Jean-Marie LECLAIR

Jean-Marie LECLAIR
10 mai 1697 (Lyon) – 22 octobre 1764 (Paris)

 

Gravure par Jean-Charles François, d'après Alexis Loir
SCYLLA ET GLAUCUS
 

Il apprend dans sa jeunesse l’art de la dentelle (c’était le métier de son père), la danse et le violon. Il commence ensuite une carrière de danseur et de maître de ballet, à Lyon puis à Turin, où il rencontre Somis avec lequel il se perfectionne dans le violon. A Paris, à Londres, à Kassel (où il joue avec Locatelli), il connaît vite un grand succès. De 1733 à 1737, il est musicien ordinaire de Louis XV. De 1738 à 1743, il vit à La Haye. Après un bref passage à Chambéry (1747), il se fixe enfin à Paris où il est directeur musical et compositeur du duc de Gramont. Il fut assassiné dans la nuit du 22 octobre 1764, peut-être par son neveu (ou par Jean-Jacques Rousseau ?).

À l’instar de Rameau, c’est proche de la cinquantaine que Jean-Marie Leclair aborda le domaine du théâtre avec Scylla et Glaucus, tragédie lyrique en un prologue et cinq actes, sur un livret d’Albaret inspiré des Métamorphoses d’Ovide. Dédiée à la comtesse de Lamarck, l’oeuvre fut créée à Paris, avec succès, à l’Académie royale de Musique, le 4 octobre 1746, reprise quelques semaines plus tard avec une pantomime ajoutée, Histoire d’une jardinière et d’un jardinier, puis plusieurs fois rejouée à Lyon entre 1750 et 1755 avec de légères modifications.

Fondateur et grand virtuose de l’école française du violon, Leclair a su dans son oeuvre opérer la fusion des styles italien et français. Son style élégant et brillant et sa science du contrepoint donnent à ses concertos et à ses sonates une valeur presque égale à ceux de Vivaldi. (Fiche du Ministère des Affaires étrangères & Musique Baroque de l’école Versaillaise)

 

Jean-Marie Leclair, dit l’Aîné

Jean-Marie Leclair est originaire de Lyon. Et comme ils sont huit dans la famille, dont deux frères se prénommant Jean Marie, celui dont je vais vous parler est dit l’Aîné (05/10/1697). Avant d’être compositeur, il était passementier – et fut même reçu Maître Passementier – mais il fut aussi danseur – notamment à l’opéra de Lyon, lieu où il connut celle qui deviendra sa première épouse. Puis il fut recruté par l’opéra de Turin, ou il devint Premier danseur et Maître de Ballet (1722). En 1723, de retour en France, il s’installe à Paris, retourne à Turin (où il en profite pour prendre quelques cours avec le trop célèbre G.B. Somis). Puis, de nouveau, revient s’installer à Paris et fait ses débuts au Concert Spirituel (en 1728). Et comme il paraît que les voyages forment la jeunesse, Leclair va sillonner les routes d’Europe. Ainsi, il va visiter la Hollande (et rendre visite à Locatelli), l’Espagne (mais pas celle que nous connaissons, puisque c’est Chambéry qui l’accueille, pour une courte visite à l’Infant d’Espagne, Don Philippe – la Savoie est possession de l’Espagne), la Prusse (à la cour de Cassel, où il se produit avec Locatelli en concert). Et comme Rameau – qui a la chance de travailler pour le Fermier Général de La Poupelinière et d’avoir un orchestre à ses ordres -, il accepte l’offre du Comte de Gramont : la direction de l’orchestre du Théâtre de Puteaux. En 1758, il se sépare de sa seconde femme et semble se retirer – car sinon pourquoi choisir un quartier isolé réputé comme étant sinistre, bien au-delà de la barrière du Temple. Et nul ne saura qui et pourquoi il fut assassiné dans la nuit du 22/10/1764 (et les hypothèses émises ne sont et ne resteront que des hypothèses).

C’est en 1737, que Jean-Marie Leclair commence à publier ses Récréations de Musique. Récréations ! Pour qui ? Jean-Marie Leclair note sur la partition  » Récréations de Musique d’une exécution facile ». Certes pas de virtuosité excessive mais, ici, tout n’est que délicatesse (dans un monde de brutes me direz-vous – la Guerre de Succession de la Pologne se termine). Pour en terminer avec les repères chronologiques, cette année-la Rameau présente pour la première fois son « Castor et Pollux » (le 24 août, très exactement). Et comme pour mieux appuyer cette remarque, le compositeur fait imprimer l’avertissement suivant : « Ce petit ouvrage ne peut être rendu que d’autant que les personnes qui l’exécuteront seront susceptibles de goût, de finesse dans le jeu, et de précisions pour la mesure ». Et comme pour mieux aider les « baroqueux » des générations futures, il ponctue des divers manuscrits de conseils, tel celui-ci : « je n’entends point par le terme allegro un mouvement trop vite ; c’est un mouvement gai. Ceux qui le pressent trop rendent le chant trivial au lieu d’en conserver la noblesse ». Bon, allez, je passe sur le travail du musicologue – qui est et ne reste qu’au service de l’interprète – car, il y aurait fort à dire ……… Sur la structure, rien de révolutionnaire. Ces récréations sont en fait des suites : ouverture ( à la française, digne de Lully), puis des danses (forlane, menuets, gavottes, passepied, sarabande, chaconne, badinage, tambourins). Elles sont encore à la mode sous Louis XV et font le plaisir de la cour, mais aussi des « salles » de bal parisiennes. Oui, rien de révolutionnaire. Jean-Marie Leclair semble s’être donné un peu de temps libre. Pourtant, en y regardant à deux fois (ou plutôt en y écoutant à deux fois), nous pourrons observer d’infimes évolutions. Certes la musique coule et s’écoule, mais nous nous sommes éloignés de ses guirlandes incessantes de notes. Le continuiste (claveciniste, théorbiste ou gambiste), bien que présent, se tait parfois, laissant le champ (chant) libre aux violonistes. Le silence habité (cher au siècle suivant) n’est pas loin de poindre son nez. La seconde galette argentée est le reflet exact de ce que l’on imagine lorsque l’on entend prononcer le nom de Jean-Marie Leclair. Ici, la virtuosité est présente. Ah, je vous vois sourire. Mais non, pas celle-la de virtuosité, celle des…..baroqueux. D’ailleurs, comme pour les partitions précédentes, l’auteur fait imprimer un avertissement permettant de sensibiliser l’interprète. Des les premières notes, la musique fuse et brille de mille feux. Oui, c’est un feu d’artifice. Si j’osais, je dirai que nous sommes en présence de la symbiose entre deux styles qui se sont constamment affrontés, jusqu’à déclencher la trop célèbre Querelle des Bouffons. L’esthétique française alliée a la virtuosité et l’exubérance italienne. Pour preuve, cette Oeuvre XIII (de 1753) ne porte-elle pas comme titre : Ouvertures et Sonates en Trio ? Nous sommes donc bien en présence d’une tentative de réconciliation – ce que l’on appelle les Goûts Réunis – : à la France les ouvertures, à l’Italie les sonates. Mais la symbiose va bien au-delà de ces simples titres de composition. Ainsi, lorsque nous écoutons consciencieusement, nous pouvons discerner les influences de Vivaldi ou de Corelli dans ces ouvertures. Et ces sonates !!!! Le rythme pointe – typique de l’ouverture à la française – et la forme en rondeau (euhh, oui celui-ci de rondeau, pas l’autre [rondo])…. Nous sommes bel en bien en présence d’un mariage de deux styles qui pourtant se sont souvent affrontés. Et j’avoue que j’aurai beaucoup de mal à vous donner mes préférences. Que ce soient les ouvertures ou les sonates, je les déguste avec le même régal. Le cocktail risque d’être détonnant : une dose d’ouverture, une dose de sonate et une grosse dose de recréation – et me voici « zen » pour un bon bout de temps. Décidément, « Zen » bien Jean Marie Leclair…

Références

– Jean-Marie Leclair, Recréations en musique, op. VI et op. VIII, Ensemble Baroque de Limoges, Jean-Michel Hasler, Walter Reiter, Bernard Bessone, Philippe Foulon, Mauricio Buraglia, chez Ades, Ref. : ADE 680

– Jean Marie Leclair, Ouvertures et Sonates en Trio, Op. XIII, Les Talents Lyriques (Florence Malgoire , Ryo Terakado, Kaori Uemura), Christophe Rousset, chez Virgin Veritas, coll. Musique a Versailles, Ref. : 7243 5 61677 2 8 (PS : pour les amateurs de continuo, attardez-vous sur le travail des continuistes, il est fabuleux !!!!! )

Belle page biographique inspirée à Mylène Pardoen par les « Récréations en musique » par l’Ensemble baroque de Limoges, et les « Ouvertures et sonates en trio », par les Talens Lyriques.

Pour en savoir plus :

Bibliographie