Ballet des Arts

 

COMPOSITEUR Michel LAMBERT / Jean-Baptiste LULLY
LIBRETTISTE Isaac de Bensérade
ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
2008 2008 Hugo Reyne Accord 1 français

 

Ballet en sept entrées (LWV 18) : l’Agriculture, la Navigation, l’Orfèvrerie, la Peinture, la Chasse, la Chirurgie et la Guerre, sur un texte d’Isaac de Bensérade.
Musique de Jean-Baptiste Lully, en collaboration avec Michel Lambert, décors et machines préparés par Carlo Vigarani, costumes de Germain Gissey.
Il fut dansé par le roi le 8 janvier 1663, au Palais Royal, « en présence des reines », le 8 janvier 1663, repris les 18, 22 et 25 janvier, ainsi que le 22 février. Carlo Vigarani avait été chargé de réaménager la salle construite par Lemercier pour Richelieu.
« Mlles de Saint-Christophe, Hilaire Le Puis, de Sercamanan, de La Barre,
Quatre filles qui sont de celles
Qu’on admire pour chanterelles,
paraissent dans le Ballet des Arts, en janvier 1663. Ces rossignoles de la cour chantent aux Feuillants, à l’office de la semaine sainte, accompagnées par La Barre, Boësset, Lulli, Lambert, Hotmann, Mollier. » (Castil-Blaze – L’Opéra de 1548 à 1856)
Les entrées impaires furent dansées par les Grands du royaume, les entrées paires par des maîtres à danser. Le finale, qui loue les Vertus, fut jouée par Madame (Henriette d’Angleterre) dans le rôle de Pallas, Mlles de Mortemart (future Mme de Montespan), de Saint-Simon, de Sévigné (future comtesse de Grignan) (*) et La Vallière, toutes en Bergères. Le roi dansait également un Berger. Mlle de La Vallière joua également le rôle d’une Amazone.
(*) selon les Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie-Rabutin, marquise de Sévigné, sa fille Françoise-Marguerite, future comtesse de Grignan, alors âgée de seize ans, dansait pour la première fois : la sensation qu’elle produisit fut grande ; c’est ce que Benserade fait entendre dans les premiers vers récités dans ce ballet, à son sujet :

Déjà cette beauté fait craindre sa puissance ;
Et, pour nous mettre en butte à d’extrêmes dangers,
Elle entre justement dans l’âge où l’on commence
A distinguer les loups d’avec que les bergers.
Loret, en rendant compte de la première représentation de ce ballet, dans sa Gazette du 20 janvier 1663, après avoir décrit l’entrée de Madame et des demoiselles Saint-Simon, Mortemart et La Vallière, ajoute :
Sévigny, pour qui l’assemblée
Etait de merveille comblée.
Chacun paraissant enchanté
De sa danse et de sa beauté.
Fille jeune, fille brillante,
Fille de mine ravissante,
Et dont les jolis agréments
Charment les cœurs à tous moments.

Parmi les chanteurs figuraient : Beaumont et d’Estival pour le récit d’Apelle dans La Peinture, Mlle de la Barre (*) pour le récit de Diane dans La Chasse, de la Grille pour le récit d’Esculape dans La Chirurgie.
(*) Loret disait d’Anne de La Barre, qui avait passé deux ans à Stockholm, à la demande de la reine Christine de Suède, puis un an à Copenhague :

Cette fille qui de sa voix,
Charme les reines et les rois,
La Barre, sage, aimable et belle
Henriette d’Angleterre dansa quoiqu’enceinte de six mois. Le 27 mars naissait sa fille Marie-Louise. C’était l’époque où elle faisait office de reine, figurant aux côtés du roi lors des fêtes et des festins marquant le passage de visiteurs étrangers.
Toujours d’après les Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie-Rabutin, marquise de Sévigné : On joua encore de nouveau, l’année suivante, le ballet des Arts ; les mêmes personnages y figurèrent ; et parmi les belles dont Loret fait l’éloge, au sujet de cette reprise, mademoiselle de Sévigné n’est pas oubliée :

Les autres beautés renommées,
Qu’ailleurs j’ai toutefois nommées,
C’était Saint-Simon, Sévigny
De mérite presque infini ;
La Vallière, autre fille illustre,
Digne un jour d’avoir un balustre.

Ce dernier vers fait allusion à l’usage où l’on était d’entourer d’un balustre l’estrade sur laquelle le lit était élevé ; ce qui n’avait lieu que pour les rois, les reines, et les personnages d’une haute distinction. Mademoiselle de Mortemart, qui figurait encore dans ce ballet avec mademoiselle de Sévigné, comme une des quatre Amazones, s’était mariée à Montespan depuis la première représentation ; et c’est par cette raison que Loret la nomme la défunte Mortemart, car, dit-il,

Depuis qu’elle n’est plus pucelle,
Ce n’est plus ainsi qu’on l’appelle.

Ce ballet est considéré comme marquant « le triomphe définitif de la musique française sur la musique italienne à la cour de Louis XIV ».
La partition ne fut ni imprimée ni gravée. Elle fut recueillie et copiée par Philidor l’Aisné en 1690.

Livret disponible sur livretsbaroques.fr

 

Pour en savoir plus



Ce ballet fut créé le 8 janvier 1663 au Palais Royal. Aux côtés du roi, Melle de la Vallière, Melle de Mortemart (future Mme de Montespan) et Melle de Sévigné dansèrent dans ce ballet donné en l’honneur de la Reine. Il fût repris en 1685 au collège de Louis Le Grand.
Nous voici en présence de deux versions d’un même ballet. Celle de 1663 est en 7 « entrées » ou scènes selon une architecture complexe mais très organisée. Architecture musicale, celle du chant, avec la place des dialogues et des récits absolument symétrique. Architecture sociale ensuite : les entrées impaires étaient dansées par la cour (la 1ère et la dernière par les dames), les entrées paires par les maîtres à danser. Consécutive à celle-ci, une architecture des genres : noble, bouffon et comique.
Dans son ouvrage sur « Lully ou le Musicien du Soleil », Philippe Beaussant nous révèle que ce ballet est « le premier grand ballet de cour entièrement et purement français qui soit sorti de la plume de l’ex-florentin… c’est la reprise du ballet de cour français dans sa pureté, avec la cour au centre, et au centre de la cour, le roi : jeune, beau, galant, mais désormais roi »… D’ailleurs « parler d’un ballet de cour n’est même plus tout à fait juste : il y a longtemps qu’il est devenu un ballet du roi ».
Et puis quelques 20 ans plus tard, des élèves du collège Louis Le Grand reprennent cette œuvre en la transformant de telle manière qu’elle prend des teintes de modernité proche de nos préoccupations actuelles.
Le préambule distribue les arts différemment : « Comme les arts sont en France plus florissants que jamais sous le règne de Louis le Grand, on a choisi ce sujet pour le ballet de cette année…. Les hommes y ont cherché d’abord que le nécessaire, ensuite le commode ; on est venu après au plaisir, et enfin on a porté les choses jusques à la magnificence. C’est ce qui fait les quatre parties de ce ballet ».
C’est ainsi que l’agriculture, la chirurgie et la guerre sont considérées comme « arts de nécessité », l’orfèvrerie comme « art pour la commodité », tandis que, déjà, la chasse est un « art de plaisir » et seule la peinture est un art pour la gloire et la magnificence.
L’ouverture pose déjà les arts comme un moyen de sortir de la sauvagerie : « Quelques sauvages représentant l’Ignorance, la Paresse et la Misère, qui règnent sur la terre avant que les arts fussent inventés, excitent la compassion des dieux qui prennent la résolution de les leur enseigner… ». (Présentation La Simphonie du Marais)

« Ce ballet fut créé le 8 janvier 1663 au Palais Royal. Aux côtés du roi, Melle de la Vallière, Melle de Mortemart (future Mme de Montespan) et Melle de Sévigné dansèrent dans ce ballet donné en l’honneur de la Reine. Il fût repris en 1685 au collège de Louis Le Grand.
Nous voici en présence de deux versions d’un même ballet. Celle de 1663 est en 7 « entrées » ou scènes selon une architecture complexe mais très organisée. Architecture musicale, celle du chant, avec la place des dialogues et des récits absolument symétrique. Architecture sociale ensuite : les entrées impaires étaient dansées par la cour (la 1ère et la dernière par les dames), les entrées paires par les maîtres à danser. Consécutive à celle-ci, une architecture des genres : noble (1, 3, 5, 7), bouffon (2, 6) et comique (4).
1ère entrée : l’agriculture, Des bergers envahissent la scène : le roi dans le rôle du berger entouré de Madame et de quatre des plus séduisantes jeunes femmes de la cour. Berger présidant aux arts, c’est la transcription chorégraphique d’Apollon et de ses nymphes
2ème entrée : la navigation,
3ème entrée : l’orfèvrerie,
4ème entrée : la peinture , où quatre peintres grotesques portraiturent quatre dames ridicules (dansées à l’époque par des hommes travestis)
5ème entrée : la chasse,
6ème entrée : la chirurgie, qui tient son rôle bouffon traditionnel avec Lully danseur
7ème entrée : la guerre, avec la surprise de voir quatre amazones.
Le Ballet des Arts se termine par l’entrée des Vertus.
Dans son ouvrage sur « Lully ou le Musicien du Soleil », Philippe Beaussant nous révèle que ce ballet est « le premier grand ballet de cour entièrement et purement français qui soit sorti de la plume de l’ex-florentin… c’est la reprise du ballet de cour français dans sa pureté, avec la cour au centre, et au centre de la cour, le roi : jeune, beau, galant, mais désormais roi »… D’ailleurs « parler d’un ballet de cour n’est même plus tout à fait juste : il y a longtemps qu’il est devenu un ballet du roi ».
Et puis quelque 20 ans plus tard, des élèves du collège Louis Le Grand reprennent cette œuvre en la transformant de telle manière qu’elle prend des teintes de modernité proche de nos préoccupations actuelles.
Le préambule distribue les arts différemment : « Comme les arts sont en France plus florissants que jamais sous le règne de Louis le Grand, on a choisi ce sujet pour le ballet de cette année…. Les hommes y ont cherché d’abord que le nécessaire, ensuite le commode ; on est venu après au plaisir, et enfin on a porté les choses jusques à la magnificence. C’est ce qui fait les quatre parties de ce ballet ».
C’est ainsi que l’agriculture, la chirurgie et la guerre sont considérées comme « arts de nécessité », l’orfèvrerie comme « art pour la commodité », tandis que, déjà, la chasse est un « art de plaisir » et seule la peinture est un art pour la gloire et la magnificence.
L’ouverture pose déjà les arts comme un moyen de sortir de la sauvagerie : « Quelques sauvages représentant l’Ignorance, la Paresse et la Misère, qui règnent sur la terre avant que les arts fussent inventés, excitent la compassion des dieux qui prennent la résolution de les leur enseigner… ».
Le Ballet des Arts: une féerie apollinienne
Le Ballet de cour est un spectacle sophistiqué et multiforme, qui ne cesse de stimuler le plaisir du spectateur par des renvois constants et subtils entre images, musique, chant et texte.
Avec le Ballet des Arts – qui, dans l’esprit de ses commanditaires, devait constituer une exemplaire vitrine de la « manière de France » – cette esthétique à la fois savante et succulente est poussée jusqu’à ses dernières limites. Le propos lui-même – les arts – invite à un jeu de piste enchanté, dans lequel le roi, berger d’une sereine Arcadie, figure autant le souverain protecteur de son peuple qu’Apollon inspirateur des Muses.
C’est ce jeu à la fois léger et profond que notre spectacle veut recréer. Il s’agit donc d’imaginer un entrelacs d’images et de références respectant l’esprit de 1663, mais aptes à toucher le spectateurs contemporain. Quant au fond, un ouvrage comme Le Bestiaire d’Apollinaire et Dufy nous ouvre de fertiles voies de travail; pour la forme, les techniques modernes ou exogènes de la lumière, des projections, du théâtre d’objet, de l’acrobatie, voire de l’origami offrent la possibilité de réinventer un univers dont la beauté est simultanément familière et spirituelle.
L’aimable fantaisie
Se conformant scrupuleusement aux « règles du jeu », le spectacle respecte l’ordre original des sept entrées de 1663, leur rigoureuse alternance de noblesse et d’humour, ainsi que l’annonce systématique de ces entrées par les chanteurs; mais il s’attache tout autant à en restituer la fantaisie : tourbillon de personnages improbables ou surprenants – pirates, peintres, chasseurs, éclopés, guerrières; chocs de situations paradoxales – une séance de chirurgie extravagante succède à la hiératique chasse au cerf; décalage des styles – au sein d’échanges parfaitement précieux éclate une soudaine échappée sur le beau sein de mademoiselle de Sévigné…
Le jeu des renvois
Pour ce faire, notre choix est de réinventer les tableaux proposés par Isaac de Benserade.
La navigation, grand-oeuvre de Colbert, n’a plus d’à-propos, mais le jeu amoureux (« ne craignez point le naufrage, beaux yeux… »), si; et, plus encore, la métaphore de l’écriture : océan de mots, romans-fleuves, et bouteille à l’encre ! La guerre, devenue lutte amoureuse, nous renvoie à notre contemporain affrontement des sexes, que le jeu d’échecs peut aisément symboliser – surtout si pièces blanches et noires engagent les luttes qui mènent à la petite mort… La chasse – art noble au rituel complexe – se lit d’abord ici comme une altière parade dansée autour du cerf et de la biche traqués; mais elle suggère également l’exigence impitoyable des cérémonies mondaines de la Cour, et par là le danger de tous les rites sociaux pour qui n’en maîtrise pas les codes. En filigrane, il n’est pas interdit d’y voir le rapport incertain entre le monde et l’artiste créateur – car c’est bien d’art qu’il est toujours question.
Un ballet de papier
Le ballet ne s’embarrasse pas de décors : cette légèreté est celle de « la souveraine imagination, mère des arts ». Tout procède de l’esprit, tout est création : le papier, page blanche, réceptacle universel – de l’écriture, du dessin, de la musique, de la notation dansée, on en passe… – sert de fil conducteur au spectacle. De ce matériau éphémère et somptueux naissent, souvent à la vue du public, masques, coiffures, costumes, aires de jeu, pliages et accessoires. De toutes couleurs, de toutes consistances, brut ou imprimé de motifs, le papier sert les fantaisies de Claire Niquet, Olivier Bériot et Carlos Perez; mais il est aussi la métaphore de l’expression créatrice…
Le secret fil conducteur
Toutes ces clés, c’est le livret – de papier – qui les propose au spectateur.
A l’époque, le révélateur des énigmes – souriantes, galantes, poétiques, morales – est en effet le livret, élément-clé du ballet de cour. Remis à tous les spectateurs, il décrit en vers chacune des entrées, en décrypte les intentions, et multiplie les références, y compris par des quatrains dédiés aux aristocratiques danseurs, dont le caractère peut être d’une étonnante familiarité ou, au contraire, du style le plus soutenu.
De semblable manière, mais toujours avec le souci d’être fidèles à l’esprit plutôt qu’à la lettre, nous proposerons un « livret » à suivre tout au long du spectacle, dont les textes et les illustrations constitueront un rouage supplémentaire dans le système joyeux et savant du Ballet des Arts. Il lui reviendra en particulier de souligner à quel univers de beauté maîtrisée et souriante renvoie le ballet de cour, et combien l’art, plus encore peut-être aujourd’hui qu’hier, en est l’indispensable révélateur. » (La Simphonie du Marais)

Aborder l’art baroque aujourd’hui, c’est le réinterpréter totalement, dans le respect de cet esthétique avérée, de l’onirisme et de la liberté du geste poétique. C’est aussi en un regard actuel, restituer son expressivité mordante, sa cohérence qui doit faire toujours sens. Marie-Geneviève Massé et sa Compagnie en résidence à Sablé, L’Eventail, relisent tout ce que le Grand Siècle à venir, véhicule de fantasmes et de désir pour le merveilleux. Un fort désir d’enchantement partagé et vécu concrètement par le Roi et ses courtisans, acteurs des plus impliqués dans le déploiement de ces fastes typiquement français. Depuis Louis XIII et avant lui, la monarchie gauloise se représente dansante. Dans les pas réglés et la gestuelle codifiée, tout le royaume paraît en ordre millimétré, sous la domination d’un cœur axial : le souverain. Le régime politique encore incertain, s’impose dans une chorégraphie savante, spectaculaire dont l’inventivité offre un miroir idéalisé des intrigues, querelles de cour, de l’intense série des guerres menées par le Roi. Or quand le roi danse, l’art s’épanouit, non l’armée. Temps de paix recouvré pour un essor des fastes visuels, musicaux, scénographiques.
Le Ballet des Arts ( créé en 1663) est l’une des étapes d’un genre en perpétuel devenir, soucieux de démontrer la vitalité de l’expertise française en matière de divertissement. Mais un divertissement que l’exigence poétique et dramatique hisse au sommet des réalisations artistiques d’alors : en ses multiples facettes, le ballet de cour, façon Lully, est un acte politique, courtisan, une nécessité sociale, mais aussi un accomplissement artistique et culturel.

« Architecture savante – Pour comprendre les enjeux d’une partition complexe, le festival qui programme chaque jour à partir de 11h, ses « jardins secrets », où les artistes expliquent leur travail aux festivaliers, sait favoriser la pédagogie et l’explicitation des oeuvres présentées. Ce qui n’est guère un luxe au regard d’un ouvrage aussi complexe que peut l’être le Ballet des Arts. Quand le Roi danse, c’est donc tout l’appareil d’Etat qui se met en branle. La machine du spectacle symbolise la vitalité des institutions monarchiques, structurées autour du Souverain qui se rêve absolu. Cette architecture « savante » affirme la maîtrise du jeune Lully de 1663. Son génie structurant devait s’épanouir l’année suivante (1664) dans le nouveau genre de la comédie-ballet, avec le concours de Molière.
Ainsi le Ballet des Arts, créé le 8 janvier 1663, à Paris (Palais Royal), fixe-t-il un premier modèle et aussi, une étape décisive dans l’écriture du Florentin. Le ballet est devenu celui du roi : il manifeste un art de vivre politique lui-même précisément hiérarchisé. Louis XIV y paraît entouré des plus belles femmes de la Cour (La Vallière, La Mortemart, future Montespan : qui furent aussi ses maîtresses). Acteur premier du cycle des 7 Arts célébrés (dont l’agriculture, la navigation, l’orfèvrerie, la peinture …), le jeune souverain, comme guide (berger) et comme protecteur (Apollon), affirme la maturité française, en particulier vis à vis de l’incontournable raffinement italien.
Un art de la synthèse et de la surprise – Œuvre totale, avant l’opéra français créé en 1673, soit 10 ans après, le Ballet émerveille grâce à la diversité des styles, des genres, des registres et des disciplines associés. Chant, théâtre, pantomine, danse, acrobatie, déclamation (sur les vers de Benserade), musique (en vérité de Lully et de son beau-père, Michel Lambert : Lully étant alors le récent époux de Madeleine Lambert depuis 1662) : tout ici compose une symphonie du spectacle typiquement française qui ayant conscience de sa grandeur, se joue des effets de miroirs et de perspectives, aime interroger sa forme et ses limites, son sens profond, ses enjeux polémiques en un labyrinthe de codes, de références, de passerelles sans fin… C’est selon le mot de Vincent Tavernier, metteur en scène : « un millefeuille d’allusions, de références à l’actualité politique de la Cour, d’évocations multiples dont les clés sont à retrouver dans l’histoire mythologique et la fable amoureuse »… Comme dans le parc de Versailles, « le spectateur peut remarquer les grands axes du jardin. Mais il est invité aussi à découvrir les perspectives invisibles d’un premier regard, l’art de la surprise et des effets variés ».
L’art français se révélerait-il dans sa construction à la fois synthétique et surprenante ? Dans cette facilité enchanteresse qui associe le particulier et le général, le souci de l’unité, de la ligne et de l’élégance, et tout autant le désir de foisonnement sémantique ? (Classique.news)

 

Représentations :

Logis de La Chabotterie – 12, 13 août 2008 – Festival de Sablé – 19 août 2008 – Versailles – L’Orangerie du Château – 1er, 2 octobre 2008 – La Simphonie du Marais – dir. Hugo Reyne – Compagnie de danse l’Éventail – Marie-Geneviève Massé, chorégraphie – Vincent Tavernier, mise en scène – costumes Olivier Bériot – scénographie Claire Niquet – lumières Carlos Perez – avec Anouschka Lara (soprano), Mélodie Ruvio (mezzo), Romain Champion (haute-contre), Arnaud Richard (basse) – deux acrobates


Classique.news

« Ballet en miroirs – La production lyrique et chorégraphique phare présentée en ouverture du 30ème Festival de Sablé, recherche par ses options visuelles sans « déballage » de moyens (les costumes sont en papier, aucune machinerie ni projection d’aucune sorte…), en un regard multiple, souvent facétieux, le rêve et la féerie. L’approche sait jongler avec la diversité des registres poétiques sans pourtant épuiser la complexité d’un ouvrage à facettes et à clés. Citons le tableau de l’Orfèvrerie où paraît Junon habillée d’une robe aux arabesques à la Klimt avec sa coiffure façon infante d’Espagne : Louis XIV vient d’épouser en effet, l’Infante Marie-Thérèse) : l’entrée dansée qui suit évoque le profil des courtisans qui se pavanent en arborant le plumage d’un paon (oiseau emblème de Junon). Miroir critique des usages à la Cour, la danse ainsi recréée, illustre les arabesques des intrigants, superbes et dérisoires acteurs, arrogants et fiers, mais aussi serviteurs soumis à la gloire du monarque…
De surcroît, en une perspective d’allusions savoureuses, la répétition des plumages conçus en une série d’éventails, cite aussi le propre nom de la Compagnie de Marie-Geneviève Massé : L’Eventail. Ce jeu des miroirs et des citations en perspective, apporte une lecture particulière qui sait économiser effets et surprises, en un spectacle somme toute, minimaliste. Mais ici, le dispositif sait être clair et accessible. Visuel, il s’appuie en particulier sur les scènes comiques, comme dans l’entrée de la Chirurgie où la satire contre la vanité des médecins se fait acte de pure commedia dell’arte… comme dans l’entrée de la Navigation, où les acteurs dissimulés derrière des rideaux de douche en carton, minaudent, se taquinent, tour à tour belle sirène ou duo d’aguicheuses crevettes…
… Sur les planches et dans la fosse, les concepteurs-interprètes : Hugo Reyne, Marie-Geneviève Massé, Vincent Tavernier y mettent en lumière la diversité des clés qui s’offrent aux auditeurs : tout en dévoilant la richesse d’un divertissement en miroir, le trio sait surtout démontrer l’unité et la cohérence poétique de l’ouvrage. Ici pas de bougies « historiques », ni de travail spécifique sur l’articulation et la gestuelle dite baroque que défend simultanément un autre courant de l’interprétation lullyste. La relecture actualisante (jeu des lectures dans le tableau de la peinture où des peintres en bâtiment, acrobatiques, mettent en perspective la posture d’un peintre à l’époque de Louis XIV), limpidité des genres comique et tragique mêlés (admirable « acte » de la Chirurgie qui outre le talent du haute-contre Romain Champion, épatant médecin anesthésiste, sait réactiver l’acuité bouffone dont Lully était aussi capable), subtilité du français déclamé… tout s’entête à favoriser cette jouissance des sens qui a pu ravir les spectateurs de l’époque. De surcroît, en un peu moins d’une heure et trente minutes, la succession des 7 tableaux ne pèse d’aucune manière.
Dans la fosse, comme il l’a démontré dans un disque préalable (paru en juin 2008 chez Accord), Hugo Reyne confirme une évidente compréhension de l’orchestre de Louis XIV : vérité et richesse des accents, sens du panache et du solennel, poésie des récits et des airs (avec le continuo excellent composé entre autres par la basse de violon de Jean-Marie Quint, et le théorbe arachnéen de Benjamin Perrot). Le collectif s’électrise et s’enflamme dans l’évocation entre autres, de la guerre amoureuse qui se joue sur un échiquier martial (tableau final de la Guerre)… »

Concertclassic

« Pendant plus de vingt ans, le Ballet de Cour lullyste a rythmé fêtes et divertissements de Louis XIV au début de son règne. Et au sein de cette production, le Ballet des Arts, sur un livret d’Isaac de Benserade, occupe comme une position stratégique. Monté au Palais Royal en janvier 1663, il est le premier grand ballet de cour composé par le Florentin, par-dessus tout désireux de plaire au jeune monarque épris de musique, et plus encore, de danse, sa passion première.
A Versailles, même logé à l’Orangerie du château, Lully est chez lui et le Centre de Musique Baroque a eu la main heureuse en ouvrant les Grandes Journées qu’il lui consacre en 2008 avec cet ouvrage emblématique, reflet des années faciles où Louis se livrait tout à son aise au « délicieux métier de roi ». S’agissant bien plutôt ici d’une « reconstruction », car il ne pouvait être question d’un réveil supposé à l’identique, ce qui eût impliqué un luxe de moyens – et donc un coût – difficilement concevable aujourd’hui (ainsi la richesse des machineries et costumes d’époque, sans parler de l’ampleur des effectifs, artistes professionnels, roi, famille royale et courtisans inclus).
De toute façon, l’œuvre n’est pas qu’allégorie résolument baroque, mais très pertinente mise en représentation du pouvoir, exigeant des exhumateurs qui soient de fins experts dans ce domaine. Jamais kitsch, jamais « rétro », la Compagnie l’Eventail, confiée au savoir-faire de sa fondatrice Marie-Geneviève Massé, est le guide qu’il nous fallait, danseurs et acrobates irrésistiblement fédérés en l’occurrence. Cependant qu’aux intuitions de la chorégraphe, répondent les jolies trouvailles de la mise en scène (Vincent Tavernier et ses complices Olivier Bériot, costumier, et Claire Niquet, scénographe toujours conviviale, imaginative).
De ce fait, le ballet se feuillette comme un livre d’images, guirlande de tableaux heureux pour dire l’épanouissement des arts et des sciences, à l’instigation du souverain, travesti en nouvel Apollon par la plume courtisane de Benserade. Un scénario propice au dithyrambe, mais dispensateur aussi d’une ironie décapante (l’Entrée de la Chirurgie qui tourne au procès de la médecine, effets débridés et clin d’œil à Molière à l’appui, ou celle de la Peinture qui tire sur d’immenses feuilles à dessin de désopilants portraits-charges aux frontières du nonsense) et qui surtout évite le piège de la reconstitution formaliste, faisant du neuf sans rien casser, bref, libérant le sens et le geste sans masquer l’œuvre. Et, bien évidemment, les rares vertus de la partie musicale ne doivent pas être oubliées, du stimulant instrumentarium – son, virtuosité, rythmes – de la Simphonie du Marais et de son avisé directeur Hugo Reyne, talents unanimement reconnus dans le décor du concert Grand-Siècle, aux solistes du concert vocal (Anouschka Lara, Mélodie Ruvio, Romain Champion, Arnaud Richard), de bout en bout inattaquables, dans le chant comme dans le dire. »