un silence dédaigneux, et toute la cour trouva mauvais que Voltaire eût osé questionner le roi.
Une partition de cette première version dite versaillaise, que l’on croyait perdue, a été découverte à la Music Library de Berkeley.
Il fut repris à l’Académie royale de musique le 19 avril 1746, les cinq actes étant contractés en trois (Bélus, Bacchus et Trajan), avec un prologue, ancien premier acte, ce que le Mercure de France de mai 1746 commenta ainsi :
L’Académie Royale de Musique a continué les représentations du Temple de la Gloire , & l’on a continué d’y admirer un grand nombre de symphonies dignes de l’inimitable auteur de la Musique. Nous avons promis de rendre compte des changements faits au premier acte ; ils ne regardent la musique qu’autant que les paroles sont changées , car à l’égard des divertissements, ils sont à fort peu de chose près les mêmes, & il aurait été difficile que l’on n’eut pas perdu en changeant davantage ; il n’est rien de plus agréable que la musette qui forme ensuite un choeur, les deux gavottes en forme de tambourins & les deux menuets. A l’égard des paroles, M. de Voltaire ne fait plus paraître les Muses, & ne les fait plus braver par Belus ; ce double spectacle était d’une exécution trop compliquée pour être bien rendu. Belus étonné d’avoir vu le Temple de la Gloire se fermer devant lui, se trouve au milieu des bergers qui dans leurs chants célèbrent l’humanité, la bienfaisance, la constance; Belus s’attendrit par degré et Lydie qui paraît à la fin achève d’adoucir la férocité de ce conquérant injuste.
L’entrée de Belus sur le théâtre est d’une grande beauté, et l’on peut sans risquer d’en trop dire, avancer qu’elle est digne de l’illustre auteur de ce poème. Belus paraît dans le lointain entouré de ses guerriers, aux portes du Temple, au milieu des foudres et des éclairs ; il s’avance dans le bocage des Muses. Le bruit du tonnerre recommence.
Nous aurions souhaité que parmi les changements faits en petit nombre à l’acte de Trajan on n’eut point fait chanter à ce Prince un ramage d’oiseaux ; c’est poussèr trop loin le privilège qu’a la musique de ne pas toujours s’accorder avec les convenances ; elle peut les esquiver, mais non les heurter de front, & l’on ne peut disconvenir que la plaisanterie qui a fait dire que désormais on appellerait Trajan, Trajan l’Oiseleur, ne soit méritée.

Gravure pour l'acte IV


148me Opé. C’est un Ball héroïq. de trois entrées, dont les vers sont de M. de Voltaire, & la musiq. de M. Rameau ; il fut représenté pour la premiere fois sur le grand Théatre de Versailles, le 27 Novem. 1745, & le mardi 7 Décem. suivant à Paris : cet Opé. n’est pas imprimé en musiq. & lors d’une représentation, qui s’en fit le 19 Avril 1746, il y fut changé quelque chose.
Le premier Acte, qui peut passer pour le Prol. de cet Opéra, est formé par Apollon, l’Envie & leurs suivans. « Apollon fait enchaîner l’Envie au pied du trône de la Gloire ; on introduit ensuite trois especes d’hommes, qui se présentent à la Gloire, toujours prête à recevoir ceux qui le méritent, & à exclure ceux qui sont indignes d’elle. Le premier est Belus, qui enivré de son pouvoir, méprisant ce qu’il a aimé, sacrifiant tout à une ambition cruelle, croit que des actions barbares & heureuses doivent lui ouvrir ce Temple ; mais il en est chassé par les Muses qu’il dédaigne, & par les Dieux qu’il brave. Bacchus, conquérant de l’Inde, abandonné à la molesse & aux plaisirs, parcourant la terre avec ses Bacchantes, cherche à peine la Gloire dans l’ivresse de ses passions: il la voit, il en est touché un moment ; mais les premiers honneurs de ce Temple ne sont pas dûs à un homme qui a été injuste dans ses conquêtes, & effréné dans ses voluptés. Cette place est réservée à l’Empereur Trajan, très-connu par ses victoires, & plus encore par ses bienfaits, sa douceur & son humanité ; il ne court point après la Gloire, elle le couronne, elle le place dans son Temple, & en fait le Temple du bonheur public ». (de Léris – Dictionaire des Théâtres)

Argument
(version de 1746)

Prologue
La caverne de l’Envie. On voit à travers les ouvertures de la caverne une partie du Temple de la Gloire, qui est dans le fond, et les berceaux des Muses, qui sont sur les ailes.
Apollon enchaîne l’Envie au trône de la Gloire, car elle n’en pouvait supporter le temple.

Acte I : Bélus
Le bocage des Muses. Les deux côtés du théâtre sont formés des deux collines du Parnasse ; des berceaux entrelacés de lauriers et de fleurs règnent sur le penchant des collines ; au-dessous sont des grottes percées à jour, ornées comme les berceaux, dans lesquelles sont des bergers et bergères. Le fond est composé de trois grands berceaux en architecture.
La princesse Lydie, délaissée par le guerrier Bélus, ne le voit revenir vers elle que parce que les portes du temple de la Gloire se sont fermées devant lui et que les bergers le convainquent qu’il vaut mieux être aimé que craint.

Acte II : Baccbus
L’avenue et le frontispice du temple de la Gloire. Le trône que la Gloire a préparé pour celui qu’elle doit nommer le plus grand des hommes est vu dans l’arrière-théâtre ; il est supporté par des Vertus, et l’on y monte par plusieurs degrés.
Bacchus, vainqueur des Indes, accompagné d’Erigone, se heurte cependant lui aussi aux portes fermées du temple de la Gloire. Bacchus préfère se tourner vers les temples du Plaisir.

Acte III : Trajan
La ville d’Artaxate à demi ruinée, au milieu de laquelle est une place publique ornée d’arcs de triomphe chargés de trophées
Trajan, revenu victorieux, doit laisser presque aussitôt son épouse Plautine, pour aller vaincre les Parthes. Grâce à ses prières, son époux impérial vainc à nouveau et pardonne à ses prisonniers : la Gloire le couronne.

(Rameau – Christophe Rousset – Actes Sud)

Dans la première version, l’acte V était un épilogue dont le décor était le temple du Bonheur ; il est formé de pavillons d’une architecture légère, de péristyles, de jardins, de fontaines, etc. Ce lieu délicieux est rempli de Romains et de Romaines de tous états.

 

Dans le prologue, qui forma comme le premier acte de cette pièce, l’Envie et ses suivantes paraissent, une torche à la main. Apollon vient pour la désarmer, et on l’enchaîne aux pieds de la Gloire.
Au second acte, Lidie, amante méprisée de Bélus, se flatte que l’ingrat ne pourra, sans rougir, soutenir sa présence. Il arrive entouré de ses guerriers. On le voit sur un trône, porté par huit rois enchaînés. On ne conçoit pas trop comment des rois enchaînés, sans doute par les pieds et par les mains, peuvent être les porteurs de Bélus. Lidie veut lui reprocher ses cruautés. Il se justifie ainsi :
Ne condamnez point mes exploits:
Quand on veut se rendre le maître,
On est malgré soi , quelquefois.,
Plus cruel qu’on ne voudrait être.
Voici comment un partisan du poète roi parodia ces vers :
Quand du Quinautt moderne on usurpe les droits,
Et qu’on veut se rendre le maitre,
On est malgré soi , quelquefois ,
Plus mauvais qu’on ne voudrait être.
Bélus est renvoyé au temple de la Fureur.
Bacchus forme la troisième entrée du ballet. Après avoir dit beaucoup de choses agréables à Erigone , il aperçoit un temple solitaire, et demande ce que c’est ? On lui dit que c’est le temple de la Gloire : il veut y entrer ; mais le grand-prêtre s’y oppose.
Plautine, maîtresse de Trajan, ouvre le quatrième acte. Trajan revient vainqueur ; il pardonne. La Gloire descend d’un vol précipité, et lui pose la couronne sur la tête. Il entre dans le temple , qui se change tout-à-coup en celui du Bonheur, imaginé sans doute pour servir de cinquième acte.
Cette pièce eut peu de succès. Voltaire nous l’apprend dans une lettre qu’il écrivit à un ami. « J’ai fait, dit-il, une grande sottise de composer un opéra ; mais l’envie de travailler pour un homme comme Rameau m’avait emporté. Je ne songeais qu’à son génie , et ne m’apercevais pas que le mien , si tant est que j’en aie un, n’est point fait du tout pour le genre lyrique. Aussi je lui mandais, il y a quelque tems, que j’aurais plutôt fait un poëme épique que je n’aurais rempli des canevas. Ce n’est pas assurément que je méprise ce genre d’ouvrage, il n’y en a aucun de méprisable ; mais, c’est un talent qui, je crois , me manque entièrement. »
Voltaire demandait un jour à l’abbé de Voisenoa s’il avait vu le Temple de la Gloire ? J’y ai été, répondit l’abbé, elle n’y était pas ; je me suis fait écrire. (Annales dramatiques – 1812)

 

Livret disponible sur livretsbaroques.fr

 
Représentations :

Versailles – Journées Rameau – 9 juin 1994 – version de concert – dir. Hervé Niquet – avec Jean-Paul Fouchécourt, Conquet, Vinson, Isabelle Desrochers