Andromeda

COMPOSITEUR Francesco MANELLI
LIBRETTISTE Benedetto Ferrari

 

Rappresentata in Musica sur un livret en trois actes de Benedetto Ferrari, représenté le 6 mars 1637, pour la réouverture du teatro San Cassiano de Venise. Andromeda est le premier opéra représenté en public.

La musique fut attribuée à tort par Cristoforo Ivanovich à Benedetto Ferrari.

La famille patricienne de San Benedetto avait, en 1580, construit un premier théâtre, le San Cassiano Vecchio, destiné à la comédie. Incendié en 1629, il fut remplacé par un théâtre en pierre ouvert – pour la première fois – au public. Les Tron avaient obtenu l’accord du Conseil des Dix en mai 1636.

La distribution réunissait la Romaine Maddalena Manelli, épouse du compositeur et seule chanteuse, dans le rôle-titre d’Andromède, qu’elle chanta divinamente, Francesco Angeletti, d’Assise, castrat soprano (Giunone), Don Annibale Graselli, de Castello, ténor (Mercurio, Perseo, Ascala), qui chanta ce dernier rôle con mille gratie di Paradiso, Giovanni Battista Bisucci, de Bologne, basse (Protheo, Giove), qui chanta le rôle de Protheo gentilissimamente, et celui de Giove celestemente, le Romain Anselmo Marconi, castrat soprano (Venere), qui chanta soavissimamente, et le Romain Girolamo Medici, castrat soprano (Astrea), qui chanta gratiosamente, ainsi que Francesco Manelli lui-même, de Tivoli, (Nettuno, Astarco Mago), qui chanta le rôle de Neptune egregiamente (parfaitement). Il y avait deux autres castrats, Francesco Anteguardi et Guidantonio Boretti. Tous les chanteurs, sauf Manelli et son épouse, appartenaient à la chapelle San Marco, mais la plupart venaient des États du Pape.

Le livret, daté du 6 mai 1637, fut édité par Antonio Bariletti, et dédié par ce dernier au noble vénitien Marco Antonio Pisani. Il est précédé de trois sonnets dédiés à Benedetto Ferrari, l’Autore, Poeta, Musico et Sonator di Tiorba Eccelentissismo, le premier par le Padre Don Alfonso Pucinelli le second par le Dottore Bartolameo Angarani, le troisième par Gio. Francesco Busenello. Après l’Andromeda elle-même, viennent des Sonnetti de Benedetto Ferrari In lode de Signori Musici piu celebri Ch’intervennero nell’ Andromeda, c’est à dire en l’honneur de chacun des chanteurs : Don Annibale Graselli, Francesco Angeletti, Gio. Battista Bisucci, Anselmo Marconi, Madalena Manelli, Francesco Manelli, Girolamo Medici. Puis deux Sonetti, l’un dédié par le Dott. Carlo Federici au Molto Illustre Sig. Benedetto Ferrari, l’autre dédié par Don Donato Milcetti de Faenza à l’ Andromeda rappresentata in Venezia, et enfin une Ode en latin de Bartolomeo Ancarani dédiée à Ferrari (Ad Benedictum Ferrarium).

La partition est malheureusement perdue (*).

(*) elle figurait très vraisemblement parmi les opéras réunis par Marco Contarini dans sa villa palladienne de Piazzola. Mais Taddeo Wiel remarqua son absence lorsque le fonds Contarini fut légué à la Biblioteca Marciana.

En 1644, les Poesie drammatiche di Benedetto Ferrari dalla Tiorba furent publiés à Milan par Gio. Pietro Ramellati, contenant le livret de l’Andromeda, La Maga fulminata, L’Armida, Il Pastor regio, La Ninfa auara, et Il Prencipe giardiniero.

L’opéra était assorti de décors alternatifs (scène bocagère, scène maritime), et accompagné de ballets du vénitien Gio Battista Balbi (*). On remarqua particulièrement, lorsque, au lever de rideau, la scène apparut entièrement comme une mer, avec un horizon d’eau et de roches.

(*) Giovan Battista Balbi (parfois surnommé Tasquin), danseur, chorégraphe et scénographe. Après avoir été actif à Venise, il est appelé à Florence en 1645, puis monte à Paris à l’appel de Mazarin, où il monte, avec Torelli, La Finta pazza de Sacrati , puis l’Orfeo de Luigi Rossi. Après avoir passé quelques années à Bruxelles, à l’appel de l’archiduc Léopold-Guillaume, il regagne Venise en 1651, puis, l’année suivante va à Naples diriger une troupe d’opéra.

Selon le livret, l’acte I se terminait par le Ballet des trois jeunes et beaux Garçons, l’acte II contenait à la scène 2, le Ballet des Six dames d’Andromède, et se terminait par le Ballet des douze Sauvages.

L’oeuvre fut reprise au Teatro della Speltà de Modène en 1656.

Le livret est inspiré de la légende d’Andromède, fille de Cassiopée, qui fut enchaînée à un rocher pour être sacrifiée à un monstre marin, et sauvée par Persée. Elle est le sujet d’une tragédie d’Euripide.

Personnages : Giunone (soprano), Mercurio (ténor), Andromeda (soprano), Nettuno (basse), Proteo (basse), Astrea (soprano), Venere (soprano), Astarco (basse), Giove (basse), Perseo (ténor), Ascala (ténor), Choro di Ninfe Arciere, Choro di Ninfe Danzatrici, Choro di Dei nel Cielo

La scène se passe sur une plage en Ethiopie.

 

Livret en français disponible sur livretsbaroques.fr

Livret (en italien)

 

Avis de l’imprimeur aux lecteurs :

À la gloire de messieurs les musiciens qui, au nombre de six (associés à l’auteur) ont, avec autant de magnificence que de délicatesse, entièrement à leurs frais, et non sans quelque succès, représenté l’Andromède, et aussi pour la délectation de qui ne l’a pas vue, j’ai jugé opportun d’en faire le bref compte rendu que voici.

Le rideau levé, on voit la scène tout entière occupée par la mer, avec un arrière-plan de flots et de rochers dont le naturel, bien que factice, plongeait les spectateurs dans le doute : étaient-ils vraiment dans un théâtre, ou sur une véritable plage ? Toute la scène était obscure, si ce n’est le peu de lumière venant de quelques étoiles ; celles-ci s’éteignirent progressivement et firent place à l’Aurore, qui vint assurer le Prologue. L’Aurore, toute vêtue de tissu d’argent, avec au front une étoile des plus brillantes, apparut à l’intérieur d’un nuage de toute beauté qui, tantôt se dilatant, tantôt se rétractant de façon merveilleuse, traversait en arc de cercle le haut de la scène. On voyait pendant ce temps la scène aussi lumineuse que le jour. Le prologue fut divinement chanté par madame Maddalena Manelli, de Rome ; après quoi on entendit une délicieuse symphonie exécutée par les instrumentistes les plus brillants, soutenus par l’auteur de l’opéra avec son théorbe miraculeux.

Junon fit ensuite son entrée sur un char doré tiré par ses paons, toute vêtue d’un tissu de soie d’un or flamboyant, avec une superbe variété de pierreries sur la tête et sur sa couronne. Pour le plaisir et l’émerveillement des spectateurs, elle faisait tourner son char à droite et à gauche comme bon lui semblait. Mercure apparut en face d’elle. Ce personnage était et n’était pas dans la machine : il y était, étant donné que l’impossibilité interdisait de croire qu’il volait ; et il n’y était pas, car on ne voyait aucune autre machine que celle du corps qui volait. Il apparut avec ses accessoires habituels, et avec un manteau azur qui flottait sur ses épaules. Junon fut interprétée de façon excellente par monsieur Francesco Angeletti, d’Assise ; et Mercure, de façon exquise, par don Annibale Graselli, de Città di Castello.

En un instant, on vit la scène se transformer de bord de mer en bosquet, avec tant de naturel que l’oeil était frappé au vif par cette véritable cime enneigée, cette réelle plaine fleurie, ce vrai labyrinthe du bois, et cet écoulement d’eau non feint. Apparut Andromède avec sa suite de douze demoiselles en costume de nymphes. L’habit d’Andromède était couleur de feu, d’une valeur inestimable. Celui des nymphes était d’un dessin ravissant et bigarré de blanc, d’incarnat et d’or. Andromède, qui assure le prologue, l’interpréta admirablement. Puis, en un moment, la scène, de forestière, redevint maritime. Neptune fit son entrée, et Mercure vint à sa rencontre sur son étonnante machine. Neptune était sur une grande conque d’argent, tirée par quatre chevaux marins. Il était recouvert d’un manteau de couleur céleste ; une grande barbe lui descendait sur la poitrine, et une longue chevelure entrelacée d’algues lui pendait sur les épaules. Sa couronne était faite de petites pyramides et ornée de perles. Ce rôle fut remarquablement assuré par monsieur Francesco Manelli, de Tivoli, auteur de la musique de l’opéra.

Du sein de la mer sortit ensuite Protée, amené par la ceinture, vêtu d’écailles d’argent, avec une longue chevelure et une barbe céruléennes. Ce personnage fut parfaitement inteprété par monsieur Giovanni Battista Bisucci, bolognais. À la fin de l’acte, on chanta d’abord en coulisses un madrigal à plusieurs voix, accompagné de divers instruments ; puis, trois ravissants jeunes gens, vêtus en Amours, firent leur entrée pour donner en intermède une gracieuse danse. Les mouvements d’une extrême vélocité de ces garçons amenèrent parfois la foule à se demander si leurs ailes étaient à leurs épaules ou à leurs pieds.

Au son d’une délicieuse mélodie des instruments, apparurent Astrée dans le ciel et Vénus dans la mer, la première sur un nuage d’argent, la seconde sur sa conque, tirée par des cygnes. Astrée était vêtue de couleur de ciel, une épée enflammée à la main droite ; Vénus était vêtue couleur de mer, avec un manteau doré et incarnat sur les épaules. Astrée fut représentée avec beaucoup de grâce par monsieur Girolamo Medici, de Rome, et Vénus de façon exquise par monsieur Anselmo Marconi, de Rome.

La scène se transforme ensuite en bosquet, et Andromède apparaît avec son escorte. Six de ses dames, joyeuses de la mort du sanglier, se livrent à un ravissant et merveilleux ballet, avec des entrelacs si variés et si enchanteurs qu’on pouvait vraiment parler d’un labyrinthe dansé. L’invention en revient à monsieur Giovanni Battista Balbi, vénitien, célèbre maître de ballet.

Soudain sortit de terre le magicien Astarcus, tel une ombre. Ce personnage était entièrement vêtu d’or sombre, en vêtements longs, avec chevelure et barbe longues et blanches comme neige. Il tenait de la dextre une baguette de nécromant. Le rôle fut dignement joué par le même interprète qui avait joué Neptune. Le ciel s’ouvrit, et sur un fond d’une extrême luminosité, assis sur un trône majestueux, on vit Jupiter et Junon. Jupiter était couvert d’un manteau constellé ; sa tête portait une couronne de rayons, sa main tenait la foudre. Cette divinité fut célestement représentée par l’interprète de Protée. Ici, à la fin de l’acte, on chanta d’abord en coulisses un autre madrigal à plusieurs voix avec accompagnement instrumental ; puis douze sauvages firent leur entrée pour présenter, en intermède, un ballet aussi extravagant que plaisant de gestes et de mouvements. On ne vit pas d’yeux qui ne pleurassent point pendant que cette danse se déroulait. Son concepteur est monsieur Giovanni Battista Balbi, maître de ballet déjà nommé.

Le décor redevient maritime ; au rythme d’une suave harmonie de divers instruments apparaît d’un côté de la scène une merveilleuse machine portant Astrée et Vénus. La machine tournait à droite et à gauche comme il plaisait à la divinité. Elle entra vis-à-vis de Mercure ; et, le ciel s’ouvrant, Jupiter était assis au milieu. Ce tableau fit un merveilleux effet en raison de la quantité de machines et de la mise en place précise des entrées et des déplacements.

En un instant, le décor maritime se transforme en un superbe palais. Il fut beau et plaisant de voir à l’improviste naître de rochers brisés et de plages désertes un bâtiment bien dessiné et bien construit. Ce bâtiment représentait le palais d’Andromède, d’où sortit le chevalier Ascalaphos. Le costume de ce dernier, qui était habillé à la turque, dépassait en valeur et en beauté ceux de tous les autres. Avec mille grâces de paradis, ce dolent personnage fut représenté par l’interprète de Mercure.

Le palais ayant soudain disparu, la scène tout entière représente la mer, avec Andromède attachée à un rocher. Arrive le monstre marin. Cet animal était fabriqué avec tant d’ingéniosité que, sans être réel, il inspirait cependant la terreur. Non seulement il donnait l’impression de déchiqueter et de dévorer, mais il semblait voir et respirer. Persée arriva du ciel sur Pégase, et en trois coups de lance et cinq coups d’estoc, il abattit et occit le monstre. Ce personnage avait une armure blanche et un grand cimier sur le casque ; et son destrier volant avait sur le front un panache du même dessin. Persée fut angéliquement représenté par l’interprète d’Ascalaphos.

Le ciel s’ouvrit et l’on vit Jupiter et Junon en gloire, avec d’autres divinités. Toute cette grande machine descendit sur terre, accompagnée par un concert de voix et d’instruments véritablement paradisiaque. Embarquant les deux héros qui se congratulaient au milieu des leurs, la machine les conduisit au ciel.

Là se termina cette représentation royale, et toujours digne.

Vivez en bonne santé.