CD Il Pastor Fido

COMPOSITEUR Georg Friedrich HAENDEL
LIBRETTISTE Giacomo Rossi

 

ORCHESTRE La Nuova Musica
CHOEUR
DIRECTION David Bates

 

Mirtillo Anna Dennis
Amarilli Lucy Crowe
Dorinda Madeleine Shaw
Silvio Clint Van der Linde
Eurilla Katherine Manley
Tirenio Lisandro Abadie

 

DATE D’ENREGISTREMENT 2010
LIEU D’ENREGISTREMENT
ENREGISTREMENT EN CONCERT

 

EDITEUR Harmonia Mundi USA
DISTRIBUTION
DATE DE PRODUCTION 20 mars 2012
NOMBRE DE DISQUES 2
CATÉGORIE
DDD

 

 

Version 1712
Critique de cet enregistrement dans :

Diapason – avril 2012 – appréciation 4 / 5

« Dès le lendemain de son triomphe, Handel dut se rendre à l’évidence : ce n’est pas l’opéra italien que Londres avait adoré en Rinaldo mais un faste visuel, mécanique, orchestral et vocal plus prooche du King Arthur de Purcell que de l’opéra seria proprement dit. Sans sorcière ni dragon, sans tambour ni trompette, l’œuvre suivante, adaptation de la tragicomédie bucolique alors en vogue de Guarini, tomba le soir de la Sainte Cécile 1712. Et le compositeur retourna vite au grand spectacle de Rinaldo, assurant à ses petits frères Teseo et Amadigi le succcès interdit au Pastor fido. Jamais battu, il reprit sa pastorale sous deux formes disssemblables vingt ans plus tard, sans beaucoup plus de bonheur. Puis l’ouvrage sombra dans un oubli dont les musiciens ne se plaignaient pas, Handel en ayant employé les plus belles pages ailleurs (La Resurrezione, Agrippina, l’Opus 3, diverses cantates). Après une anthologie publiée en 1953, Ennio Gerelli fut le premier à tenter – en 1961- une restitution plus ou moins fidèle de la partition originale. En 1988, Nicholas McGegan alla enregisstrer à Budapest la version tardive de 1734. Rien (d’autre) à signaler.
La nouvelle venue écrase donc ses rivaales sans effort. L’édition est complète, le style soigné, l’orchestre minuscule mais très présent, et les pages délicieuses qui abondent dans cette pièce plus amicale que théâtrale paraissent enfin ce qu’elles sont – notamment l’incroyable cavatine d’Eurilia « Occhi belli » avec ses cordes pizzicate et son clavecin improvisé. Malgré les volutes aériennes de Lucy Crowe et le joli mezzo de Madeleine Shaw, il s’en faut que le plateau nous comble. Le falsettiste Clint Van der Linde n’a qu’une couleur à offrir au berger Silvio, et manque à Anna Dennis le souffle de Mirtillo. Surtout, le contre-ténor, claveciniste et (jeune) chef David Bates dirige casual, insoucieux de toute narration. Le flegme avec lequel il traverse la (longue) Ouverrture, l’art qu’il met à réduire une tempête en brise (« Son come navicella »), le recours à la viole de gambe et une acoustique d’église généreusement réverbérée nous changeraient notre Big Bear en aimable kapellmeister. Pourtant, il ne fait aucun doute qu’un musicien est à l’ œuvre. Ne craignons pas d’affirmer qu’Il pastor fido résonne dans nos chaumières pour la première fois. »

Opéra Magazine – avril 2012 – appréciation 3 / 5

« Dans le domaine de l’opéra haendélien, il devient difficile d’offrir des premières au disque, dans la mesure où même les autopastiches (Oreste, Alessandro Severo et Giove in Argo) ont déjà été enregistrés. En dehors des oeuvres fragmentaires ou des pastiches ayant recours à des airs d’autres musiciens, il ne reste peut-être que la seconde version de Rinaldo (1731), composée pour Senesino.
Le nouveau coffret d’II pastor fido qui nous parvient, à défaut d’être une première, n’en reste pas moins une véritable rareté.
Il s’agit de la version originale de 1712 (déjà enregistrée dans les années 1960 et publiée en CD sous étiquette Warner Fonit), que l’on comparera avec profit à celle de 1734, gravée par Nicholas McGegan pour Hungaroton. L’ouvrage est le deuxième opéra composé par Haendel pour le public londonien, un an après le triomphe de Rinaldo, mais dans une veine totalement différente. Le cadre est pastoral, et la partition délaisse le spectaculaire pour l’intimiste, privilégiant les airs accompagnés au continuo, tout en ménageant des effets d’une étonnante variété. Malheureusement, Il pastor fido est ici un peu sous-distribué. Chacun fait correctement son travail, avec application, mais il en faut davantage pour rendre justice à un ouvrage lyrique, fût-il intimiste. Seule la mezzo Madeleine Shaw donne vraiment chair au personnage de Dorinda. À l’opposé, la voix trop enfantine et tendue de la soprano Anna Dennis lasse rapidement en Mirtillo.
La réverbération excessive de la prise de son est un bien mauvais camouflage, là où proximité et chaleur auraient été indispensables. Signalons néanmoins la belle prestation de l’orchestre et du chef, qui ne suffit pas à apporter à cet enregistrement ce qui lui manque de personnalité et de relief. Au bilan une agréable version d’attente, pour une oeuvre aux charmes nombreux et qui mérite qu’on se laisse séduire. »

Forum Opéra

« Cette première intégrale d’Il Pastor Fido marque aussi les débuts au disque de La Nuova Musica. Fondé il y a moins de cinq ans par le contre-ténor David Bates, cet ensemble vocal et instrumental spécialisé dans le répertoire de la Renaissance et du baroque s’est jusqu’ici surtout produit au Royaume-Uni (Kings Place, Wigmore Hall, Aldeburgh, Spitalfields et Festival Haendel de Londres). L’orchestre accuse quelques verdeurs (les violons dans l’ouverture), péché de jeunesse, mais cette réalisation sensible et soignée inaugure en beauté sa collaboration avec Harmonia Mundi. Si Bates a la sagesse de ne pas chercher à insuffler à cette partition l’élan que la plupart du temps Haendel lui refuse, sa direction gagnerait à être plus musclée dans les rares éclats qui la rehaussent, sous peine d’émousser ces précieux contrastes (« Son come navicella »).
A sa décharge, le falsettiste Clint van der Linde (Silvio) manque de ressources pour affronter le brillant « Non vo’ legarmi il cor » dans lequel l’auditeur reconnaîtra aisément le matériau du « Coronato il crin d’alloro » d’Ottone (Agrippina). Par contre, dans le lamento du berger qui vient de blesser l’objet de sa flamme (« Tu nel piagarmi il seno »), les accents de cet ex boyish treble surdoué ne sont pas sans rappeler ceux d’un Paul Esswood. Ces amourettes arcadiennes ne se prêtent guère aux démonstrations de force et le rôle d’Eurilla (soprano), le seul que Haendel ait doté d’une certaine épaisseur, concentre la plupart des morceaux de bravoure que Katherine Manley sert dignement, mais sans panache. Haendel privilégie surtout le canto fiorito et le cantabile, excellant dans les airs simples et sobrement accompagnés comme l’enveloppant « Mi lasci, mi fuggi » de Dorinda qui nous permet de découvrir le mezzo lumineux de Madeleine Shaw. L’engouement pour Lucy Crowe (Amarilli) suscite toujours notre perplexité. A ce soprano agile, mais décidément pointu et acide, nous préférons le timbre plus dense et sombre d’Anna Dennis (Mirtillo). Certes, l’instrument est moins délié et le souffle parfois court, mais il se trouve doté d’une couleur personnelle qui nous change de ces canaris à la « voix aigre et clairette comme un vin de pays », pour reprendre la formule si parlante de Balzac, qui sévissent en nombre sur le marché de la musique ancienne. »

Classica – mai 2012 – appréciation 2 / 4

« « Premier enregistrement de la version originale » annonce l’éditeur sur la couverture. Disons plutôt premier enregistrement complet dans un style ad hoc. Cet opéra avait déjà été enregistré mais il y a fort longtemps par Columbia et Cetra. On peut d’ailleurs s’étonner que les interprètes préfèrent à ce point Acis et Galatée au Pastor fido (Berger fidèle). Le climat et les enjeux y sont semblables, réglés autour d’amours pastoraux surveillés par les dieux. Pour satisfaire Diane, Amarilli doit épouuser Silvio alors qu’elle aime Mirtillo. Eurilla également éprise de Mirtillo fera tout pour la faire condamner tandis que Dorinda espère séduire Silvio. On comprend qu’après le feu d’artifice de Rinaldo présenté l’année précédente, cette bluette antique n’ait pas captivé le public londonien. Le ressort dramatique se montre bien plus faible et exclusivement confié à un seul personnage, Eurilla. Haendel a cependant su entourer ce récit de mille grâces musicales, essentiellement empruntées à des partitions antérieures italiennes, cantates, oratorio et opéra.
Le Haendélien se réjouira bien sûr de disposer d’une intégrale soignée. Lucy Crowe incarne une tendre Amarilli, émouvante quand elle apprend sa condamnation et part au supplice (scène VII, acte III). Mais ne pouvait-on pas trouver un contre-ténor plus ardent? Comme embarrassé par cette histoire en demi-teintes, David Bates dirige, dès l’ouverture, avec une prudence excessive. Il nous mène vers une Arcadie au soleil constamment voilé. Espérons que ce « Premier enregistrement » aura bientôt un second. »