Le Sicilien ou l’Amour Peintre

COMPOSITEUR Jean-Baptiste LULLY
LIBRETTISTE Molière

 

Comédie en un acte, mêlée de chants et de danses, texte de Molière, représentée à St Germain-en-Laye, le 14 février 1667, dans le cadre du Ballet des Muses, reprise au Palais Royal, le 10 juin 1667.

 

Les parties chantées ou dansées interviennent :

Scène 3 – chantée par trois musiciens représentant Philène, Tircis qui se lamentent de l’indifférence de Chloris et Climène, et un pâtre

Scène 8 – chantée par Hali, valet du gentilhomme français Adraste, pendant que quatre Esclaves dansent

Scène finale – danse des Maures. La scène mêle des musiciens chantants et des esclaves tucs dansants, la Roi ffigurant un des quatre maures, accompagné de Monsieur le Grand et des marquis de Villeroy et de Rassan, ainsi que de quatre Mauresques : Madame, Mlle de la Vallière, Mme de Rochefort et Mlle de Brancas.
Depuis deux mois, Adraste fait le guet devant la propriété du sicilien Dom Pèdre. Il projette d’enlever la belle Isidore, l’esclave grecque que le Sicilien a affranchie en vue de l’épouser. Un ami peintre lui apprend que Dom Pèdre a commandé le portrait d’Isidore. Adraste s’improvise alors peintre français renommé, trompe la vigilance du maître de maison et parvient à s’entretenir avec elle. Avec la complicité de son esclave Hali, il parviendra à la faire échapper.

En situant ce conte en Sicile, Molière donne une couleur exotique à la comédie-ballet qui devait clore Le Ballet des muses, où la musique et les musiciens font partie intégrante de l’intrigue. À la création de la pièce, en 1667, Louis XIV dansait lui-même dans la mascarade finale en tant que « Maure de qualité ». (Comédie-Française)
Com. de Moliere, en un Ac. en pro. représentée à S. Germain-en-Laye au mois de Janvier 1667 & sur le Théatre du Palais Royal, le 10 Juin de la même année. C’est la seule piece en un Acte, de Moliere, où il y ait de la grace & de la galanterie ; ses autres petites pieces qu’il ne donnoit que comme des Farces, ont un fond plus bouffon & moins agréable. Elle est dans le troisieme vol. de ses OEuvres. (de Léris – Dictionnaire des Théâtres)

 

 

Représentations :

Comédie Française – 10, 12, 16, 17, 20, 23, 26, 29, 30 avril, 3, 5, 13, 14, 18, 22, 25, 28 mai, 3, 4, 10, 11, 13, 15, 16, 21, 23, 25, 30 juin, 3, 8, 12 juillet 2006 – Les Arts Florissants – dir. et clavecin Bertrand Cuiller ou Béatrice Martin ou Kenneth Weiss – mise en scène Jean-Marie Villégier et Jonathan Duverger – collaboration artistique Alison Hornus – chorégraphie Wilfride Piollet et Jean Guize – scénographie Jean-Marie Abplanalp – costumes Patrice Cauchetier et Jean-François Gobert – lumières Franck Thévenon – nouvelle mise en scène

 

Comédie Française – 9, 10, 11, 13, 14, 16, 17, 18, 20, 22, 24, 25, 28, 30 avril, 5, 6, 7, 8, 10, 12, 14, 15, 16, 17, 19, 22, 25, 28, 29 mai, 1er, 6, 8, 11, 14, 17, 19, 22, 26 juin, 1er, 6, 10, 12 juillet 2005 – Théâtre de Caen – 9 au 12 novembre 2005 – Les Arts Florissants – dir. William Christie, Kenneth Weiss ou Béatrice Martin – mise en scène Jean-Marie Villégier et Jonathan Duverger – chorégraphie Wilfride-Piolle, Jean Guizerix – scénographie Jean-Marie Abplanalp – costumes Patrice Cauchetier, Jean-François Gobert – lumières Frank Thévenon

La Terrasse – mai 2005

Ménage à trois de la comédie, de la musique et du ballet pour dépeindre les pouvoirs curatifs et libérateurs de l’amour !

Lucinde est triste car son père lui refuse les jeux de son âge et rechigne à payer la dot qui lui ouvrirait les bras de Clitandre. Mais la fieffée Lisette veille au grain et organise une comédie qui trompe le barbon et ridiculise les inepties latinisantes des médecins incapables, convoqués par le père au chevet d’une enfant malade seulement d’être devenue femme ! La suivante zélée trouve son pendant en Hali, le valet d’Adraste, qui soutient son maître dans la conquête de la belle Isidore, cloîtrée par l’ombrageux Dom Pèdre, trop sanguin et pas assez malin pour reconnaître son rival sous les traits du peintre venu caresser du pinceau les avantages de la sublime affranchie. Adraste s’enfuit avec Isidore comme Clitandre enlève Lucinde, grâce à une ruse bouffonne : les hommes qui croient posséder femmes et filles comme on conserve un objet précieux en sont toujours pour leurs frais car l’amour ne se commande pas plus que la liberté ne s’enchaîne !

Farce décapante pour dindons, cailles délurées et poules de luxe

Jean-Marie Villégier et Jonathan Duverger inventent une mise en scène truculente et désopilante dont l’humour trouve d’impeccables relais dans les décors et les costumes. Si L’Amour médecin a pour cadre une espèce de livre pour enfants aux couleurs pétantes avec médecins ubuesques et soubrette aux allures de Dame Tartine, Le Sicilien se joue dans un intérieur digne des meilleurs feuilletons télévisés dans lequel évolue une Isidore en lamé et déshabillé affriolant pendant que s’affolent autour d’elle un Dom Pèdre en violet de marlou et un Adraste déguisé en peintre hystérique digne de La Cage aux folles. S’ébattent autour des différents protagonistes les danseurs des ballets, aux atours tous plus déjantés les uns que les autres. Cela étant, la farce évite les travers de la pantalonnade et la rigueur du jeu et de la mise en scène, la fluidité des parties dansées et la perfection musicale des toujours précis et spirituels membres des Arts Florissants font de ce spectacle un hymne aux synesthésies sans égal. Revisitant un genre que les conditions historiques et politiques de sa création auraient pu rendre désuet, aujourd’hui que le Prince ne danse plus, Villégier et Duverger, Christie et les chorégraphes Wilfride Piollet et Jean Guizerix évitent brillamment ce risque et signent un spectacle frais, drôle, profond et inventif, dont l’esthétique jouissive, l’extravagance et la variété attestent que, chez les muses comme ailleurs, l’union fait la force ! »

Classica – juin 2005 – 6 mai 2005

« Jean-Marie Villégier et William Christie ne veulent plus parler d’Atys ou de Médée, jalons d’une dramaturgie baroque qui leur doit tant. Ils n’ont pas tort : le talent souffle dans les cases où les paresseux du jugement aiment à le circonscrire. Il ne faut donc pas attendre de ces deux comédies de Molière et Lully une resucée du Malade imaginaire ou de Rodelinda. Villégier et Jonathan Duverger jouent avec des sources d’inspiration contemporaines et c’est avec une jubilation contagieuse que L’Amour Médecin, comédie des deux Baptiste, distribue ses clins d’oeil au baroquisme avant de lorgner vers Jarry et Ubu, dans un comique – parfois inquiétant – de conte de fée lysergique.

La deuxième partie du spectacle, Le Sicilien, est entièrement d’obédience cinématographique: comédie musicale des fifties, Cage aux Folles, Iznogood ou Rita Hayworth, les références s’accumulent, mais avec tant de malice et de finesse qu’on est ébloui par la patte de l’homme de théâtre supérieur. Villégier fait mouche là où on ne l’attend guère, et s’affirme autrement efficace que bien des quarantenaires aux lourds tics postmodernes ou déconstructivistes. Ici chaque mimique, regard et attitude, scintille de sens divers, au grand bonheur d’une salle qui rit souvent à ces comédies pourtant posées sur des canevas classiques.

Proprement inouï s’avère le travail de l’ensemble des comédiens du Français qui chantent, dansent et jouent la comédie avec un art digne de ce que devait être celui des comédiens de l’Illustre théâtre. Puisqu’on ne peut tous les citer, choisissons le médecin de Guillaume Galienne, la vamp d’Elsa Le poivre et le Français façon Michel serrault de Laurent Stocke. Après le sublime travail de B. lazar et Vincent Dumestre sur le Bourgeois Gentilhomme, ce mariage des deux Baptiste entrant au répertoire du Français est une réussite que les Arts Flo, subtilement placés sur une estrade en fond de scène, ne font que manifier après tant de décennies de musique de scène souvent laborieuses. Ce serait être inutilement snob que de faire la fine bouche devant la qualité et un tel plaisir, surtout pour le prix, bien raisonnable, qu’il vous en coûtera. »

Le Journal des Arts Florissants – mai/août 2005« Composé alors que Le Ballet des Muses, où il s’insère in extremis, a déjà déployé ses fastes, Le Sicilien ne respecte plus ces limites, ne répartit plus les rôles. Un acte, un seul, au cours duquel, chassées par la porte, musique et danse rentrent par la fenêtre, bousculant tout sur leur passage sans interrompre l’action. Des transitions insensibles, si brusques soient-elles, mènent de la parole au chant, du jeu d’acteur à la danse. C’est un joyeux rnelting-pot, un cocktail carnavalesque. Thalie, Érato, Terpsichore boivent à la même coupe, se grisent d’un même nectar. La comédie-ballet accouche d’une comédie musicale.

Quand il affiche à Paris ses triomphes de Versailles ou de Saint-Germain, Molière ne lésine pas. À la seule exception de George Dandin, il n’ampute de leurs divertissements aucune de ses comédies-ballets. Toujours plus nombreux de saison en saison, musiciens et danseurs pèsent de plus plus lourd dans les dépenses de la troupe. Couronnant cette évolution, les travaux entrepris en 1671 dotent le Palais~Royal d’un espace réservé à l’orchestre, entre parterre et plateau. Il s’est pourtant trouvé de bons esprits pour nier l’évidence et rejeter cette part essentielle de l’héritage moliéresque. Réputé « sinistre » par la critique du XIXe siècle finissant, Lully est alors banni de la Comédie-Française. En 1891, L’Amour médecin y est donné sans ses intermèdes. S’il récupère « des thèmes de Lully» en 1939, c’est dans un arrangement de Manuel Rosenthal. Pour Le Sicilien de 1892, Saint-Saëns appelle à la rescousse Rameau, Bach et Campra dont il agence un patchwork. Le XXe siècle s’est montré moins cruel et telle ou telle des grandes comédies-ballets a parfois retrouvé, dans la Maison de Molière, sa partition originale. Mais la dernière reprise de L’Amour médecin y remonte à 1956;celle du Sicilien à 1931. William Christie, depuis lors, et Les Arts Florissants avec tout le mouvement « baroque » ont fait passer Lully par un bain de jouvence. Nous ne recevons plus ses compositions comme des pièces de musée, intéressantes pour les connaisseurs, attendrissantes pour les nostalgiques, mais comme porteuses d’un plaisir actuel, riches de virtualités inexplorées. Merci donc à Marcel Bozonnet d’avoir voulu nous réunir en ce bonheur. »

Références Musicologie – 30 mars 2005

La Comédie-Française renoue avec la comédie-ballet – La Comédie-Française renoue ce printemps 2005 avec le genre « comédie-ballet », en remontant deux comédies fruits de la collaboration entre l’homme de théâtre Jean-Baptiste Poquelin dit Molière et le compositeur Jean-Baptiste Lully. La Maison de Molière a confié à deux spécialistes de la période baroque, le metteur en scène Jean-Marie Villégier et le chef d’orchestre William Christie à la tête de ses Arts florissants, le soin de remonter « L’amour médecin » et « Le Sicilien ou l’amour peintre », deux comédies de Molière avec musique de Lully (Salle Richelieu du 9 avril au 12 juillet).

« L’amour médecin » n’a pas été joué par le Français depuis 1956 et « Le Sicilien » depuis 1931. Villégier et Christie, outre la résurrection de l’opéra « Atys » de Lully, ont signé une autre réussite, « Le malade imaginaire » de Molière, remonté avec la musique de Charpentier pour les divertissements dansés. Interrogé sur l’importance des comédies-ballets par rapport aux grands opéras de Lully comme « Atys », William Christie affirme : « elles sont forcément mineures quant à la présence et à la place de la musique dans l’oeuvre, mais en aucun cas, inférieures aux opéras ». Selon le chef franco-américain, « on y décèle déjà les prémices des grandes tragédies lyriques que Lully composera un peu plus tard ». Et il précise: « la différence tient aussi à ce que la comédie-ballet est souvent associée au comique, à la légéreté, au divertissement alors que les premiers opéras français adoptent un style déclamatoire proche de la tragédie ». Dans le cas de « L’amour médecin » et du « Sicilien », « on reste, estime William Christie, dans un registre léger, on y trouve des pages où la musique est intégrée à l’action dramatique, d’autres où elle intervient comme un intermède, un prologue ou une conclusion ».

De son côté, Jean-Marie Villégier pense que l’on se trouve face à un théâtre « où musique et ballet revendiquent leur théâtralité ». Le choix s’est porté sur ces deux pièces « parce que, ajoute-t-il, leur juxtaposition nous a fait éprouver l’extrême plasticité du genre où la fantaisie est souveraine ». Pour le metteur en scène, « L’amour médecin » fait retour aux conventions hénaurmes de la farce, aux couleurs franches du conte, aux sombres figures du cauchemar, tandis que « Le Sicilien » se projette dans un avenir de sensuelle euphorie où la parole est amorce du chant, où le pas prélude à la danse, où la gaieté se fait joie ».

Deux anciennes étoiles de l’Opéra de Paris, Wilfride Piollet et Jean Guizerix, signent la chorégraphie qui sera du « faux-vrai-baroque » avec la nécessité de deux styles différents. « Avec +L’amour médecin+, déclarent-ils, nous sommes dans une forme d’expressionnisme sans époque repérable, alors que la mise en scène du +Sicilien+ va situer l’action dans les années 50, l’âge d’or des comédies musicales qui sont la continuation des comédies-ballets ».