CD Partenope (Christian Curnyn)

PARTENOPE

COMPOSITEUR

Georg Friedrich HAENDEL

LIBRETTISTE

d’après Silvio Stampiglia

 

ORCHESTRE The Early Opera Company
CHOEUR
DIRECTION Christian Curnyn

Partenope Rosemary Joshua soprano
Arsace Lawrence Zazzo
Rosmira Hilary Summers
Emilio Kurt Streit ténor
Armindo Stephen Wallace contre-ténor
Ormonte Andrew Foster-Williams baryton-basse

DATE D’ENREGISTREMENT novembre 2004
LIEU D’ENREGISTREMENT
ENREGISTREMENT EN CONCERT

EDITEUR Chandos / Chaconne
DISTRIBUTION Abeille Musique
DATE DE PRODUCTION juin 2005
NOMBRE DE DISQUES 3
CATEGORIE DDD

Version originale de 1730

Critique de cet enregistrement dans :

Opéra magazine – février 2006 – appréciation 4 / 5

« Lorsque les commanditaires de la Royal Academy of Music renoncent à mettre en place une nouvelle saison d’opéra, Haendel s’associe à Heidegger, directeur du King’s Theatre de Haymarket, tous deux obtenant la jouissance des décors et costumes de la Royal Academy. Dans cette nouvelle organisation, le compositeur a l’initiative et c’est une période de grande inventivité, voire d’expérimentation, qui s’ouvre à lui. Les deux créations de la saison 1729-1730 sont le chevaleresque Lotario et cette Partenope, créée en février 1730 sur un livret d’après Stampiglia, qui avait déjà été refusé car jugé trop licencieux.

La nouveauté Chandos arrive à point alors que l’opéra haendélien a donné lieu, ces derniers temps, à quelques déceptions discographiques. Le plaisir et l’intérêt sont ici, de manière incontestable, au rendez-vous. Rien d’exceptionnel pourtant, mais une exécution et une interprétation d’une qualité élevée et constan­e.Tout n’est pas parfait vocalement’ aigus ne mélangeant pas assez les registres pour Kurt Streit ou tendance à l’engorgement chez Lawrence Zazzo ‘, mais la distribution est particulièrement cohérente. Le timbre rugueux et le registre de poitrine marqué de Hilary Summers collent au travestissement de Rosmira. La voix chaleureuse et émouvante du contre-ténor Stephen Wallacc, ainsi que la finesse de son interprétation, en font un Armindo idéal. On se réjouira, enfin, de la présence de Rosemary Joshua. Soprano rompue au répertoire haendélien à la scène mais trop peu présente au disque, elle prête sa voix sensuelle à Partenope.

L’orchestre est exceflent, la direction stylée, et si l’on aimerait parfois des graves plus présents et un peu plus de mordant, il est possible que la prise de son en soit en partie responsable. Une plaisante réussite, qui vient aisément combler l’indisponibilité de l’enregistrement dirigé par Sigiswald Kuijken à la fin des années 1970 . »

Goldberg – décembre 2005

« Lorsque Haendel donne Purtenope (1730), le livret de Stampiglia le hante depuis vingt ans. Pourtant, l’ouvrage connaîtra peu de succès. Est-ce dû à la tonalité aigre-douce d’un texte qui démystifie l’amour-passion? Ou à la distribution recrutée pour pallier la désertion des Cuzzoni, Senesino et Faustina d’antan ? Dramatiquement, l’opéra, qui impose bataille, duel, voire un demi-strip-tease en scène et ne propose aucun héros positif, n’est pas facile à monter. Mais musicalement, il s’agit de l’un des plus foisonnants (32 airs), variés (4 ensembles) et subtils de son auteur. Les interprètes s’en aperçoivent puisque, après Kuijken (superbe) et Curnyn, Curtis suivra bientôt. La présente gravure ne fera pas date. Non que la distribution en soit médiocre, au contraire. Certes, à Joshua font défaut la légèreté, le piquant, la sprezzatura propres à Partenope, Zazzo ne possède pas la sophistication virtuose d’un Jacobs en Arsace, Summers est une Rosmira trop placide et Streit un Emilio au grave fabriqué. Mais tous chantent fort bien et affichent des timbres plutôt préférables à ceux de leurs prédécesseurs. L’ennui vient de la ‘direction’ qui tient davantage de la mise en place. Bien que comptant plus de vingt musiciens, l’orchestre sonne comme un ensemble de chambre. Si quelques airs langoureux sont bien servis, les accès de jalousie, fureur, désir, moquerie, sadisme sont rendus par les mêmes tempos tièdes, la même rythmique cotonneuse et les mêmes accents lymphatiques pour le plus épicé des Hanclcl, cela ne saurait suffire. »

Crescendo – septembre/octobre 2005 – appréciation 8 / 10

« Quelle surprise, voilà Partenope! Il aura fallu attendre 25 ans pour que quelqu’un se décide, après Sigiswald Kuijken et sa Petite Bande (Deutsche Harmonia Mundi), à graver l’opéra que Haendel acheva et présenta sans tarder à Londres en février 1730. Il ne connut alors que sept représentations, la postérité n’allait pas étre beaucoup plus généreuse. Ce manque de succès public n’est certainement pas imputable à la qualité de la partition car il ne fait aucun doute qu’il s’agit là d’un des meilleurs opéras haendéliens. Merci donc à Christian Cumyn et à son équipe de lui avoir rendu vie. La version de Kuijken ne manque certainement pas de qualités, il n’est cependant pas déplaisant d’avoir un autre éclairage surtout -quand, comme c’est le cas ici, la distribution montre d’intéressantes personnalités. Rosemary Joshua régale dans Partenope avec une voix dont la beauté s’accorde trés bien avec le caractère attachant du personnage. La rancoeur de Rosmira est bien tangible, chantée par Hillary Summers. Les deux contre-ténors ont heureusement des voix bien différenciées, Armindo, amoureux de Parténope, trouve voix grâce au doux Stephen Wallace, tandis que Lawrence Zazo excelle en présentant une superbe pallette d’affects dans le rôle d’Arsace. Un peu de raideur ne messied pas au tempérament guenier de l’Emilio de Kurt Streit et si le rôle d’Ormonte est peu important, il est néanmoins bien défendu par Andrew Foster-Williams. Haendel n’est visiblement pas un étranger pour l’orchestre de l’Early Opera Company et son chef mais l’on ne peut s’empêcher de trouver que les choses sont par moment trop ‘lèchées’, un peu comme si, en bons Britanniques éduqués dans l »under­statement’, ils craignaient l’excès de tension dramatique (ils en sont bien loin). Que l’on n’en déduise pas que tout cela manque de saveur, il serait bien dommage de se priver d’une rare occasion de (re)découvrir une partition heureusement préservée de la chute dans l’oubli discographique. »

Le Monde de la Musique – octobre 2005 – appréciation 3 / 5

« C’est un héros papillonnant autour de deux femmes, comme Silla, mais autrement plus sympathique, que l’on retrouve dans le chef-d’oeuvre qu’est Partenope. Le choix d’un livret caustique, déjà maintes fois mis en musique par des compositeurs italiens et centré sur le personnage de la légendaire reine de Naples, souleva, avant même que la musique fût achevée, les réserves des puritains britanniques qui n’y voyaient que dépravation. Assister aux tribulations d’un anti-héros soumis au diktat d’une femme (en l’occurrence une fiancée abandonnée, travestie en garçon et assoiffée de vengeance) allait à l’encontre d’un genre qui devait édifier le public. Trop innovant, l’opéra connut un semi-échec à sa création, en 1730. Quoique cette exécution souffre d’une direction assez inégale, tantôt électrisante, tantôt éteinte, l’ensemble des interprètes se montre d’un excellent niveau. Dans le rôle éponyme, on pourrait, certes, espérer un organe plus somptueux que celui de Rosemary Joshua, mais on succombe aux timbres magiquement androgynes d’Hilary Summers et de Lawrence Zazzo ainsi qu’à la superbe aisance de Kurt Streit. Cet enregistrement est d’autant mieux venu qu’il n’en existe qu’un autre, ancien et réalisé sous la direction de Sigiswald Kuijken (Deutsche Harmonia Mundi, 1979), qui semble indisponible. »

Diapason – septembre 2005 – appréciation 5 / 5

« Il y a des héros, dans Partenope, une reine amoureuse, des armes, des serments, mais rassurez-vous, rien de sérieux. Si l’opéra ne connut aucun succès en 1730, ce n’est pas seulement parce que la nouvelle troupe du King’sTheatre, à commencer par le substitutprovisoire de Senesino, le virtuose Bernacchi, plaisait moins que l’ancienne,mais aussi parce que Haendel y donnait libre cours à son penchant le moins prisé du public : l’humour. Entre deux amants soupire le coeur de Partenope ; et celui d’un artichaut bouilli n’est pas plus tendre que le coeur d’Arsace. Que d’ironie dans ces passions ! Et que d’airs délicieux pour tous les personnages ‘ Emilio, le prince éconduit, et Rosmira, l’amoureuse travestie, ne sont pas les moins bien servis !

Le discophile a eu la chance de découvrir assez tôt ces merveilles puisque l’enregistrement de Sigiswald Kuijken remonte à 1979, époque encore éloignée de l’italomanie haendélienne. Entraînée par le couple (délibérément?) improbable que formaient la virginale Krisztina Laki et le cajoleur René Jacobs, cette Partenope a beaucoup oeuvré pour le risorgimento sans guère éveiller d’intérêt pour le titre. En un quart de siècle, n’est paru qu’un modeste Iive dirigé à Göttingen par Nicholas McGegan et disponible seulement par le biais du festival. La nouvelle intégrale, réalisée à Londres il y a dix mois, n’est donc en rien superflue. Elle a pour premier atout un plateau digne de celui de 1979. Une absence presque totalme de cantabile e une réserve sans doute indépendante de sa volonté n’empêchent pas Rosemary Joshua de servir la reine avec la probité qu’on lui connaît. L’aigu et la vocalise peut-être usés par la scène, Lawrence Zazzo ne démérite pourtant pas face à un Jacobs plus personnel mais plus affecté ‘ « Furibondo’ poitrine ce qu’il faut et ‘Ch’Io parta »murmure délicieusement. Rosmira (Hilary Summers) porte si bien la culotte que son duo avec Arsace semble chanté par une seule voix ! Solide Kurt Streit ; Stephen Wallace crédible en petit cousin de David Daniels… Bel ensemble, sans prodige mais sans faiblesse. Que n’en a-t-on profité pour obtenir du jeune Christian Curnyn, chef serviable et claveciniste instruit, le minimum théâtral ! Dès l’Ouverture, une corde à vide du théorbe suffit à couvrir le tutti d’un orchestre de salon. Les accents rageurs de « L’amor ed il destin » ? Un solfeggio. Les cors exaltés de la gigue « Io seguo sol fiero » ? A peine audibles. L’ironie frondeuse de »Spera e godi « ? Lettre morte. Même les effluves rares de flûte et de basson (Bart Kuijken et Danny Bond en 1979 !) de « Dimmi pietoso ciel » laissent le chef de marbre. Les récitatifs se confondent. Les croches aussi. Et les blanches. Hors le nocturne magique du III ( Ma quai note »), idéalement senti, tout est égal, sans enjeu, sans amour, dans ce qui tient plus du compte-rendu que de l’interprétation. La musique n’en paraît pas moins divine, mais le temps dure, hélas ! lui dont Partenope chaque seconde fait battre les ailes. »

Classica/Répertoire – septembre 2005 – appréciation 8 / 10

« Partenope est une pure fête vocale et orchestrale.A l’instar de Serse, c’est de surcroît une oeuvre complexe, parfois proche de la parodie – le livret de Stampiglia (l’un des membres de l’Accademia dell’Arcadia) est de tout premier ordre, mais son caractère de «comédie sérieuse », qui manie fortement l’ironie, a été mal compris en son temps. En tous les cas pleine d’esprit et de poésie, elle mériterait d’être beaucoup mieux connue et davantage jouée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Car composée pour mettre en valeur la nouvelle équipe de chanteurs que Haendel, confronté au départ des étoiles de sa troupe (la Cuzzoni, la Bordoni et Senesino), a été obligé de recruter durant le passage à vide des années 1728-1729, elle offre aux nouveaux chanteurs (la Strada, Bernacchi, Fabri….) de quoi mettre en valeur des talents aux multiples facettes, aussi bien sur le plan vocal que théâtral (jusqu’à huit airs pour Arsace, musicalement et psychologiquement très diversifiés). Pensons ainsi à ces pures merveilles que sont «Voglio amare insin ch’Io moro» et «Qual farfaletta» pour Partenope ; «Ch’Io parta? Si crudele » de Arsace’ parmi les plus beaux airs jamais composés par Haendel. En outre l’orchestre, au fil des nombreuses et éclatantes sinfonie qui ponctuent l’ouvrage, et des multiples airs avec accompagnements obligés (les flûtes dans « Ma quai note di mesti lamenli», l’ensemble des vents et des bois dans «Io seguo sol fiero », a rarement été autant mis en valeur. Joie !

L’interprétation ici proposée est de très haut niveau. Cela tient tout d’abord à une équipe vocale de premier ordre. Rosemary Joshua, que l’on a fréquemment pu entendre dans Haendel ces toutes dernières années, s’impose comme une Partenope de toute beauté. Elle est non seulement très bonne chanteuse et excellente technicienne, mais elle possède encore un vrai tempérament, perceptible dans les passages ou le personnage est amené à s’autocaricaturer. « Vogilo amare insin ch’Io moro» est un grand moment de chant haendélien et, si le virtuose «L’Amor ed il Destin» aurait pu, avec un accompagnement plus nerveux, être plus percutant encore (voir Sandrine Piau dans son récital Haendel avec Christophe Rousset), il ya déjà là beaucoup d’esprit à revendre. Lawrence Zazzo est un Arsace impressionnant, très musical, puissant, mais le timbre n’est pas toujours aussi séduisant qu’on aurait pu le souhaiter (dans son dernier air, « Fatto è Amor un Dio d’inferno ». la précision rythmique laisse en outre un peu à désirer). Quel art tout de même, déployé dans « Ch’Io parta? Si crudele » et «Ma quai note di mesti lamenti » ‘à pleurer. Là encore, on est à un très haut niveau. Hilary Summers offre en Rosmira un beau timbre un peu voilé, liés musicale, la chanteuse reste un peu placide dans son grand air de furie «Furie son dell’Alma mia ». Le reste de l’équipe est à peine en retrait: Stephen Wallace est en Armindo un joli contre-ténor qui manque un peu d’ampleur et de graves (« Voglio dire ai mio tesoro » et «Non chiedo o luci vaghe »). Andrew Foster-Williams est plus que correct dans le grand air d’Ormonte ‘ avec un accent an­glais un peu gênant cependant. Seule relative déception : Kurt Streit (Emilio), ‘ il y a peu excellent ténor mozartien ‘ chante avec trop de puissance. Ecrasant son timbre, il le rend à la fois nasal et métallique. Dommage.

La direction de Christian Curnyn, qui ose déployer le grand jeu dans les parties strictement orchestrales (quelles marches !) sait aussi ciseler quantité de merveilles (sens du détail signifiant et pure beauté sonore) : l’introduction avec flûte et continuo de « Ma quai note di mesti lamenti », les frottements de cordes dans «La speme ti consoli», les très beau jeux de vents et de bois dans le magnifique accompagnement orchestral de «Io seguo sol fiero », les scansions de l’air de fureur «Furie son dell’Alma mia », et surtout des récitatifs accompagnés à couper le souffle (« Contra un pudico Amor cotanto sdegno » et « Cieli che miro ! abbandonato e solo » : deux petites minutes d’extase !), éveillent toute notre admiration, Cette direction reste malheureusement strictement musicale : alerte et aérée, elle ne crée cependant ni urgence dramatique, ni théâtre, ni psychologie. Surtout, elle est trop uniforme’ ne sachant jamais être vraiment ébouriffante (airs virtuoses), déchirante (airs de lamentation) ou simplement drôle (passages parodiques) ‘ contrat qu’un Jacobs, par exemple, remplit toujours exemplairement dans ses gravures haendéliennes. Il n’empêche, face aux médiocres réalisations disponibles (essentiellement Kuijken/DHM) : nous tenons probablement ici la meilleure gravure de l’ouvrage. »