Eumene

COMPOSITEUR Nicola Antonio PORPORA
LIBRETTISTE Apostolo Zeno

 

Représenté au Teatro Aliberti delle Dame de Rome, durant le carnaval de 1721.

C’est dans cet opéra que Carlo Broschi, dit Farinelli, âgé de seize ans, fit ses débuts à l’opéra, dans un rôle de femme.

Dans son livre Farinelli, le chanteur des rois, René Bouvier raconte : Le jeune chanteur soutint alors un singulier duel, qui consacra définitivement sa réputation. Il y avait à Rome un trompette allemand, qui se produisait dans les salons et faisait l’admiration des mélomanes, tant pour l’art nuancé de son exécution que pour l’extra­ordinaire durée de son souffle. La direction du théatre Aliberti, qui avait commandé Eumène à Porpora, obtint que ce dernier introduisît dans son opéra un morceau que Farinelli chanterait avec accompagnement de trompette et engagea l’habile virtuose.

Dès les premières représentations d’Eumene, l’artiste allemand et le jeune soprano semblaient se défier mutuellement à qui tiendrait le plus longtemps les notes soutenues. Ce ne fut, les premiers soirs, qu’une sorte d’aimable plaisanterie, où les deux partenaires introduisaient des variations de leur invention et la lutte eut d’abord un caractère essentiellement amical. Mais le public finit par se passionner et les deux artistes par prendre au sérieux leur rôle de champions. Un soir, ce fut le combat décisif. Voici en quels termes Sacchi raconte l’événement : « L’air commençait par une note tenue en point d’orgue, puis la ritournelle était répétée dans la partie du chant. Le trompette prit cette note avec tant de douceur, il la développa jusqu’au dernier degré de force par une progression si insensible et la diminua avec tant d’art, enfin il tint cette note si longtemps qu’il excita des transports universels d’enthousiasme ; à coup sûr, le jeune Farinelli ne pourrait lutter avec un artiste dont le talent était si parfait. Mais, quand vint le tour du chanteur, Farinelli, sans s’effrayer de ce qu’il venait d’entendre, prit cette note tenue avec une douceur, une pureté inconnues jusqu’alors, la développa avec un art infini et la tint si longtemps qu’il ne paraissait pas possible qu’un pareil effet fût obtenu par des moyens naturels. Une explosion d’applaudissements et de cris d’admiration accueillit ce phénomène. Le chanteur dit ensuite la phrase de mélodie, en y introduisant de brillants trilles qu’aucun autre artiste n’a jamais exécutés comme lui. » Le bruit de cette victoire se répandit dans toute l’Italie et Farinelli revint à Naples couvert de lauriers.