La Semiramide riconosciuta

COMPOSITEUR Nicola PORPORA
LIBRETTISTE Pietro Metastasio et Domenico Lalli

 

Dramma per musica, sur un livret en trois actes de Pietro Metastasio, sous le pseudonyme arcadien d’Artino Corasio, revu par Domenico Lalli, représenté au Teatro San Giovanni Grisostomo de Venise, le 26 décembre 1729 (*).

(*) autre source : 30 décembre 1728

La distribution réunissait : la soprano Lucia Facchinelli dite la Beccheretta (Semiramide) ; la soprano Antonia Negri, dite la Mestrina (Tamiri) ; le castrat napolitain Nicola Grimaldi, dit Nicolino (Scitalce) ; le castrat soprano Carlo Broschi dit Farinelli (Mirteo) ; le castrat soprano, oiginaire de Caserte, Domenico Gizzi (1678 – 1758) (Sibari) ; la basse Gioseppe Maria Boschi dit Pallante (Ircano).

Nicola GrimaldiCarlo Broschi dit Farinelli

Domenico GizziGioseppe Maria Boschi dit Pallante

L’abbé Conti dit de Farinelli, alors âgé de vingt-trois ans : l’agilité de sa voix est surprenante, mais enfin il surprend plus qu’il ne touche… Cependant il faut bien se garder de le dire car le public est prévenu pour lui sans savoir pourquoi.

Les décors étaient signés des frères Gioseppe et Domenico Valeriani, ingénieurs et peintres de l’Électeur de Bavière, et les ballets de Francesco Aquilante, attaché au duc de Parme.

Le livret, imprimé par Carlo Buonarigo, était dédicacé à Giovanni Buckworth (*), cavaliere dell’ordine de’ baronetti della Gran Bretagna.

(*) Sir John Buckworth (1704 – 1759), baronnet, deuxième du nom, membre du Parlement.

Reprise à Brescia, en 1735.

Seconde version sur un livret revu par D. La Vista, représentée au San Carlo de Naples, le 20 janvier 1739, avec Gaetano Majoranao, dit Caffarelli.

 

Personnages : Semiramide, reine de Babylone, en habit d’homme, sous le nom de Nino (alto) ; Tamiri, princesse royale de Bactriane, éprise de Scitalce (soprano) ; Scitalce, prince royal d’une partie de l’Inde, ancien amant de Semiramide sous le nom d’Idreno (soprano) ; Mirteo, prince royal d’Egypte, frère de Semiramide, épris de Tamiri (soprano) ; Ircano, prince scythe, épris de Tamiri (ténor) ; Sibari, confident, secrètement épris de Semiramide (alto)

 Argument : L’intrigue complexe fait la part belle aux coups de théâtre. La reine Semiramide qui, pour régner après la mort de son mari se travestit en son propre fils, a droit aux airs les plus beaux, aux mélodies et aux rythmes les plus riches. Sous le personnage de Scitalce se cache Idreno, l’ancien bien-aimé de Semiramide, qui jadis tenta, par jalousie, de la tuer. Le rôle de Mirteo, à l’écriture virtuose, fut conçu à l’origine pour le légendaire castrat Farinelli réputé dans toute l’Europe pour ses moyens vocaux exceptionnels.

Livret (en italien) : http://www.liberliber.it/biblioteca/m/metastasio/index.htm  

 Livret original : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0004/bsb00049418/images/index.html?id=00049418&fip=qrsfsdrxdsydeayayztseayaxdsydweayaenen&no=9&seite=1

 

Représentations :

Beaune – Cour des Hospices – 8 juillet 2011 – Accademia Bizantina – dir. Stefano Montanari – avec Delphine Galou (Semiramide), Teodora Gheorghiu (Mirteo), Juan Sancho (Ircano), Blandine Staskiewicz (Scitalce), Mary-Ellen Nesi (Sibari), Maria Grazia Schiavo (Tamiri) – première en France  Diapason – septembre 2011

« Il n’ y a rien à comprendre à cette Semiramide riconosciuta de Porpora. Comme si Métastase, encore jeune poète, s’était ingénié à rendre inextricable le mythe déjà obscur de Sémiramis! Le chef Stefano Montanari met pourtant de l’élan dans les récitatifs. Davantage en tout cas que dans les airs, où son geste se fait maniéré autant que parcimonieux, laissant jouer une Accademia Bizantina dont les belles couleurs ne compensent pas l’absence de cohésion et de chair. Mais Porpora n’écrivait-il pas d’abord pour les voix, notamment celles qu’il avait façonnées, Farinelli en tête ? C’est d’ailleurs la limite d’une écriture où les possibilités techniques des interprètes prennent le pas sur leur palette expressive. A l’exception du rôle-titre, auquel le timbre troublant de Delphine Galou confère une certaine épaisseur, pas une figure n’évolue.

Le Scitalce de Blandine Staskiewicz se contente ainsi de couvrir la tessiture, d’une voix bien projetée mais sans relief. Simplement professionnelle, Mary-Ellen Nesi ne donne pas plus d’éclat à Sibari. Et si la partie composée pour Farinelli met l’agilité deTeodora Gheorghiu en valeur, ses da capo ne varient guère. Les interventions de JuanSancho (Ircano) ménagent dès lors un contraste d’autant mieux venu que son ténor est sonore, virtuose, engagé. Enfin, malgré une succession d’airs sensiblement identiques, Maria Hinojosa Montenegro donne à Tamiri une vie inespérée, fluide, fruitée. Plus qu’un exploit, du grand art. »

Opéra Magazine – septembre 2011

« En cet été 2011, le Festival de Beaune débute un cycle consacré à Nicola Porpora (1686-1768), avec l’Accademia Bizantina et ses chefs, Ottavio Dantone et Stefano Montanari, ce dernier ouvrant l’aventure avec Semiramide riconosciuta. Il s’agit de l’un des premiers livrets de Métastase, écrit pour un opéra de Leonardo Vinci, créé à Rome en 1729, dont Porpora s’empara, en décembre de la même année, à Venise.

Semiramide riconosciuta n’est assurément pas le meilleur texte de l’abbé poète, qui s’intéresse ici à un épisode anecdotique du destin de la légendaire souveraine d’Assyrie, régnant en se faisant passer, travestie, pour son fils Nino. Métastase y ajoute plusieurs quiproquos àmoureux (du type A aime B qui aime C qui aime D qui aime A), mais l’ensemble est affaibli parce que la plupart des protagonistes reconnaissent très vite Semirarnide sous son déguisement.

Comme le souligne Olivier Rouvière dans le programme de salle, on peut voir dans ce livret un amusant pastiche des archétypes de l’opera seria, avec une succession d’arie évoquant les ruisseaux murmurant, l’hirondelle délaissée, le pasteur dans ses prés, le marin naufragé comme autant de métaphores sentimenntales. L’important, néanmoins, est bien que Porpora l’a doté d’une musique scintillante et souvent surprenante. Nous sommes encore dans l’univers baroque, voisin de celui de Vivaldi, mais l’écriture instrumentale, très riche, et la construction harmonique, plutôt audacieuse, annoncent déjà le pré-classicisme : n’oublions pas que Porpora fut le maître de Haydn et de Hasse !

L’œuvre est nantie de très longs récitatifs – le premier dure douze minutes ! – et le grand mérite de Stefano Montanari est d’avoir évité que l’ennui ne s’installe en les animant d’une vraie urgence dramatique, pas évidente en version de concert. Quel régal de voir la direction atypique du violoniste-chef dansant et bondissant devant son orchestre, stimulant les chanteurs avec des mimiques et des postures irrésistibles, tout en restant parfois les bras ballants comme pour libérer ses musiciens ! Gestique extravagante mais efficace, tant son interprétation est la vie même, avec des violons caressants, des vents colorés, un continuo chargé de fulgurances.

Comme toujours à Beaune, la distribution est de premier ordre. Dans le rôle de Semiramide, Delphine Galou développe un timbre ambré aux nuances multiples même si la voix manque de projection (l’artiste était annoncée souffrante). Remplaçant au pied levé Maria Grazia Schiavo, Maria Hinojosa Montenegro nous a épatés par son agilité, malgré quelques maniérismes inhérents au rôle de l’indécise Tamiri . Mary-Ellen Nesi, à la tessiture impressionnante, et l’explosif ténor Juan Sancho, à la fois viril et virtuose, sont remarquables, tout comme Blandine Staskiewicz, émouvant Scitalce. On se demande bien pourquoi plusieurs de ses airs ont été coupés. Dommage !

La plus enthousiasmante reste cependant la soprano roumaine Teodora Gheorghiu, rayonnante à chacune de ses interventions, avec des aigs lumineux, une science du legato et une facilité acrobatique très rares. Difficile d’espérer meilleur plateau pour découvrir cette Semiramide riconosciuta, qui n’avait pas été donnée depuis deux cent soixante ans ! « 

 

Bibbiena – Teatro Dovizi – 15, 16, 18 mai 2003 – dir. Massimiliano Carraro – mise en scène, décors et costumes Massimo Gasparon –  avec Giacinta Nicotra (Semiramide), Stefania Donzelli (Mirteo), Simone Polacchi (Ircano), Sara Allegretta (Scitalce), Daniele Tonini (Sibari), Alexandra Zabala (Tamiri)

  « Nicola Porpora mit en musique Semiramide riconosciuta en 1729. A partir de l’un des textes les plus réussis de Métastase, le compositeur napolitain propose une musique incisive, plaisante et surtout fluide : l’intrigue complexe, inexorable comme un mécanisme d’horlogerie, qui comporte peu de touches comiques et qui fait la part belle aux coups de théâtre, se trouve en quelque sorte « allégée » par la partition. L’oeuvre a été reprise, pour la première fois l’ère moderne, à l’occasion du Festival baroque « Arcadia in Musica » qui se déroule à Bibbiena, en Toscane. Avantagé par le cadre minuscule du Teatro Dovizi, le groupe des six chanteurs se révèle convaincant, stylistiquement comme scéniquement. La mezzo Giacinta Nicotra interprète la reine Semiramide qui, pour régner après la mort de son mari, se travestit en son propre fils : c’est elle qui a droit aux airs les plus beaux, aux mélodies et aux rythmes les plus riches. La soprano Sara Allegretta, Scitalce, est également excellente : derrière ce nom se cache l’ancien amant de Semiramide, Idreno, qui a tenté de la tuer par jalousie et qui, découvrant qu’elle a survécu, revient à elle. La soprano Stefania Donzelli est parfaitement à l’aise dans le rôle – conçu à l’origine pour le légendaire Farinelli – de Mirteo, le frère de Semiramide. Le ténor Simone Polacchi affronte dignement, mais avec des résultats irréguliers, l’écriture virtuose d’Ircano, le soupirant de la princesse Tamiri (qui finira par épouser Mirteo), incarnée par la soprano Alexandra Zabala, le seul maillon faible de la distribution. La basse Daniele Tonini complète le plateau vocal, et offre une interprétation honorable en Sibari, conseiller – et amoureux – de la reine, qui essaie d’éliminer le plus grand nombre possible de rivaux. L’ensemble instrumental « Arcadia in Musica », dirigé par Massimiliano Carraro, bien que réduit au minimum, suffit amplement à satisfaire les exigences de ce petit théâtre. La mise en scène de Massimo Gasparon, également directeur artistique du Festival, optimise l’espace en utilisant aussi le parterre pour les entrées et sorties des chanteurs. Les costumes, aux couleurs éclatantes, évoquent somptueusement l’architecture baroque. » (Opéra International – juillet/août 2003)