CD L’Ormindo (direction Jérôme Corréas)

L’ORMINDO

L'Ormindo - réédition 2015

COMPOSITEUR

Pietro Francesco CAVALLI

LIBRETTISTE

Giovanni Faustini

 

ORCHESTRE Les Paladins
CHOEUR
DIRECTION Jérôme Corréas

Ormindo Martin Oro
Amida Howard Crook
Nerillo Dominique Visse
Sicle Magali Léger
Erice Jean-François Lombard
Erisbe Stéphanie Révidat
Mirinda Karine Deshayes
Ariadeno Jacques Bona
Osmano Benoît Arnould
L’Armonia Sandrine Piau

DATE D’ENREGISTREMENT 2006
LIEU D’ENREGISTREMENT Paris – Temple Saint-Marcel
ENREGISTREMENT EN CONCERT non

EDITEUR Pan Classics
DISTRIBUTION Abeille Musique
DATE DE PRODUCTION 28 juin 2007 / réédition 10 mars 2015
NOMBRE DE DISQUES 2
CATEGORIE DDD

Critique de cet enregistrement dans :

Classica – juillet 2007 – Humour, farce et beauté – appréciation Recommandé 10

« L’Ormindo de Francesco Cavalli, petit bijou baroque, marque en 1644 un changement de ton et l’avènement du comique dans le tout nouveau genre lyrique : Place à la féerie et à l’humour !

L’Ormindo n’est pas tout à fait le plus méconnu des quarante opéras de Cavalli. Enregistré en 1968 par Raymond Leppard pour Decca, dans une version abrégée en deux actes, puis par Fasano en, 1971 pour Datum c’est l’Arcal qui l’invite sur le territoire français en 1984, pour une série de représentations d’après le manuscrit original en trois actes, où le rôle-titre est tenu par Henri Ledroit. Début 2007, 23 ans plus tard, l’Arcal revient à L’Ormindo avec les Paladins et le metteur en scène Dan Jemmet, pour une tournée française. Cet enrgistrement, produit dans l’élan des représentations, a remplacé quelques interprètes par de plus célèbres noms : Sandrine Piau, et surtout Howard Crook et Dominique Visse, mythiques collaborateurs des Arts florissants à leur naissance.

Après la mort de son maître Monteverdi, Cavalli devient de fait le plus important compositeur d’opéra de son temps. Attaché au Teatro San Cassiano de Venise, il produit au moins un opéra par an. L’Ormindo, sur un livret du spirituel Faustini, est créé en 1644. L’action se situe à Fès : deux princes. Ormindo et Amida, aiment Erisbe, jeune épouse du vieux roi Hariadeno… L’intrigue, d’une complexité qu’on résumerait mal, dénonce les faiblesses humaines, la propension à trahir et tromper, tout en affirmant la force de l’amour… Le principal intérêt de sa dramaturgie réside dans l’évolution radicale des personnages : le ton bouffe s’assombrit progressivement, se fait plus amer, et la musique suit miraculeusement ces métamorphoses. Cavalli fait preuve d’une liberté souveraine des formes : récitatifs incrustés d’ariosi ou de refrains, arias strophiques, ébauches subtiles de da capo. La virtuosité est encore soumise au recitar cantando et à la conduite serrée de l’action. C’est une gageure de rendre au disque l’intérêt scénique d’un tel ouvrage. Les Paladins y parviennent magnifiquement. Le continuo (harpe, guitare, théorbe, orgue, deux clavecins, violone) est un partenaire attentif, renouvelant sans cesse les ambiances, les couleurs, les dynamiques : liberté, poésie, humour, vie, sont les maîtres mots.

L’Harmonie ouvre l’opéra, incarnée par une Sandrine Piau dans son meilleur répertoire : le style est superbe, la virtuosité cristalline. Les deux autres sopranos, Stéphanie Révidat et Magali Léger, bien caractérisées, séduisent absolument : la première possède une belle présence dramatique, une émission vocale libre et ample ; la seconde aussi, peut-être avec moins de naturel, et des effets plus systémafiques. Karine Deshayes a une voix somptueuse, qui pourrait être surdimensionnée dans ce répertoire, si sa maîtrise technique et son intelligence musicale n’en faisaient une interprète idéale. Le contre-ténor Martin Oro possède une voix chaude, équilibrée sur toute la tessiture ; plus à l’aise dans l’aria élégiaque que le récitatif, il pèche par une certaine monotonie d’expression. On retrouve avec bonheur Howard Crook : sachant s’adapter au temps qui passe, il brosse un rôle bouffe avec une extraordinaire intelligen’, le timbre est toujours irrésistible, le style accompli. Que dire de Dominique Visse? Fidèle à lui-même, avec cet abattage inouï et une connaissance intime de cette musique, il a définitivement opté pour un culte systématique de la laideur vocale ‘ on ne la croit pas involontaire, car ça et là certains sons, trop rares, savent séduire par leur douceur. Véritable Protée vocal, on s’incline malgré tout devant sa personnalité unique. Une mention pour Jean-François Lombard, qui, en véritable haute-contre, maîtrise les registres et colore sa voix de ténor d’un agréable falsetto, et Jacques Bonat, qui campe un vieux roi noble et sensible. On est emporté dans le tourbillon de cette oeuvre foisonnante : répétons-le, redonner à L’Ormindo sa vitalité et sa poésie au disque est un défi : relevé ! » 

  Le Monde de la Musique – juin 2007 – appréciation 3 / 5

« Créé seulement sept ans après l’ouverture du Teatro San Cassiano de Venise ‘ le premier opéra public ‘, L’Ormindo porte toute la fièvre propre à l’apparition d’un genre. A lui seul, le livret est un trésor de savoir-faire dramaturgique et de vie, tant s’y entrelacent et y tourbillonnent, dans le même instant, tous les registres de expression humaine, L’association de Francesco Cavalli et de son librettiste Giovanni Faustini vaut bien les tandems Lully-Quinault, Mozart-Da Ponte ou Strauss-Hofmannsthal. Cavalli montre une fois encore quel dramaturge musical il est : son habileté à cerner la nature humaine stupéfie, tandis que sa pensée grouille de vivacité. Par rapport à La Calisto, L’Ormindo (hélas ! la partition jouée ici n’est pas intégrale) cède légèrement en extravagance ce qu’il gagne en humanité. L’empreinte monteverdienne ‘ celle de Poppea et d’Ulisse ‘ est absolument frappante.

Dans son ensemble, le plateau vocal réuni ici est de qualité, depuis Sandrine Piau, émouvante Armonia, jusqu’à la très sensible Magali Léger, en passant par le facétieux Dominique Visse. On demeurera plus réservé sur l’interprétation, trop maniérée et vocalement inconstante, de Howard Crook et sur les cordes aiguës d’un ensemble instrumental au continuo pourtant pertinent. »

 Res Musica – L’Ormindo ou le triomphe de l’éternel féminin

« … La voix claire, aux aigus lumineux, de Stéphanie Révidat, nous charme dans le rôle d’Erisbe. Magalie Léger, au chant sombre et profond, est une Sicle bouleversante d’humanité. Karine Deshayes sait, quant à elle, dissimuler la fêlure de Mirinda par des colorations mêlant sens de la comédie populaire et grâce chatoyante dans la tragédie qu’il faut conjurer. Les rôles masculins en dehors de ceux déjà cités, sont plutôt bien distribués, avec toutefois un léger déséquilibre, Howard Crook (Aminda) étant en retrait. Très bien placée à certains moments, sa voix perd de l’assurance à d’autres.

Mais nous sommes dans un opéra baroque qui doit beaucoup à l’Orfeo de Monteverdi, et c’est le personnage du Prologue, l’Harmonie (Armonia), interprété par l’incandescente Sandrine Piau qui, dès le début, nous fait savoir que cette oeuvre veut célébrer cette scène grandeur nature qu’est Venise. « Je viens représenter dans tes théâtres ». Tout ceci n’est qu’un jeu que Jérôme Correas et les Paladins offrent avec sensibilité et intelligence à tous ceux qui veulent l’entendre. Et s’il y a bien quelques défauts (absence d’une partie de la partition, livret perfectible, et faiblesses intermittentes dans l’interprétation) ce double CD a cependant toute sa place dans votre discothèque. »

 Opéra Magazine – novembre 2007 – appréciation 4 / 5

  « Dans L’Ormindo de Francesco Cavalli, Venise, tel Narcisse se mirant dans les eaux, se contemple sur scène comme dans un miroir. Le prologue de cette comédie, composée peu de temps après L’Incoronazzone di Poppea de Monteverdi, s’ouvre en effet sur la place Saint-Marc, d’où surgissent la Musique et l’Harmonie, métaphores de l’activité théâtrale de la cité des Doges et de la civilisation gréco-romaine dont elle s’était fait la championne. Et quand l’action se transpose à Fès,voici que le page Nerillo rappelle, dans le magnifique air « Che città », avec une crainte mêlée d’admiration, le souvenir des farandoles vénitiennes. L’opéra fut, il est vrai, créé durant les festivités du Carnaval en 1644… Lintrigue s’inscrit dans la droite ligne de la tradition italienne, comique et dramatique de situation alternant avec ue liberté de ton savoureuse. L’art lyrique, ne l’oublions pas, vit encore le temps de ses prémices en ce milieu de XVII siècle, et sérieux et bouffe ne sont pas encore totalement séparés. Deux princes, Ormindo et Amida, sont épris d’Erisbe, la jeune et belle épouse du vieux et ennuyeux roi du Maroc, qui, à son tour, ne se montre pas insensible à leur charme. Sauf qu’une autre princesse, Sicle, abandonnée parAmida, entre dans la danse pour récupérer son homme…

Jérôme Corréas, à la tête de son ensemble Les Paladins, offre une lecture fluide, prenant en compte à la fois cette liberté de ton et cette riche peinture de la nature humaine. Il met bien en relief l’art du recitar cantando continu qui imprime à L’Ormoindo l’allure d’une immense et rejouissante conversation. Sa baguette souple relance en permanence la dynamique de l’e­semble et, de ce point de vue, le disque s’écoute avec un immense plaisir.

La distribution, sensiblement différente de celle que Jérôme Correas a dirigée en tournée en 2007,vaut sur tout pour les interprètes feminines. Le timbre jeune et aérien de Stéphanie Révidat convient natu­ au personnage d’Erisbe, la soprano filant ses aigus avec beaucoup de virtuosité. L’Armonia de Sandrine Piau est tout aussi séduisante, la Sicle de Magali Léger s’avérant, par comparaison, plus en retrait. Chez les messieurs, Dominique Visse s’impose par son timbre et sa gouaille, dessinant un Nerillo absolument captivant. Martin Oro et Howard Crook incarnent des princes hauts en couleur mais, si le premier joue avec habileté sur le registre des métamorphoses des sentiments (de l’amour sincère à la désillusion et à l’amertume), le second manque parfois d’audace.

Une version à retenir, ne serait ce que parce que personne ne s’était vraiment interessé à l’ouvrage depuis le disque enregistré pour Decca, en 1968, par Raymond Leppard. »

 ClassiqueInfo-disque.com

« La distribution très largement française semble alléchante sur le papier mais on ne retiendra que les noms de Sandrine Piau qui chante l’armonia du prologue avec une rare maîtrise et l’Amida de Howard Crook. La déception vient de Dominique Visse qui incarne un Nerillo bien terne, après une entrée plus vociférée que chantée, et c’est grand dommage car c’est un artiste attachant au demeurant. Martin Oro, qui chante le rôle titre, semble également en retrait, mais il donne néanmoins une belle incarnation de son personnage et nous noterons également les bonnes performances de Magali Léger (Sicle), Stéphanie Révidat (Erisbe) et Jacques Bona (Haradieno). Jérôme Corréas qui dirige l’ensemble Les paladins fournit une prestation fort honorable et sauve ainsi un enregistrement qui a une légère tendance à ronronner ; sa volonté de réhabiliter une oeuvre oubliée est à mettre à son crédit car cet opéra de Cavalli contient de superbes mélodies qui lui confèrent un grand intérêt.

Malgré les imperfections de cet enregistrement, nous saluerons la volonté plus que louable de Pan Classics de mettre à l’affiche un répertoire peu connu. Nous ne pouvons aussi qu’apprécier la mise en avant d’artistes français, qui ont ainsi une occasion intéressante de se distinguer. »