Boris Goudenow

BORIS GOUDENOW oder Der durch Verschlagenheit erlangte Trohn oder Die durch Neigung glücklich verknüpfte Ehre

COMPOSITEUR Johann MATTHESON
LIBRETTISTE Johann Mattheson
ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
2005 2006 Rudolf Kelber Editions Jacobi 3 allemand

Boris Goudenow ou Der durch Verschlagenheit erlangte Trohn (Boris Godounov ou La conquête du trône par la fourberie).
Fiche détaillée

Entre 1938 et 1941, le musicologue allemand Helmuth Christian Wolff copia plusieurs de ses morceaux pour une thèse sur l’Opéra de Hambourg, publiée en 1957. A la suite de quoi des extraits (Hochbeglückte Zeiten ; Empor! Empor! soll mein steter Wahlspruch bleiben ; Vorrei scordarmi del idol mio ; Schau Boris uns in Gnaden an) furent enregistrés en 1965 pour un disque Angel par le Berlin Philharmonic Orchestra, sous la direction de Wilhelm Brückner-Rüggeberg, avec Marlies Siemeling, soprano, Theo Adam, basse, Manfred Schmidt, ténor (autres extraits de Croesus, Pimpinone et Almira) – Une réédition Odéon eut lieu dans les années 1970.
La partition fut redécouverte par le juriste et organiste Johannes Pausch dans la Bibliothèque municipale de Hambourg. Celle-ci avait récupéré en 1998 quarante-deux caisses de documents qui lui appartenaient avant guerre, comprenant les oeuvres complètes de Mattheson, qui lui furent restituées par l’ambassade d’Arménie. En 2001, Pausch a publié une édition critique dans sa collection Musiklandschaften, incluant également les textes qui manquent dans le manuscrit de la partition par Mattheson, tels qu’ils ont été retrouvés dans les papiers laissés par Helmut Christian Wolff.

Personnages : Theodorus Ivanovitch, grand-duc de Moscovie ; Boris Goudenow, ministre ; Irina, soeur de Boris, grande-duchesse ; Axinia, fille de Boris ; Olga, princesse russe ; Gavust, prince étranger ; Josennah, prince étranger ; Fedro, boyard ; Ivan, boyard ; Bogda, serviteur de Boris ; Choeur de vieillards ; Choeur d’enfants.
Personnages muets : le Patriarche ; les conseillers du royaume et les chevaliers.
Ballets : Acte I : huit cavaliers russes, quatre dames ; acte II : enfants ; acte III : cavaliers et dames, les Amours et les Plaisirs



Argument
La scène se situe dans la capitale, Moscou, et aux environs.
Le tsar Théodore, affaibli, nomme son ministre et beau-frère Boris Godounov gouverneur de Moscovie. Boris vise plus haut. Lorsque le tsar agonisant essaye de transmettre son sceptre à d’autres, qui refusent, Boris s’en empare. Le tsar mort, Boris feint de refuser le pouvoir et se retire dans un couvent, avant de céder à la demande générale et d’accéder au trône.
L’intrigue politique s’entrelace avec des intrigues amoureuses, non exemptes d’arrière-plans politiques :
– Le prince russe Fedro est amoureux, discrètement, d’Irina, soeur de Boris, épouse puis veuve du tsar Théodore. Du vivant du tsar, Irina ne connaît que son devoir; veuve, elle accompagne Boris au couvent, puis revient dans le monde et couronne la flamme de Fedro.
– Deux princes étrangers, Gavust et Josennah, parlent d’amour d’abord avec Olga, princesse russe, puis à Axinia, fille de Boris, qui préfère
Gavust, et est payée de retour. Josennah ne conçoit en fait l’amour que comme moyen d’arriver au pouvoir, et essaye se servir d’Olga aussi bien que d’Axinia.
– Un autre prince russe, Ivan, est amoureux d’Olga. Il découvre et révèle le double jeu de Josennah. Celui-ci, démasqué, est expulsé de Russie.
Boris peut alors donner sa bénédiction aux trois mariages : Axinia et Gavust, Olga et Ivan, Irina et Fedro.
– Bogda, domestique de Boris, intervient régulièrement pour des scènes et des airs bouffons, chantant la paresse et le vin, critiquant la vie monastique, sans incidence sur l’action.

Synopsis

Acte I
La scène représente une salle magnifique, voûtée au centre, avec des fenêtres latérales, entourée de sièges surélevés, les murs couverts de splendides tapisseries. Le trône du tsar au milieu ; à sa droite, le globe impérial sur une pyramide d’argent ; à sa gauche, une aiguière d’or. Théodore sur le trône, Irina, Boris, Fedro, Ivan, tous les boyards et les chevaliers, assis selon leur rang ; la garde, etc.
Sc. 1. Le tsar Théodore, se sentant décliner, promeut son ministre et beau-frère Boris Goudenow gouverneur de Moscovie. Tous s’en réjouissent, mais Théodore et le choeur chantent un air (n° 4) sur les inconvénients du pouvoir.
Les appartements de la grande-duchesse, avec des alcôves
Sc. 2. Le boyard Fedro laisse entendre son amour à Irina, épouse du tsar. Irina ne connaît que son devoir et son honneur.
Sc. 3. Boris affiche son ambition : arriver au pouvoir par la ruse. Il s’assure le soutien du prince étranger Gavust et du boyard Ivan. La position du prince étranger Josennah leur reste incertaine. On apprend que le tsar est malade. Bogda, domestique de Boris, se réveille pour chanter les joies du sommeil (n° 11).
Sc. 4. Gavust, Josennah et la princesse Olga chantent les joies et les peines de l’amour.
Sc. 5, 6, 7. Olga sortie, Josennah fait la cour à Axinia, fille de Boris, également courtisée par Gavust, qui a visiblement sa préférence. Josennah, qui le sait, constitue une menace pour eux.
Sc. 8. On apprend que le tsar décline. Ivan chante son amour pour Olga.
La splendide chambre à coucher de Théodore. Théodore sur un tabouret, couronne et sceptre sur la table ; autour de lui, debout à côté du patriarche
Sc. 9. Le tsar agonise, sans héritier (il fait allusion à la mort de Démétrius, son jeune frère). Il essaye de laisser son sceptre à Fedro, puis à Ivan.
Tous deux refusent. Boris ramasse alors le sceptre que Théodore a laissé échapper.
Acte II
Un vaste appartement aux tapisseries somptueuses, avec une table d’or.
Sc. 1. Boris, portant le sceptre, annonce son intention de remettre le sceptre en jeu et se retirer dans un monastère. Irina veut le suivre.
Sc. 2. Josennah expose dans un air (n° 30) que l’amour ne doit être qu’un moyen pour parvenir au pouvoir. Il envisage d’utiliser Axinia dans ce but. Il essaye de faire passer Bogda dans son camp en lui présentant le monastère comme un lieu de solitude. Bogda répond en chantant (n° 32) les charmes de la vie monastique : paresse, gourmandise et luxure.
Sc. 3. Olga se présente à Josennah comme pouvant le faire accéder au trône, s’il l’épouse. Ivan, caché, surprend l’offre et veut contrecarrer ces projets. Olga sortie, Josennah montre sa duplicité : c’est Axinia qui l’intéresse.
La scène est dans le jardin du Grand-Duc.
Sc. 4, 5, 6. Ivan révèle le complot à Axinia. Elle en informe Gavust, qui, indigné, promet son appui.
Au monastère.
Sc. 7. Au monastère, Boris chante un éloge de la feinte (n° 42). Irina persiste dans le souci de son honneur face à l’amour.
D’un côté arrive une foule de vieillards à la barbe grise, vêtus de noir ; de l’autre, une troupe d’enfants en blanc. Bogda à une fenêtre.
Sc. 8. Vieillards et enfants du peuple supplient Boris d’accepter la couronne. Bogda les couvre de sarcasmes.
Sc. 9. Fedro implore Irina de revenir dans le monde. Irina résiste toujours.
Sc. 10. Après interventions d’Ivan et d’Irina, Boris « se sacrifie » enfin, accepte la couronne et annonce son intention de partir en guerre.
Acte III
A l’extérieur du Kremlin.
Sc. 1, 2. Olga et Josennah enragent de voir leurs plans déjoués. Ivan, puis Gavust, s’en prennent à Josennah, ignominieusement chassé de Russie.
Sc. 3. Ivan réaffirme son amour à Olga, qui réclame du temps pour guérir ses blessures.
La chambre de la princesse Axinia
Sc. 4. Irina et Axinia sont heureuses, mais Irina ressent encore un déplaisir non identifié.
Sc. 5. Gavust chante les joies de l’amour partagé ; Fedro réaffirme son amour pour Irina ; Axinia intercède en sa faveur. Bogda chante encore les inconvénients du pouvoir.
La magnifique salle préparée pour le couronnement.
Sc. 6. Scène du couronnement. Tout le monde est content. Boris montre son sens de l’intérêt général et va partir en guerre.
Sc. 7. Olga accepte enfin l’amour d’Ivan.
Sc. 8-9-10. Irina chante les traîtrises de l’amour. On lui présente le couple Axinia-Gavust comme exemple d’amour sans nuages, mais elle résiste encore un peu, avant de céder enfin à Fedro.
Sc. 11. Les trois couples reçoivent la bénédiction de Boris, qui récompense également Bogda. Série d’airs chantant les louanges de l’amour lorsqu’il est associé à l’honneur.

(Synopsis : Alain Duc)

Livret en français (traduction Jacqueline Duc) sur livretsbaroques.fr



Représentations :

Hambourg – St-Pauli Theater – 30 août 2007 – Saint-Pétersbourg – Théâtre Mikhailovsky – 26 octobre 2007 – Moscou – Théâtre Novaya Opera – 2 et 3 novembre 2007 – version Johannes Pausch – Orchestre La Grande Catherine – dir. Andrei Reshetin – mise en scène et chorégraphie Klaus Abromeit – costumes et décors Stephan Dietrich – lumières Martin Oestreich – avec : Shadi Torbey, basse (Boris), Sergio Foresti, ténor (Fédor Ioannovitch), Dmitri Golovnine, ténor (Gavust), Andrew Mackenzie-Wicks, ténor (Josennah), Anke Hermann, soprano (Irina), Anna La Fontaine, soprano (Axinia), Maria Seleznova, soprano (Olga), Trevor Boyce, basse (Fédor), Boris Stepanov, ténor (Ivan), Alexandre Bordak, ténor (Bogda), Grigori Kaganov, rôle muet (Le Patriarche)



Hamburger Abendblatt – 1er septembre 2007

« Peut-être la découverte d’un opéra baroque disparu pendant près de 300 ans a-t-elle réussi. La première scénique hanséatique du drama per musica Boris Goudenow, ou le Trône obtenu par la ruse, composé en 1710 par Johann Mattheson, a été un point culminant du programme de festivités célébrant les 50 ans du jumelage Hambourg – Saint-Pétersbourg Elle a aussi été un brillant événement mondain, et nombre de dames au parterre du Théâtre Sankt-Pauli resplendissaient dans la soie comme les seigneurs sur la scène. Mais le clou de la soirée, ce fut le raffinement grisant des couleurs, les silhouettes dramatiquement élégantes des costumes de Stephan Dietrich. En revanche, dans l’organisation de l’espace, il s’est limité à des rideaux noirs, des lustres et des piédestaux rouges sur lesquels chanteurs et danseurs posent de façon impressionnante comme des statues vivantes, dans des robes chatoyantes et avec des panaches de plumes d’autruche qui se balancent.
L’opéra traite de l’appétit de pouvoir et de sexe, comme L’Incoronazione di Poppea de Monteverdi. Musicalement, chez Mattheson, l’ascension du gouverneur de Moscou Boris Godounov est moins sensuellement vibrante, plutôt d’une sécheresse d’Allemagne du Nord, surtout dans le premier acte. L’Orchestre de la Grande Catherine, conduit par Andrei Réchétine, également au violon, s’applique dans les nuances et les tempos enflammés. Après la mort du tsar, le rusé Boris feint de décliner le sceptre qu’on lui offre, pour parvenir d’autant plus sûrement au trône. Son serviteur Bogda, qui a les faveurs du public, assure des intermèdes comiques.
Le mouvement dans les tableaux stylisés de la mise en scène de Klaus Abromeit est assuré par les danseurs masqués de rouge. Mais l’action proprement dite se déroule sur le plan musical : l’allemand comme langue sociale dans les récitatifs et les scènes alterne avec des airs italiens, expression chantée des pensées et sentiments. Dans la distribution, ont brillé la tsarine Irina d’Anke Hermann, Andrew Mackenzie-Wicks comme intrigant, Boris Stepanow comme un Ivan lyrique, Trevor Bowes en sombre cosaque Fedro, et Shadi Torbei dans le rôle titre. »

Boston – Cutler Majestic Theatre at Emerson College – Boston Early Music Festival – 14, 16, 18, 19 juin 2005 – Tanglewood – Lenox – Massachussets -Tanglewood Summer Music Festival – 24, 25 juin 2005 – Moscou, St Petersbourg – Early Music International Festival – 17 au 29 septembre 2005 – dir. Paul O’Dette et Stephen Stubbs – mise en scène Lucy Graham et Nils Niemann – costumes Anna Watkins – décors David Cockayne – chorégraphie Lucy Graham – avec Karina Gauvin, Ellen Hargis, Catherine Webster, Julian Podger, Vadim Kravets, Pavel Shmulevich

Andante

« Les meilleures choses dans la production, ce sont le splendide décor de David Cockayne dans le style de l’époque, avec un usage astucieux de rideaux d’entracte peints et un faux proscenium pour créer les nombreux et différents emplacements et espaces pour les activités intimes ou pour un choeur développé ; et les somptueux costumes de style russe d’Anna Watkins. Les uns et les autres bénéficient d’un bel et subtil éclairage, signé Lenore Doxsee, créant une ambiance de richesse avec éclairage aux chandelles. L’acte II comporte une hilarante scène de chorégraphie (par Lucy Graham) dans laquelle des vieillards chancelants et des enfants prient Boris de quitter son exil monastique dans les steppes.
Remarqués parmi les chanteurs : dans le rôle de Boris, le jeune Russe Vadim Kravets, dont la basse est inhabituellement lyrique en plus d’être puissante ; le ténor Colin Balzer, qui chante Gavust avec musicalité et une excellente diction ; le soprano brillant de Catherine Webster, jouant sa bien-aimée Axinia ; William Hite, qui combine les bouffonneries de Bogda avec un chant convaincant ; et Ellen Hargis, avec un solide sens du style et un soprano chaleureux, à défaut d’être toujours parfaitement beau.
Beaucoup parmi les chanteurs semblent mal à l’aise avec les gestes stylisés qu’on leur a assignés pour cette mise en scène dans l’esprit de l’époque, ce qui parfois donne une impression d’amateurisme. Le merveilleux orchestre de 31 membres, conduit par le violoniste Robert Mealy, a été la vedette du spectacle, les cordes et les vents alternant avec le splendide groupe du continuo. Cependant, cet opéra aurait sans doute tiré profit d’un véritable chef d’orchestre. Pour les grandes scènes, les directeurs musicaux Paul O’Dette et Stephen Stubbs posent leurs luths et guitares baroques et se lèvent pour diriger, mais la musique de cet opéra réclame plus de variété dans le tempo, plus d’inflexion et de direction, que cette méthode ne le permet. »

Newsletter of the American Haendel Society

« Boris Goudenow habite un monde sonore dont la différence avec celui de Haendel est frappante. Les airs tendent à être courts, très chantants (souvent en couplets) et syllabiques. Fréquemment, il n’y a pas de ritornello d’ouverture. Je n’ai pas cessé d’imaginer que j’étais en train d’entendre des mélodies populaires familières ou des bribes de l’Opéra des Gueux. Une vérification partielle de ce fait est apparue lors de la table ronde du matin : “Redécouvrir Boris Goudenow” quand O’Dette et Stubbs ont déclaré qu’ils entendaient des fragments de “Packington’s Pound” et de “Greensleeves” dans la partition, ce qui amenait à la question de savoir quelle musique anglaise pouvait avoir été accessible dans la maison de Sir John Wich, l’ambassadeur anglais à Hambourg, à qui Mattheson servait de secrétaire ; l’opéra est dédié au fils de l’ambassadeur Cyrill Wich, à qui Haendel et Mattheson donnèrent tous deux des leçons de musique, et qui succéda à son père comme ambassadeur en 1715. Le seul rapprochement musical que j’aie fait à l’oreille était que le charmant duo d’amour entre Axinia (fille de Boris et d’Irina) [sic ! Irina est la soeur de Boris. NdT]) et Gavust (un prince étranger) à l’acte I, “Ist war schöners auf der Welt,” commence exactement par les mêmes notes, et de façon également syllabique, que l’air sentimental de Pergolèse “A Serpina penserete” dans La Serva padrona, écrit 23 ans plus tard (je ne suggère aucun emprunt, seulement une comparaison de style musical). Comme dans l’Alcina de Haendel et dans ses arias allemandes, la tessiture pour les sopranos se cantonne typiquement dans un ambitus très étroit et aigu, ce qui peut être un trait distinctif de l’opéra de Hambourg. Christoph Wolff (Harvard University), également intervenant à la table ronde, a conclu que l’opéra devait davantage aux idéaux du XVIIe siècle qu’à ceux du XVIIIe, mais à mon sens, la partition sonnait très galant (c’est bien entendu également le paradoxe du Serse de Haendel.) […]
Il y a une utilisation extraordinaire des choeurs : les boyards (libéraux) et les kniazya (vieille aristocratie) dans les scènes de salle du trône qui ont tendance à se présenter au début ou à la fin des actes, mais plus particulièrement les vieillards et orphelins du second acte qui viennent supplier Boris d’accepter la couronne. Les vieillards et les enfants chantent un rondo choral avec trois reprises du refrain : « Boris, regarde-nous avec pitié,/ entends nos lamentations. » Deux fois, le serviteur de Boris essaye de les chasser et deux fois encore ils répètent leur refrain en mode mineur, avec son appel chromatique montant dans le vers final, chaque reprise étant plus amusante que la précédente.
Une partie de l’humour provient du serviteur de Boris, Bogda, négligent et paresseux ; le rôle a été brillamment interprété par le ténor William Hite, qui est par ailleurs un parfait Évangéliste dans les Passions de Bach. Vu que l’opéra n’a jamais été représenté du vivant de Mattheson, il n’y a pas de livret, et, en outre, la partition semble ne pas avoir été “völlig geendiget,” comme aurait dit Haendel (« pleinement complétée »). O’Dette et Stubbs ont exposé lors de la table ronde les additions faites par le BEMF. Dans son état d’origine, la partition ne contient pas d’accompagnatos; ceux-ci ont été rajoutés lorsqu’ils étaient supposés par la situation et par l’usage que fait Mattheson d’un rythme harmonique lent. L’orchestration notée a été enrichie par l’utilisation de flûtes à bec, bassons, trompettes et percussion. De courts ritornellos ont été ajoutés par endroits pour assister les entrées et d’autres mouvements scéniques. Une danse a été ajoutée à la fin de l’acte I, de même qu’une fanfare à l’acte II et des mouvements de danse additionnels à la fin de l’acte II ; ces mouvements proviennent des Pièces de Clavecin (1714) de Mattheson et de sa Cleopatra (1704), du Musicalisches Kleeblatt (1697) de Daniel Speer, et du Rodrigo de Haendel (1707).
La danse et la direction d’acteurs sont les meilleures que j’aie vues dans des productions d’inspiration authentique d’opéras baroques. J’ai été particulièrement impressionnée par l’usage du geste fait par les chanteurs, qui ne semble jamais artificiel, mais découle en douceur de leurs mouvements naturels. Les costumes sont, comme toujours avec le BEMF, esthétiques, appropriés et somptueux. La production entière est un régal pour les yeux. L’orchestre, sous la direction d’O’Dette et Stubbs, rejoints par Robert Mealy, premier violon, et par le claviériste et éditeur Jacobi et le fortepianiste virtuose Kristian Bezuidenhout dans le continuo (et à la flûte traversière), joue avec une richesse de son et une précision extraordinaires. Le noyau de l’orchestre est assis autour d’une longue table, se faisant face les uns aux autres, avec le premier violon face à la scène ; les forces du continuo sont, par rapport au public, à droite de la table, les trompettes et percussions à gauche (si ma mémoire visuelle ne me trompe pas). Il y a rarement moins de cinq instrumentistes jouant le continuo à un moment donné, le groupe incluant presque toujours une sorte de luth et/ou de guitare (ou de harpe), aussi bien que des cordes à son continu (violoncelle, viole de gambe ou basse) et/ou un basson, avec clavecin ou orgue.
Le choeur du BEMF et le choeur d’enfants PALS ont chanté de façon splendide. Les solistes étaient de niveau homogène, mais une mention spéciale doit être faite de Kravets pour son chant dans le rôle de Boris, et de Hite pour sa façon de peindre Bogda. Webster et Balzer étaient très séduisants dans les rôles d’”ingénue” du jeune couple d’amoureux, et Hargis merveilleusement royale dans le rôle de l’épouse et veuve du Tsar. Snaidas, de mon point de vue, n’a pas réussi à donner une image de froide calculatrice dans le rôle d’Olga ; sa voix est assez plaisante, mais elle s’est montrée plutôt petite fille que manipulatrice. Ce remplacement de dernière heure est sans doute une erreur de casting : à l’origine, le rôle était programmé pour être chanté par Karina Gauvin, dont la brillante et puissante interprétation de la Lucrezia de Haendel au concert tardif de “cantates en duel” a laissé imaginer ce qui aurait pu être. »

Hambourg – Bucerius Kunst Forum – version de concert – 29, 30 janvier 2005 – Knabenchor, Kantorei und Vokalensemble St. Jacobi – Cythara – Ensemble mit historischen Instrumenten – dir. Rudolf Kelber – avec Bettina Pahn, soprano (Irina), Tanya Aspelmeier, soprano (Olga), Susanne Etmanski, soprano (Axinia), Wilfried Jochens, ténor (Bogda), Knut Schoch, ténor (Josennah), Jörg Gottschick (Boris Goudenow), Michael Connaire, ténor (Gavust), Felix Speer, basse (Fedro), Joachim Gebhardt, basse (Theodorus Ivanowitz), Holger Marcks, basse (Ivan)